UNIVERSITE PARIS VIII VINCENNES–SAINT-DENIS INTRODUCTION AU DROIT CONSTITUTIONNEL COURS DE M. LE PROFESSEUR PIERRE BODEAU-LIVINEC Licence 1 Groupes 6 à 10 Année universitaire 2014-2015 1er semestre Séances 1 à 11 Travaux dirigés assurés par M. XAVIER DE BONNAVENTURE Table générale Bibliographie .............................................................................................................................. 3 Plan du cours .............................................................................................................................. 6 Séance 1 : Introduction - Méthodologie ................................................................................... 10 Séance 2 : L’État ...................................................................................................................... 11 Séance 3 : L’État de droit et la séparation des pouvoirs .......................................................... 17 Séance 4 : La démocratie ......................................................................................................... 22 Séance 5 : Les régimes démocratiques contemporains ............................................................ 24 Séance 6 : Galop d’essai........................................................................................................... 51 Séance 7 : De la Révolution à l’Empire ................................................................................... 52 Séance 8 : De la Restauration au Second Empire .................................................................... 59 Séance 9 : La Troisième République (I)................................................................................... 65 Séance 10 : La Troisième République (II) et le régime de Vichy ............................................ 77 Séance 11 : La Quatrième République et la transition vers la Cinquième République ........... 85 2 Bibliographie Manuels et cours de droit constitutionnel - Ardant Philippe et al., Institutions politiques et droit constitutionnel, LGDJ, 25ème éd., 2013. - Avril Pierre, La Ve République. Histoire politique et constitutionnelle, PUF, Droit fondamental, 2ème éd., 1994. - Braud Philippe, Sociologie politique, 6e édition, LGDJ, 10ème éd., 2011. - Chantebout Bernard, Droit constitutionnel et science politique, Sirey, 30ème éd., 2013. - Chevallier Jean-Jacques et al., Histoire de la Ve République. 1958-2012, Dalloz, 14ème éd., 2012. - Duhamel Olivier, Guillaume Tusseau, Droit constitutionnel et institutions politiques, Seuil 3ème éd., 2013. - Duverger Maurice, Institutions politiques et droit constitutionnel, Les grands systèmes politiques, PUF, coll. Thémis, 20ème éd., 1990. - Duverger Maurice, Le système politique français, PUF, Thémis, 21ème éd. 1996. - Favoreu Louis et al., Droit constitutionnel, Précis, Dalloz, 15ème éd., 2013. - Gicquel Jean, Droit constitutionnel 2013. et institutions politiques, Montchrestien, 27ème éd., - Gohin Olivier, Droit constitutionnel, Litec, 2010. - Hamon Francis et Troper Michel, Droit constitutionnel, LGDJ, 34ème éd., 2013. - Jacqué (J.-P.), Droit constitutionnel et institutions politiques, Dalloz, 9ème éd., 2012. - Lavroff Dmitri Georges, Le droit constitutionnel de la Ve République, Précis Dalloz, 1999. - Leclercq Claude, Droit constitutionnel et institutions politiques, Litec, 10ème éd., 1999. - Morabito Marcel, Histoire constitutionnelle de la France de 1789 à nos jours, LGDJ, 12ème éd., 2012. - Pactet Pierre, Mélin-Soucramanien, Droit constitutionnel, Sirey, 32ème éd., 2013. - Portelli Hugues, Droit constitutionnel, Dalloz, 9ème éd., 2011. - Ségur Philippe, La Ve République, Ellipses, 1999. - Troper Michel et al. (Dir.), Théorie de la Constitution, Dalloz, 2012. - Turpin Dominique, Droit constitutionnel, PUF, 2ème éd., 2007. - Zoller Elisabeth, Droit constitutionnel, PUF, 2ème éd., 1999. Droit constitutionnel comparé et régimes politiques étrangers - Grewe Constance et al., Droits constitutionnels européens, PUF, 1995. - Lauvaux Philippe, Les grandes démocraties contemporaines, PUF, 3ème éd., 2004. - Mény Yves, Politique comparée, Montchrestien, 8ème éd., 2009. - Portelli Hugues, Les régimes politiques européens, Le livre de Poche, 1994. 3 - Quermonne Jean-Louis, Les régimes politiques occidentaux, Seuil, 5ème éd., 2006. - Zoller Elisabeth, Introduction au droit public, Dalloz, 2ème éd., 2013. Traités et ouvrages classiques - Barthélémy Joseph et Duez Paul, Traité de droit constitutionnel, Economica, 1985. - Bastid Paul, L’idée de constitution, Economica, 1985. - Burdeau Georges, Traité de droit constitutionnel, tomes 7 à 10, LGDJ, 2ème éd., 1972-1976 ; tomes 1 à 6, 3ème éd., 1980-1987. - Burdeau Georges, L’État, Seuil, 1970. - Carré de Malberg, Contribution à la théorie générale de l’État, Sirey, 1985. - Carré de Malberg, La loi, expression de la volonté générale, Economica, 1984. - Duguit Léon, Traité de droit constitutionnel, 1972. - Grawitz Madeleine et Leca Jean (dir.), Traité de science politique, 4 vol., PUF, 1985. - Hauriou Maurice, Précis de droit constitutionnel, Sirey, 2ème éd., 1929, rééd. CNRS, 1965. - Sieyès, Qu’est-ce que le tiers-état ?, Flammarion, 1988. - Vedel Georges, Manuel élémentaire de droit constitutionnel, Sirey, 1984. Documents de travail - Duverger Maurice, Constitutions de la France , PUF, 15ème éd., 2004. - Mélin-Soucramanien Ferdinand, Les constitutions de la France de la Révolution à la IVe République, Dalloz, 2009. - Mélin-Soucramanien Ferdinand, Constitution de la République française, Dalloz, 2013. - Mény Yves, Textes constitutionnels et documents politiques, Montchrestien, 1989. - Oberdorff Henri et al., Les constitutions des États de l’Union européenne, Documentation française, 1999. - Rials Stéphane et al., Textes constitutionnels étrangers, PUF, 14ème éd., 2012. - Les recueils de textes publiés dans la collection « Documents d’étude » de La documentation française, et tout particulièrement les numéros suivants (certains correspondent à des vieilles éditions parfois rééditées postérieurement) : Constitution française du 4 octobre 1958, juillet 2011 ; Les Constitutions de la France, 2011 ; Les institutions des États-Unis, 2010 ; Droit de suffrage et modes de scrutin, 2008 ; Le référendum, 2006 ;Les institutions de la troisième République, 1992 ; Les Constitutions de la France de 1789 à 1870 ; Les institutions de la Quatrième République, 1999 ; 1789-1799 Les premières expériences constitutionnelles en France, février 1989. Dictionnaires, lexiques - Alland Denis et Rials Stéphane, Dictionnaire de la culture juridique, PUF, 2003. - Avril Pierre et al., Lexique – Droit constitutionnel, PUF, 7ème éd. 1998. - Avril (P.) et al., Lexique de droit constitutionnel, PUF, Que sais-je ?, 4ème éd., 2013. 4 -Chatelet François et al., Dictionnaire des oeuvres politiques, PUF, 2ème éd., 1989. - Duhamel Olivier et Mény Yves (dir.), Dictionnaire constitutionnel, PUF, 1992. - Hermet Guy et al., Dictionnaire de la science politique et des institutions politiques, Armand-Colin, coll. Cursus, 7ème éd., 2010. - Raynaud (P.) et Rials (S.), Dictionnaire de philosophie politique, PUF, 2003. - Sirinelli Jean-françois (dir.), Dictionnaire historique de la vie politique française au XXe siècle, PUF, 1995. - Michel de Villiers, Dictionnaire de droit constitutionnel, Cursus Droit, Dalloz. 8ème éd., 2011. - Raynaud Philippe et Rials Stéphane, Dictionnaire de philosophie politique, PUF, 2003. Recueils de travaux dirigés De nombreux ouvrages proposent chaque année des sujets et corrections de droit constitutionnel. Peu de ces sujets concernent le programme du premier semestre. Parmi eux, on relèvera tout de même : - Leclercq Claude et al., Travaux dirigés de droit constitutionnel, Litec, 9ème éd., 2002. Revues - Pouvoirs - Revue du droit public et de la science politique - Revue française de droit constitutionnel - Revue française de science politique - Les cahiers du Conseil constitutionnel - Les nouveaux cahiers du Conseil constitutionnel - Constitution(s) 5 Plan du cours Université Paris 8 – U.F.R. de Droit – L1 (2012-2013) Cours de Pierre Bodeau-Livinec INTRODUCTION AU DROIT CONSTITUTIONNEL Présentation générale......................................................................................................................... Chapitre I-Du droit de l’État à l’État de droit ................................................................................... Section 1. Les figures de l’État ................................................................................................. 1. Les définitions de l’État ...................................................................................................... 1.1. Appréhensions politiques et historiques de l’État ....................................................... 1.1.1. Diverses conceptions politiques et idéologiques de l’État ................................... a. Conception libérale : ................................................................................................ b. Conception marxiste-léniniste : ............................................................................... c. Conceptions pluralistes : .......................................................................................... 1.1.2. L’émergence historique de l’État ......................................................................... a. Théories sur l’origine de l’État ................................................................................ b. Apparition historique de l’État ................................................................................ 1.2. Définition juridique de l’État ...................................................................................... 1.2.1. Les éléments constitutifs de l’État ....................................................................... a. Le territoire .............................................................................................................. b. La population ........................................................................................................... c. La puissance publique – Le gouvernement ............................................................. 1.2.2. Les caractéristiques de l’État ............................................................................... a. L’État se caractérise par la souveraineté ................................................................. b. L’État se différencie de la Nation ............................................................................ i) Qu’est-ce qu’une nation ? .................................................................................... ii) Les rapports entre l’État et la Nation ................................................................... 2. Les formes de l’État ............................................................................................................ 2.1. L’État unitaire ............................................................................................................. 2.1.1. 6 Le principe d’unité ............................................................................................... 2.1.2. L’État unitaire déconcentré .................................................................................. 2.1.3. L’État unitaire décentralisé .................................................................................. 2.2. L’État fédéral............................................................................................................... 2.2.1. Les caractéristiques du fédéralisme ..................................................................... 2.2.2. Les principes fondamentaux du fédéralisme........................................................ a. Le principe de superposition.................................................................................... b. Le principe d’autonomie .......................................................................................... c. Le principe de participation ..................................................................................... Section 2. La Constitution, droit suprême et garantie fondamentale........................................ 1. La Constitution, droit suprême de l’État ............................................................................ 1.1. La Constitution « matérielle » ..................................................................................... 1.1.1. L’art. 16 DDHC du 26 août 1789 ........................................................................ a. La détermination de la séparation des pouvoirs ...................................................... b. L’assurance de la garantie des droits ....................................................................... 1.1.2. Les autres éléments des constitutions contemporaines ........................................ a. Éléments communs aux normes constitutionnelles contemporaines ....................... b. Diversité et vitalité des Constitutions contemporaines............................................ 1.2. La Constitution « formelle » ....................................................................................... 1.2.1. Les formes de la Constitution formelle ................................................................ a. La « forme » coutumière ......................................................................................... i) Les Constitutions coutumières ............................................................................. ii) La coutume constitutionnelle ............................................................................... b. Les « formes » écrites .............................................................................................. 1.2.2. La consécration de la Constitution formelle ........................................................ a. La formation de la Constitution formelle ................................................................ i) Le pouvoir constituant ......................................................................................... ii) Les procédés d’élaboration de la Constitution. .................................................... b. La supériorité de la Constitution formelle ............................................................... 2. La Constitution, garantie de l’État de droit ........................................................................ 2.1. La Constitution, instrument de la soumission de l’État au droit ................................. 2.1.1. Le développement de la garantie des droits ......................................................... a. La définition et la multiplication des droits ............................................................. b. La constitutionnalisation des droits ......................................................................... 2.1.2. Le principe de la séparation des pouvoirs ............................................................ 7 a. La concrétisation d’un principe fondamental contre l’absolutisme et l’arbitraire ...................................................................................................................... i) Les fondements théoriques du principe ............................................................... i) La mise en pratique du principe en France (aperçu) ............................................ b. Les traductions du principe de séparation des pouvoirs sur la caractérisation des régimes politiques ................................................................................................... i) Les régimes de séparation rigide des pouvoirs : l’exemple américain ................ ii) Les régimes de séparation souple des pouvoirs : les exemples britannique et allemand .................................................................................................................... iii) Le régime de la France sous la Ve République [renvoi] ...................................... 2.2. La construction perfectible de l’État de droit .............................................................. a. L’affirmation difficile du contrôle de constitutionnalité ............................................. b. La révision de la Constitution et la régénérescence constitutionnelle ........................ Chapitre II-La démocratie ................................................................................................................. Section 1. La participation du citoyen ...................................................................................... 1. Le citoyen, titulaire de la souveraineté ............................................................................... 1.1. La souveraineté nationale ............................................................................................ 1.2. La souveraineté populaire ........................................................................................... 2. . Les systèmes de participation du citoyen ......................................................................... 2.1. La démocratie directe .................................................................................................. 2.2. La démocratie représentative ...................................................................................... 2.2.1. Les modalités de la démocratie représentative .................................................... 2.2.2. La critique de démocratie représentative ............................................................. 2.3. La démocratie semi-directe ......................................................................................... 2.3.1. Le veto populaire ................................................................................................. 2.3.2. L’initiative populaire ........................................................................................... 2.3.3. Le référendum ...................................................................................................... Section 2. La représentation du citoyen.................................................................................... 1. Le droit de suffrage............................................................................................................. 8 1.1. L’abandon des conditions de fortune et de capacité ................................................... 1.2. Le vote des femmes ..................................................................................................... 1.3. L’égalité du suffrage ................................................................................................... 1.4. Les conditions au droit de suffrage ............................................................................. 2. L’organisation du scrutin .................................................................................................... 2.1. L’inscription sur les listes électorales ......................................................................... 2.2. Le déroulement du scrutin ........................................................................................... 3. Les modes de scrutin .......................................................................................................... 3.1. Les systèmes majoritaires............................................................................................ 3.2. Les systèmes proportionnels ....................................................................................... 3.3. Les systèmes mixtes .................................................................................................... Chapitre III-L’histoire constitutionnelle de la France ....................................................................... - La Révolution et l’Empire - La Restauration - La Deuxième République et le Second Empire - La IIIe République - Vichy - La IVe République 9 Séance 1 : Introduction - Méthodologie 10 Séance 2 : L’État Table des documents : Document 1 : Machiavel (N.), Le Prince, 1515, document électronique disponible sur le http://classiques.uqac.ca/, pp. 69 et 70. Document 2 : Freud (S.), Considérations actuelles sur la guerre et la mort, 1915, trad. de S. Jankélévitch, document électronique disponible sur le http://classiques.uqac.ca/, p. 10. Document 3 : Hobbes (T.), Léviathan, 1651, Gallimard, 2000. Document 4 : Weber (M.), Le Savant et le politique, 1919, document électronique disponible sur le http://classiques.uqac.ca/, p. 29. Document 5 : Goyard-Fabre (S.), Légitimité, in Alland (D.) et Rials (S.), Dictionnaire de la culture juridique, PUF, 2003, p. 929 et s. Document 6 : Schmitt (C.), Théorie de la Constitution, PUF, 2008, p. 227. Document 7 : Maulin (E.), Souveraineté, in Alland (D.) et Rials (S.), Dictionnaire de la culture juridique, PUF, 2003, pp. 1434 et s. Document 8 : Sieyès, Qu’est-ce que le tiers-état ?, Flammarion, 1988 (texte de 1789), extraits. Document 9 : Renan (E.), Qu’est-ce qu’une nation ?, 1882, pp. 52 et s. Document 10 : Constitution de la République française du 4 octobre 1958. Document 11 : Sarkozy (N.), Discours du 2 juillet 2007 prononcé à Strasbourg (cité notamment in Gohin (O.), Droit constitutionnel, Litec, 2010, p. 53). Travail Dissertation : La république française Etat unitaire ou Etat fédéral ? 11 A consulter : - Beaud (O.), Constitution et droit constitutionnel, in Alland (D.) et Rials (S.), Dictionnaire de la culture juridique, PUF, 2003, pp. 257 et s. - Raynaud (P.), Constitutionnalisme, in Alland (D.) et Rials (S.), Dictionnaire de la culture juridique, PUF, 2003, pp. 266 et s. Poirat (F.), État, in Alland (D.) et Rials (S.), Dictionnaire de la culture juridique, PUF, 2003, pp. 642 et s. - Foucault (M.), Il faut défendre la société. Cours au Collège de France. 