ONCLE MATERNEL – NEVEU :

publicité
ONCLE MATERNEL – NEVEU :
une relation privilégiée chez les Éwondo
Marie-José Simone ONAMBÉLÉ
ONCLE MATERNEL – NEVEU :
une relation privilégiée chez les Éwondo
© L’Harmattan, 2010
5-7, rue de l’Ecole polytechnique ; 75005 Paris
http://www.librairieharmattan.com
[email protected]
[email protected]
ISBN : 978-2-296-13322-8
EAN : 9782296133228
(ngə) ònòón ó só wà lóŋ dùmbá á mgbág dzàál, ngə ó sə
màán.kál, ó nə ndóm-nyìáŋ,
« L’oiseau qui vient bâtir son nid près de chez toi, s’il n’est
l’enfant de ta sœur, il est le frère de ta mère.» (Proverbe bëti).
DÉDICACE
À ma mère Odile et à toute sa famille,
À tante Cathérine et à son oncle maternel Zacharie Ondoa,
À mon oncle Raphaël Onambélé,
À mes oncles maternels Thomas, Pius, Edouard, Pierre et
Henri et à leurs enfants Marcel, Anne, Aloys, Xavier et Patrice.
REMERCIEMENTS
Je remercie de tout cœur M. Yacob Fuda et mes autres
informateurs pour leur maîtrise de la culture bëti et pour leur esprit
de partage,
Mes parents et amis, mes frères et sœurs Jean Claude et Désiré
Onambélé, Yolande Mballa, l’Abbé Michel Kouam, Séraphine
Ngayihi, Salomé et Célestin Ngoura pour leur soutien et leurs
conseils,
Mme Julienne Djeugkwé pour sa compétence, Mme Chantal
Liliane Ondoa pour sa patience et, M. Messele m’Eboutou pour sa
disponibilité.
À vous tous, merci.
PRÉFACE
L’ouvrage que Marie-José Simone Onambélé, anthropologue
et historienne de formation, met à la disposition du public,
s’intitule : Oncle Maternel - Neveu avec un sous-titre explicite et
éclairant : Essai sur la Relation Privilégiée Oncle Maternel / Neveu
Utérin chez Les Éwondo du Cameroun Central.
Une analyse des définitions scientifiques confrontée aux
réalités observées a amené notre auteur (2010 : 9) à entendre par
avunculat « la relation privilégiée et socialement entretenue entre
l’oncle maternel et le fils de la sœur ; elle implique des droits et des
devoirs réciproques aussi bien, dans les sociétés à filiation
matrilinéaire que dans les sociétés à filiation patrilinéaire ».
L’avunculat, faut-il le rappeler, constitue un sujet abordé de
longue date et amplement étudié par les spécialistes des Sciences
sociales dans diverses sociétés nord-américaines, océaniennes,
asiatiques et africaines. L’auteur note que, dans toutes ces sociétés,
les anthropologues ont constaté avec pertinence la fréquence de ce
fait social total et en ont fourni la description et l’interprétation.
Si tel est donc le cas, pourquoi et de quel droit Marie-José
Onambélé peut-elle se permettre de rouvrir le dossier de
l’avunculat, de revisiter un champ d’études si investi et fouillé par
les spécialistes ? N’est-ce pas là vouloir enfoncer candidement une
porte largement et grandement ouverte ?
Á ces objections, l’auteur oppose les arguments suivants pour
justifier sa démarche heuristique :
¾ la relation avunculaire ne serait pas assez connue du grand
public camerounais et africain. Il convient, en conséquence, de
l’envisager sous un angle nouveau, pour la rendre attrayante et
séduisante au grand nombre des gens ;
¾ cette recherche entreprise sur l’avunculat chez les Ewondo
revêt une valeur propédeutique, mieux, une portée initiatique
permettant à Marie-José Onambélé d’approfondir la connaissance
scientifique de l’univers culturel bëti, où l’avunculat existe et où il
semble être la relation la plus forte, la plus riche et la plus belle du
système de parenté bëti ;
¾ enfin, par la consignation par écrit des résultats de sa
recherche et par la publication de cet essai, Marie-José Onambélé
entend commencer à combler fermement le manque criard
d’ouvrages de portée scientifique sur l’avunculat dans les librairies
et les bibliothèques de la place.
