Page 3 EduKlub S.A.
Tous droits de l’auteur des œuvres réservés. Sauf autorisation, la reproduction ainsi que toute utilisation des œuvres autre que la consultation
individuelle et privée sont interdites.
Culture Générale
Savoir et ignorer
Dissertation
La réforme du savoir et l’ignorance sous la forme du préjugé.
La question « que puis-je savoir ? » implique donc au préalable l’examen de la question
« comment puis-je savoir de manière certaine ? ». C’est la question posée par Descartes
au début du Discours de la Méthode : la quête du savoir doit commencer par une réforme
du savoir, par l’examen de ce que l’on sait déjà. Descartes, passant en revue ce qu’il a,
depuis l’enfance, reçu en son esprit, ne trouve rien qui manifeste la moindre marque de
certitude. On a ainsi, avec le préjugé (voir définitions), une forme d’ignorance : celle du
savoir simplement reçu et qui n’a pas fait l’objet d’un examen personnel. Au chapitre II du
Discours, Descartes énonce quatre préceptes de méthode, qui permettront de mettre à
l’épreuve tous les savoirs, afin de n’acquérir que des connaissances certaines et évidentes.
I.2. Savoir par avance ce que l’on ignore encore.
I.2.1. L’idée de progrès.
Descartes, en appliquant les préceptes de la méthode, s’applique aux sciences, en
commençant par l’arithmétique et par la géométrie : « comme, en effet, j’ose dire que
l’exacte observation de ce peu de préceptes que j’avais choisi me donna tellement de
facilité à démêler toutes les questions auxquelles ces deux sciences s’étendent, qu’en
deux ou trois mois que j’employais à les examiner, ayant commencé par les plus simples
et les plus générales, et chaque vérité que je trouvais étant une règle qui me servait après
à en trouver d’autres, non seulement je vins à bout de plusieurs que j’avais jugées
autrefois très difficiles, mais il me sembla aussi vers la fin, que je pouvais déterminer, en
celles mêmes que j’ignorais, par quels moyens et jusqu’où il était possible de les
résoudre » (Deuxième partie, pages 56 et 57 de l’édition Presses Pocket). La méthode,
par l’ordre qu’elle fait entrer dans les connaissances, permet même d’anticiper sur ce que
l’on ne sait pas encore. Elle ouvre ainsi la voie d’un progrès indéfini dans le savoir,
précisément parce qu’elle laisse envisager que tout le savoir que je pourrais accumuler ce
laissera ordonner selon les mêmes règles méthodiques.
C’est ainsi l’idée d’un progrès des sciences qui est affirmée ; si l’on dispose par avance
des critères du savoir véritable, on peut dés lors savoir en un sens ce que l’on ignore
encore : on sait au moins quelle forme prendra ce savoir.
I.2.2. Le caractère indéfini de ce progrès.
Il n’y a pas de raisons de poser une limite à ce progrès du savoir : cela supposerait de
pouvoir par avance savoir que quelque chose que j’ignore ne pourrait pas être connu. Or
comment pourrais-je connaître que quelque chose ne peut être connu ? Il y a une
contradiction à affirmer que quelque chose ne peut être connu, puisque cela suppose de la
connaître assez pour pouvoir déterminer qu’elle ne peut être connue. Au contraire, la
seule chose que l’on puisse dire par avance, c’est que l’on sait déjà à quels critères devra
répondre la connaissance de ce qui n’est pas encore connu et que l’on sait déjà par
conséquent sous quelles formes l’inconnu peut être connu.
I.2.3. Dimension politique de la possibilité de tout savoir.
L’idée de progrès du savoir a aussi une dimension politique : le projet des Lumières en est
l’expression. L’ignorance étant définie comme le simple défaut du savoir, on peut imaginer
Page 4 EduKlub S.A.
Tous droits de l’auteur des œuvres réservés. Sauf autorisation, la reproduction ainsi que toute utilisation des œuvres autre que la consultation
individuelle et privée sont interdites.
Culture Générale
Savoir et ignorer
Dissertation
apporter progressivement la lumière à des cercles de plus en plus large de la société.
Pourquoi le savoir serait-il cependant une valeur en politique ? Puis-je tout savoir de ce
qui se passe dans la société ? Est-ce souhaitable ? Kant, à la fin du Projet de Paix
Perpétuelle (p. 77 et suivantes de l’édition Vrin), affirme qu’il n’y a pas de justice «en
dehors de la forme de la publicité ». En effet, le fait que tout le monde puisse savoir que
tel ou tel prépare telle action, est un gage de la justice de celle-ci : « une maxime, en
effet, que je ne puis divulguer, sans faire échouer du même coup mon propre dessein qu’il
faut absolument dissimuler pour réussir, et que je ne puis avouer publiquement, sans
provoquer par-là inévitablement la résistance de tous à mon dessein » est nécessairement
injuste. Si la nature n’a a priori pas de secret pour le savoir, la politique, si elle veut être
juste, ne devrait pas non plus en avoir : la justice implique que je puisse tout savoir. Une
action juste est telle que celui qui s’apprête à la commettre ne peut craindre le fait que
chacun puisse savoir ce qu’il va faire.
Transition. La possibilité que je puisse tout savoir repose sur le fait que
l’ignorance puisse être définie comme un simple défaut de savoir : l’absence d’un savoir
que je devrais posséder, la simple privation d’un savoir.
Cependant, s’il s’avérait que je puisse rencontrer une ignorance qui ne soit pas le simple
fait d’un manque d’information, de culture, d’éducation, il me faudrait réviser mon
jugement sur ce que je peux savoir.
II. Les limites du savoir.
II.1. Les limites du savoir théorique : une ignorance objective.
II.1.1. La contingence.
Une chose est contingente s’il n’est pas nécessaire qu’elle soit telle qu’elle est : elle aurait
pu être différente, être ou ne pas être telle. Si un domaine inclut une certaine
contingence, il devient impossible de savoir avec nécessité comment les choses seront à
tel moment. Le domaine des affaires humaines est ainsi, pour Aristote, soumis à la
contingence. Par conséquent, l’action politique ne peut se fonder sur un savoir certain des
circonstances : on en peut savoir avec certitude comment les choses tourneront, quelle
sera l’issue d’une action. Il y a donc là une ignorance des effets qui n’est pas l’effet d’une
absence subjective de savoir, du préjugé, du manque de culture. Aristote, au chapitre VI
de l’Ethique à Nicomaque, définit le savoir que doit posséder l’homme politique comme
«prudence ». Ce savoir consiste à savoir se jouer des circonstances et choisir le moment
opportun pour agir. Mais il ne se fonde pas sur des principes universels et sur la
certitude : on ne peut pas savoir comment l’homme politique qui réussit dans ses actions
à su quelles circonstances choisir, et lui ne le «sait » pas non plus clairement. Il s’agit plus
d’une «intuition » que d’un savoir (cf. dans l’étude de texte, la définition par Platon du
savoir des hommes politiques comme « inspiration divine »).
II.1.2. Le bonheur.
Kant, au tout début des Fondements de la Métaphysique des Mœurs, se demande si la
nature nous aurait donné la raison pour guide, si elle avait voulu nous rendre heureux.
Fichier généré pour Visiteur (), le 17/04/2017