1976, Gallimard, 2004, pp. 195 à 200. - Troper (M.), En guise d'introduction : La théorie constitutionnelle et le droit constitutionnel positif, Cahiers du Conseil constitutionnel, n° 9 (Dossier : Souveraineté de l’Etat et hiérarchie des normes), février 2001. Kelsen (H.), Théorie pure du droit, Dalloz, 1962, pp. 299 et s. Documents : Document 1 : Machiavel (N.), Le Prince, 1515, document électronique disponible sur le http://classiques.uqac.ca/, pp. 69 et 70. « On peut combattre de deux manières : ou avec les lois, ou avec la force. La première est propre à l’homme, la seconde est celle des bêtes ; mais comme souvent celle-là ne suffit point, on est, obligé de recourir à l’autre : il faut donc qu’un prince sache agir à propos, et en bête et en homme. C’est ce que les anciens écrivains ont enseigné allégoriquement, en racontant qu’Achille et plusieurs autres héros de l’antiquité avaient été confiés au centaure Chiron, pour qu’il les nourrît et les élevât. « Par là, en effet, et par cet instituteur moitié homme et moitié bête, ils ont voulu signifier qu’un prince doit avoir en quelque sorte ces deux natures, et que l’une a besoin d’être soutenue par l’autre. Le prince devant donc agir en bête, tâchera d’être tout à la fois renard et lion : car, s’il n’est que lion, il n’apercevra point les pièges ; s’il n’est que renard, il ne se défendra point contre les loups ; et il a également besoin d’être renard pour connaître les pièges, et lion pour épouvanter les loups. Ceux qui s’en tiennent tout simplement à être lions sont très malhabiles. » Document 2 : Hobbes (T.), Léviathan, 1651, Gallimard, 2000, p. 288. « Le seul moyen d’établir pareille puissance commune, capable de défendre les humains contre les invasions des étrangers et les préjudices commis aux uns par les autres, (…), est de rassembler toute leur puissance et toute leur force sur un homme ou une assemblée d’hommes qui peut, à la majorité des voix, ramener toutes leurs volontés à une seule volonté ; ce qui revient à dire : désigner un homme, ou une assemblée d’hommes, pour porter leur personne ; et chacun fait sienne et reconnaît être lui-même l’auteur de toute action accomplie ou causée par celui qui porte leur personne, et relevant de ces choses qui concernent la paix commune et la sécurité ; par là même, tous et chacun d’eux soumettent leurs volontés à sa volonté, et leurs jugements à son jugement. C’est plus que le consentement ou la concorde : il s’agit d’une unité réelle de tous en une seule et même personne, faite par convention de chacun avec chacun, de telle manière que c’est comme si chaque individu devait dire à tout individu : j’autorise cet homme ou cette assemblée d’hommes, et je lui abandonne mon droit de me 12 gouverner moi-même, à cette condition que tu lui abandonnes ton droit et autorises toutes ses actions de la même manière. » Document 3 : Freud (S.), Considérations actuelles sur la guerre et la mort, 1915, trad. de S. Jankélévitch, document électronique disponible sur le http://classiques.uqac.ca/, p. 10. « Les peuples sont représentés à peu près par les États qu’ils forment ; les États, par les gouvernements qui les dirigent. Chaque ressortissant d’une nation peut, avec horreur, constater au cours de cette guerre ce dont il avait déjà une vague intuition en temps de paix, à savoir que si l’État interdit à l’individu le recours à l’injustice, ce n’est pas parce qu’il veut supprimer l’injustice, mais parce qu’il veut monopoliser ce recours, comme il monopolise le sel et le tabac. L’État en guerre se permet toutes les injustices, toutes les violences, dont la moindre déshonorerait l’individu. Il a recours, à l’égard de l’ennemi, non seulement à la ruse permise, mais aussi au mensonge conscient et voulu, et cela dans une mesure qui dépasse tout ce qui s’était vu dans des guerres antérieures. L’État impose aux citoyens le maximum d’obéissance et de sacrifices, mais les traite en mineurs, en leur cachant la vérité et en soumettant toutes les communications et toutes les expressions d’opinions à une censure qui rend les gens, déjà déprimés intellectuellement, incapables de résister à une situation défavorable ou à une sinistre nouvelle. Il se dégage de tous les traités et de toutes les conventions qui le liaient à d’autres États, avoue sans crainte sa rapacité et sa soif de puissance que l’individu doit approuver et sanctionner par patriotisme. » Document 4 : Weber (M.), Le Savant et le politique, 1919, document électronique disponible sur le http://classiques.uqac.ca/, p. 29. « […] il faut concevoir l’État contemporain comme une communauté humaine qui, dans les limites d’un territoire déterminé – la notion de territoire étant une de ses caractéristiques – revendique avec succès pour son propre compte le monopole de la violence physique légitime. Ce qui est en effet le propre de notre époque, c’est qu’elle n’accorde à tous les autres groupements, ou aux individus, le droit de faire appel à la violence que dans la mesure où l’État le tolère : celui-ci passe donc pour l’unique source du « droit » à la violence. Par conséquent, nous entendrons par politique l’ensemble des efforts que l’on fait en vue de participer au pouvoir ou d’influencer la répartition du pouvoir, soit entre les États, soit entre les divers groupes à l’intérieur d’un même État. « En gros, cette définition correspond à l’usage courant du terme. Lorsqu’on dit d’une question qu’elle est « politique », d’un ministre ou d’un fonctionnaire qu’ils sont « politiques », ou d’une décision qu’elle a été déterminée par la « politique », il faut entendre par là, dans le premier cas que les intérêts de la répartition, clé la conservation ou du transfert du pouvoir sont déterminants pour répondre à cette question, dans le second cas que ces mêmes facteurs conditionnent la sphère d’activité du fonctionnaire en question, et dans le dernier cas qu’ils déterminent cette décision. Tout homme qui fait de la politique aspire au pouvoir - soit parce qu’il le considère comme un moyen an service d’autres fins, idéales ou égoïstes, soit qu’il le désire « pour lui-même » en vue de jouir du sentiment de prestige qu’il confère. Comme tous les groupements politiques qui l’ont précédé historiquement, l’État consiste en un rapport de domination de l’homme sur l’homme fondé sur le moyen de la violence légitime (c’est-à-dire sur la violence qui est considérée comme légitime). L’État ne peut donc exister qu’à la condition que les hommes dominés se soumettent à l’autorité revendiquée chaque fois par les dominateurs. Les questions suivantes se posent alors. Dans quelles conditions se soumettent-ils et pourquoi ? Sur quelles justifications internes et sur quels moyens externes, cette domination s’appuie-t-elle ? » 13 Document 5 : Goyard-Fabre (S.), Légitimité, in Alland (D.) et Rials (S.), Dictionnaire de la culture juridique, PUF, 2003, p. 929 et s. « Le mot de légitimité […] désigne le bien-fondé du Pouvoir, ce qui lui confère sa justification et sa validité. […] « […] Noberto Bobbio souligne que le monde juridique n’est pas unidimensionnel : il est « cette partie de l’expérience humaine dont les éléments constitutifs sont des idéaux de justice à réaliser, des institutions pour les réaliser, des actions et des réactions des hommes vis-à-vis de ces idéaux et de ces institutions ». Afin de comprendre dans ce cadre la signification complexe de la légitimité, il convient de rechercher la nature des liens qu’elle entretient avec la réalité de l’expérience humaine et avec l’horizon des valeurs. […] » Document 6 : Schmitt (C.), Théorie de la Constitution, PUF, 2008, p. 227. « [La légitimité d’une Constitution] se passe de toute justification tirée d’une norme éthique ou juridique, et tire son sens de son existence juridique. Une norme serait ici absolument hors d’état de fonder quoi que ce soit. Il n’est ni nécessaire ni possible de légitimer le genre spécifique d’existence politique. » Document 7 : Maulin (E.), Souveraineté, in Alland (D.) et Rials (S.), Dictionnaire de la culture juridique, PUF, 2003, pp. 1434 et s. « La souveraineté est une notion complexe et polysémique qui désigne de nombreuses situations politiques ou juridiques relatives soit à la légitimité du pouvoir, soit à l’exercice de prérogatives, soit à la définition de l’État. […] « Le premier usage de la souveraineté est relatif à son titulaire légitime. En ce sens, la souveraineté est un concept politique qui sert à désigner le titulaire légitime de la puissance susceptible, dans un cadre étatique qu’elle présuppose, d’être imposée unialtéralement soit par le souverain lui-même, soit par les autorités constituées en son nom. On parle ainsi de la souveraineté du monarque, du peuple, de la nation ou lorsque le titulaire est un mixte ontologique, de souveraineté du roi en son parlement (King in Parliament) et de souveraineté de l’État […]. [Dans cette acception, la souveraineté répond alors aux principes d’unité, d’indivisibilité et d’inaliélabilité.] « Le deuxième champ sémantique touche à l’exercice de la souveraineté. Il soulève le problème de l’articulation de l’ordre de la légalité qu’institue le souverain avec l’ordre de la légitimité qui l’autorise. […] » [Dans ce sens, d’après Carré de Malberg, la souveraineté serait une « façon d’être ».] « En un troisième sens, la souveraineté est une qualité constitutive de l’étaticité de l’État, luimême défini par différence avec les organisations infra-étatiques qu’il subjugue, comme avec les organisations supra-étatiques qu’il ignore. […] » Document 8 : Constitution de la République française du 4 octobre 1958 « Le Gouvernement de la République, conformément à la loi constitutionnelle du 3 juin 1958, a proposé, « Le peuple français a adopté, « Le Président de la République promulgue la loi constitutionnelle dont la teneur suit : […] « Article 3 14 « La souveraineté nationale appartient au peuple qui l’exerce par ses représentants et par la voie du référendum. « Aucune section du peuple ni aucun individu ne peut s’en attribuer l’exercice. « Le suffrage peut être direct ou indirect dans les conditions prévues par la Constitution. Il est toujours universel, égal et secret. « Sont électeurs, dans les conditions déterminées par la loi, tous les nationaux français majeurs des deux sexes, jouissant de leurs droits civils et politiques. » Document 9 : Sieyès, Qu’est-ce que le tiers-état ?, Flammarion, 1988 (texte de 1789), extraits. « Qu’est-ce que le tiers-état ? Tout. Qu’a-t-il été jusqu’à présent dans l’ordre politique ? Rien. Que demande-t-il à être ? A y devenir quelque chose. » […] « Qu’est-ce qu’une nation ? Un corps d’associés vivant sous une loi commune et représentés par la même législature […]. » Document 10 : Renan (E.), Qu’est-ce qu’une nation ?, 1882, pp. 52 et s. « Une nation est un principe spirituel, résultant des complications profondes de l’histoire, une famille spirituelle, non un groupe déterminé par la configuration du sol. […] « Une nation est donc une grande solidarité, constituée par le sentiment des sacrifices qu’on a faits et de ceux qu’on est disposé à faire encore. Elle suppose un passé ; elle se résume pourtant dans le présent par un fait tangible : le consentement, le désir clairement exprimé de continuer la vie commune. L’existence d’un nation est (pardonnez-moi cette métaphore) un plébiscite de tous les jours, comme l’existence de l’individu est une affirmation perpétuelle de la vie. […] » Document 11 : Sarkozy (N.), Discours du 2 juillet 2007 prononcé à Strasbourg (cité notamment in Gohin (O.), Droit constitutionnel, Litec, 2010, p. 53). « […] Avec ce Traité [celui de Lisbonne], il est clair que l'Union n'a pas vocation à devenir un super Etat, un seul pays, une seule nation, un seul peuple. Ainsi, la voie est désormais ouverte à un travail urgent et nécessaire sur les identités nationales au sein de l'Union. Travail urgent parce que les souverainetés sont devenues confuses et parce que les identités sont malades. Il suffit de se souvenir du charivari qu'a provoqué le mot identité nationale lors de la campagne. Dire que la France a une identité nationale, ce n'est quand même pas un gros mot. En renonçant à la démarche constitutionnelle, on revient à la logique des traités. Cela signifie que tout l'acquis communautaire est préservé, et cela veut dire que le compromis du Luxembourg reste en vigueur. C'est essentiel. C'est le signe qu'au-delà de toutes les délégations qu'une nation peut consentir, chacune garde la maîtrise ultime de son destin. C'est le signe que l'Europe est fondée sur le partage et non sur l'abandon. C'est essentiel parce que l'Europe pour réussir doit être comme la nation selon MICHELET : un plébiscite de tous les jours, le fruit d'une volonté sans cesse renouvelée, sans cesse réaffirmée, de s'unir, de vivre ensemble, d'agir ensemble, et non un carcan dont chacun serait le prisonnier. L'Europe pour réussir doit se bâtir sur le libre-arbitre des peuples. Pour que l'Europe existe, il ne faut pas que les nations soient privées de leur liberté. Il faut qu'elles s'aiment, il faut qu'elles se comprennent pour passer au-dessus de leurs divergences. C'est ce qui s'est passé à Bruxelles. Et c'est d'autant plus important que l'on a pu rouvrir la discussion sur l'essentiel, c'est-à-dire sur les valeurs qui sont le fondement de tout. On me l'a reproché, et pourtant je me suis battu. […] » 15 16 Séance 3 : L’État de droit et la séparation des pouvoirs Table des documents : Document 1 : Locke (J.) cité in Hamon (F.) et Troper (M.), Droit constitutionnel, LGDJ, 2011, p. 104. Document 2 : Rousseau (J.-J.) cité in Hamon (F.) et Troper (M.), Droit constitutionnel, LGDJ, 2011, p. 104. Document 3 : Montesquieu, L’Esprit des lois, Livre XI, chapitre 4. Document 4 : Montesquieu, L’Esprit des lois, Livre XI, chapitre 6. Document 5 : Kelsen (H.), La Démocratie, sa nature, sa valeur, Economica, 1988. Document 6 : Carré de Malberg (R.), Contribution à la théorie générale de l’État, réédition Dalloz, 2004, tome II, chapitre IV. De la séparation des fonctions entre des organes distincts Document 7 : Carré de Malberg (R.), Contribution à la théorie générale de l’État, réédition Dalloz, 2004, tome I, chapitre II. La fonction administrative Travail : Dissertation : La séparation des pouvoirs est-elle une condition nécessaire à l’existence d’un Etat de droit ? 17 A consulter : - Article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789. - Séparation des autorités, in Alland (D.) et Rials (S.), Dictionnaire de la culture juridique, PUF, 2003, pp. 1404 et s. - Séparation et balance des pouvoirs, in Alland (D.) et Rials (S.), Dictionnaire de la culture juridique, PUF, 2003, pp. 1406 et s. - Colliard (J.-C.), Les différents modes de gouvernement, in La Ve République, permanence et mutations, Cahiers français, La documentation française, 2001, n° 300, pp. 74 et s. - Troper (M.), La concept d’État de droit, Droits, 1992, n°15, pp. 55 et s. - Lauvaux (P.), Régimes (Classification), in Alland (D.) et Rials (S.), Dictionnaire de la culture juridique, PUF, 2003, pp. 1315 à 1321. - Troper (M.), Séparation des pouvoirs, in Raynaud (P.) et Rials (S.), Dictionnaire de philosophie politique, PUF, 2003, pp. 708 à 714. - Eisenmann (C.), L’Esprit des lois et la séparation des pouvoirs, in Mélanges Raymond Carré de Malberg, Paris, Sirey, 1933, pp. 163 à 192. - L’intégralité du numéro de la collection « Problèmes politiques et sociaux » sur L’État de droit publié par La documentation française, n°898, mars 2004, pp. 5 à 13. - Chevallier (J.), L’État de droit, Revue du droit public, 1988, pp. 313 et s. - Favoreu (L.), Légalité et constitutionnalité, Cahiers de Conseil constitutionnel, n°3, novembre 1997. - Hamon (L.), L’État de droit et son essence, RFDC, 1990, n°4, pp. 699 et s. - Jouanjan (O.), État de droit, in Alland (D.) et Rials (S.), Dictionnaire de la culture juridique, PUF, 2003, pp. 649 à 653 et références. - Sieyès (E.), Fragments politiques, in Fauré (C.) (Dir.), Des manuscrits de Sieyès, Honoré Champion, 1999, pp. 492 à 493. 18 Documents : Document 1 : Locke cité in Hamon (F.) et Troper (M.), Droit constitutionnel, LGDJ, 2011, p. 104. « Ce serait provoquer une tentation trop forte pour la fragilité humaine, sujette à l’ambition que de confier à ceux-là même qui ont déjà le pouvoir de faire les lois, celui de les faire exécuter. » Document 2 : Rousseau cité in Hamon (F.) et Troper (M.), Droit constitutionnel, LGDJ, 2011, p. 104. « Il n’est pas bon que celui qui fait les lois les exécute, ni que le corps du peuple détourne son attention des vues générales pour les donner aux objets particuliers » Document 3 : Montesquieu, L’Esprit des lois, Livre XI, chapitre IV. « C’est une expérience éternelle, que tout homme qui a du pouvoir est porté à en abuser ; il va jusqu’à ce qu’il trouve des limites. […] Pour qu'on ne puisse abuser du pouvoir, il faut que, par la disposition des choses, le pouvoir arrête le pouvoir. » Document 4 : Montesquieu, L’Esprit des lois, Livre XI, chapitre VI. « Il y a dans chaque État trois sortes de pouvoirs: la puissance législative, la puissance exécutrice des choses qui dépendent du droit des gens, et la puissance exécutrice de celles qui dépendent du droit civil. Par la première, le prince ou le magistrat fait des lois pour un temps ou pour toujours, et corrige ou abroge celles qui sont faites. Par la seconde, il fait la paix ou la guerre, envoie ou reçoit des ambassades, établit la sûreté, prévient les invasions. Par la troisième, il punit les crimes, ou juge les différends des particuliers. On appellera cette dernière la puissance de juger, et l'autre simplement la puissance exécutrice de l'État. » Document 5: Kelsen (H.), La Démocratie, sa nature, sa valeur, Economica, 1988. 19 20 Document 6 : Carré de Malberg (R.), Contribution à la théorie générale de l’État, Réédition Dalloz, 2004, tome II, chapitre IV. De la séparation des fonctions entre des organes distincts « L’État doit être envisagé comme étant lui-même et comme étant seul le sujet de la puissance qui porte son nom : et par là même, elle exclut toute doctrine qui tendrait à donner à cette puissance des sujets pluraux. […] Dans ces conditions, l’État peut posséder des organes multiples, sans que son unité s’en trouve diminuée : car, chacun d’eux ne fait qu’exercer, dans la sphère de sa compétence, la puissance une de la personne unique qu’est l’État. Mais aussi, il est manifeste que l’on ne saurait, dans ces conditions, parler d’une séparation des pouvoirs : il n’y a et il ne peut y avoir, entre les titulaires divers de la puissance étatique, qu’une distribution ou affection spéciale de compétences ». Document 7 : Carré de Malberg (R.), Contribution à la théorie générale de l’État, Réédition Dalloz, 2004, tome I, chapitre II, extraits sur le Rechtsstaat et l’État de droit. « Il ne faut pas confondre ce système avec ce que l’on appelle le régime de l’État de droit par opposition à l’État de police. L’État de police est celui dans lequel l’autorité administrative peut, d’une façon discrétionnaire et avec une liberté de décision plus ou moins complète, appliquer aux citoyens toutes les mesures dont elle juge utile de prendre par elle-même l’initiative, en vue de faire face aux circonstances et d’atteindre à chaque moment les fins qu’elle se propose : ce régime de police est fondé sur l’idée que la fin suffit à justifier les moyens. À l’État de police s’oppose l’État de droit, le « Rechtsstaat » des Allemands. Par État de droit il faut entendre un État qui dans ses rapports avec ses sujets et pour la garantie de leur statut individuel, se soumet lui-même à une régime de droit, et cela en tant qu’il enchaîne son action sur eux par des règles, dont les unes déterminent les droits réservés aux citoyens, dont les autres fixent par avance les voies et moyens qui pourront être employés en vue de réaliser les buts étatiques : deux sortes de règles qui ont pour effet commun de limiter la puissance de l’État, en la subordonnant à l’ordre juridique qu’elles consacrent. L’un des traits caractéristiques du régime de l’État de droit consiste précisément en ce que, vis-à-vis des administrés, l’autorité administrative ne peut user que des moyens autorisés par l’ordre juridique en vigueur et notamment par les lois. » 21 Séance 4 : La démocratie Table des documents : Document 1 : Montesquieu, L’Esprit des lois, extrait du livre XI. Document 2 : Rousseau (J.-J.), Du Contrat social, Livre III, chapitre XV. Document 3 : Tocqueville, (A. de), De la Démocratie en Amérique, tome I, chapitre IV Travail Commentaire du document 1 A consulter : - Avril (P.), Note sur les origines de la représentation, in d’Arcy (F.), La représentation, Economica, 1985, pp. 99 et s. - Jaume (L.), Représentation, in Raynaud (P.) et Rials (S.), Dictionnaire de philosophie politique, PUF, 2003, pp. 651 à 657. - Kervégan (J.-F.), Démocratie, in Raynaud (P.) et Rials (S.), Dictionnaire de philosophie politique, PUF, 2003, pp. 149 à 155. - Miaille (M.), Représentation, in Arnaud (A.-J.) (Dir.), Dictionnaire encyclopédique de théorie et de sociologie du droit, pp. 350 à 352. - Articles 11 et 89 de la Constitution de la Vème République. Document 1 : Montesquieu, L’Esprit des lois, extrait du livre XI. « Il y avait un grand vice dans la plupart des anciennes républiques: c'est que le peuple avait droit d'y prendre des résolutions actives, et qui demandent quelque exécution, chose dont il est entièrement incapable. Il ne doit entrer dans le gouvernement que pour choisir ses représentants, ce qui est très à sa portée. » Document 2 : Rousseau (J.