INDE République de l’Inde CAPITALE : New Delhi 2 SUPERFICIE : 3 165 596 km POPULATION : 967 613 000 habitants CHEF DE L’ÉTAT : Kocheril Raman Narayanan CHEF DU GOUVERNEMENT : Atal Behari Vajpayee LANGUES OFFICIELLES : anglais, hindi PEINE DE MORT : maintenue INDE Des violations des droits humains ont été commises dans tout le pays, où régnait un climat d’instabilité politique. Comme les années précédentes, les catégories socio-économiques défavorisées en étaient les principales victimes. Les attaques contre les dalits (groupe défavorisé déterminé par la hiérarchie de castes) et les populations tribales, menées le plus souvent avec la connivence manifeste de la police et des autorités locales, étaient monnaie courante et les femmes étaient particulièrement visées. L’accès à la justice restait difficile pour ces victimes de violations des droits fondamentaux ; les défenseurs des droits des communautés les plus vulnérables étaient l’objet de pressions de plus en plus fortes et souvent euxmêmes victimes de violations. L’Inde a connu une escalade des violences confessionnelles, souvent attribuées à des groupes hindous proches du Bharatiya Janata Party (BJP, Parti du peuple indien). La préoccupation du gouvernement pour les questions de sécurité nationale a suscité un débat sur une nouvelle législation antiterroriste à la fin de l’année. Les affrontements armés dans les États du Nord-Est ainsi que dans l’État de Jammu-et-Cachemire ont causé la mort de plusieurs centaines de civils. Contexte En avril, le gouvernement du BJP dirigé par A.B. Vajpayee a été renversé à la suite d’un vote de défiance. Les élections générales organisées en septembre ont débouché sur la formation d’une coalition – l’Alliance nationale démocratique – regroupant différents partis sous la direction du Premier ministre A.B. Vajpayee. Les attaques contre les membres de minorités religieuses, notamment les chrétiens et les musulmans, étaient de plus en plus fréquentes. De nombreuses sources ont affirmé qu’elles étaient commises par des groupes hindous d’extrême droite ou avec la complicité de ceux-ci. Les violences contre les chrétiens étaient surtout perpétrées dans des régions défavorisées où des groupes chrétiens mènent traditionnellement des activités d’aide au développement en faveur des communautés tribales et des dalits, notamment dans les domaines de la santé et de l’enseignement. Les forces de sécurité ont continué à mener des opérations contre des groupes armés actifs dans différents États Le cessez-le-feu a été prorogé au Nagaland. La police a participé à des opérations contre des groupes naxalites (groupes armés d’extrême gauche) en Andhra Pradesh ainsi que dans certaines régions du Madhya Pradesh et de l’Orissa. Les affrontements entre des groupes armés maoïstes et les armées privées de propriétaires terriens se sont poursuivis au Bihar, faisant de très nombreuses victimes. En mai, les affrontements se sont intensifiés sur la ligne de contrôle séparant l’Inde et le Pakistan. Les combats se sont poursuivis jusqu’à la fin de juillet, date à laquelle les groupes armés auraient accepté de se retirer de la région pour rejoindre le territoire pakistanais. Défenseurs des droits humains Tout au long de l’année, les défenseurs des droits humains qui se mobilisent notamment contre la discrimination exercée envers certaines castes contre les violences domestiques et en faveur des droits syndicaux ont été la auraient chargé les manifestants à coups de lathis (longues matraques en bambou) et auraient utilisé du gaz lacrymogène avant de tirer en l’air pour disperser la foule. De nombreux manifestants ont été chassés par les policiers vers un cours d’eau tout proche. Selon des témoins oculaires, les policiers auraient continué de frapper les manifestants alors qu’ils étaient dans l’eau et ils les auraient empêchés d’en sortir. Le gouvernement a désigné une commission d’enquête dont les investigations étaient en cours à la fin de l’année. L’une des méthodes de harcèlement employées consistait à engager des procédures pénales sur la base d’accusations manifestement sans fondement. L’article 151 du Code de procédure pénale, qui permet à la police de placer en détention provisoire tout individu qu’elle soupçonne de vouloir commettre une infraction, a été régulièrement utilisé pour incarcérer des défenseurs des droits humains et réprimer des manifestations pacifiques. Plusieurs militants ont été détenus en vertu de la National Security Act (NSA, Loi relative à la sécurité nationale) de 1980. 