SPEECH/98/241
Yves-Thibault de SILGUY
Membre de la Commission responsable des affaires économiques,
monétaires et financières
L'Union économique et monétaire et
l'investissement
Fédération de l'industrie européenne de la construction
Paris, le 12 novembre 1998
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M. le Président,
Mesdames,
Messieurs,
Permettez-moi tout d’abord de remercier M. Levaux et le Fédération de l’industrie
européenne de la construction pour m’avoir offert cette occasion de m’exprimer
devant vous. En tant que Commissaire européen chargé des affaires
économiques, monétaires et financières, je suis particulièrement honoré de pouvoir
m’adresser aux représentants d’un secteur d’activité regroupant quelques deux
millions d’entreprises, dont la santé est essentielle à la bonne marche de nos
économies et qui est fortement pourvoyeur d’emplois. Voilà au moins deux raisons
qui justifient l’importance de votre métier à mes yeux
Dans 49 jours, l’Europe aura sa monnaie. La zone euro comprendra onze Etats et
290 millions dhabitants. Elle sera la première puissance commerciale au monde et
elle pèsera d’un poids économique à peu près comparable à celui des Etats-Unis.
La naissance de l’euro est l’événement monétaire le plus considérable depuis la
chute du système de Bretton Woods en 1971.
L’arrivée de l’euro nous concerne tous au plus haut point. Il intéresse le secteur de
la construction comme tous les autres. L’euro aura des conséquences positives
pour l’avenir de vos entreprises. Il mérite, à ce titre, un effort particulier de
préparation. Telles sont les deux observations que je voudrais développer ce soir,
devant votre Assemblée.
Tout d’abord :
I. Les effets bénéfiques de l’euro pour le secteur de la construction
A en croire certains, l’assainissement des finances publiques liée à l’introduction et
à la gestion de l’euro serait préjudiciable à l’investissement et auraient, par
ricochet, des conséquences négatives pour les entreprises travaillant dans le
secteur de la construction. Cette assertion appelle une remarque et une double
réfutation.
Une remarque : l’investissement doit être appréhendé de manière globale. A trop
se focaliser sur l’investissement public, certains oublient que le montant de
l’investissement privé est huit fois plus important.
Une double réfutation car :
1) l’assainissement des finances publiques est un préalable au maintien d’un
volume soutenu d’investissements dans les infrastructures ;
2) l’introduction de l’euro favorise l’investissement privé.
Premièrement,
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A.L’assainissement des finances publiques est un préalable au
maintien d’un volume d’investissements élevés en infrastructures
Parmi les missions qui échoient à l’Etat, une est prioritaire : fournir aux administrés
des infrastructures suffisantes en nombre, en nature et en qualité, ne fussent que
parce qu’elles apportent une contribution essentielle au développement
économique et social d’un pays.
Mais la mise en œuvre de cette responsabilité peut recouvrir des formes variées :
l’Etat peut financer, cofinancer ou simplement autoriser la prise en charge de la
dépense par les usagers.
Tout d’abord, l’Etat peut financer directement l’investissement. Cette forme
d’action est devenue, dans nos sociétés industrialisées, moins fréquente, entre
autres parce qu’elle n’est pas la plus efficace économiquement. L’assainissement
des finances publiques est parfois évoqué comme la cause de la contraction des
dépenses d’investissement. En fait, la cause réelle tient à l’excès de dépenses
publiques du début des années 90. En 1993, au moment où le traité de Maastricht
est entré en vigueur, les déficits publics dépassaient 6% du PIB. Et l’Europe
traversait la plus importante récession depuis la fin de la guerre, avec une chute
moyenne de son PIB de 0,5%. Déficit public et croissance ne font jamais bon
ménage.