-J.), Du Contrat social, Livre III, chapitre XV. « Dans une cité bien conduite chacun vole aux assemblées ; sous un mauvais gouvernement nul n’aime à faire un pas pour s’y rendre ; parce que nul ne prend intérêt à ce qui s’y fait, qu’on prévoit que la volonté générale n’y dominera pas, et qu’enfin les soins domestiques absorbent tout. Les bonnes lois en font faire de meilleures, les mauvaises en amènent de pires. Sitôt que quelqu’un dit des affaires de l’État : que m’importe ? on doit compter que l’État est perdu." L’attiédissement de l’amour de la patrie, l’activité de l’intérêt privé, l’immensité des États, les conquêtes, l’abus du gouvernement ont fait imaginer la voie des députés ou représentants du peuple dans les assemblées de la nation. C’est ce qu’en certains pays on ose appeler le tiers État. Ainsi l’intérêt particulier de deux ordres est mis au premier et au second rang, l’intérêt public n’est qu’au troisième." 22 La souveraineté ne peut être représentée, par la même raison qu’elle ne peut être aliénée ; elle consiste essentiellement dans la volonté générale, et la volonté ne se représente point : elle est la même, ou elle est autre ; il n’y a point de milieu. Les députés du peuple ne sont donc ni ne peuvent être ses représentants, ils ne sont que ses commissaires ; ils ne peuvent rien conclure définitivement. Toute loi que le peuple en personne n’a pas ratifiée est nulle ; ce n’est point une loi. Le peuple anglais pense être libre ; il se trompe fort, il ne l’est que durant l’élection des membres du parlement ; sitôt qu’ils sont élus, il est esclave, il n’est rien. Dans les courts moments de sa liberté, l’usage qu’il en fait mérite bien qu’il la perde. [...] « Quoi ! la liberté ne se maintient qu’à l’appui de la servitude ? Peut-être. Les deux excès se touchent. Tout ce qui n’est point dans la nature a ses inconvénients, et la société civile plus que tout le reste. Il y a de telles positions malheureuses où l’on ne peut conserver sa liberté qu’aux dépens de celle d’autrui, et où le citoyen ne peut être parfaitement libre que l’esclave ne soit extrêmement esclave. Telle était la position de Sparte. Pour vous, peuples modernes, vous n’avez point d’esclaves, mais vous l’êtes ; vous payez leur liberté de la vôtre. Vous avez beau vanter cette préférence ; j’y trouve plus de lâcheté que d’humanité." "Je n’entends point par tout cela qu’il faille avoir des esclaves ni que le droit d’esclavage soit légitime, puisque j’ai prouvé le contraire. Je dis seulement les raisons pour quoi les peuples modernes qui se croient libres ont des représentants, et pour quoi les peuples anciens n’en avaient pas. Quoi qu’il en soit, à l’instant qu’un peuple se donne des représentants, il n’est plus libre, il n’est plus. Tout bien examiné, je ne vois pas qu'il soit désormais possible au souverain de conserver parmi nous l'exercice de ses droits, si la cité n'est très petite. Mais si elle est très petite, elle sera subjuguée ? Non. Je ferai voir ci-après […] comment on peut réunir la puissance extérieure d'un grand peuple avec la police aisée et le bon ordre d'un petit État. » Document 3 : Tocqueville, (A. de), De la Démocratie en Amérique, tome I, livre I, chapitre IV « De nos jours le principe de la souveraineté du peuple a pris aux Etats-Unis tous les développements pratiques que l’imagination puisse concevoir. Il s’est dégagé de toutes les fictions dont on a pris soin de l’environner ailleurs ; on le voit se revêtir successivement de toutes les formes, suivant la nécessité des cas. Tantôt le peuple en corps fait les lois comme à Athènes ; tantôt des députés, que le vote universel a crées, le représentent et agissent en son nom sous sa surveillance presque immédiate. Il y a des pays où un pouvoir, en quelque sorte extérieur au corps social, agit sur lui et le force de marcher dans une certaine voie. Il y en a d’autres où la force est divisée, étant tout à la fois placée dans la société et hors d’elle. Rien de semblable ne se voit aux Etats-Unis ; la société y agit par elle-même et sur elle-même. Il n’existe de puissance que dans son sein ; on ne rencontre même presque personne qui ose concevoir et surtout exprimer l’idée d’en chercher ailleurs. […] Le peuple règne sur le monde politique américain comme Dieu sur l’univers. Il est la cause et la fin de toutes choses ; tout en sort et tout s’y absorbe. » 23 Séance 5 : Les régimes démocratiques contemporains Table des documents : Document 1 : Magna Carta, 1215. Document 2 : Pétition des droits, 7 juin 1628. Document 3 : Parliament Act, 1911. Document 4 : Parliament Act, 1949. Document 5 : Parliament Act, 1999. Document 6 : Craig (P.), Pouvoir exécutif et pouvoir législatif au Royaume-Uni, Cahiers du Conseil constitutionnel n° 19 (Dossier : Loi et réglements), janvier 2006. Document 7 : Stevens (A.), Le Conseil constitutionnel vu d’outre-Manche : une énigme ?, Cahiers du Conseil constitutionnel, n°25, août 2009 Document 8 : Beaud (O.), La puissance de l’État, PUF, 1994, pp. 252 à 253. Document 9 : Déclaration d’indépendance du 4 juillet 1776. Document 10 : Constitution des États-Unis d’Amérique du 17 septembre 1787 Document 11 : Amendements issus de la Bill of Rights ratifiée en 1791. Travail : Dissertation : Entre régime présidentiel et régime parlementaire existe-t-il un modèle idéal ? A consulter : - Cour suprême des États-Unis, Marbury v. Madison, 1803. - Le numéro de la revue Pouvoirs dédiés à la Cour suprême des États-Unis, n°59, 1991. - Hamilton (A.) et al., Le fédéraliste, Economica, 1988. - Lauvaux (P.), Les grandes démocraties contemporaines, PUF, 3ème éd. 2004. - Zoller (E.), Etats-Unis (Culture juridique), in Alland (D.) et Rials (S.), Dictionnaire de la culture juridique, PUF, 2003, pp. 653 à 661. - Zoller (E.), Introduction au droit public, Dalloz, 2006. - Hayek (F.), La constitution de la liberté, Litec, 1994, pp. 176 et s. - Delpérée (F.), Les figures du fédéralisme, in La Ve République, permanence et mutations, Cahiers français, La documentation française, 2001, n° 300, pp. 74 et s. - Baranger (D.), Angleterre (Culture juridique), in Alland (D.) et Rials (S.), Dictionnaire de la culture juridique, PUF, 2003, pp. 52 et s. 24 - Baranger (D.), Écrire la Constitution non écrite : une introduction au droit politique britannique, PUF, 2008. - Lauvaux (P.), Les grandes démocraties contemporaines, PUF, 3ème éd. 2004. - Lenoir (N.), La Chambre des Lords, à propos des projets actuels de réformes constitutionnelles, Cahiers du Conseil constitutionnel, n° 3, novembre 1997. - Lessay (F.), Magna carta, in Alland (D.) et Rials (S.), Dictionnaire de la culture juridique, PUF, 2003, pp. 1362 et s. - Zoller (E.), Introduction au droit public, Dalloz, 2006. - Texte de la Magna Carta, 1215. - Habeas Corpus, 1679 - Bill of rights, 1689. - European Community Act, 1972. - Human Rights Act, 1998. Documents : Document 1 : Magna Carta de 1215. 25 Document 2 : Pétition des droits du 7 juin 1628 (traduction issue de http://mjp.univperp.fr/). 1. Les lords spirituels et temporels et les communes assemblés en Parlement, représentent très humblement à notre souverain seigneur le Roi qu'il est déclaré et arrêté par un statut fait sous le règne d'Édouard 1er, et connu sous le nom de statut de tallagio non concedendo, que le Roi ou ses héritiers n'imposeraient ni lèveraient de taille ou aide dans ce royaume sans le consentement des archevêques, évêques, comtes, barons, chevaliers, bourgeois et autres hommes libres des communes de ce royaume ; que, par l'autorité du Parlement, convoqué en la 25e année du règne du roi Édouard III il est déclaré et établi que personne ne pourrait être à l'avenir contraint de prêter malgré soi de l'argent au Roi, parce que l'obligation était contraire à la raison et aux libertés du pays ; que d'autres lois du royaume défendent de lever des charges ou aides connues sous le nom de don gratuit (bénévolence) ou toutes autres impositions analogues ; que par lesdits statuts ou autres bonnes lois de ce royaume, vos sujets ont hérité de cette franchise, à savoir qu'ils ne sauraient être contraints à participer à aucune taxe, taille, aide ni autre charge analogue, sans le commun consentement de la nation exprimé en Parlement. 2. Considérant néanmoins que, depuis peu, diverses commissions ont été données en plusieurs comtés à des officiers, avec instructions en suite desquelles votre peuple a été assemblé en plusieurs endroits et requis de prêter certaines sommes d'argent à V. M. ; et que, sur le refus de quelques-uns, on leur a fait prêter serment et on les a obligés à comparaître et à se présenter, contrairement à l'ensemble des lois et des statuts de ce royaume, devant votre Conseil privé ou en d'autres lieux ; que d'autres ont été arrêtés et emprisonnés, troublés et inquiétés de différentes autres manières ; que maintes autres taxes ont été établies et levées sur vos sujets dans les comtés par les lords lieutenants, les sous-lieutenants, les commissaires aux revues, les juges de paix ou autres, par ordre de V. M. ou de votre Conseil privé, contrairement aux lois et libres coutumes de ce royaume. 3. Considérant qu'il est aussi arrêté et établi, par le statut dénommé Grande Charte des libertés d'Angleterre qu'aucun homme libre ne pourra être arrêté ou mis en prison, ni dépossédé de son franc-fief, de ses libertés ou franchises, ni mis hors la loi ou exilé, ni molesté d'aucune autre manière, si ce n'est en vertu d'une sentence légale de ses pairs ou des lois du pays. 4. Considérant qu'il a été aussi déclaré et institué, par autorité du Parlement en la 28e année du règne du roi Édouard III que nulle personne, de quelque rang ou condition qu'elle soit, ne pourra être dépouillée de sa terre ou de ses tenures, ni arrêtée, emprisonnée, privée du droit de transmettre ses biens par succession ou mise à mort, sans avoir été admise à se défendre dans une procédure régulière. 5. Considérant néanmoins que, nonobstant ces statuts et autres règles et bonnes lois de votre royaume ayant la même fin, plusieurs de vos sujets ont été récemment emprisonnés sans que la cause en ait été indiquée ; que, lorsqu'ils furent conduits devant vos juges, conformément aux lois de V. M. sur l'Habeas Corpus, pour être statué par la Cour, ce qu'il appartiendrait, et lorsque leurs geôliers furent sommés de faire connaître les causes de la détention, ceux-ci n'ont donné d'autres raisons de l'arrestation qu'un ordre spécial de V. M. notifié par les lords de votre Conseil privé ; que les détenus furent ensuite réintégrés dans leurs différentes prisons sans qu'eût été porté contre eux un chef d'accusation dont ils eussent pu se disculper conformément à la loi. 6. Considérant que des détachements considérables de soldats et de matelots ont été récemment dispersés dans plusieurs comtés du royaume et que les habitants ont été contraints 26 de les recevoir et héberger malgré eux, contrairement aux lois et coutumes de ce royaume, pour la grande oppression du peuple. 7. Considérant qu'il a été aussi affirmé et arrêté, par autorité du Parlement en la 25e année du règne du roi Édouard III, que personne ne pourrait être condamné à mort ou à la mutilation contrairement aux formes indiquées dans la Grande Charte et les lois du pays ; et que par ladite Grande Charte et les autres lois et statuts de votre royaume, aucun homme ne doit être condamné à mort, si ce n'est en vertu des lois établies dans le royaume ou des coutumes qui y sont en vigueur ou d'une loi du Parlement ; que d'autre part, aucun criminel, de quelque condition qu'il soit, ne peut être exempté des formes de la justice ordinaire, ni éviter les peines infligées par les lois et les statuts du royaume ; que néanmoins, depuis peu, plusieurs commissions données sous le grand sceau de V. M. ont investi certains individus de commissions avec mandat et pouvoir de procéder conformément à la loi martiale, contre les soldats ou matelots ou autres personnes qui se seraient jointes à eux pour commettre quelque meurtre, vol, félonie, sédition ou autre crime ou délit quelconque, de connaître sommairement de ces causes et de juger, condamner, exécuter et mettre à mort les coupables, suivant les formes de la loi martiale et les usages reçus en temps de guerre dans les armées. 8. Que, sous couleur de cette prérogative, les commissaires ont fait mettre à mort plusieurs de vos sujets, alors que ceux-ci, s'ils avaient, d'après les lois et statuts du pays, mérité le dernier supplice, n'auraient pu ni dû être condamnés et exécutés qu'en vertu de ces mêmes lois et statuts, et non autrement. 9. Que divers coupables de grands crimes ont aussi, de la sorte, réclamé une dispense, et sont parvenus à se soustraire aux peines qu'ils avaient encourues en vertu des lois et statuts du royaume, par le fait du refus injustifié de plusieurs de vos officiers et commissaires de justice de procéder contre ces criminels conformément aux lois et statuts, sous prétexte qu'ils ne relevaient que de la loi martiale et des commissions ci-dessus rappelées, lesquelles, comme toutes autres de même nature, sont directement contraires aux lois et statuts de votre royaume. 10. A ces causes, ils supplient humblement Votre très excellente Majesté que nul, à l'avenir, ne soit contraint de faire aucun don gratuit, prêt d'argent ni présent volontaire, ni de payer aucune taxe ou impôt quelconque, hors le consentement commun donné par loi du Parlement, que nul ne soit appelé en justice ni obligé de prêter serment, ni contraint à un service, ni arrêté, inquiété ou molesté à l'occasion de ces taxes ou du refus de les acquitter ; qu'aucun homme libre ne soit arrêté ou détenu de la manière indiquée plus haut ; qu'il plaise à V. M. faire retirer les soldats et matelots dont il est ci-dessus parlé, et empêcher qu'à l'avenir le peuple soit opprimé de la sorte ; que les commissions chargées d'appliquer la loi martiale soient révoquées et annulées, et qu'il n'en soit plus délivré de semblables à quiconque, de peur que, sous ce prétexte, quelques-uns de vos sujets ne soient molestés ou mis à mort contrairement aux lois et franchises du pays. 11. Lesquelles choses ils demandent toutes humblement à V. M. comme étant leurs droits et leurs libertés selon les lois et les statuts de ce royaume ; et ils supplient aussi V. M. de dire que tout ce qui s'est fait à cet égard, procédures, sentences et exécutions, au préjudice de votre peuple, ne tirera point pour l'avenir à conséquence ou a exemple, et pareillement de déclarer gracieusement, pour la plus grande satisfaction et sûreté de votre peuple, que Votre intention et royale volonté est que, dans les choses ci-dessus déduites, vos officiers et ministres vous servent conformément aux lois et statuts de ce royaume et qu'ils aient en vue l'honneur de V. M. et la prospérité de ce royaume. Le Roi donne sa réponse par la formule habituelle : « Soit Droit fait comme il est désiré. » 27 Document 3 : Loi du Parlement fixant les pouvoirs de la Chambre des lords par rapport à ceux de la Chambre des communes et réduisant la durée des législatures, 18 août 1911 (traduction issue de http://mjp.univ-perp.fr/). ; la création, la modification ou la Considérant qu'il apparaît nécessaire de suppression pour le règlement des dettes définir par la loi les relations entre les deux ou pour d'autres buts financiers, de charges assemblées du Parlement, pour le Fond consolidé ou sur les Considérant qu'il est désirable de substituer ressources votées par le Parlement ; les à la Chambre des lords telle qu'elle existe autorisations de crédits ; l'affectation des actuellement une seconde chambre issue fonds publics, leur perception, détention, de la volonté populaire au lieu de paiement et la vérification des comptes ; l'hérédité, mais qu'une telle substitution ne l'émission, la garantie ou le remboursement peut être réalisée immédiatement, de tout emprunt ; ou les matières Considérant que le Parlement devra limiter accessoires relatives à ces questions. Dans et définir les pouvoirs de la nouvelle cette sous-section les expressions « impôts seconde chambre par un texte réalisant », « fonds publics » et « emprunt » ne cette substitution, mais qu'il est désirable comprennent pas les impôts, fonds ou de réduire dès maintenant par la présente emprunts dont bénéficient les autorités loi les pouvoirs actuels de la Chambre des locales pour leurs besoins locaux. lords. 3. Chaque projet financier, lorsqu'il sera La très excellente Majesté du roi donne transmis à la Chambre des lords ou force de loi, sur l'avis et avec le présenté à l'approbation royale, portera une consentement des lords spirituels et mention signée par le Speaker de la temporels et des communes, réunis dans le Chambre des communes certifiant que c'est présent Parlement, et par l'autorité de ce un projet financier. Avant de délivrer ce dernier, à la loi dont la teneur suit : certificat, le Speaker devra consulter, s'il le peut, deux membres de la Chambre des 1 - Pouvoirs de la Chambre des lords en communes qui seront désignés au début de ce qui concerne les projets financiers chaque session par le comité de sélection 1. Si un projet financier (Money parmi les membres de la liste des Bill) préalablement adopté par la Chambre présidents. des communes et transmis à la Chambre 2 - Restriction des pouvoirs de la des lords un mois au moins avant la fin de Chambre des lords en ce qui concerne la session, n'est pas voté sans amendement les projets autres que les projets par la Chambre des lords dans le mois qui financiers suit cette transmission, ce projet sera, à moins que la Chambre des communes n'en 1. Si un projet (Public Bill) (autre qu' un décide autrement, présenté à Sa Majesté et projet financier ou un projet contenant des deviendra une loi du Parlement au moment dispositions augmentant la durée de la signification de l'approbation royale, maximum de la législature au-delà de cinq nonobstant l'absence de consentement de la ans) adopté par la Chambre des communes Chambre des lords. en trois sessions successives (du même Parlement ou de Parlements différents), et 2. Un projet financier signifie un projet de transmis à la Chambre des lords durant loi qui, selon l'opinion du Speaker de la chacune de ces sessions un mois au moins Chambre des communes, ne contient que avant la fin de la session, est repoussé par des dispositions relatives à l'ensemble ou à la Chambre des lords durant chacune de l'une des matières suivantes, à savoir : ces sessions, ce projet sera présenté à Sa imposition, abrogation, remise, Majesté dès son troisième rejet par la modification ou réglementation des impôts Chambre des lords, à moins que la 28 Chambre des communes en décide autrement, et deviendra une loi du Parlement au moment de la signification de l'approbation royale, nonobstant l'absence de consentement de la Chambre des lords, à condition que deux ans se soient écoulés entre la date de la seconde lecture de ce projet à la Chambre des communes durant la première de ces sessions et la date à laquelle ce texte sera voté par la Chambre des communes durant la troisième de ces sessions. 2. Un projet présenté à l'approbation royale, en exécution des dispositions de cette section, portera la mention signée par le Speaker de la Chambre des communes certifiant que ces dispositions ont été entièrement appliquées. 3. Un projet sera considéré comme rejeté par la Chambre des lords s'il n'est pas adopté par celle-ci soit sans amendement soit avec des amendements acceptés par les deux chambres. 4. Un projet sera considéré comme le même projet qu'un ancien projet transmis à la Chambre des lords durant la session précédente si, lorsqu'il est transmis à la Chambre des lords, il est identique au précédent projet ou ne contient que des modifications considérées par le Speaker de la Chambre des communes comme nécessaires en raison du temps qui s'est écoulé depuis la date du précédent projet ou comme représentant les amendements apportés par la Chambre des lords à ce projet durant la session précédente et certifiées comme telles : tout amendement certifié par le Speaker comme amendement apporté au projet par la Chambre des lords durant la troisième session et accepté par la Chambre des communes, sera inséré dans le projet présenté à l'approbation royale en application de la présente section. Toutefois, la Chambre des communes pourra, si elle le juge utile, lors de l'examen d'un tel projet durant la deuxième ou la troisième session, proposer d'autres amendements sans inclure ceux-ci dans le projet : tout amendement ainsi proposé sera examiné par la Chambre des lords et en cas d'accord de celle-ci sera considéré comme un amendement de la Chambre des lords accepté par la Chambre des communes ; cependant l'exercice de ce droit par la Chambre des communes ne modifiera pas les effets de cette section au cas où le projet sera rejeté par la Chambre des lords. 3 - Certificat du Speaker Tout certificat délivré par le Speaker de la Chambre des communes en vertu de la présente loi fera foi en toutes circonstances et ne pourra être contesté devant aucun tribunal. 4 - Formule de promulgation 1. Tout projet présenté à Sa Majesté en vertu des dispositions de la présente loi sera promulgué au moyen de la formule suivante : « La très excellente Majesté du roi donne force de loi, sur l'avis et avec le consentement des communes réunies dans le présent Parlement, conformément aux dispositions de la loi sur le Parlement de 1911 et par l'autorité de ce Parlement, à la loi dont la teneur suit ». 2. Les modifications apportées à un projet en application de la présente section 4 ne seront pas considérées comme des amendements. 5 - Exclusion des projets approuvant les ordres provisoires Dans cette loi l'expression « projet » (Publics Bill), ne comprend pas les projets (BilIs) approuvant les ordres provisoires. 6 - Sauvegarde des droits et privilèges actuels de la Chambre des communes Aucune disposition de cette loi ne pourra diminuer ou définir limitativement les droits et privilèges actuels de la Chambre des communes. 