9 Asish Gupta, secrétaire général du Comité de coordination du Nord-Est pour les droits humains (NECOHR) a été arrêté en juin dans l’État de l’Assam. Parmi les motifs officiels de son incarcération en vertu de la NSA figurait un communiqué de presse publié par le Comité de coordination qui condamnait le conflit entre l’Inde et le Pakistan et appelait les Nations unies et la communauté internationale à intervenir pour permettre au peuple cachemiri de décider lui-même de son avenir. Asish Gupta a été remis en liberté le 16 décembre sur ordre de la haute cour de Guwahati. Le gouvernement a renforcé les restrictions administratives frappant les organisations de défense des droits humains. Plusieurs d’entre elles, notamment celles qui avaient participé au moment des élections à une campagne d’affichage dénonçant la politique sexiste du bjp, ont été menacées de retrait de leur autorisation légale. Les autorités n’ont pas accédé aux vœux des rapporteurs spéciaux des Nations unies sur la torture et sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires et arbitraires, qui souhaitaient se rendre en Inde ; une demande similaire du Groupe de travail sur les disparitions forcées ou involontaires n’a pas été mieux accueillie. Persistance de l’impunité Amnesty International est restée préoccupée par le fait que le gouvernement n’a pas mis en œuvre les recommandations émises par différentes commissions d’enquête ainsi que par la Commission nationale des droits humains, les commissions des droits humains dans les États et d’autres commissions officielles. 9 En août, la Commission nationale des droits humains a introduit une requête devant la Cour suprême dans laquelle elle faisait valoir que les autorités entravaient les investigations entreprises depuis cinq ans sur l’homicide de 37 personnes perpétré en octobre 1993 à Bijbehara (Cachemire) par des membres des Border Security Forces (BSF, Forces de sécurité des frontières). La fusillade avait eu lieu durant une manifestation apparemment pacifique pour protester contre le siège par l’armée du sanctuaire de Hazratbal à Srinagar. La Commission a prié la Cour d’ordonner aux autorités de lui remettre certains dossiers que celles-ci refusaient de rendre publics. 9 Le nouveau gouvernement de l’État du Maharashtra a annoncé son intention de réexaminer les recommandations de la commission d’enquête Srikrishna. Celle-ci avait été désignée en 1993 pour enquêter sur les circonstances des émeutes qui avaient éclaté entre hindous et musulmans à Mumbai (Bombay) en décembre 1992 et en janvier 1993, et à la suite desquelles 1788 personnes avaient trouvé la mort. Selon certaines sources la police avait pris le parti des hindous lors des émeutes qui avaient suivi la destruction de la mosquée d’Ayodhya. Le rapport de la commission avait mis en lumière l’attitude sectaire de la police, qui avait entraîné une discrimination à l’encontre des musulmans, et l’incitation à l’émeute par les membres du Shiv Sena (Armée de Shiva). Les recommandations de la commission avaient été rejetées par l’alliance entre le BJP et le Shiv Sena qui était alors au pouvoir dans cet État au Pendjab après que certaines sources eurent dénoncé la crémation illégale de centaines de corps par la police de cet État. La Commission a annoncé qu’elle se limiterait à octroyer une réparation pécuniaire aux seules familles en mesure de prouver que les corps de leurs proches avaient été incinérés illégalement par la police dans le district d’Amritsar entre 1984 et 1994. Une requête contestant cette décision, au motif qu’elle ne s’étendait pas à la pratique des « disparitions » et des exécutions extrajudiciaires au Pendjab et ne tenait pas compte de la nécessité d’accorder une réparation complète aux victimes et à leurs familles, a été rejetée en septembre par la Cour suprême. La Commission nationale des droits humains avait apparemment recueilli quelque 80 plaintes individuelles dans l’État du Pendjab à la fin de l’année. Le Comité consultatif