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Ces différentes caractéristiques s’apparentent fortement à des phénomènes observés
dans les situations d’exception générant des dynamiques de crise : enjeux considérables,
implication d’un grand nombre d’acteurs, problèmes de communication, incertitude
extrême, longue durée, etc. (Lagadec, 1996).
Globalement, les crises répondent à trois conditions qui les distinguent des situations de
gestion dites « normales » : elles engendrent un processus de déstabilisation de
l’organisation dont les enjeux sont considérables, elles ont des conséquences à la fois
spatiales, temporelles, comportementales et stratégiques, et elles bouleversent le cadre
de référence des décideurs, entraînant d’énormes difficultés d’appréhension et de
gestion (Roux-Dufort, 1997 ; Forgues, 1996). Ces trois conditions se trouvent réunies
dans bon nombre de fusions, notamment lorsque le processus d’intégration vise à
rapprocher rapidement les deux structures.
En effet, si l’objectif des dirigeants qui décident de fusionner est d’obtenir des résultats
rapides en termes de performance, gains de productivité au niveau industriel, puissance
financière… ils savent que pour y parvenir, de nombreux services, départements de
chacune des deux sociétés vont devoir s’intégrer plus ou moins rapidement pour, à
terme, ne plus en former qu’un seul. Le processus d’intégration est donc, à ce titre, très
ambigu car d’une part, il vise à l’unification, et d’autre part, il va entraîner un élagage
de tout ce qui est superflu, tant au niveau des produits ou des activités qu’au niveau des
ressources humaines.
L’objectif de cet article est donc d’envisager dans quelle mesure la gestion de crise et
les logiques de réponse qui lui sont rattachées peuvent permettre de mieux gérer cette
ambiguïté afin de mettre en place un pilotage du changement qui va permettre de
réaliser les synergies attendues de l’opération dans les meilleures conditions possibles.
Cette recherche théorique trouve sa source à la fois dans une synthèse de la littérature
sur les phénomènes d’intégration post-fusion ainsi que sur la gestion de crise, et dans
l’expérience de l’auteur en matière de fusion d’entreprises.
Dans une première partie, nous présenterons une analyse du processus d’intégration
permettant de mettre en évidence à quel moment précis la fusion peut basculer dans une
dynamique de crise. La deuxième partie s’attachera ensuite à étudier les conséquences
humaines et organisationnelles des fusions sous l’angle de la gestion de crise, l’objectif
étant d’expliquer comment traverser la période de turbulence qui fait suite à l’annonce
de l’opération pour passer à une phase, plus constructive, de gestion du changement.
1. ANALYSE DU PROCESSUS D’INTEGRATION ET MISE EN EVIDENCE DE LA PHASE
DE TURBULENCE ORGANISATIONNELLE
Le processus d’intégration est déterminant de l’issue d’une fusion. En effet, fusionner
deux entreprises ne consiste pas seulement à additionner des chiffres d’affaires et des
parts de marché, mais également à mélanger des hommes, des méthodes de travail et des
cultures. C’est seulement à cette condition que l’opération peut être créatrice de valeur à
la fois pour les salariés et pour les actionnaires. Selon les opérations et le contexte dans
lequel elles se situent, l’intégration sera plus ou moins planifiée (Pritchett, 1985). Cette
étape du processus de fusion est souvent perçue par les dirigeants comme devant être
réalisée rapidement dès lors que les salariés des deux entités sont avertis de l’opération