7 - Durée de la législature Cinq ans seront substitués à sept ans pour la durée maxima de chaque législature telle 29 qu'elle a été fixée par la loi de 1715 fixant cette durée à sept ans. […] Document 4 : Loi modifiant la loi sur le Parlement de 1911, 16 décembre 1949 (traduction issue de http://mjp.univ-perp.fr/). La très excellente Majesté du Roi donne force de loi, sur l'avis et avec le consentement des communes réunies dans le présent Parlement, conformément aux dispositions de la loi sur le Parlement de 1911, et par l'autorité du Parlement, à la loi dont la teneur suit : 1. Substitution des mentions de deux sessions et un an à celles de trois sessions et deux ans La loi sur le Parlement de 1911 aura effet et sera censée avoir eu effet depuis le début de la session durant laquelle le projet de la présente loi a été présenté à la Chambre des communes (excepté pour ce projet lui-même), comme si : a) avaient été substitués, dans les sous-sections 1 et 4 de la section 2 de la loi précitée, aux mots : « en trois sessions successives », « au moment de son troisième rejet », « durant la troisième de ces sessions », « durant la troisième session » et « durant le deuxième ou la troisième session », respectivement, les mots : « en deux sessions successives », « au moment de son deuxième rejet », « durant la seconde de ces sessions », « durant la seconde session » et « durant la seconde session », respectivement ; et b) avaient été substitués, dans la sous-section 1 de la section 2 précitée, aux mots : « que deux ans se soient écoulés » les mots : « qu'un an se soit écoulé »; étant entendu que, si un projet a été repoussé pour la seconde fois par la Chambre des lords avant l'approbation royale de la présente loi, que ce rejet ait eu lieu dans la même session que celle durant laquelle l'approbation royale a été donnée à la présente loi ou durant une session antérieure, l'exigence de ladite section deux, qu'un projet soit présenté à Sa Majesté au moment du second rejet de la Chambre des lords, aura pour effet que le projet repoussé devra être présenté à Sa Majesté aussitôt après l'approbation royale de la présente loi et, même si un tel rejet a eu lieu durant une session antérieure, le projet repoussé pourra recevoir l'approbation royale durant la session au cours de laquelle l'approbation royale a été donnée à la présente loi. […] Document 5 : Loi du Parlement sur la Chambre des Lords, 11 novembre 1999 (traduction issue de http://mjp.univ-perp.fr/). (1) L'article premier ne s'applique pas à « Qu'il soit promulgué comme suit par Sa ceux qui y font exception conformément Majesté la Reine, par et avec le conseil et au règlement de la chambre. le consentement des Lords religieux et laïcs et des membres de la chambre des (2) 90 personnes font exception à l'article Communes, rassemblés en en ce premier, mais les titulaires de l'office de Parlement, et de par leur autorité, Earl Marshall [Chef du protocole] et de Article premier - Exclusion des pairs héréditaires Nul ne sera membre de la chambre des Lords en vertu d'une pairie héréditaire. Article 2 - Exceptions à l'article premier 30 Lord Grand Chambellan (Great Chamberlain), y faisant également exception, ne sont pas comptés dans ce nombre. (3) Une personne exemptée de l'application de l'article premier est exemptée à vie (sauf si une loi du Parlement prévoit le contraire). (4) Le règlement prévoit le remplacement des personnes exemptées de l'application de l'article premier, et dans le cas où : a) la vacance suit un décès survenu après la fin de la première session du prochain Parlement après celui où cette loi a été votée, et b) la personne décédée était exemptée à la suite d'une élection, le remplacement exige la tenue d'une élection partielle. (5) Une personne peut être exemptée de l'application de l'article premier par ou en accord avec le règlement préparé en prévision du vote ou de la première mise en application de cet article. (6) Toute question concernant une personne exemptée de l'application de l'article premier est réglée par le secrétaire général du Parlement, dont l'acte est irréfragable. (2) En conséquence toute assignation du Parlement actuel pour cause de pairie héréditaire sera sans effet à la suite de cette session, à moins d'être produite par une personne exemptée de l'application de l'article premier en application de l'article 2. (3) Le ministre peut, lorsqu'il l'estime nécessaire, prendre par ordonnance des dispositions transitoires en ce qui concerne le droit de vote des pairs héréditaires à la chambre des Communes ou au Parlement européen. (4) Une ordonnance selon cet article : a) peut modifier l'effet de toute loi ou de toute disposition prise selon cette loi, et b) elle est faite par un instrument législatif qui peut être annulé par une résolution de l'une ou l'autre des deux chambres. […] Article 3 - Levée de l'inéligibilité concernant la chambre des Communes (1) Le titulaire d'une pairie héréditaire n'est pas interdit en vertu de cette pairie de a) voter aux élections à la chambre des Communes, et b) siéger et d'être élu à cette chambre. (2) Le paragraphe 1 ci-dessus ne s'applique pas aux personnes exemptées de l'article premier en application de l'article 2. Article 4 - Amendements et abrogations (1) Les actes mentionnés à l'annexe 1 sont amendés comme il est spécifié ci-après. (2) Les actes mentionnés à l'annexe 2 sont abrogés dans la mesure de ce qui est spécifié ci-après. Article 5 - Clause initiale et transitoire (1) Les articles 1 à 4 (ainsi que les annexes 1 et 2) entreront en vigueur dès la fin de la session parlementaire durant laquelle cette loi a été votée. 31 Document 6 : Craig (P.), Pouvoir exécutif et pouvoir législatif au Royaume-Uni, Cahiers du Conseil constitutionnel n° 19 (Dossier : Loi et réglements), janvier 2006. I. La répartition des pouvoirs entre le législatif et l'exécutif: les fondements Il convient de souligner d'emblée que le Royaume-Uni n'a pas de constitution écrite et qu'aucun document ne vient formellement définir les pouvoirs respectifs du corps législatif et de l'exécutif. Il s'ensuit qu'il n'existe aucune disposition constitutionnelle écrite formelle précisant que l'exercice de certains pouvoirs relève du seul exécutif. En conséquence, au Royaume-Uni, l'exécutif n'a pas la possibilité de soutenir, par exemple, que le pouvoir législatif empiète sur la sphère de compétences constitutionnellement protégée qui serait la sienne. La répartition réelle des pouvoirs entre législatif et exécutif au Royaume-Uni s'appuie, en arrière-plan, sur le principe de la souveraineté du Parlement. La signification précise de ce principe constitutionnel soulève la controverse dans les milieux universitaires du RoyaumeUni. Pour les besoins de notre exposé toutefois, il suffira de retenir qu'il est généralement admis que ce principe signifie qu'il serait loisible au Parlement, s'il le souhaitait, de disposer par voie législative que certains des pouvoirs exercés jusqu'alors par l'exécutif devraient désormais être soumis à l'approbation du Parlement sous forme de loi écrite. L'on peut donc dégager de ce qui précède un principe fondamental de départ aux termes duquel, au Royaume-Uni: - aucune sphère de compétences propre à l'exécutif n'est définie et protégée par une constitution écrite; et - le principe de la souveraineté parlementaire permettrait au Parlement, s'il le souhaitait, d'exiger que certains pouvoirs fussent exercés exclusivement par la voie législative. II. La répartition des pouvoirs entre le législatif et l'exécutif: l'étendue du pouvoir de l'exécutif L'analyse qui précède ne fournit cependant aucune précision quant à la nature des pouvoirs juridiques dont est investi l'exécutif au Royaume-Uni. Ceux-ci sont fondamentalement de deux sortes. Les pouvoirs les plus importants qu'exerce l'exécutif sont tirés de la loi. Il est très fréquent au Royaume-Uni que des textes législatifs confèrent à un ministre ou à une autre autorité disposant d'une compétence exécutive des pouvoirs discrétionnaires les autorisant à appliquer certaines dispositions de la loi primaire comportant une telle habilitation. De fait, la plus grande part de l'autorité qu'exercent les membres de l'exécutif trouve son fondement dans la loi. Le degré de précision que revêtent ces attributions de pouvoirs varie considérablement d'un domaine à l'autre, tout comme la mesure dans laquelle la législation énonce des critères destinés à structurer l'exercice de ces pouvoirs discrétionnaires ou à fournir des orientations en vue de leur exercice. L'exercice de ces pouvoirs discrétionnaires par l'exécutif sera bien entendu soumis au contrôle juridictionnel, en application des principes bien établis du contrôle de légalité (judicial review), y compris aujourd'hui sur le fondement du Human Rights Act (loi sur les droits de l'homme) de 1998. L'exécutif dispose également de ce que l'on appelle au Royaume-Uni les prérogatives souveraines (prerogative powers). Les points de vue divergent quant à la définition exacte des prérogatives souveraines. Pour Dicey, elles constituaient le fondement juridique de tout ce qui, dans l'action de l'exécutif, pouvait être entrepris sans l'autorisation du Parlement 2. Pour Blackstone, la notion se rapportait à ceux des droits et capacités dont le roi était seul investi, par opposition aux autres, et non à ceux dont il partageait la jouissance avec ses sujets. Notre premier souci n'est pas ici d'apprécier la portée précise de ces différentes définitions. Ce qui importe est que ces prérogatives souveraines, de quelque manière qu'on les définisse, ne sont pas considérées au Royaume-Uni comme la manifestation d'un domaine réservé de l'exécutif qui serait constitutionnellement immuable ou protégé contre tout empiétement de la part du pouvoir législatif. Il s'agit tout au contraire d'un résidu de pouvoirs de l'exécutif dont les contours peuvent être aujourd'hui dessinés par les juridictions et le pouvoir législatif, tout comme ils l'ont été dans le passé. Chacun de ces points sera considéré successivement. A. Les juridictions ont clairement indiqué dès le XVIIe siècle qu'elles fixeraient les limites et l'étendue des prérogatives souveraines. 1) Les juridictions ont énoncé que le roi ne pouvait par simple proclamation modifier aucune partie de la common law, de la législation ni de la coutume. Il ne pouvait pas davantage créer de nouvelles infractions pénales par voie de proclamation, car cela reviendrait à modifier la loi. Le roi, en conséquence, ne disposait d'autres prérogatives que celles que les lois du pays (the law of the land) lui conféraient 3. Le principal bénéficiaire de la décision de justice ayant ainsi statué fut le Parlement. Les juridictions refusaient de reconnaître au roi un quelconque pouvoir législatif indépendant du Parlement. En refusant de reconnaître l'existence d'un tel pouvoir général, les juges avaient envoyé pour message au roi que, s'il souhaitait atteindre certains objectifs, la seule manière pour lui d'y parvenir était de passer par le vote de lois, et donc de recueillir l'assentiment du Parlement. 2) Les juridictions poussèrent cette logique un peu plus loin au cours des XIXe et XXe siècles. Elles signifièrent clairement que lorsque le Parlement s'était prononcé sur une question, le pouvoir exécutif ne pouvait se prévaloir d'une quelconque prérogative souveraine qui pût se rapporter au même sujet 4. Leur décision s'opposait donc à ce que prérogative souveraine et pouvoir législatif puissent exister en parallèle. Lorsque le Parlement démocratiquement élu avait légiféré dans un domaine déterminé, l'exécutif ne pouvait faire autre chose que se conformer aux conditions énoncées dans les lois pertinentes et ne pouvait pas chercher à parvenir à un meilleur résultat en prétendant se fonder sur une prérogative souveraine. Lorsque le Parlement était intervenu pour disposer par voie législative que des pouvoirs qui relevaient auparavant des prérogatives souveraines devaient être exercés d'une façon déterminée et sous réserve des limites et des dispositions contenues dans la loi, ils ne pouvaient être exercés qu'ainsi. Si tel n'avait pas été le cas, il eût été inutile d'imposer des limites dès lors que l'exécutif aurait pu selon son bon plaisir n'en tenir aucun compte et se replier sur sa prérogative souveraine. Le principe constitutionnel était donc que, une fois le pouvoir d'ingérence de l'exécutif dans les biens ou la liberté des citoyens placé sous le contrôle du Parlement et directement réglementé par un texte législatif, l'exécutif ne tenait plus son autorité des prérogatives souveraines mais du Parlement et que, dans l'exercice de cette autorité, le respect des restrictions imposées par le Parlement au bénéfice du citoyen s'imposait à lui. 3) L'insistance des juges quant à la nécessité d'un contrôle des prérogatives souveraines apparut clairement au cours des dernières décennies du XXe siècle. Dans le passé, il était traditionnellement admis que les juridictions devaient exercer leur contrôle sur l'existence et l'étendue des prérogatives souveraines, mais non sur la manière de les exercer. Une décision de la Chambre des Lords est revenue sur cette position orthodoxe. Les juges-Lords soulignèrent le fait que la possibilité d'un contrôle juridictionnel du pouvoir discrétionnaire devait dépendre du sujet dont la juridiction avait à débattre, et non de la question de savoir si une loi ou une prérogative en constituait la source. Cette décision était le corollaire logique de la jurisprudence existante. L'idée maîtresse en était que l'exercice par l'exécutif de ses 33 prérogatives souveraines devait être soumis aux mêmes types de contrôle que ceux qui s'appliquaient aux pouvoirs découlant de textes législatifs 5. L'exécutif ne devait, en conséquence, bénéficier d'aucun avantage lorsqu'il agissait sur le fondement de prérogatives souveraines. Le message fondamental de cette décision était donc celui de l'équivalence. Quand il agissait en vertu du plus légitime des pouvoirs discrétionnaires, à savoir celui conféré par la loi, l'exécutif était soumis à des contrôles portant sur la manière d'exercer ce pouvoir; dans ces conditions, les contrôles opérés sur l'exercice d'une compétence souveraine discrétionnaire ne devaient pas être sensiblement différents. B. De son côté, le Parlement a également limité les prérogatives souveraines exercées par l'exécutif. La prérogative souveraine se trouvait au coeur des rapports entre le roi et le Parlement aux XVIIe et XVIIIe siècles. Les contrôles juridictionnels ont servi, ainsi que nous l'avons vu, à limiter l'existence et l'étendue de la prérogative dans des affaires d'une portée majeure où l'essentiel du litige portait sur les pouvoirs respectifs du roi et du Parlement. Dans l'arène politique, le Parlement, et plus particulièrement la Chambre des Communes, a cherché à imposer un contrôle toujours croissant sur la manière dont étaient exercées les prérogatives souveraines dont l'existence était reconnue, ce dans le but de renforcer sa propre position dans l'ordonnancement constitutionnel du pays. À l'époque, les prérogatives souveraines présentant une importance majeure étaient celles afférentes à la désignation des ministres et à la dissolution du Parlement. Il s'agissait là des principaux pouvoirs grâce auxquels le roi pouvait conserver une certaine emprise sur le Parlement. Au cours des XVIIe et XVIIIe siècles, le Parlement a cherché à contenir, tant directement qu'indirectement, ces prérogatives souveraines. On en retiendra comme exemple le Septennial Act de 1716, une loi qui portait la durée de vie maximale du Parlement à sept ans. Elle ne régissait pas directement la période minimum pendant laquelle le Parlement devait siéger; elle a néanmoins eu pour effet d'aboutir à ce résultat. Il s'est donc agi d'un facteur important de stabilité pour le gouvernement du pays au XVIIIe siècle, car elle a donné une durée de vie propre au Parlement, dont elle a ainsi diminué la dépendance vis-à-vis du roi et de ses ministres. III. La répartition du pouvoir entre le législatif et l'exécutif: la réalité du pouvoir de l'exécutif L'on pourrait penser en lisant l'analyse qui précède que la situation de l'exécutif au RoyaumeUni est précaire d'un point de vue juridique et faible d'un point de vue politique. Rien n'est moins vrai. En réalité, nonobstant tout ce qui a été évoqué jusqu'à présent, l'exécutif est au Royaume-Uni la force dominante sur le plan politique et il exerce une réelle emprise sur le Parlement pour ce qui concerne l'adoption et le contenu de la législation tant primaire que déléguée. Il importe de s'interroger brièvement sur les raisons de cette prédominance et sur la manière dont celle-ci se manifeste dans le processus d'adoption des textes législatifs. Les raisons de la prédominance du pouvoir exécutif sur le pouvoir législatif remontent au développement du suffrage et du système des partis au cours du XIXe siècle. Dans les premières années de ce siècle, les fonctions de l'exécutif étaient relativement limitées: maintien de l'ordre, collecte des recettes publiques et conduite des affaires étrangères. L'exécutif n'était pas perçu comme soumis à une obligation de mettre en oeuvre toute une série de politiques internes. La législation interne devait normalement recevoir son impulsion des initiatives des députés. Le revers de la médaille était la relative faiblesse du système des partis quand il s'agissait de voter les projets de loi soumis à la Chambre. Les clivages ne suivaient pas fidèlement les contours des partis. Ce fut l'extension du droit de suffrage qui joua un rôle prépondérant dans la modification de l'équilibre constitutionnel. À mesure que l'électorat s'accroissait, la nécessité s'imposait aux gouvernements de s'attirer les bonnes grâces d'une fraction toujours croissante de la population. Il fallait promettre des avantages à ceux qui pouvaient voter. Bien entendu, la légitimité de la Chambre des Communes se trouva renforcée par l'extension du suffrage. Ce fut toutefois cette même extension de l'assise 34 politique de la Chambre des Communes qui renforça l'exécutif. Le besoin accru de séduire un électorat plus large conduisit le pouvoir exécutif à faire entrer dans son champ d'action une gamme de tâches plus vaste que ce que ses prédécesseurs avaient entrepris. L'exécutif commença donc à jouer un rôle croissant dans l'introduction, la formulation et la promulgation de la législation interne. L'on attendit de plus en plus du gouvernement qu'il porte remède aux maux économiques et sociaux et corrige les déséquilibres du système économique. Pour réussir à faire adopter ses politiques, l'exécutif eut besoin de maîtriser le processus législatif et de contrôler ses propres partisans avec davantage de rigueur qu'auparavant. L'extension du suffrage en 1832, 1867 et 1884 changea donc la nature de la politique. Il ne suffisait plus d'acheter les électeurs. Ceux-ci étaient devenus trop nombreux. L'organisation des partis en dehors du Parlement devint nécessaire pour convaincre et cajoler les électeurs pour qu'ils fassent usage de leurs droits nouvellement acquis au bénéfice d'un parti donné. Les promesses de réforme firent office de " carotte ". La réalisation des promesses passait par une condition nécessaire, sinon suffisante, à savoir une emprise accrue exercée par l'exécutif au sein du Parlement et destinée à garantir l'adoption des lois requises. Au Royaume-Uni, c'est donc l'exécutif qui contrôle le corps et le processus législatifs. Ceci est vrai en ce qui concerne la législation tant primaire que déléguée (primary/delegated legislation) et se manifeste de plusieurs façons: L'exécutif jouera toujours le rôle principal dans l'élaboration de la politique et la détermination de l'ordre du jour législatif, même si occasionnellement sa direction officielle pourra s'incliner devant un groupe particulièrement puissant au sein du corps législatif, parce que l'exécutif rechigne à l'affronter. L'exécutif a concentré entre ses mains le processus législatif. Trois des causes principales de cette concentration de l'initiative législative doivent être relevées: le développement des commissions des lois ad hoc (standing committees), la discussion accrue de la législation au sein des comités du Cabinet (Cabinet committees) et la croissance de la législation déléguée. Les commissions des lois ad hoc sont devenues le véhicule habituel de l'examen des projets législatifs et la discipline des partis au sein de ces commissions a normalement toujours été rigoureusement maintenue. Il a été fait de plus en plus souvent recours à la limitation de la discussion dans le temps et aux procédures de guillotine afin que l'exécutif soit assuré que ses mesures ne subissent pas de retards indus. Si le développement des commissions des lois ad hoc a permis l'accélération du traitement des questions à la Chambre, la sophistication croissante de la gestion des textes législatifs au sein du Cabinet a également exercé une influence sur la concentration de l'initiative législative entre les mains de l'exécutif. L'on a fait appel aux comités du Cabinet pour fixer les détails des projets de loi. Ceux-ci pouvaient subir de nombreuses réécritures avant d'être présentés à la Chambre des Communes. La participation accrue du Cabinet dans la rédaction et la gestion des textes législatifs a permis à l'exécutif de déterminer avec une plus grande certitude le genre de disposition dont il sollicite l'approbation par le corps législatif. Il arrive rarement qu'un amendement soit imposé à un gouvernement contre sa volonté, que ce soit au sein d'une commission ou ailleurs. De nos jours, ce sont très largement les comités du Cabinet qui, avec le cabinet personnel du Premier ministre et le Cabinet Office, sont au coeur de l'élaboration de la politique gouvernementale. La croissance de la législation déléguée a, comme le développement des commissions des lois ad hoc ou la surveillance exercée par le Cabinet, contribué à la concentration de l'initiative législative entre les mains de l'exécutif, mais de manière différente. La législation déléguée n'est pas un phénomène récent. L'adoption d'une grande quantité de textes à 35 caractère social et économique a toutefois conduit à une augmentation du volume de la législation déléguée. La conséquence en fut la concentration de l'initiative législative entre les mains de l'exécutif dans son ensemble. C'est le gouvernement qui, même s'il intervient par l'intermédiaire des différents ministres, décide de la date et de l'opportunité des initiatives dans ce domaine. Et il est vrai, de plus, que l'effectivité du contrôle législatif sur le contenu de la législation déléguée est problématique. L'examen parlementaire de la législation déléguée existe certes, mais la nature de l'examen requis sera déterminée par les dispositions de la législation primaire pertinente et, de cela, ce sera l'exécutif qui aura la maîtrise. Même dans les cas où la législation primaire comportera effectivement des dispositions exigeant l'assentiment exprès du corps législatif avant que la législation déléguée acquière force de loi, la mise en oeuvre effective de ce contrôle parlementaire rencontrera souvent des difficultés d'ordre pratique. Il n'est donc pas surprenant, à la lumière de ce qui précède, que les commentaires juridiques et politiques se soient focalisés sur la prédominance de l'exécutif sur le corps législatif. Et nombreux ont été les rapports et initiatives officiels visant à renforcer et redonner vigueur à la position du corps législatif vis-à-vis de l'exécutif. La création de diverses commissions parlementaires de contrôle des différents départements ministériels (departemental select committees) chargées de surveiller l'activité de l'exécutif constitue une réforme notable dans ce sens. L'on a également expérimenté un recours accru à ce type de commissions parlementaires dans le processus législatif, pour introduire un examen du contenu des textes en discussion qui soit plus approfondi et dépasse les clivages partisans. Ce sont là des initiatives précieuses. Il n'en reste pas moins vrai que l'exécutif domine le corps législatif, et ce en dépit de l'absence de toute protection constitutionnellement garantie du pouvoir de l'exécutif. Notes : 1. Traduit de l'anglais par Patricia Kinder-Gest, professeur, Université Paris II, Panthéon-Assas. 