institué en 1998 par la Commission pour réexaminer les dispositions de la Loi de 1993 relative à la protection des droits fondamentaux a publié ses recommandations au mois d’octobre. Il proposait entre autres, de modifier la composition de la Commission et de l’habiliter à enquêter de manière indépendante sur les violations imputées aux membres des groupes paramilitaires, tout en excluant les violations commises par les forces armées. L’examen de ces recommandations par la Commission nationale des droits humains n’était pas terminé à la fin de l’année. En novembre, le juge J.S. Verma a été nommé président de la Commission nationale des droits humains, qui a continué de se pencher sur des cas d’atteintes aux droits fondamentaux et d’émettre des recommandations pour la promotion et la protection de ces droits. Aucune nouvelle commission des droits humains n’a été instituée dans les États. Législation d’exception On a appris en décembre que la Commission fédérale des lois étudiait un projet de loi antiterroriste à la demande du ministère de l’Intérieur. Le projet d’amendement au Code pénal recommandé par la Commission des lois garde de nombreux aspects de la Terrorist and Disruptive Activities (Prevention) Act (TADA, Loi de 1987 relative à la prévention des activités terroristes et déstabilisatrices), devenue caduque en 1995 et qui avait servi à incarcérer des milliers de suspects politiques sans inculpation ni jugement. L’Armed Forces (Special Powers) Act (Loi relative aux pouvoirs spéciaux des forces armées), qui confère aux forces de sécurité le pouvoir de tirer pour tuer en leur garantissant une quasi-immunité, est restée en vigueur dans certaines régions du Nord-Est ainsi qu’au Cachemire. Dans le Nord-Est, des organisations de défense des droits humains ont observé une « journée de deuil » à l’occasion du deuxième anniversaire d’un arrêt de la Cour suprême qui avait confirmé la constitutionnalité de cette loi ; les cérémonies ont toutefois été interdites par la police dans l’État du Manipur. La Loi sur le contrôle du crime organisé a été promulguée en février dans l’État du Maharashtra. Elle confère à la police de vastes pouvoirs d’interception des communications et prévoit des procédures d’arrestation, de placement en détention et de procès dont certains aspects contreviennent aux normes internationales. Le gouvernement du Tamil Nadu a retiré au mois de mai un projet de loi sur la prévention des activités terroristes. Ce texte, qui présentait de nombreuses similitudes avec la TADA, avait été sévèrement critiqué. Les autorités ont continué d’utiliser la TADA, devenue caduque, pour incarcérer des individus dans l’État de Jammu-et-Cachemire en rattachant leur cas à des procédures ouvertes avant 1995 et toujours en instance Plusieurs centaines de personnes ont été maintenues en détention en vertu de la TADA au mépris d’arrêts de la Cour suprême ordonnant un réexamen de tous les cas. 9 Cinquante personnes dont 12 femmes, poursuivies aux termes de la TADA, étaient en instance de procès au Karnataka à la fin de l’année. Elles avaient été arrêtées entre 1993 et 1995 par des membres du Special Task Force (Détachement spécial de la police), mis en place par les gouvernements du Karnataka et du Tamil Nadu pour appréhender un contrebandier notoire. Elles se sont presque toutes plaintes d’avoir été torturées après leur arrestation 9 C’est ainsi qu’en septembre et en octobre, 25 membres de l’All Parties Hurriyat Conference (APHC Conférence multipartite Hurriyat), dont Syed Ali Gailani, président de ce parti, Mohammad Yasin Malik, Javed Ahmed Mir et Abdul Gani Bhat, membres éminents, ont été arrêtés en vertu de cette loi pour avoir appelé pacifiquement au boycottage des élections. Leur incarcération semblait punitive, le Chief Minister (Premier ministre de l’État) de Jammu-et-Cachemire ayant déclaré qu’il avait l’intention de « les laisser croupir en prison ». Des requêtes contestant le bien-fondé de leur maintien en détention prolongée étaient en instance devant la haute cour de Srinagar à la fin de l’année. Torture De nombreux cas de mort en détention ont été signalés dans tout le pays. La police et les forces de sécurité continuaient de recourir à différentes formes de torture, notamment au viol. L’existence de telles pratiques a été reconnue par des responsables gouvernementaux, notamment le procureur général, ainsi que par des magistrats de rang élevé et des responsables de la Commission nationale des droits humains, lors d’une conférence internationale sur la torture qui s’est tenue à New Delhi en septembre. 