En profondeur, la recherche documentaire et/ou
bibliographique effectuée par Marie-José Onambélé a mis en
évidence l’existence des différences considérables entre la
conception originale de la relation avunculaire telle qu’elle est
vécue par les Bëti et particulièrement par les Éwondo et ce que
dévoilent les anthropologues dans leurs multiples écrits sur les
autres peuples d’Afrique, d’Asie, d’Amérique ou d’Océanie. Ainsi,
par exemple, la possibilité de mariage entre cousins croisés
matrilatéraux, c’est-à-dire entre les enfants des sœurs et ceux de
leurs frères, ce qui n’est pas le cas chez les Bëti et particulièrement
chez les Éwondo du Cameroun Central.
En définitive, l’essai sur l’Oncle Maternel et le neveu chez les
Éwondo, est à la fois : une description ethnographique de la
relation parentale éwondo ndóm nyiá, « le frère de la mère », et
màán kál, « l’enfant de la sœur », une description ethnographique
détaillée des privilèges et des devoirs de la dyade oncle maternel /
neveu / nièce utérin (e) dans l’univers culturel ewondo, et une
tentative « d’interprétation de la parenté utérine ». C’est-à-dire
que l’auteur entend systématiser les données ethnographiques
collectées, en vue d’en proposer une lecture anthropologique
approfondie qui donne un sens et une unité significatifs à ces faits
qui pouvaient apparaître disparates à plus d’un. Enfin, dans la
« synthèse », l’auteur tente d’établir sans concession le bilan
critique de cet essai anthropologique sur l’avunculat chez les
Éwondo qui entendait être à la fois diachronique et synchronique.
Voilà, brossée à grands traits, la démarche heuristique de
l’auteur.
Oncle Maternel - Neveu recèle incontestablement des
richesses, mieux, des agapes spirituelles diverses et variées. Ainsi
12
par exemple, il constitue une somme impressionnante de données
ethnographiques originales, inédites, sur la relation avunculaire
dans l’univers culturel bëti. Généralement, les faits y sont présentés
et dépeints dans un style très imagé et savoureux. La clarté du texte
rend la lecture aisée, captivante. Page après page, les lecteurs
apprennent, sans s’ennuyer, une foule d’informations sur la culture
bëti en général. L’illustration d’une pédagogie originale, n’est-ce
pas ? La pédagogie originale distrayante !
De toutes ces richesses foisonnantes, je veux retenir, ici, deux
aspects importants qui ont singulièrement impressionné mon
esprit : la clarté du texte de l’essai et ce que Charles-Henri
Pradelles de Latour a appelé « les étrangers du dedans et ceux du
dehors » et son implication fondamentale.
D’abord la clarté du texte de l’essai : le grand mérite de MarieJosé Onambélé consiste à savoir exprimer des idées compliquées,
complexes, en des termes simples, clairs, nets. De sorte que le
lecteur puisse appréhender facilement le message que notre auteur
a voulu transmettre. Or, les spécialistes des Sciences sociales
savent très bien que la parenté constitue l’un des chapitres
difficiles, très difficiles en anthropologie. Et il convient de rappeler
que ladite difficulté se situe au niveau de la discipline même à
cerner et à comprendre.
Ensuite, l’implication fondamentale des « étrangers du dedans
et de ceux du dehors ».
Mais qui est donc « l’étranger du dedans » ?
Par cette expression apparemment énigmatique, C.-H.