2. Law of the Constitution (10e éd., 1967), pp 423-4. 3. Case of Proclamations (1611) 12 Co Rep. 74. 4. Att-Gen v. De Keyser's Royal Hotel Ltd 1920 AC 508. 5. Council of Civil Service Unions v. Minister for the Civil Service 1985 AC 374. Document 7 : Stevens (A.), Le Conseil constitutionnel vu d’outre-Manche : une énigme ?, Cahiers du Conseil constitutionnel, n°25, août 2009. 1. Le Conseil constitutionnel français a toujours constitué une énigme pour les observateurs britanniques. Au départ, c'est l'absence de véritable élément de comparaison avec le système britannique qui entrave la bonne compréhension de ses fonctions. Si le Royaume-Uni n'a pas de constitution écrite, il n'est est certes pas moins pourvu d'un corpus substantiel d'instruments constitutionnels et de jurisprudence constitutionnelle, reposant sur des traditions constitutionnelles fondamentales ainsi que sur un ensemble de plus en plus volumineux de traités internationaux et de lois bien ancrées. Mais il n'existe, ainsi que l'a souligné en 2003 un distingué professeur de droit2, aucune classification juridique reposant sur la distinction entre règle constitutionnelle et règle de droit ordinaire et, en conséquence, aucune juridiction spécifiquement consacrée aux règles constitutionnelles. En outre, la tradition dite de primauté de la Couronne et du Parlement agissant ensemble (the Crown in Parliament – en réalité de la Chambre des Communes en tant qu'expression de la souveraineté du corps électoral3) a pour effet de mettre le contenu de la loi à l'abri de toute forme de contrôle juridictionnel, à quelque stade de son élaboration que ce soit comme postérieurement à celle-ci. Ainsi, le Royaume-Uni est-il dépourvu de toute expérience lui permettant de situer le Conseil constitutionnel. De plus, dans la mesure de ce que observateurs britanniques comprennent des organes de contrôle, le Conseil constitutionnel n'entre manifestement pas, parce qu'il ne connaît pas d'affaires issues du système juridictionnel, dans la catégorie 36 générale des « Cours constitutionnelles » plus ou moins familière aux juristes et universitaires britanniques. 2. La difficulté qu'ont les Britanniques à situer le Conseil constitutionnel se trouve accrue par le fait que ceux-ci comprennent que le Conseil constitutionnel a pour principale fonction de freiner les activités du Parlement, en exerçant un contrôle sur sa composition, en empêchant la législation qu'il adopte de marcher sur les plates-bandes de l'exécutif et en veillant à ce que toutes ses productions respectent la Constitution. L'idée même d'une entrave imposée au Parlement qui soit autre que les contraintes d'ordre politique découlant du fonctionnement d'un système démocratique, est totalement étrangère au système britannique. La présomption selon laquelle une telle absence de contrepouvoirs risque de déboucher sur l'oppression peut de ce point de vue être rapidement écartée si l'on se souvient qu'en définitive tous les systèmes, qu'ils soient démocratiques ou non, reposent sur la légitimation par le peuple et que, lorsque cette légitimité disparaît, comme ce fut le cas en France en 1958 avec la Quatrième République ou en Europe de l'Est en 1989, même une constitution ne peut pas perdurer. 3. Le principe de souveraineté du Parlement qui a cours au Royaume-Uni et qui ne laisse aucune place à un organe dont la fonction serait celle d'un frein, tel le Conseil constitutionnel, a de surcroît survécu intact aux réformes récentes introduites par la loi de réforme constitutionnelle de 2005, qui accroît légèrement la séparation des pouvoirs en détachant, tant sur le plan opérationnel que physique, la Cour suprême britannique de la Chambre des Lords··· avec pour conséquence que, une fois l'aménagement du nouveau bâtiment achevé, les arrêts ne seront plus prononcés dans la chambre des débats de la Chambre des Lords et que les nouveaux juges – dorénavant dénommés Juges de la Cour suprême et non plus Lords of Appeal in Ordinary – ne pourront plus (ce que regrettent au moins certains d'entre eux4) participer aux travaux techniques et d'enquêtes de la Chambre des Lords. La nouvelle appellation de cette juridiction est certes logique, puisqu'elle est la juridiction suprême (c'està-dire la plus élevée) dont les décisions sont insusceptibles d'appel, mais elle peut également être trompeuse car elle invite à la comparaison avec d'autres Cours suprêmes qui, elles, sont dotées de fonctions constitutionnelles. Or la nouvelle Cour suprême du Royaume-Uni n'est investie d'aucune fonction autre que celles déjà dévolues aux Lords of Appeal in Ordinary et ne pourra pas contester la validité ou la « constitutionnalité » d'une loi. 4. Le Conseil constitutionnel français fut salué au Royaume-Uni après 1958 comme l'un des aspects les plus originaux du nouveau régime : « bien qu'il ne permette pas ce qui pourrait être qualifié de contrôle juridictionnel, il crée néanmoins un organe qui, à l'intérieur d'un cadre précis et d'étroites limites, est investi de la tâche de se prononcer sur la constitutionnalité des textes parlementaires ou gouvernementaux »5. La perception du Conseil constitutionnel comme étant à la fois étroitement cantonné à des questions techniques et politiquement engagé fut renforcée par le rôle qui fut le sien dans la controverse qui entoura le referendum de 1962. Les auteurs britanniques ont longtemps considéré le Conseil constitutionnel comme étant « catalogué chien de garde de la suprématie du pouvoir exécutif »6. 5. Les développements des années soixante-dix, et surtout la décision de 1971 relative à la liberté d'association (n° 71/44 DC du 16 juillet 1971) ainsi que la réforme constitutionnelle de 1974 élargissant le droit de saisine du Conseil ont progressivement conduit à remettre en question les appréciations antérieures. La décision de 1982 sur le traitement des actionnaires dans des industries nationalisées et celle de 1992 sur la ratification du traité de Maastricht ont été toutes deux perçues comme les indices d'un rôle plus activiste et plus politique, tandis que la signification de la décision de 1982, sur les quotas par sexe sur les listes électorales, n'a peut-être été perçue que lorsque les débats sur la parité ont pris de l'ampleur à la fin des 37 années quatre-vingt-dix. Au début des années quatre-vingt-dix, deux études majeures de science politique furent publiées en langue anglaise sous la plume, l'une d'un Américain, l'autre d'un Britannique7. Cette approche est probablement idoine, puisque, comme le fait remarquer un juriste britannique, beaucoup de ce que l'on enseigne en France sous l'appellation de droit constitutionnel « serait considéré en Angleterre comme relevant de la science politique »8. La tendance générale des interprétations britanniques était alors de souligner le caractère de plus en plus affirmé de l'exercice par le Conseil de ses prérogatives ainsi que la nature fondamentalement politique9 de celui-ci en raison du mode de désignation des juges constitutionnels, de l'origine de ses membres et du dernier recours qu'il offrait à l'opposition de couler un texte législatif que sa position minoritaire dans les assemblées législatives l'avait empêché d'écarter. 6. Cet aspect éminemment politique des fonctions du Conseil est de nature à susciter une certaine perplexité chez les juristes britanniques. D'un côté, ils font remarquer qu'il s'agit d'un organe dont les membres sont parfois appelés juges et dont les décisions, surtout quand elles font comme aujourd'hui référence à des décisions antérieures, semblent analogues à celles des juridictions normales10. À cet égard, le professeur John Bell, qui a le plus contribué à l'étude du Conseil sous un angle juridique au Royaume-Uni11, a soutenu que le Conseil « a développé sa propre théorie générale des droits et des libertés », tant centraux – les libertés classiques – que périphériques – l'expression de la vie en société 12. John Bell attache également une certaine importance au rôle joué par le Conseil constitutionnel dans l'établissement des frontières de la compatibilité entre les principes européens et la Constitution, comme par exemple dans la décision sur l'avortement (no 74-54 DC du 15 janvier 1975)13 ou dans les quatre décisions relatives aux directives communautaires (nos 2004-496 DC du 10 juin 2004, 2004-497 DC du 1er juillet 2004, 2004-498 DC et 2004-499 DC du 29 juillet 2004), citées par la suite dans la décision no 2004-505 DC du 19 novembre 2004. 7. D'un autre côté, les commentateurs et les juristes britanniques constatent que l'appartenance au Conseil constitutionnel n'est pas limitée aux personnes du monde du droit et comprend, ex officio, les anciens présidents de la République. En effet, John Bell note discrètement, dans une référence en bas de page, le rôle significatif joué par le président Valéry Giscard d'Estaing, l'un des acteurs majeurs du contexte politique qui a présidé à l'époque à l'élaboration du projet de traité de constitution européenne, dans les décisions nos 2004-497 du 1er uillet 004 et 2004-498 C du 29 uillet 00414. De surcroît, compte tenu de l'absence de tout pouvoir en matière de lois déjà promulguées, les décisions du Conseil, contrairement à celles d'autres juridictions en Europe, n'ont jamais été citées devant les juridictions supérieures britanniques comme autant d'illustrations de principes juridiques.15 Le fait que l'étude de John Bell16, qui introduit et traduit les principales décisions du Conseil constitutionnel et dont on aurait pu s'attendre à ce qu'elle constitue la référence majeure pour tout juriste britannique souhaitant citer la doctrine du Conseil devant les juridictions britanniques, n'ait fait l'objet d'aucune réédition depuis 1995 tend à conforter l'idée que celleci n'a eu que très peu d'impact sur le plan juridique au Royaume-Uni. 8. Les autres fonctions principales du Conseil constitutionnel sont exercées différemment ou même pas du tout au Royaume-Uni. Les premiers commentateurs ont souligné le contrôle par le Conseil des élections parlementaires et présidentielles et la validation des résultats de celles-ci, compris comme étant une réaction aux abus constatés sous la IVe épublique, où l'Assemblée nationale contrôlait elle-même sa composition. Au Royaume-Uni la loi de 1975 sur la déchéance des fonctions de membre de la Chambre des Communes, House of Commons Disqualification Act, énumère les cas de déchéance, au nombre desquels la faillite, une condamnation pénale ou une incapacité aux termes de la loi sur la santé mentale. En de telles circonstances, des procédures permettent au président de la Chambre des Communes de 38 déclarer le siège vacant. Des pratiques électorales entachées de corruption ou d'illégalité constituent des infractions pénales. Ainsi, dans le seul cas de ce genre au cours du vingtième siècle, celui de la députée Fiona Jones, le président déclara le siège vacant après la condamnation de Madame Jones du chef d'irrégularités en matière électorale puis, après infirmation de cette condamnation en appel et avis de la Haute Cour (High Court), annonça que le siège n'était plus vacant, permettant ainsi à l'intéressée de retrouver son siège aux Communes17. Créée en 2000, en partie en conséquence de cette affaire, pour réguler et contrôler les élections, la Commission électorale indépendante (Electoral Commission) ne proclame ni ne valide les résultats. La fonction du Conseil constitutionnel consistant à décider si telle ou telle profession ou fonction est incompatible avec l'appartenance à l'Assemblée est également exercée au Royaume-Uni au travers de mécanismes différents : les conflits d'intérêt d'ordre financier ou commercial sont traités par des mécanismes parlementaires internes, tandis que les incompatibilités énoncées dans la loi de 1975 (visant principalement les juges, les fonctionnaires, les membres des forces armées et de la police) est de la compétence de la Couronne par le biais du Privy Council (Conseil privé de la Reine). Les questions de fait sont de la compétence de la Haute Cour. 9. Le Parlement britannique a la maîtrise absolue de ses propres procédures, de ses règles de fonctionnement et de son comportement. Bien que ceci soit de nature à permette à tout parti politique majoritaire de contrôler totalement l'activité des Chambres, il existe en pratique des règles de conduite auto-imposées et des traditions constitutionnelles puissantes qui régissent les procédures et les pratiques. Toutefois aucun organe extérieur n'est investi d'une fonction semblable à celle du Conseil constitutionnel pour ce qui est du contrôle des règles de fonctionnement du Parlement. 10. Les premiers commentateurs ont également mis en relief le rôle crucial du Conseil qui consiste à veiller au respect des frontières entre l'action du pouvoir législatif et celle du pouvoir exécutif. Ici également la nature du Conseil découle de prémisses susceptibles de faire problème pour l'observateur britannique. La tradition constitutionnelle de la souveraineté de la Couronne et du Parlement agissant ensemble (Crown in Parliament) implique que ses actions ne rencontrent aucune entrave, ni juridique ni structurelle, quelles que puissent être les contraintes et inhibitions politiques. La prérogative de la Couronne confère certes au pouvoir exécutif une relative marge de manœuvre dans certains domaines, mais elle est susceptible d'être, et se trouve effectivement de plus en plus souvent limitée par l'intervention du Parlement si celle-ci est considérée comme politiquement souhaitable. On peut y voir le choix délibéré de la Couronne de s'incliner devant les limites posées par la loi, puisque le pouvoir de légiférer est bien celui de la Couronne et du Parlement agissant ensemble. 11. Dans la mesure où les démocraties occidentales se trouvent confrontées de plus en plus à la nécessité de parvenir à un équilibre entre le respect des droits de l'homme pour tous et le droit des citoyens à être protégés contre la subversion, la violence ou la terreur, le débat continue au Royaume-Uni quant à la pertinence d'un système fondé sur un mélange de législation plutôt diffuse (pour partie bien enracinée, pour le reste moins), de tradition, de coutume et d'usage, et l'existence d'habitudes, d'idées, d'attentes et de procédures qui perdurent sans interruption depuis l'époque médiévale. Des pressions se manifestent dans certains milieux en faveur d'une constitution écrite ou au moins, une Déclaration des droits, mais elles ne sont pas encore puissantes. Les Britanniques vont vraisemblablement continuer pour l'instant à entretenir leur attachement à ce qui leur semble bien fonctionner et être politiquement acceptable. Sous cet angle, la validité d'une constitution ne peut reposer que sur la loyauté politique qui l'entoure et la soutient. Affirmer ceci ne revient pas à nier l'utilité considérable de structures juridiques comme moyen d'assurer la stabilité. Les commentateurs britanniques du Conseil constitutionnel ont perçu celui-ci comme étant le fruit du désir de 39 parer aux conséquences de ce que Vincent Wright a décrit, avec une perspicacité remarquable, comme « un manque de respect persistant [de la part des Français] à l'égard de la Constitution de l'époque, laquelle··· était perçue comme rien d'autre qu'une simple règle dans le jeu, bien plus vaste, de la politique »18. Le rôle éminent du Conseil qui consiste à obliger les législateurs successifs à être attentifs aux conséquences de ce qu'ils font, et, dans certains cas, à rechercher une légitimation solennelle par le biais d'une révision constitutionnelle, doit être d'un précieux secours et d'une importance certaine pour concourir à la stabilité et empêcher tant les abus que la fossilisation. Pour bien remplir ce rôle, le Conseil doit veiller à ne jamais se trouver dans le rôle d'une « troisième Chambre » manifestement politique. Notes : 1. Traduit de l'anglais par Kinder-Gest (P.), Professeur à l'Université Paris II Panthéon-Assas. 2. McEldowney (J.), « Memorandum » House of Lords Select Committee on the Constitution Ninth Report : The Draft Constitutional Treaty for the European Union, 2002-3 HL Paper 168, p. 37. 3. McEldowney (J.), « Memorandum », p. 37. 4. Information recueillie par l'auteur. 5. Pickles (D.), The Fifth French Republic 3e édition, Methuen, Londres, 1965, p. 35. 6. Hayward (J.E.S.), Governing France, Weidenfeld and Nicolson, Londres, 1983, p. 139. 7. Stone (A.), The Birth of Judicial Politics in France : The Constitutional Council in Comparative Perspective, Oxford University Press, Oxford, 1992 (Américain) et Harrison (M.), « The French Constitutional Council : A study in institutional change », Political Studies, 38/4, 1990, p. 604 (Britannique). 8. Bell (J.), Boyron (S.) and Whittaker (S.), Principles of French Law, Oxford University Press, Oxford, 1998, p. 139. 9. Interprétation que l'on peut même trouver dans des textes de nature juridique : voir par exemple Bell (J.), Boyron (S.) and Whittaker (S.), Principles of French Law, Oxford University Press, Oxford, 1998, p. 148. 10. Voir par exemple : Bell (J.), « The French Constitutional Council and European Law », International and Comparative Law Quarterly, vol. 54, 2005, pp 735 – 744. 11. Voir Bell (J.), French Constitutional Law, Oxford University Press, Oxford, 1992. 12. Bell (J.), Boyron (S.) and Whittaker (S.), Principles of French Law, Oxford University Press, Oxford, 1998, pp. 156-7. 13. Bell (J.), « French Administrative Law and the Supremacy of European Laws », European Public Law, 11/4, 2005, p. 488. 14. Voir par exemple Bell (J.), « The French Constitutional Council and European Law », International and Comparative Law Quarterly, vol. 54, 2005, p. 740, note 24. 15. Information recueillie par l'auteur. 16. Bell (J.), French Constitutional Law new edition, Oxford University Press, Oxford, 1995. 17. The Guardian, 20 et 30 avril 1999. 