9 Devinder Singh, vingt et un ans, est mort en garde à vue au mois de septembre dans l’État du Pendjab après avoir, semble-t-il, été torturé par des policiers. Son frère, Sapinder Singh, ainsi que Karnail Singh et Inderjit Singh, habitants de leur village, ont également été torturés. Les policiers ont affirmé qu’ils cherchaient un fusil appartenant à Devinder Singh et que celui-ci, qui était tombé malade en détention, avait succombé à une crise cardiaque pendant son transfert à l’hôpital. Sapinder Singh, Karnail Singh et Inderjit Singh ont été présentés à des médecins, qui n’ont constaté la présence d’aucune lésion sur leurs corps. Le magistrat n’aurait pas fait mention de leurs blessures quand il a ordonné la prolongation de leur garde à vue. Un inspecteur de police adjoint a été par la suite inculpé du meurtre de Devinder Singh. « Disparitions » Des informations ont fait état de « disparitions » au Cachemire et en Assam. Les efforts des familles pour retrouver la trace de leurs proches « disparus » au Cachemire ont continué d’être entravés par l’État et les forces de sécurité ainsi que par l’inefficacité des institutions judiciaires. Le gouvernement n’a fourni aucune réponse circonstanciée au rapport sur les « disparitions » publié en février par Amnesty International et qui évoquait le cas de 700 à 800 personnes dont le sort n’a toujours pas été élucidé. 9 Les conclusions d’une enquête menée par un juge de district de l’État du Manipur sur la « disparition » de Yumlembam Sanamacha, quinze ans, après son arrestation en février 1998 par des membres du 17e régiment des Rajputana Rifles (tirailleurs du Rajputana), ont été rendues publiques. Des preuves convaincantes ont amené le magistrat à conclure que l’adolescent avait été arrêté par les forces armées et qu’il ne s’était pas évadé contrairement à ce que les militaires avaient affirmé. Une commission officielle d’enquête sur cette « disparition » a également soumis son rapport au gouvernement du Manipur ; ce document n’avait pas été rendu public à la fin de l’année. Peine de mort Au moins 18 personnes ont été condamnées à mort et 35 prisonniers au moins étaient sous le coup d’une sentence capitale. On ignorait si des exécutions avaient eu lieu. Des organisations de défense des droits humains ont participé dans tout le pays à une campagne contre la peine capitale. Le ministre de l’Intérieur a toutefois continué d’évoquer l’intention du gouvernement d’étendre le champ d’application de ce châtiment au viol, entre autres crimes. 9 En mai, la Cour suprême a confirmé la condamnation à mort de quatre personnes jugées pour l’assassinat de l’ancien Premier ministre Rajiv Gandhi perpétré en 1991 Ces quatre prisonniers avaient été condamnés à l’issue Exactions des groupes armés Comme les années précédentes, les groupes armés actifs dans de nombreux États ont violé le droit international humanitaire, en se livrant notamment à des actes de torture, des prises d’otages et des homicides de civils. Les prises d’otages sont restées très fréquentes dans l’État de Tripura ; plusieurs enfants figuraient notamment parmi les victimes de cette pratique. Les groupes armés ont continué de tuer des civils au Cachemire, où les hindous étaient particulièrement pris pour cible. Visites d’Amnesty International Des représentants d’Amnesty International ont assisté à une série de quatre séminaires destinés aux militants des droits humains. Une délégation de l’Organisation s’est rendue en mai et en juin en Uttar Pradesh et au Bengale occidental pour enquêter sur les mauvais traitements infligés aux détenus et sur les violences exercées à l’égard des femmes. Pour en savoir plus Inde : « S’ils sont morts, dites-le nous. » Les « disparitions » au Jammu-et-Cachemire (index AI : ASA 20/02/99). Inde. Une occasion unique de mettre un terme à l’impunité au Pendjab (index AI : ASA 20/24/99). Inde. Appel en faveur des condamnés à mort (index AI : ASA 20/31/99).