Pradelles de Latour, en anthropologue et psychologue de renom,
désigne, dans un système de parenté où se pratique l’avunculat,
Ego. En effet, dans cette structure, Ego est l’autre, l’étranger qui
est proche. Il est proche, mais en même temps, c’est un alter, un
« étranger du dedans ». Le neveu utérin est à la fois un proche et un
alter. Et en tant qu’ « étranger du dedans », il est à l’écart des
conflits, des haines et des jalousies du patriclan de sa mère. En
conséquence, Ego n’a pas le droit de s’immiscer dans les questions
politiques et domaniales du patriclan de son oncle maternel. En
d’autres termes, les intérêts d’Ego se jouent uniquement là où il est
13
fils de clan, c’est-à-dire dans le clan de son père et de ses
ascendants paternels. En définitive, Ego est à la fois externe au
patriclan de sa mère et il en est très proche.
Du constat et de l’analyse de ces faits anthropologiquement
dignes d’intérêt, C.-H. Pradelles de Latour aboutit à la conclusion
très importante suivante :
Les sociétés patrilinéaires, comme les Bëti, « restent des
sociétés ouvertes non seulement aux étrangers du dedans mais
aussi à ceux du dehors ».
De là, Marie-José Onambélé conclut, à son tour, que ces
sociétés à filiation patrilinéaire sont intrinsèquement et
fondamentalement non xénophobes ; ce sont des sociétés
xénophiles.
Voilà donc le fondement de l’hospitalité légendaire des Bëti et
des groupes ethniques qui leur sont semblables et qui partagent
avec eux la filiation patrilinéaire et l’avunculat.
Comme l’observateur averti le voit, le livre de Marie-José
Onambélé présente un intérêt certain. Les lecteurs gagneraient à le
découvrir et l’apprécier à sa juste valeur./Dr. Célestin Ngoura
Anthropologue Ethnolinguiste
Université de YAOUNDE I (CAMEROUN).
14
AVERTISSEMENT
Au niveau de l’écriture, nous avons adopté l’écriture
phonologique, en appliquant les principes de base de la graphie
éwondo, tels enseignés par l’Abbé Prosper Abéga, professeur de
linguistique à l’Université de Yaoundé de 1968 à 1993.
Toutefois, pour faciliter la dactylographie du texte, nous avons
introduit quelques modifications. Ainsi, le son français [gn] comme
dans [pagne] est rendu par [ny].
En outre, à [àj], nous avons préféré [àì].
Enfin, lorsqu’une voyelle porte un ton modulé bas-haut, par
exemple, nous avons dédoublé ladite voyelle, restant fidèle en cela
à la convention internationale.
AVANT-PROPOS
Voici douze ans que la rédaction de ce travail est achevée !
Et mes informateurs Jacques, Emile Edouard, Marie,
Catherine, Odile, Elisabeth et Mathieu Owono Elono, heureux de
laisser à la postérité un message riche en enseignements, guettaient
la parution du livre. Pour beaucoup, ce fut en vain.
Mais, cette attente qui a semblé inutile, a finalement porté du
fruit. Le livre est là. L’injustice est réparée.
De plus, même si je dois reconnaitre le caractère limité de ma
connaissance de la culture bëti, ainsi que sa fragilité, je peux me
réjouir d’avoir contribué à une meilleure compréhension de la
relation privilégiée neveu utérin/oncle maternel chez les Bëti.
L’intime conviction de mes interlocuteurs d’antan était que
cette relation était une belle invention de leurs aïeux, et qu’elle
valait la peine d’être vécue et transmise aux jeunes générations.
Puisse le lecteur ressentir la beauté ainsi relevée et la faire
rejaillir dans sa vie !
INTRODUCTION
Nous nous proposons, dans ce travail, d’étudier la relation
oncle maternel-neveu utérin. L’oncle maternel est la personne qui
donne un titre à cette étude. En effet, le terme avunculat vient du
mot latin « avunculus », oncle maternel. Le Petit Larousse définit
l’avunculat comme le « système d’organisation sociale propre aux
sociétés à filiation matrilinéaire et dans lequel la responsabilité
principale de l’enfant est assurée par son oncle maternel 1».