18. Wright (V.), « The Fifth Republic : From the Droit de l'État to the État de droit », West European Politics 22/4, 1999, p. 93. Voir aussi Harrison (M.), « The French Constitutional Council : A study in institutional change », Political Studies, 38/ 4, 1990, p. 604. Document 8 : Beaud (O.), La puissance de l’État, PUF, 1994, pp. 252 à 253. « L’erreur qu’il ne faut pas commettre serait de confondre l’État fédéral avec la Fédération. Celle-ci n’est pas un État (donc elle se distingue de la notion d’État fédéral), mais une union d’États qui est toutefois suffisamment intégrée pour ne pas être une simple ligue ou Confédération. Cette requalification permet de traiter autrement le problème de la conciliation entre l’idée de souveraineté et d’État avec celle d’État fédéral qui a donné lieu à une littérature juridique immense et décourageante tant elle est obscure et compliquée. » 40 Document 9 : Déclaration d’indépendance du 4 juillet 1776. Document 10 : Constitution des États-Unis d’Amérique 41 Article I Section 1 Tous les pouvoirs législatifs accordés par cette Constitution seront attribués à un Congrès des États-Unis, qui sera composé d'un Sénat et d'une Chambre des représentants. Section 2 La Chambre des représentants sera composée de membres choisis tous les deux ans par le peuple des différents États ; dans chaque État les électeurs devront répondre aux conditions requises pour être électeur à l'assemblée la plus nombreuse de la législature de cet État. Nul ne pourra être représentant s'il n'a atteint l'âge de vingt-cinq ans, s'il n'est citoyen américain depuis sept ans et s'il ne réside, au moment de l'élection, dans l'État où il doit être élu. Les représentants et les impôts directs seront répartis entre les différents États qui pourront faire partie de cet Union, proportionnellement au nombre de leurs habitants, qui sera déterminé en ajoutant au nombre total des personnes libres, y compris celles qui se sont louées pour un nombre d'années déterminé, mais à l'exclusion des Indiens non soumis à l'impôt, trois cinquièmes de toutes les autres personnes. Le recensement sera effectué dans les trois ans qui suivront la première réunion du Congrès, et ensuite tous les dix ans, de la manière qui sera fixée par la loi. Le nombre des représentants n'excédera pas un pour trente mille habitants, mais chaque État aura au moins un représentant : jusqu'à ce que le recensement soit effectué, l'État du New Hampshire aura droit à trois représentants, le Massachusetts à huit, l'État de Rhode Island et Plantations de Providence à un, le Connecticut à cinq, l'État de New York à six, le New Jersey à quatre, la Pennsylvanie à huit, le Delaware à un, le Maryland à six, la Virginie à dix, la Caroline du Nord à cinq, la Caroline du Sud à cinq et la Géorgie à trois. Lorsque des vacances se produiront dans la représentation d'un État, le pouvoir exécutif de cet État fera procéder à des élections pour y pourvoir. La Chambre des représentants choisira son président et les autres membres de son bureau, et elle détiendra seule le pouvoir de mise en accusation devant le Sénat. Section 3 Le Sénat des États-Unis sera composé de deux sénateurs pour chaque État, choisis pour six ans par la législature de chacun, et chaque sénateur disposera d'une voix. Dès qu'ils seront réunis à la suite de la première élection, les sénateurs seront divisés aussi également que possible en trois groupes. Les sièges des sénateurs du premier groupe seront déclarés vacants à l'expiration de la deuxième année, ceux du second groupe à l'expiration de la quatrième année et ceux du troisième groupe à l'expiration de la sixième année, de telle sorte qu'un tiers puisse être renouvelé tous les deux ans ; et si des vacances se produisent, par démission ou autrement, en dehors des sessions législatives d'un État, le pouvoir exécutif de cet État peut procéder à des nominations temporaires jusqu'à la réunion suivante de la législature, qui pourvoira alors à ces vacances. Nul ne pourra être sénateur s'il n'a atteint l'âge de trente ans, s'il n'est pas depuis neuf ans citoyen des États-Unis et s'il ne réside, au moment de l'élection, dans l'État pour lequel il est élu. Le vice-président des États-Unis sera président du Sénat, mais n'aura pas de droit de vote, à moins d'égal partage des voix du Sénat. Le Sénat choisira les autres membres de son bureau, ainsi qu'un président temporaire, en cas d'absence du vice-président des États-Unis, ou lorsque celui-ci sera appelé à exercer les fonctions de président des États-Unis. Le Sénat aura seul le pouvoir de juger les personnes mises en accusation par la Chambre des représentants. Lorsqu'il siégera à cet effet, les sénateurs prêteront serment ou feront une déclaration solennelle. En cas de jugement du président des États-Unis, le président de la Cour suprême présidera. Nul ne pourra être déclaré coupable que par un vote des deux tiers des membres présents. Les condamnations prononcées en cas d'« impeachment » ne pourront excéder la destitution et l'interdiction d'occuper tout poste de confiance ou d'exercer toute fonction honorifique ou rémunérée des États-Unis ; mais la partie condamnée sera néanmoins responsable et sujette à accusation, procès, jugement et condamnation suivant le droit commun. Section 4 L'époque, le lieu et la procédure des élections des sénateurs et des représentants seront déterminés dans chaque État par la législature de cet État ; le Congrès peut toutefois, à tout moment, déterminer ou modifier par une loi les règles des élections, à l'exception de celles relatives au lieu des élections des sénateurs. Le Congrès se réunira au moins une fois par an, le premier lundi de décembre, à moins que, par une loi, il ne fixe un jour différent. Section 5 Chaque Chambre sera juge de l'élection de ses membres, du nombre de voix qu'ils ont obtenues et de leur éligibilité ; la majorité, dans chaque Chambre, sera nécessaire pour que les délibérations soient valables ; mais un nombre inférieur pourra ajourner la séance de jour en jour et pourra être autorisé à exiger la présence des membres absents par tels moyens et sous telles pénalités que la Chambre pourra décider. Chaque Chambre peut établir son règlement, prendre des sanctions contre ses membres pour conduite contraire au bon ordre et, à la majorité des deux tiers, prononcer l'expulsion de l'un d'entre eux. Chaque Chambre tiendra un procès-verbal de ses débats et le publiera de temps à autre, à l'exception des parties qui lui sembleraient requérir le secret ; les votes pour et les votes contre des membres de chacune des Chambres sur une question quelconque seront, à la demande d'un cinquième des membres présents, consignés dans le procès-verbal. Aucune des deux Chambres ne pourra, durant une session du Congrès et sans le consentement de l'autre Chambre, s'ajourner pour plus de trois jours, ni se transporter en aucun autre lieu que celui où les deux Chambres siégeront. Section 6 Les sénateurs et représentants percevront une indemnité qui sera fixée par la loi et payée par le Trésor des États-Unis. En aucun cas autre que ceux de trahison, crime ou atteinte à la paix publique, ils ne pourront être arrêtés durant leur participation aux sessions de leur Chambre, ni lorsqu'ils se rendront à une session de cette Chambre ou en reviendront ; ils ne pourront être inquiétés en aucun lieu pour leurs discours ou discussions dans l'une quelconque des Chambres. Aucun sénateur ou représentant ne pourra, durant la période pour laquelle il a été élu, être nommé à une fonction civile relevant de l'autorité des États-Unis, qui aurait été crée ou dont le traitement aurait été augmenté durant cette période ; aucune personne occupant une charge 43 relevant de l'autorité des États-Unis ne sera membre de l'une des deux Chambres tant qu'elle exercera ces fonctions. Section 7 Tous projets de loi comportant la levée d'impôts émaneront de la Chambre des représentants ; mais le Sénat pourra proposer ou accepter des amendements à y apporter comme aux autres projets de loi. Tout projet de loi adopté par la Chambre des représentants et par le Sénat devra, avant d'acquérir force de loi, être soumis au président des États-Unis. Si celui-ci l'approuve, il le signera ; sinon il le renverra, avec ses objections, à la Chambre dont il émane, laquelle insérera les objections in extenso dans son procès-verbal et procédera à un nouvel examen du projet. Si, après ce nouvel examen, le projet de loi réunit en sa faveur les voix des deux tiers des membres de cette Chambre, il sera transmis, avec les objections qui l'accompagnaient, à l'autre Chambre, qui l'examinera également de nouveau, et, si les deux tiers des membres de celle-ci l'approuvent, il aura force de loi. En pareil cas, les votes des deux Chambres seront acquis par oui et par non, et les noms des membres votant pour et contre le projet seront portés au procès-verbal de chaque Chambre respectivement. Tout projet non renvoyé par le président dans les dix jours (dimanche non compris) qui suivront sa soumission, deviendra loi comme si le président l'avait signé, à moins que le Congrès n'ait, par son ajournement, rendu le renvoi impossible ; auquel cas le projet n'acquerra pas force de loi. Tous ordres, résolutions ou votes, pour l'adoption desquels l'accord du Sénat et de la Chambre des représentants peut être nécessaire (sauf en matière d'ajournement), seront représentés au président des États-Unis, et, avant de devenir exécutoires, approuvés par lui, ou, en cas de dissentiment de sa part, adoptés de nouveau par les deux tiers du Sénat et de la Chambre des représentants, conformément aux règles et sous les réserves prescrites pour les projets de loi. Section 8 Le Congrès aura le pouvoir : De lever et de percevoir des taxes, droits, impôts et excises, de payer les dettes et pourvoir à la défense commune et à la prospérité générale des États-Unis ; mais les dits droits, impôts et excises seront uniformes dans toute l'étendue des États-Unis ; De faire des emprunts sur le crédit des États-Unis ; De réglementer le commerce avec les nations étrangères, entre les divers États, et avec les tribus indiennes ; D'établir une règle uniforme de naturalisation et des lois uniformes au sujet des faillites applicables dans toute l'étendue des États-Unis ; De battre monnaie, d'en déterminer la valeur et celle de la monnaie étrangère, et de fixer l'étalon des poids et mesures ; D'assurer la répression de la contrefaçon des effets et de la monnaie en cours aux États-Unis ; D'établir des bureaux et des routes de postes ; De favoriser le progrès de la science et des arts utiles, en assurant, pour un temps limité, aux auteurs et inventeurs le droit exclusif à leurs écrits et découvertes respectifs ; De constituer des tribunaux inférieurs à la Cour suprême ; 44 De définir et punir les pirateries et crimes commis en haute mer et les atteintes à la loi des nations ; De déclarer la guerre, d'accorder des lettres de marque et de représailles, et d'établir des règlements concernant les prises sur terre et sur mer ; De lever et d'entretenir des armées, sous réserve qu'aucune affectation de crédits à cette fin ne s'étende sur plus de deux ans ; De créer et d'entretenir une marine de guerre ; D'établir des règlements pour le commandement et la discipline des forces de terre et de mer ; De pourvoir à la mobilisation de la milice pour assurer l'exécution des lois de l'Union, réprimer les insurrections et repousser les invasions ; De pourvoir à l'organisation, l'armement et la discipline de la milice, et au commandement de telle partie d'icelle qui serait employée au service des États-Unis, en réservant aux États respectivement la nomination des officiers et l'autorité nécessaire pour instruire la milice selon les règles de discipline prescrites par le Congrès ; D'exercer le droit exclusif de législation, en toute matière, sur tel district (d'une superficie n'excédant pas 10 milles au carré) qui, par cession d'États particuliers et sur acceptation du Congrès, sera devenu le siège du gouvernement des États-Unis et d'exercer semblable autorité sur tous lieux acquis, avec le consentement de la législature de l'État dans lequel ils seront situés, pour l'érection de forts, dépôts, arsenaux, chantiers navals et autres constructions nécessaires ; Et de faire toutes les lois qui seront nécessaires et convenables pour mettre à exécution les pouvoirs ci-dessus mentionnés et tous autres pouvoirs conférés par la présente Constitution au gouvernement des États-Unis ou à l'un quelconque de ses départements ou de ses fonctionnaires. Section 9 L'immigration ou l'importation de telles personnes que l'un quelconque des États actuellement existants jugera convenable d'admettre ne pourra être prohibée par le Congrès avant l'année mil huit cent huit, mais un impôt ou un droit n'excédant pas 10 dollars par tête pourra être levé sur cette importation. Le privilège de l'ordonnance d'habeas corpus ne pourra être suspendu, sauf dans les cas de rébellion ou d'invasion, où la sécurité publique pourrait l'exiger. Aucun décret de culpabilité, ou aucune loi rétroactive ne sera promulgué. Nulle capitation ni autre taxe directe ne sera levée, si ce n'est proportionnellement au recensement ou dénombrement ci-dessus ordonné. Ni taxes, ni droits ne seront levés sur les articles exportés d'un État quelconque. Aucune préférence ne sera accordée par un règlement commercial ou fiscal aux ports d'un État sur ceux d'un autre ; et nul navire à destination ou en provenance d'un État ne sera assujetti à des formalités ou des droits d'entrée, de sortie ou de douane dans un autre. Aucune somme ne sera prélevée sur le Trésor, si ce n'est en vertu d'affectations de crédits stipulées par la loi ; un état et un compte réguliers de toutes les recettes et dépenses des deniers publics seront publiés de temps à autre. 45 Aucun titre de noblesse ne sera conféré par les États-Unis, et aucune personne qui tiendra d'eux une charge de profit ou de confiance ne pourra, sans le consentement du Congrès, accepter des présents, émoluments, charges ou titres quelconques, d'un roi, prince ou État étranger. Section 10 Aucun État ne pourra être partie à un traité ou une alliance ou à une Confédération ; accorder des lettres de marque et de représailles ; battre monnaie ; émettre du papier-monnaie, donner cours légal, pour le paiement de dettes, à autre chose que la monnaie d'or ou d'argent ; promulguer aucun décret de confiscation, aucune loi rétroactive ou qui porterait atteinte aux obligations résultant de contrats ; ni conférer des titres de noblesse. Aucun État ne pourra, sans le consentement du Congrès, lever des impôts ou des droits sur les importations ou les exportations autres que ceux qui seront absolument nécessaires pour l'exécution de ses lois d'inspection, et le produit net de tous les droits ou imôpts levés par un État sur les importations ou les exportations sera affecté à l'usage du Trésor des États-Unis ; et toutes ces lois seront soumises à la révision ou au contrôle du Congrès. Aucun État ne pourra, sans le consentement du Congrès, lever des droits de tonnage, entretenir des troupes ou des navires de guerre en temps de paix, conclure des accords ou des pactes avec un autre État ou une puissance étrangère, ni entrer en guerre, à moins qu'il ne soit effectivement envahi ou en danger trop imminent pour permettre le moindre délai. Article II Section 1 Le pouvoir exécutif sera conféré à un président des États-Unis d'Amérique. Il restera en fonction pendant une période de quatre ans et sera, ainsi que le vice-président choisi pour la même durée, élu comme suit : Les électeurs se réuniront dans leurs États respectifs et voteront par bulletin pour deux personnes, dont l'une au moins n'habitera pas le même État qu'eux. Ils dresseront une liste de toutes les personnes qui auront recueilli des voix et du nombre de voix réunies par chacune d'elles. Ils signeront cette liste, la certifieront et la transmettront, scellée, au siège du gouvernement des États-Unis, à l'adresse du président du Sénat. Le président du Sénat, en présence du Sénat et de la Chambre des représentants, ouvrira toutes les listes certifiées, et les suffrages seront alors comptés. La personne qui aura obtenu le plus grand nombre de voix sera président, si ce nombre représente la majorité de tous les électeurs nommés. Si deux ou plusieurs personnes ont obtenu cette majorité et un nombre égal de voix, la Chambre des représentants, par scrutin, choisira immédiatement l'une d'entre elles comme président. Si aucune personne n'a obtenu la majorité nécessaire, la Chambre des représentants choisira alors le président, selon la même procédure, parmi les cinq personnes ayant obtenu le plus grand nombre de voix. Mais, pour le choix du président, les votes seront comptés par État, la représentation de chaque État ayant une voix. Le quorum nécessaire à cet effet sera constitué par la présence d'un ou de plusieurs représentants des deux tiers des États, et l'adhésion de la majorité de tous les États devra être acquise pour la validité du choix. Dans tous les cas, après l'élection du président, la personne qui aura obtenu après lui le plus grand nombre des suffrages des électeurs sera vice-président. Mais s'il reste deux ou plusieurs personnes ayant le même nombre de voix, le Sénat choisira le vice-président parmi elles par scrutin. Le Congrès pourra fixer l'époque où les électeurs seront choisis et le jour où ils devront voter, ce jour étant le même sur toute l'étendue des États-Unis. 46 Nul ne pourra être élu président s'il n'est citoyen de naissance, ou s'il n'est citoyen des ÉtatsUnis au moment de l'adoption de la présente Constitution, s'il n'a trente-cinq ans révolus et ne réside sur le territoire des États-Unis depuis quatorze ans. En cas de destitution, de mort ou de démission du président, ou de son incapacité d'exercer les pouvoirs et de remplir les devoirs de sa charge, ceux-ci seront dévolus au vice-président. Le Congrès pourra, par une loi, prévoir le cas de destitution, de mort, de démission ou d'incapacité à la fois du président et du vice-président en désignant le fonctionnaire qui fera alors fonction de président, et ce fonctionnaire remplira ladite fonction jusqu'à cessation d'incapacité ou élection d'un président. Le président recevra pour ses services, à échéances fixes, une indemnité qui ne sera ni augmentée ni diminuée pendant la période pour laquelle il aura été élu, et il ne recevra pendant cette période aucun autre émolument des États-Unis, ni d'aucun des États. Avant d'entrer en fonctions, le président prêtera serment ou prononcera l'affirmation qui suit : « Je jure (ou affirme) solennellement de remplir fidèlement les fonctions de président des États-Unis et, dans toute la mesure de mes moyens, de sauvegarder, protéger et défendre la Constitution des États-Unis. » Section 2 Le président sera commandant en chef de l'armée et de la marine des États-Unis, et de la milice des divers États quand celle-ci sera appelée au service actif des États-Unis. Il pourra exiger l'opinion, par écrit, du principal fonctionnaire de chacun des départements exécutifs sur tout sujet relatif aux devoirs de sa charge. Il aura le pouvoir d'accorder des sursis et des grâces pour crimes contre les États-Unis, sauf dans les cas d' impeachment. Il aura le pouvoir, sur l'avis et avec le consentement du Sénat, de conclure des traités, sous réserve de l'approbation des deux tiers des sénateurs présents. Il proposera au Sénat et, sur l'avis et avec le consentement de ce dernier, nommera les ambassadeurs, les autres ministres publics et les consuls, les juges à la Cour suprême, et tous les autres fonctionnaires des ÉtatsUnis dont la nomination n'est pas prévue par la présente Constitution, et dont les postes seront créés par la loi. Mais le Congrès pourra, lorsqu'il le jugera opportun, confier au président seul, aux cours de justice ou aux chefs des départements, la nomination de certains fonctionnaires inférieurs. Le président aura le pouvoir de pourvoir à toutes vacances qui viendraient à se produire entre les sessions du Sénat, en accordant des commissions qui expireront à la fin de la session suivante. Section 3 Le président informera le Congrès, de temps à autre, de l'état de l'Union, et recommandera à son attention telles mesures qu'il estimera nécessaires et expédientes. Il pourra, dans des circonstances extraordinaires, convoquer l'une ou l'autre des Chambres ou les deux à la fois, et en cas de désaccord entre elles sur la date de leur ajournement, il pourra les ajourner à tel moment qu'il jugera convenable. Il recevra les ambassadeurs et autres ministres publics. Il veillera à ce que les lois soient fidèlement exécutées, et commissionnera tous les fonctionnaires des États-Unis. Section 4 Le président, le vice-président et tous les fonctionnaires civils des États-Unis seront destitués de leurs charges sur mise en accusation et condamnation pour trahison, corruption ou autres crimes et délits majeurs. 