En outre, la mauvaise gestion des finances publiques tue l’investissement pour une
raison de bon sens : sans argent pour investir, il n’y a plus d’investissement
possible. Pour faire redémarrer l’investissement public, il faut donc d’abord recréer
une marge de manœuvre budgétaire, au niveau national, en fermant le robinet de
la dette publique, c’est à dire, en réduisant les déficits. Je vous rappelle qu’avec
un déficit public de 3% du PIB, dans un pays comme la France, les dépenses
budgétaires sont 20% plus élevées que les recettes fiscales. Lequel d’entre vous
pourrait maintenir en vie son entreprise en dépensant 20% de plus qu’il ne gagne ?
Oscar Wilde affirmait : «je vis tellement au dessus de mes moyens que nous
vivons, eux et moi, une existence complètement séparée» . Un tel comportement
est difficilement envisageable pour gérer une entreprise ou un Etat.
Je note, en revanche, que certains des Etats qui ont aujourd’hui le taux
d’investissement public le plus élevé, en Europe, sont aussi ceux qui ont le déficit
le plus faible. Tel est, par exemple, le cas de la Finlande ou du Luxembourg.
Les efforts entrepris en Europe, depuis 1993, commencent à porter leurs fruits.
Les déficits publics ont été réduits, en moyenne, à 1.8% du PIB en 1998. Ces
efforts ne doivent pas être relâchés : une part de ce redressement est, en effet,
due à la hausse des rentrées fiscales résultant de l’amélioration de la conjoncture.
Et, les budgets nationaux d’un nombre important d’Etats membres restent toujours
vulnérables aux effets d’un éventuel retournement de cycle.
Les projets de relance de l’investissement public sont possibles et souhaitables
lorsque leur utilité économique est démontrée. Mais ils doivent, en tout état de
cause, être gagés par une réduction à due proportion des dépenses courantes. Il
s’agit d’un choix politique.
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Dans son projet «Agenda 2000», la Commission a réaffirmé le rôle des réseaux
transeuropéens pour la croissance en Europe. Le développement d’infrastructures
européennes routières et ferroviaires de qualité est nécessaire au maintien de la
compétitivité européenne. Quatorze projets prioritaires ont été identifiés. Ils
représentent un volume global d’investissement de 400 milliards d’euros.
La Commission a proposé que le budget communautaire contribue à leur
financement et a souhaité que les fonds alloués aux réseaux transeuropéens
augmentent de plus de 100% et passent de 350 millions d’euros par an pour la
période 1995-1999 à 750 millions d’euros par an pour la période 2000-2006. La
décision est maintenant de la responsabilité des Etats membres.
Mais, au-delà des dépenses d’investissement public, et dans un contexte de
ressources budgétaires nécessairement limitées, les Etats membres doivent
également chercher à développer une meilleure association avec le secteur privé.
Plutôt que de vouloir couvrir entièrement, sur fonds publics, le coût d’un
investissement, il est parfois plus utile d’apporter un complément d’argent public
permettant la réalisation d’une série d’initiatives privées. Bien utilisé, l’argent public
peut produire un effet de levier puissant. La même somme qui aurait servi à
financer totalement un seul investissement peut ainsi contribuer à viabiliser une
dizaine de projets privés et donc leur permettre de voir le jour.
Enfin, comme le mentionne la Commission dans un récent livre blanc sur la
tarification des infrastructures, il faut davantage explorer les possibilités de faire
couvrir en tout ou partie le coût d’un investissement par ses usagers, plutôt que par
les contribuables. A titre d’exemple, il me parait normal que les automobilistes
participent, via les péages, au coût de construction d’une autoroute ou que les
usagers du train paient une partie du coût de construction et d’entretien des voies.
Le volume des investissements ne dépend donc pas uniquement de l’enveloppe
budgétaire qui leur est alloué par l’Etat ou l’Union européenne, mais aussi de la
manière dont cet argent est utilisé et de la participation financière des usagers. En
définitive, des ressources publiques limitées peuvent permettre avec un niveau
d’investissement en infrastructures élevé.
J’ajoute que l’assainissement des finances publiques contribue à l’amélioration du
cadre économique général. Le processus de réalisation de l’union économique et
monétaire a notamment permis d’enregistrer deux résultats importants pour votre
secteur d’activité : la reprise de la croissance et la baisse des taux d’intérêt.