Certes, la filiation matrilinéaire est celle qui met fortement en
évidence, à travers un système d’organisation sociale précis, la
relation oncle maternel-neveu utérin. Mais, des faits observés chez
les Bantou du Cameroun Central et consignés dans plusieurs
travaux ethnographiques2 attestent que des relations fortes et
socialement visibles existent entre l’oncle maternel et l’enfant de la
sœur à l’intérieur des sociétés à filiation patrilinéaire, comme les
Fang, les Bëti et les Bulu du groupe dit Pahouin, en Afrique
Equatoriale. Bien plus, Claude Lévi Strauss, théoricien de la
sociologie familiale, affirme que « l’avunculat se rencontre associé
à des régimes patrilinéaires aussi bien qu’à des régimes
matrilinéaires3 ».
Par ailleurs, une deuxième définition tirée du Dictionnaire des
Sciences Humaines présente l’avunculat comme « l’ensemble des
droits et des devoirs que l’homme assume vis à vis du fils de sa
sœur ainsi que l’autorité que la société lui reconnait en cette
capacité4 ». Les notions de droits, de devoirs et d’autorité de cette
autre définition viennent compléter celle de force relevée plus haut.
1
Le Petit Larousse illustré, Paris, édition 2005, p 132.
Balandier (G), Sociologie Actuelle de l’Afrique Noire, P.U.F, Paris, 1963, p 118119.
Laburthe-Tolra (P), Les Seigneurs de la Forêt, Publication de la Sorbonne, Paris,
1981.
Ombolo (J.P.), Les Eton du Cameroun, Yaoundé, septembre 1983.
3
Lévi Strauss (C), Anthropologie Structurale, Plon, Paris, 1974, p 48.
4
Gresle (F), Panoff (M), Perrin (M), Tripier (M), Dictionnaire des Sciences
Humaines Sociologie / Anthropologie, Nathan, Paris, 1997, p 28.
2
Ainsi, pour nous, l’avunculat est la relation privilégiée et
socialement entretenue entre l’oncle maternel et le fils de la sœur et
qui implique des droits et des devoirs réciproques aussi bien, dans
les sociétés à filiation matrilinéaire que celles à filiation
patrilinéaire.
En outre, l’ancienneté d’un ouvrage de référence comme celui
de Georges Balandier5 ou bien celle, plus grande encore, de
l’article de Robert H. Lowie, The matrilineal complex (publié en
1919) montre bien qu’il ne s’agit pas ici d’un nouveau thème
d’étude en anthropologie. Loin de là ! La relation avunculaire, au
contraire, a déjà fait l’objet d’un très grand nombre de travaux en
anthropologie sociale, aussi bien en Amérique du Nord, en
Océanie, qu’en Asie et en Afrique. Dans toutes ces contrées, les
anthropologues ont constaté la fréquence (et non la généralité) de
cette relation et en ont fait la description, cherchant même
quelquefois à en découvrir la raison. Pourquoi donc revenir sur un
sujet si amplement étudié par les spécialistes des sciences sociales?
Á cela, plusieurs raisons.
Notons d’abord que la relation avunculaire n’est pas assez
connue du grand public ; par conséquent, elle mérite d’être abordée
sous un jour nouveau. Ensuite, vient notre ardent désir
d’approfondir la connaissance de l’univers culturel bëti dans lequel
la relation avunculaire existe6, et où elle semble être la relation la
plus forte, la plus riche et la plus belle du système de parenté bëti.
Enfin, vient l’indisponibilité dans nos bibliothèques des articles et
ouvrages parlant de la relation avunculaire, à l’exception d’un
ouvrage de A. R. Radcliffe-Brown (1924) dans lequel l’auteur a
tenté une analyse de l’attitude du neveu utérin et des commentaires
de C. Lévi-Strauss (1967 et 1974).
Mais, au cours de ces lectures, nous avons constaté qu’il y
avait des différences notables entre la conception de la relation
avunculaire telle qu’elle est vécue par les Bëti dont participent les
5
Cf. la note 2.
Des relations soutenues, positives ou négatives, et surtout socialement
contraignantes, entre l’oncle maternel et l’enfant de la sœur, n’existent pas
partout, bien que le frère de la mère soit une donnée immédiate de la « structure
de la parenté ».
6
20
Téléchargement