47 Article III Section 1 Le pouvoir judiciaire des États-Unis sera conféré à une Cour suprême et à telles cours inférieures dont le Congrès pourra de temps à autre ordonner l'institution. Les juges de la Cour suprême et des cours inférieures conserveront leurs charges aussi longtemps qu'ils en seront dignes et percevront, à échéances fixes, une indemnité qui ne sera pas diminuée tant qu'ils resteront en fonctions. Section 2 Le pouvoir judiciaire s'étendra à tous les cas de droit et d'équité ressortissant à la présente Constitution, aux lois des États-Unis, aux traités déjà conclus, ou qui viendraient à l'être sous leur autorité ; à tous les cas concernant les ambassadeurs, les autres ministres publics et les consuls ; à tous les cas relevant de l'Amirauté et de la juridiction maritime ; aux différends auxquels les États-Unis seront partie ; aux différends entre deux ou plusieurs États, entre un État et les citoyens d'un autre, entre citoyens de différents États, entre citoyens d'un même État revendiquant des terres en vertu de concessions d'autres États, entre un État ou ses citoyens et des États, citoyens ou sujets étrangers. Dans tous les cas concernant les ambassadeurs, les autres ministres publics et les consuls, et ceux auxquels un État sera partie, la Cour suprême aura juridiction de première instance. Dans tous les autres cas mentionnés précédemment, elle aura juridiction d'appel, et pour le droit et pour le fait, sauf telles exceptions et conformément à tels règlements que le Congrès aura établis. Tous les crimes, sauf dans les cas d'« impeachment », seront jugés par un jury. Le procès aura lieu dans l'État où lesdits crimes auront été commis, et, quand ils ne l'auront été dans aucun, en tel lieu ou place que le Congrès aura fixé par une loi. Section 3 Le crime de trahison envers les États-Unis ne consistera que dans l'acte de faire la guerre contre eux, ou de se ranger du côté de leurs ennemis en leur donnant aide et secours. Nul ne sera convaincu de trahison, si ce n'est sur la déposition de deux témoins du même acte manifeste, ou sur son propre aveu en audience publique. Le Congrès aura le pouvoir de fixer la peine en matière de trahison, mais aucune condamnation de ce chef n'entraînera ni mort civile, ni confiscation de biens, sauf pendant la vie du condamné. Article IV Section 1 Pleine foi et crédit seront accordés, dans chaque État, aux actes publics, minutes et procèsverbaux judiciaires de tous les autres États. Et le Congrès pourra, par des lois générales, prescrire la manière dont la validité de ces actes, minutes et procès-verbaux sera établie, ainsi que leurs effets. Section 2 Les citoyens de chaque État auront droit à tous les privilèges et immunités des citoyens dans les divers États. Toute personne qui, accusée, dans un État, de trahison, félonie ou autre crime, se sera dérobée à la justice par la fuite et sera trouvée dans un autre État, devra, sur la demande de l'autorité 48 exécutive de l'État d'où elle aura fui, être livrée pour être ramenée dans l'État ayant juridiction sur le crime. Une personne qui, tenue à un service ou travail dans un État en vertu des lois y existant, s'échapperait dans un autre, ne sera libérée de ce service ou travail en vertu d'aucune loi ou réglementation de cet autre État, mais sera livrée sur la revendication de la partie à laquelle le service ou travail pourra être dû. Section 3 De nouveaux États peuvent être admis par le Congrès dans l'Union ; mais aucun nouvel État ne sera formé ou érigé sur le territoire soumis à la juridiction d'un autre État, ni aucun État formé par la jonction de deux ou de plusieurs États, ou parties d'État, sans le consentement des législatures des États intéressés, aussi bien que du Congrès. Le Congrès aura le pouvoir de disposer du territoire ou de toute autre propriété appartenant aux États-Unis, et de faire à leur égard toutes lois et tous règlements nécessaires ; et aucune disposition de la présente Constitution ne sera interprétée de manière à préjudicier aux revendications des États-Unis ou d'un État particulier. Section 4 Les États-Unis garantiront à chaque État de l'Union une forme républicaine de gouvernement, protégeront chacun d'eux contre l'invasion et, sur la demande de la législature ou de l'exécutif (quand la législature ne pourra être réunie), contre toute violence intérieure. Article V Le Congrès, quand les deux tiers des deux Chambres l'estimeront nécessaire, proposera des amendements à la présente Constitution ou, sur la demande des législatures des deux tiers des États, convoquera une convention pour en proposer ; dans l'un et l'autre cas, ces amendements seront valides à tous égards comme faisant partie intégrante de la présente Constitution, lorsqu'ils auront été ratifiés par les législatures des trois quarts des États, ou par des conventions dans les trois quarts d'entre eux, selon que l'un ou l'autre mode de ratification aura été proposé par le Congrès. Sous réserve que nul amendement qui serait adopté avant l'année mil huit cent huit ne puisse en aucune façon affecter la première et la quatrième clause de la neuvième section de l'Article premier, et qu'aucun État ne soit, sans son consentement, privé de l'égalité de suffrage au Sénat. Article VI Toutes dettes contractées et tous engagements pris avant l'adoption de la présente Constitution seront aussi valides à l'encontre des États-Unis dans le cadre de la présente Constitution qu'ils l'étaient dans le cadre de la Confédération. La présente Constitution, ainsi que les lois des États-Unis qui en découleront, et tous les traités déjà conclus, ou qui le seront, sous l'autorité des États-Unis, seront la loi suprême du pays ; et les juges dans chaque État seront liés par les susdits, nonobstant toute disposition contraire de la Constitution ou des lois de l'un quelconque des États. Les sénateurs et représentants susmentionnés, les membres des diverses législatures des États et tous les fonctionnaires exécutifs et judiciaires, tant des États-Unis que des divers États, seront tenus par serment ou affirmation de défendre la présente Constitution ; mais aucune profession de foi religieuse ne sera exigée comme condition d'aptitude aux fonctions ou charges publiques sous l'autorité des États-Unis. Article VII 49 La ratification des conventions de neuf États sera suffisante pour l'établissement de la présente Constitution entre les États qui l'auront ainsi ratifiée. Document 11 : Amendements issus de la Bill of Rights ratifiée en 1791 Ier amendement Le Congrès ne fera aucune loi qui touche l'établissement ou interdise le libre exercice d'une religion, ni qui restreigne la liberté de la parole ou de la presse, ou le droit qu'a le peuple de s'assembler paisiblement et d'adresser des pétitions au gouvernement pour la réparation des torts dont il a à se plaindre. IIe amendement Une milice bien organisée étant nécessaire à la sécurité d'un État libre, le droit qu'a le peuple de détenir et de porter des armes ne sera pas transgressé. […] Xe amendement Les pouvoirs qui ne sont pas délégués aux États-Unis par la Constitution, ni refusés par elle aux États, sont conservés par les États respectivement ou par le peuple. 50 Séance 6 : Galop d’essai 51 Séance 7 : De la Révolution à l’Empire Table des documents : Document 1 : Discours de Louis XV lu au Parlement de Paris lors de la « séance de flagellation » du 3 mars 1766. Document 2 : Convocation des États généraux du 14 janvier 1789. Document 3 : Serment du Jeu de paume Document 4 : Déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen du 26 août 1789 (texte et estampe). Document 5 : Serment de Napoléon 1er prononcé à Notre-Dame de Paris le 18 mai 1804. Travail : Commentaire du document 3 A consulter : - Wachsmann (P.), Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, in Alland (D.) et Rials (S.), Dictionnaire de la culture juridique, PUF, 2003, pp. 350 et s. - Poirat (F.), Révolution, in Alland (D.) et Rials (S.), Dictionnaire de la culture juridique, PUF, 2003, pp. 1362 et s. - Parmi tant d’autres chronologies, voir par exemple le tableau des régimes politiques, constitutions et législatures depuis 1789 disponible sur le site de l’Assemblée nationale : http://www.assemblee-nationale.fr/histoire/tableau_legislatures_depuis1789.asp/. - Sieyès, Discours du 2 thermidor. Opinion sur plusieurs articles des titres IV et V du projet de Constitution de l’an III. - Constitution du septembre 1791 - Décrets de 1792, Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1793, Constitution du 24 juin 1793 - Déclaration des droits et des devoirs de l’homme et du citoyen précédant la Constitution du 5 fructidor an III - La Constitution du 22 frimaire an VIII - Constitution de l’Empire, Sénatus-consulte organique du 28 floréal an XII (18 mai 1804) 52 Documents : Document 1 : Discours de Louis XV lu au Parlement de Paris lors de la « séance de flagellation » du 3 mars 1766. «Ce qui s'est passé dans mes parlements de Pau et de Rennes ne regarde pas mes autres parlements ; j'en ai usé à l'égard de ces deux cours comme il importait à mon autorité, et je n'en dois compte à personne. Je n'aurais pas d'autre réponse à faire tant de remontrances qui m'ont été faites à ce sujet, si leur réunion, l'indécence du style, la témérité des principes les plus erronés et l'affectation d'expressions nouvelles pour les caractériser, ne manifestaient les conséquences pernicieuses de ce système d'unité que j'ai déjà proscrit et qu'on voudrait établir en principe, en même temps qu'on ose le mettre en pratique. Je ne souffrirai pas qu'il se forme dans mon royaume une association qui ferait dégénérer en une confédération de résistance le lien naturel des mêmes devoirs et des obligations communes, ni qu'il s'introduise dans la Monarchie un corps imaginaire qui ne pourrait qu'en troubler l’harmonie ; la magistrature ne forme point un corps, ni un ordre séparé des trois ordres du Royaume ; les magistrats sont mes officiers chargés de m'acquitter du devoir vraiment royal de rendre la justice à mes sujets, fonction qui les attache à ma personne et qui les rendra toujours recommandables à mes yeux. Je connais l'importance de leurs services : c'est donc une illusion, qui ne tend qu'à ébranler la confiance par de fausses alarmes, que d'imaginer un projet formé d'anéantir la magistrature et de lui supposer des ennemis auprès du trône ses seuls, ses vrais ennemis sont ceux qui, dans son propre sein, lui font tenir un langage opposé à ses principes ; qui lui font dire que tous les parlements ne font qu'un seul et même corps, distribué en plusieurs classes ; que ce corps, nécessairement indivisible, est de l'essence de la Monarchie et qu'il lui sert de base ; qu'il est le siège, le tribunal, l'organe de la Nation ; qu'il est le protecteur et le dépositaire essentiel de sa liberté, de ses intérêts, de ses droits ; qu'il lui répond de ce dépôt, et serait criminel envers elle s'il l'abandonnait ; qu'il est compatible de toutes les parties du bien public, non seulement au Roi, mais aussi à la Nation ; qu'il est juge entre le Roi et son peuple ; que, gardien respectif, il maintient l'équilibre du gouvernement, en réprimant également l'excès de la liberté et l'abus du pouvoir ; que les parlements coopèrent avec la puissance souveraine dans l'établissement des lois; qu'ils peuvent quelquefois par leur seul effort s'affranchir d'une loi enregistrée et la regarder à juste titre comme non existante ; qu'ils doivent opposer une barrière insurmontable aux décisions qu'ils attribuent à l'autorité arbitraire et qu'ils appellent des actes illégaux, ainsi qu'aux ordres qu'ils prétendent surpris, et que, s'il en résulte un combat d'autorité, il est de leur devoir d'abandonner leurs fonctions et de se démettre de leurs offices, sans que leurs démissions puissent être reçues. Entreprendre d'ériger en principe des nouveautés si pernicieuses, c'est faire injure à la magistrature, démentir son institution, trahir ses intérêts et méconnaître les véritables lois fondamentales de l'État ; comme s'il était permis d' oublier que c'est en ma personne seule que réside la puissance souveraine, dont le caractère propre est l'esprit de conseil, de justice et de raison ; que c'est moi seul que mes cours tiennent leur existence et leur autorité ; que la plénitude de cette autorité, qu'elles n'exercent qu'en mon nom, demeure toujours en moi, et que l'usage n'en peut être tourné contre moi ; que c'est à moi seul qu'appartient le pouvoir législatif sans dépendance et sans partage ; que c'est par ma seule autorité que les officiers de mes cours procèdent, non à la formation, mais à l’enregistrement, à la publication, à 53 l'exécution de la loi, et qu'il leur est permis tout entier émane de moi et que les droits et les intérêts de la Nation, dont on ose faire un corps séparé du Monarque, sont nécessairement unis avec les miens et ne reposent qu'en mes mains. Je suis persuadé que les officiers de mes cours ne perdront jamais de vues ces maximes sacrées et immuables, qui sont gravées dans le cœur de tous sujets fidèles, et qu'ils désavoueront les impressions étrangères, cet esprit ďindépendance et les erreurs dont ils ne sauraient envisager les conséquences sans que leur fidélité en soit effrayée. Les remontrances seront toujours reçues favorablement quand elles ne respireront que cette modération qui fait le caractère du magistrat et de la vérité, quand le secret en conservera la décence et l'utilité, et quand cette voie si sagement établie ne se trouvera pas travestie en libelles, où la soumission à ma volonté et présentée comme un crime et l'accomplissement des devoirs que j'ai prescrits, comme un sujet d'opprobe, où l'on suppose que toute la Nation gémit de voir ses droits, sa liberté, sa sûreté, prêts à périr sous la force d'un pouvoir terrible, et où l'on annonce que les liens de l'obéissance sont prêts à se relâcher ; mais si, après que j'ai examiné ces remontrances et qu'en connaissance de cause j'ai persisté dans mes volontés, mes cours persévéraient dans le refus de s'y soumettre, au lieu d'enregistrer du très exprès commandement du Roi, formule usitée pour exprimer le devoir de l'obéissance, si elles entreprenaient d'anéantir par leur seul effort des lois enregistrées solennellement, si enfin, lorsque mon autorité a été forcée de se déployer dans toute son étendue, elles osaient encore lutter en quelque sorte contre elle, par des arrêts de défense, par des oppositions suspensives ou par des voies irrégulières de cessations de service ou de démissions, la confusion et l'anarchie prendraient la place de l'ordre légitime, et le spectacle scandaleux d'une contradiction rivale de ma puissance souveraine me réduirait à la triste nécessité d'employer tout le pouvoir que j'ai reçu de Dieu pour préserver mes peuples des suites funestes de ces entreprises. Que les officiers de mes cours pèsent donc avec attention ce que ma bonté veut bien encore leur rappeler ; que, n'écoutant que leurs propres sentiments, ils fassent disparaître toutes vues d'association, tous systèmes nouveaux et toutes ces expressions inventées pour accréditer les idées les plus fausses et les plus dangereuses ; que, dans leurs arrêts et leurs remontrances, ils se renferment dans les bornes de la raison et du respect qui m'est dû ; que leurs délibérations demeurent secrètes et qu'ils sentent combien il est indécent et indigne de leur caractère de se répandre en invectives contre les membres de mon conseil que j'ai chargés de mes ordres et qui ont si dignement répondu à ma confiance ; je ne permettrai pas qu'il soit donné la moindre atteinte aux principes consignés dans cette réponse. Je compterais les trouver dans mon parlement de Paris, s'ils pouvaient être méconnus dans les autres ; qu'il n'oublie jamais ce qu'il a fait tant de fois pour les maintenir dans toute leur pureté et que la cour de Paris doit montrer l'exemple aux autres cours du Royaume. » Document 2 : Convocation des États généraux du 14 janvier 1789. « De par le Roi, Notre aimé et frère Nous avons besoin du concours de nos fidèles sujets pour Nous aider à surmonter toutes les difficultés où Nous Nous trouvons relativement à l'état de Nos finances, et pour établir, suivant nos vœux, un ordre constant et invariable dans toutes les parties du gouvernement qui intéressent le bonheur de nos sujets et la prospérité de Notre royaume. Ces grands motifs Nous ont déterminé à convoquer l'Assemblée des États de toutes les provinces de notre obéissance, tant pour Nous conseiller et Nous assister dans toutes les choses qui seront mises sous nos yeux, que pour Nous faire connaître les souhaits et doléances de nos peuples, de 54 manière que par une mutuelle confiance et par un amour réciproque entre le souverain et ses sujets, il soit apporté le plus promptement possible un remède efficace aux maux de l'État, que les abus de tous genre soient réformés et prévenus par de bons et solides moyens qui assurent la félicité publique et qui nous rendent à Nous particulièrement, le calme et la tranquillité dont Nous sommes privés depuis si longtemps. Donné à Versailles, le 14 janvier 1789. » L’ouverture des États généraux Document 3 : Serment du Jeu de paume « L’Assemblée nationale, considérant qu’appelée à fixer la constitution du royaume, opérer la régénération de l’ordre public et maintenir les vrais principes de la monarchie, rien ne peut empêcher qu’elle continue ses délibérations dans quelque lieu qu’elle soit forcée de s’établir, et qu’enfin, partout où ses membres sont réunis, là est l’Assemblée nationale ; Arrête que tous les membres de cette assemblée prêteront, à l’instant, serment solennel de ne jamais se séparer, et de se rassembler partout où les circonstances l’exigeront, jusqu’à ce que la Constitution du royaume soit établie et affermie sur des fondements solides, et que ledit serment étant prêté, tous les membres et chacun d’eux en particulier confirmeront, par leur signature, cette résolution inébranlable. Lecture faite de l’arrêté, M. le Président a demandé pour lui et pour ses secrétaires à prêter le serment les premiers, ce qu’ils ont fait à l’instant ; ensuite l’assemblée a prêté le même serment entre les mains de son Président. Et aussitôt l’appel des Bailliages, Sénéchaussées, 55 Provinces et Villes a été fait suivant l’ordre alphabétique, et chacun des membres présents en répondant à l’appel, s’est approché du Bureau et a signé. M. le Président ayant rendu compte à l’assemblée que le Bureau de vérification avait été unanimement d’avis de l’admission provisoire de douze députés de S. Domingue, l’assemblée nationale a décidé que les dits députés seraient admis provisoirement, ce dont ils ont témoigné leur vive reconnaissance ; en conséquence ils ont prêté le serment, et ont été admis à signer l’arrêté. Après les signatures données par les Députés, quelques uns de MM. les Députés, dont les titres ne sont pas […] jugés, MM. les Suppléants se sont présentés, et ont demandé qu’il leur fût permis d’adhérer à l’arrêté pris par l’assemblée, et à apposer leur signature, ce qui leur ayant été accordé par l’assemblée, ils ont signé. M. le Président a averti au nom de l’assemblée le comité concernant les subsistances de l’assemblée chez demain chez l’ancien des membres qui le composent. L’assemblée a arrêté que le procès verbal de ce jour sera imprimé par l’imprimeur de l’assemblée nationale. La séance a été continuée à Lundi vingt-deux de ce mois en la salle et à l’heure ordinaires ; M. le Président et ses Secrétaires ont signé. » Document 4 : Déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen Les Représentants du Peuple Français, constitués en Assemblée Nationale, considérant que l'ignorance, l'oubli ou le mépris des droits de l'Homme sont les seules causes des malheurs publics et de la corruption des Gouvernements, ont résolu d'exposer, dans une Déclaration solennelle, les droits naturels, inaliénables et sacrés de l'Homme, afin que cette Déclaration, constamment présente à tous les Membres du corps social, leur rappelle sans cesse leurs droits et leurs devoirs ; afin que les actes du pouvoir législatif, et ceux du pouvoir exécutif, pouvant être à chaque instant comparés avec le but de toute institution politique, en soient plus respectés; afin que les réclamations des citoyens, fondées désormais sur des principes simples et incontestables, tournent toujours au maintien de la Constitution et au bonheur de tous. En conséquence, l'Assemblée Nationale reconnaît et déclare, en présence et sous les auspices de l'Etre suprême, les droits suivants de l'Homme et du Citoyen. Art. 1er. - Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits. Les distinctions sociales ne peuvent être fondées que sur l'utilité commune. Art. 2. - Le but de toute association politique est la conservation des droits naturels et imprescriptibles de l'Homme. Ces droits sont la liberté, la propriété, la sûreté, et la résistance à l'oppression. Art. 3. - Le principe de toute Souveraineté réside essentiellement dans la Nation. Nul corps, nul individu ne peut exercer d'autorité qui n'en émane expressément. Art. 4. - La liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui : ainsi, l'exercice des droits naturels de chaque homme n'a de bornes que celles qui assurent aux autres Membres de la Société la jouissance de ces mêmes droits. Ces bornes ne peuvent être déterminées que par la Loi. Art. 5. - La Loi n'a le droit de défendre que les actions nuisibles à la Société. Tout ce qui n'est pas défendu par la Loi ne peut être empêché, et nul ne peut être contraint à faire ce qu'elle n'ordonne pas. Art. 6. - La Loi est l'expression de la volonté générale. Tous les Citoyens ont droit de concourir personnellement, ou par leurs Représentants, à sa formation. Elle doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse. Tous les Citoyens étant égaux à ses yeux 56 sont également admissibles à toutes dignités, places et emplois publics, selon leur capacité, et sans autre distinction que celle de leurs vertus et de leurs talents. Art. 7. - Nul homme ne peut être accusé, arrêté ni détenu que dans les cas déterminés par la Loi, et selon les formes qu'elle a prescrites. Ceux qui sollicitent, expédient, exécutent ou font exécuter des ordres arbitraires, doivent être punis ; mais tout citoyen appelé ou saisi en vertu de la Loi doit obéir à l'instant : il se rend coupable par la résistance. Art. 8. - La Loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires, et nul ne peut être puni qu'en vertu d'une Loi établie et promulguée antérieurement au délit, et légalement appliquée. Art. 9. - Tout homme étant présumé innocent jusqu'à ce qu'il ait été déclaré coupable, s'il est jugé indispensable de l'arrêter, toute rigueur qui ne serait pas nécessaire pour s'assurer de sa personne doit être sévèrement réprimée par la loi. Art. 10. - Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l'ordre public établi par la Loi. Art. 11. - La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l'Homme : tout Citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l'abus de cette liberté dans les cas déterminés par la Loi. Art. 12. - La garantie des droits de l'Homme et du Citoyen nécessite une force publique : cette force est donc instituée pour l'avantage de tous, et non pour l'utilité particulière de ceux auxquels elle est confiée. Art. 13. - Pour l'entretien de la force publique, et pour les dépenses d'administration, une contribution commune est indispensable : elle doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés. Art. 14. - Tous les citoyens ont le droit de constater, par eux-mêmes ou par leurs représentants, la nécessité de la contribution publique, de la consentir librement, d'en suivre l'emploi, et d'en déterminer la quotité, l'assiette, le recouvrement et la durée. Art. 15. - La Société a le droit de demander compte à tout Agent public de son administration. Art. 16. - Toute Société dans laquelle la garantie des Droits n'est pas assurée, ni la séparation des Pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution. Art. 17. - La propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé, si ce n'est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l'exige évidemment, et sous la condition d'une juste et préalable indemnité. 