B.L’introduction de l’euro garantit la poursuite de la croissance et des
taux d’intérêt bas
Pour trois raisons:
première raison : l’assainissement des finances publiques libère de l’épargne.
Réduire d’un point les déficits publics en Europe libère 60 milliards d’euros par
an, qui, au lieu de servir à leur financement, peuvent être utilisés au profit de
l’investissement et de la consommation. Depuis 1993, la réallocation de
l’épargne du secteur public vers le secteur privé dépasse 1700 milliards francs,
une somme supérieure au budget annuel de l’Etat français !
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seconde raison, l’assainissement des finances publiques éclaircit l’horizon des
investisseurs. Les chefs d’entreprise savent que les déficits publics se paient
tôt ou tard sous forme d’impôts. Un Etat qui accumule les déficits, donc son
endettement, fait peser une épée de Damoclès sur ses investisseurs. A
l’inverse, la bonne gestion crée un climat de confiance et facilite les décisions
d’investissement, puisque les chefs d’entreprise n’ont plus à redouter des
hausses d’impôts futures;
troisième raison : une économie européenne assainie et retrouvant le chemin de
la croissance redevient attractive pour l’épargne internationale. Les efforts
d’assainissement accomplis en Europe et les difficultés financières et
monétaires sérieuses, que connaissent de nombreuses économies émergentes,
accroissent l’attractivité de l’Europe. Les investissements directs sur le sol
européen ont augmenté de 36% en 1997. En 1999, l’Union européenne sera la
région du monde avec la croissance la plus forte. Les capitaux quittaient
autrefois l’Europe; ils y reviennent aujourd’hui et consolident la reprise
européenne.
La croissance s’élevait à 1.8% en 1996. Elle a atteint 2.9% en 1998 et, malgré la
sévère récession internationale, devrait être de 2.4% en 1999 et de 2.8% en l’an
2000, selon les prévisions du mois d’octobre des services de la Commission.
Sous l’effet conjugué de l’assainissement des finances publiques et de l‘attraction
de l’épargne internationale, nos taux d’intérêt connaissent aujourd’hui un niveau
historiquement bas.
Quels en sont les effets sur le secteur de la construction ?
Le retour de la croissance a redonné confiance aux ménages. La baisse des taux
d’inrêt, notamment à long terme, leur offre la possibilité de traduire cette
confiance en opérations d’achat. Un ménage qui, en 1995, empruntait 150 mille
euros sur 20 ans pour acheter un logement devait rembourser plus de 1350 euros
par mois. Aujourd’hui, en empruntant la même somme, il ne rembourse que 1000
euros par mois. Voilà en termes simples, concrets, une des conséquences
positives de l’arrivée de l’euro. Et ses effets se font déjà sentir.
En France, la demande de permis de construire a crû de 12% en 1997 et, selon
l’INSEE, la demande de logements neufs atteint actuellement son maximum
historique. A l’échelle européenne, la Commission prévoit une forte reprise du
secteur de la construction. Après un recul en 1996 et une quasi-stagnation en
1997, il devrait croître de 3.8% en 1999 et de 4.4% en l’an 2000.
Loin de constituer un danger pour votre secteur, l’avènement de l’euro et la
conduite de la politique économique, inhérente à sa gestion, constituent un atout
pour votre secteur d’activité. Aussi est-il important pour vos entreprises, si elles
veulent en retirer tous les bénéfices, de se préparer, sans attendre, à l’arrivée de
l’euro. C’est la seconde série d’observations que je voudrais faire.
II. La nécessaire préparation à l’euro des entreprises du secteur de la
construction et des travaux publics
A cet égard, les conclusions de l’enquête récente du moniteur des travaux publics
et du bâtiment mettent en évidence un certain retard : seules 13% des entreprises
du BTP de moins de 500 personnes auraient commencé leurs travaux de
préparation à l’euro.
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