57 Document 5 : Serment de Napoléon 1er prononcé à Notre-Dame de Paris le 18 mai 1804. « Je jure de maintenir l'intégrité du territoire de la République ; de respecter et de faire respecter les lois du concordat et la liberté des cultes ; de respecter et faire respecter l'égalité des droits, la liberté politique et civile, l'irrévocabilité des ventes des biens nationaux ; de ne lever aucun impôt, de n'établir aucune taxe qu'en vertu de la loi ; de maintenir l'institution de la légion d'honneur ; de gouverner dans la seule vue de l'intérêt, du bonheur et de la gloire du peuple français. » 58 Séance 8 : De la Restauration au Second Empire Table des documents : Document 1 : Décret du 5 mars 1848. Document 2 : Constitution du 4 novembre 1848. Travail : Vous commenterez l’article 24 de la Constitution du 4 novembre 1848 A consulter : - Charte constitutionnelle du 4 juin 1814. - Charte constitutionnelle du 14 août 1830. - Adresse au roi du 18 mars 1830 (dite Adresse des 221), la dissolution de l’Assemblée le 18 mars 1830, les ordonnances de Saint-Cloud du 26 juillet 1830. - Sénatus-consulte du 7 novembre 1852. - Sénatus-consulte du 21 mai 1870 59 Documents : Document 1 : Décret du 5 mars 1848 60 Document 2 : Constitution du 4 novembre 1848 AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS, L'ASSEMBLEE NATIONALE a adopté, et, conformément à l'article 6 du décret du 28 octobre 1848, le Président de l'Assemblée nationale promulgue la CONSTITUTION dont la teneur suit : Préambule En présence de Dieu et au nom du Peuple français, l'Assemblée nationale proclame : I. - La France s'est constituée en République. En adoptant cette forme définitive de gouvernement, elle s'est proposée pour but de marcher plus librement dans la voie du progrès et de la civilisation, d'assurer une répartition de plus en plus équitable des charges et des avantages de la société, d'augmenter l'aisance de chacun par la réduction graduée des dépenses publiques et des impôts, et de faire parvenir tous les citoyens, sans nouvelle commotion, par l'action successive et constante des institutions et des lois, à un degré toujours plus élevé de moralité, de lumières et de bien-être. II. - La République française est démocratique, une et indivisible. III. - Elle reconnaît des droits et des devoirs antérieurs et supérieurs aux lois positives. IV. - Elle a pour principe la Liberté, l'Egalité et la Fraternité. Elle a pour base la Famille, le Travail, la Propriété, l'Ordre public. V. - Elle respecte les nationalités étrangères, comme elle entend faire respecter la sienne ; n'entreprend aucune guerre dans des vues de conquête, et n'emploie jamais ses forces contre la liberté d'aucun peuple. VI. - Des devoirs réciproques obligent les citoyens envers la République, et la République envers les citoyens. VII. - Les citoyens doivent aimer la Patrie, servir la République, la défendre au prix de leur vie, participer aux charges de l'Etat en proportion de leur fortune ; ils doivent s'assurer, par le travail, des moyens d'existence, et, par la prévoyance, des ressources pour l'avenir ; ils doivent concourir au bien-être commun en s'entraidant fraternellement les uns les autres, et à l'ordre général en observant les lois morales et les lois écrites qui régissent la société, la famille et l'individu. VIII. - La République doit protéger le citoyen dans sa personne, sa famille, sa religion, sa propriété, son travail, et mettre à la portée de chacun l'instruction indispensable à tous les hommes ; elle doit, par une assistance fraternelle, assurer l'existence des citoyens nécessiteux, soit en leur procurant du travail dans les limites de ses ressources, soit en donnant, à défaut de la famille, des secours à ceux qui sont hors d'état de travailler. - En vue de l'accomplissement de tous ces devoirs, et pour la garantie de tous ces droits, l'Assemblée nationale, fidèle aux traditions des grandes Assemblées qui ont inauguré la Révolution française, décrète, ainsi qu'il suit, la Constitution de la République. Constitution CHAPITRE PREMIER - DE LA SOUVERAINETÉ Article 1. - La souveraineté réside dans l'universalité des citoyens français. - Elle est inaliénable et imprescriptible. - Aucun individu, aucune fraction du peuple ne peut s'en attribuer l'exercice. CHAPITRE II - DROITS DES CITOYENS GARANTIS PAR LA CONSTITUTION Article 2. - Nul ne peut être arrêté ou détenu que suivant les prescriptions de la loi. 61 Article 3. - La demeure de toute personne habitant le territoire français est inviolable ; il n'est permis d'y pénétrer que selon les formes et dans les cas prévus par la loi. Article 4. - Nul ne sera distrait de ses juges naturels. - Il ne pourra être créé de commissions et de tribunaux extraordinaires, à quelque titre et sous quelque dénomination que ce soit. Article 5. - La peine de mort est abolie en matière politique. Article 6. - L'esclavage ne peut exister sur aucune terre française. Article 7. - Chacun professe librement sa religion, et reçoit de l'Etat, pour l'exercice de son culte, une égale protection. - Les ministres, soit des cultes actuellement reconnus par la loi, soit de ceux qui seraient reconnus à l'avenir, ont le droit de recevoir un traitement de l'Etat. Article 8. - Les citoyens ont le droit de s'associer, de s'assembler paisiblement et sans armes, de pétitionner, de manifester leurs pensées par la voie de la presse ou autrement. - L'exercice de ces droits n'a pour limites que les droits ou la liberté d'autrui et la sécurité publique. - La presse ne peut, en aucun cas, être soumise à la censure. Article 9. - L'enseignement est libre. - La liberté d'enseignement s'exerce selon les conditions de capacité et de moralité déterminées par les lois, et sous la surveillance de l'Etat. - Cette surveillance s'étend à tous les établissements d'éducation et d'enseignement, sans aucune exception. Article 10. - Tous les citoyens sont également admissibles à tous les emplois publics, sans autre motif de préférence que leur mérite, et suivant les conditions qui seront fixées par les lois. - Sont abolis à toujours tout titre nobiliaire, toute distinction de naissance, de classe ou de caste. Article 11. - Toutes les propriétés sont inviolables. Néanmoins l'Etat peut exiger le sacrifice d'une propriété pour cause d'utilité publique légalement constatée, et moyennant une juste et préalable indemnité. Article 12. - La confiscation des biens ne pourra jamais être rétablie. Article 13. - La Constitution garantit aux citoyens la liberté du travail et de l'industrie. La société favorise et encourage le développement du travail par l'enseignement primaire gratuit, l'éducation professionnelle, l'égalité de rapports, entre le patron et l'ouvrier, les institutions de prévoyance et de crédit, les institutions agricoles, les associations volontaires, et l'établissement, par l'Etat, les départements et les communes, de travaux publics propres à employer les bras inoccupés ; elle fournit l'assistance aux enfants abandonnés, aux infirmes et aux vieillards sans ressources, et que leurs familles ne peuvent secourir. Article 14. - La dette publique est garantie. - Toute espèce d'engagement pris par l'Etat avec ses créanciers est inviolable. Article 15. - Tout impôt est établi pour l'utilité commune. - Chacun y contribue en proportion de ses facultés et de sa fortune. Article 16. - Aucun impôt ne peut être établi ni perçu qu'en vertu de la loi. Article 17. - L'impôt direct n'est consenti que pour un an. - Les impositions indirectes peuvent être consenties pour plusieurs années. CHAPITRE III - DES POUVOIRS PUBLICS Article 18. - Tous les pouvoirs publics, quels qu'ils soient, émanent du peuple. - Ils ne peuvent être délégués héréditairement. Article 19. - La séparation des pouvoirs est la première condition d'un gouvernement libre. 62 CHAPITRE IV - DU POUVOIR LÉGISLATIF Article 20. - Le peuple français délègue le pouvoir législatif à une Assemblée unique. Article 21. - Le nombre total des représentants du peuple sera de sept cent cinquante, y compris les représentants de l'Algérie et des colonies françaises. Article 22. - Ce nombre s'élèvera à neuf cents pour les Assemblées qui seront appelées à réviser la Constitution. Article 23. - L'élection a pour base la population. Article 24. - Le suffrage est direct et universel. Le scrutin est secret. Article 25. - Sont électeurs, sans condition de cens, tous les Français âgés de vingt et un ans, et jouissant de leurs droits civils et politiques. Article 26. - Sont éligibles, sans condition de domicile, tous les électeurs âgés de vingt-cinq ans. Article 27. - La loi électorale déterminera les causes qui peuvent priver un citoyen français du droit d'élire et d'être élu. - Elle désignera les citoyens qui, exerçant ou ayant exercé des fonctions dans un département ou un ressort territorial, ne pourront y être élus. Article 28. - Toute fonction publique rétribuée est incompatible avec le mandat de représentant du peuple. - Aucun membre de l'Assemblée nationale ne peut, pendant la durée de la législature, être nommé ou promu à des fonctions publiques salariées dont les titulaires sont choisis à volonté par le pouvoir exécutif. - Les exceptions aux dispositions des deux paragraphes précédents seront déterminés par la loi électorale organique. Article 29. - Les dispositions de l'article précédent ne sont pas applicables aux assemblées élues pour la révision de la Constitution. Article 30. - L'élection des représentants se fera par département, et au scrutin de liste. - Les électeurs voteront au chef-lieu du canton ; néanmoins, en raison des circonstances locales, le canton pourra être divisé en plusieurs circonscriptions, dans la forme et aux conditions qui seront déterminées par la loi électorale. Article 31. - L'Assemblée nationale est élue pour trois ans, et se renouvelle intégralement. Quarante-cinq jours au plus tard avant la fin de la législature, une loi détermine l'époque des nouvelles élections. - Si aucune loi n'est intervenue dans le délai fixé par le paragraphe précédent, les électeurs se réunissent de plein droit le trentième jour qui précède la fin de la législature. - La nouvelle Assemblée est convoquée de plein droit pour le lendemain du jour où finit le mandat de l'Assemblée précédente. Article 32. - Elle est permanente. - Néanmoins, elle peut s'ajourner à un terme qu'elle fixe. Pendant la durée de la prorogation, une commission, composée des membres du bureau et de vingt-cinq représentants nommés par l'Assemblée au scrutin secret et à la majorité absolue, a le droit de la convoquer en cas d'urgence. - Le président de la République a aussi le droit de convoquer l'Assemblée. - L'Assemblée nationale détermine le lieu de ses séances. - Elle fixe l'importance des forces militaires établies pour sa sûreté, et elle en dispose. Article 33. - Les représentants sont toujours rééligibles. Article 34. - Les membres de l'Assemblée nationale sont les représentants, non du département qui les nomme, mais de la France entière. Article 35. - Ils ne peuvent recevoir de mandat impératif. […] 63 CHAPITRE V - DU POUVOIR EXÉCUTIF Article 43 - Le peuple français délègue le Pouvoir exécutif à un citoyen qui reçoit le titre de président de la République. Article 44. - Le président doit être né Français, âgé de trente ans au moins, et n'avoir jamais perdu la qualité de Français. Article 45. - Le président de la République est élu pour quatre ans, et n'est rééligible qu'après un intervalle de quatre années. - Ne peuvent, non plus, être élus après lui, dans le même intervalle, ni le vice-président, ni aucun des parents ou alliés du président jusqu'au sixième degré inclusivement. […] Article 48. - Avant d'entrer en fonctions, le président de la République prête au sein de l'Assemblée nationale le serment dont la teneur suit : - En présence de Dieu et devant le Peuple français, représenté par l'Assemblée nationale, je jure de rester fidèle à la République démocratique, une et indivisible, et de remplir tous les devoirs que m'impose la Constitution. […] 64 Séance 9 : La Troisième République (I) Table des documents : Document 1 : La proclamation de la République Document 2 : Loi du 31 août 1871, dite « constitution Rivet ». Document 3 : L’amendement déposé par Henri Wallon. Document 4 : Lois constitutionnelles des 24, 25 février et 16 juillet 1875. Document 5 : Lettre du maréchal de Mac-Mahon à Jules Simon, 16 mai 1877. Document 6 : Intervention de Léon Gambetta à la Chambre des députés, 17 mai 1877. Document 7 : Message de Mac-Mahon aux chambres du 18 mai 1877. Document 8 : Discours de Gambetta à Lille, 15 août 1877. Document 9 : Message de Mac-Mahon aux chambres du 14 décembre 1877. Document 10 : Message du président Grévy au Parlement, 6 février 1879 (la Constitution Grévy). Travail : Vous commenterez la Constitution Grévy A consulter : - La chronologie de la IIIème République - Défense de l’amendement Wallon par le député Dufaure le 2 février 1875. - La page du site de l’Assemblée nationale dédiée à l’amendement Wallon disponible sur le http://www.assemblee-nationale.fr/histoire/amendement_wallon_1875.asp/. - Appel à la révision constitutionnelle de Gaston Doumergue, président du Conseil, 24 septembre 1934, in Doumergue (G.), Discours à la nation française, Denoël, 1934, pp. 102 et s 65 Documents : Document 1 : La proclamation de la République Document 2 : Loi du 31 août 1871, dite « constitution Rivet ». L'Assemblée nationale, Considérant qu'elle a le droit d'user du pouvoir constituant, attribut essentiel de la souveraineté dont elle est investie, et que les devoirs impérieux que tout d'abord elle a dû s'imposer, et qui sont encore loin d'être accomplis, l'ont seuls empêchée jusqu'ici d'user de ce pouvoir ; Considérant que, jusqu'à l'établissement des institutions définitives du pays, il importe aux besoins du travail, aux intérêts du commerce, au développement de l'industrie, que nos institutions provisoires prennent, aux yeux de tous, sinon cette stabilité qui est l'oeuvre du temps, du moins celle que peuvent assurer l'accord des volontés et l'apaisement des partis ; Considérant qu'un nouveau titre, une appellation plus précise, sans rien changer au fond des choses, peut avoir cet effet de mettre mieux en évidence l'intention de l'Assemblée de continuer franchement l'essai loyal commencé à Bordeaux ; Que la prorogation des fonctions conférées au chef du pouvoir exécutif, limitée désormais à la durée des travaux de l'Assemblée, dégage ces fonctions de ce qu'elles semblent avoir d'instable et de précaire, sans que les droits souverains de l'Assemblée en souffrent la moindre atteinte, puisque dans tous les cas la décision suprême appartient à l'Assemblée, et qu'un ensemble de garanties nouvelles vient assurer le maintien de ces principes parlementaires, tout à la fois la sauvegarde et l'honneur du pays ; 66 Prenant, d'ailleurs, en considération les services éminents rendus au pays par M. Thiers depuis six mois et les garanties que présente la durée du pouvoir qu'il tient de l'Assemblée ; Décrète : Article premier Le chef du pouvoir exécutif prendra le titre de président de la République française, et continuera d'exercer, sous l'autorité de l'Assemblée nationale, tant qu'elle n'aura pas terminé ses travaux, les fonctions qui lui ont été déléguées par décret du 17 février 1871. Article 2 Le président de la République promulgue les lois dès qu'elles lui sont transmises par le président de l'Assemblée nationale. Il assure et surveille l'exécution des lois. Il réside au lieu où siège l'Assemblée. Il est entendu par l'Assemblée nationale toutes les fois qu'il le croit nécessaire, et après avoir informé de son intention le président de l'Assemblée. Il nomme et révoque les ministres. Le conseil des ministres et les ministres sont responsables devant l'Assemblée. Chacun des actes du président de la République doit être contresigné par un ministre. Article 3 Le président de la République est responsable devant l'Assemblée. Document 3 : Amendement « Wallon » « Le président de la République est élu à la majorité des suffrages par le Sénat et la Chambre des députés réunis en Assemblée nationale.Il est nommé pour sept ans. Il est rééligible ». Document 4 : Lois constitutionnelles des 24, 25 février et 16 juillet 1875 Loi du 25 février 1875 relative à l'organisation des pouvoirs Article 1. - Le pouvoir législatif s'exerce par deux assemblées : la Chambre des députés et le Sénat. - La Chambre des Députés est nommée par le suffrage universel, dans les conditions déterminées par la loi électorale. - La composition, le mode de nomination et les attributions du Sénat seront réglés par une loi spéciale. Article 2. - Le Président de la République est élu à la majorité absolue des suffrages par le Sénat et par la Chambre des députés réunis en Assemblée nationale. Il est nommé pour sept ans. Il est rééligible. Article 3. - Le président de la République a l'initiative des lois, concurremment avec les membres des deux chambres. Il promulgue les lois lorsqu'elles ont été votées par les deux chambres ; il en surveille et en assure l'exécution. - Il a le droit de faire grâce ; les amnisties ne peuvent être accordées que par une loi. - Il dispose de la force armée. - Il nomme à tous les emplois civils et militaires. - Il préside aux solennités nationales ; les envoyés et les ambassadeurs des puissances étrangères sont accrédités auprès de lui. - Chacun des actes du président de la République doit être contresigné par un ministre. Article 4. - Au fur et à mesure des vacances qui se produiront à partir de la promulgation de la présente loi, le président de la République nomme, en Conseil des ministres, les conseillers d'Etat en service ordinaire. - Les conseillers d'Etat ainsi nommés ne pourront être révoqués que par décret rendu en Conseil des ministres. - Les conseillers d'Etat nommés en vertu de la 67 loi du 24 mai 1872 ne pourront, jusqu'à l'expiration de leurs pouvoirs, être révoqués que dans la forme déterminée par cette loi. - Après la séparation de l'Assemblée nationale, la révocation ne pourra être prononcée que par une résolution du Sénat. Article 5. - Le Président de la République peut, sur l'avis conforme du Sénat, dissoudre la Chambre des députés avant l'expiration légale de son mandat. - En ce cas, les collèges électoraux sont convoqués pour de nouvelles élections dans le délai de trois mois. Article 6. - Les ministres sont solidairement responsables devant les chambres de la politique générale du Gouvernement, et individuellement de leurs actes personnels. - Le Président de la République n'est responsable que dans le cas de haute trahison. Article 7. - En cas de vacance par décès ou pour toute autre cause, les deux chambres procèdent immédiatement à l'élection d'un nouveau Président. - Dans l'intervalle, le Conseil des ministres est investi du pouvoir exécutif. Article 8. - Les chambres auront le droit, par délibérations séparées prises dans chacune à la majorité absolue des voix, soit spontanément, soit sur la demande du Président de la République, de déclarer qu'il y a lieu de réviser les lois constitutionnelles. - Après que chacune des deux chambres aura pris cette résolution, elles se réuniront en Assemblée nationale pour procéder à la révision. - Les délibérations portant révision des lois constitutionnelles, en tout ou en partie, devront être prises à la majorité absolue des membres composant l'Assemblée nationale. - Toutefois, pendant la durée des pouvoirs conférés par la loi du 20 novembre 1873 à M. le maréchal de Mac-Mahon, cette révision ne peut avoir lieu que sur proposition du Président de la République. Article 9. - Le siège du pouvoir exécutif et des deux chambres est à Versailles. Loi du 24 février 1875 relative à l'organisation du Sénat Article 1. - Le Sénat se compose de trois cents membres : deux cent vingt-cinq élus par les départements et les colonies, et soixante-quinze élus par l'Assemblée nationale. Article 2. - Les départements de la Seine et du Nord éliront chacun cinq sénateurs ; - Les départements de la Seine-Inférieure, Pas-de-Calais, Gironde, Rhône, Finistère, Côtes-duNord, chacun quatre sénateurs ; - La Loire-Inférieure, Saône-et-Loire, Ille-et-Vilaine, Seineet-Oise, Isère, Puy-de-Dôme, Somme, Bouches-du-Rhône, Aisne, Loire, Manche, Maine-etLoire, Morbihan, Dordogne, Haute-Garonne, Charente-Inférieure, Calvados, Sarthe, Hérault, Basses-Pyrénées, Gard, Aveyron, Vendée, Orne, Oise, Vosges, Allier, chacun trois sénateurs ; - Tous les autres départements, chacun deux sénateurs. - Le territoire de Belfort, les trois départements de l'Algérie, les quatre colonies de la Martinique, de la Guadeloupe, de la Réunion et des Indes françaises éliront chacun un sénateur. Article 3. - Nul ne peut être sénateur s'il n'est Français, âgé de quarante ans au moins et s'il ne jouit de ses droits civils et politiques. Article 4. - Les sénateurs des départements et des colonies sont élus à la majorité absolue, et, quand il y a lieu, au scrutin de liste, par un collège réuni au chef-lieu du département ou de la colonie, et composé : 1° des députés ; 2° des conseillers généraux ; 3° des conseillers d'arrondissement ; 4° des délégués élus, un par chaque conseil municipal, parmi les électeurs de la commune. - Dans l'Inde française, les membres du Conseil colonial ou des conseils locaux sont substitués aux conseillers généraux, aux conseillers d'arrondissement et aux délégués des conseils municipaux. - Ils votent au chef-lieu de chaque établissement. 68 Article 5. - Les sénateurs nommés par l'Assemblée sont élus au scrutin de liste et à la majorité absolue des suffrages. Article 6. - Les sénateurs des départements et des colonies sont élus pour neuf années et renouvelables par tiers, tous les trois ans. - Au début de la première session, les départements seront divisés en trois séries, contenant chacune un égal nombre de sénateurs. Il sera procédé, par la voie du tirage au sort, à la désignation des séries qui devront être renouvelées à l'expiration de la première et de la deuxième période triennale. Article 7. - Les sénateurs élus par l'Assemblée sont inamovibles. - En cas de vacance par décès, démission ou autre cause, il sera, dans les deux mois, pourvu au remplacement par le Sénat lui-même. Article 8. - Le Sénat a, concurremment avec la Chambre des députés, l'initiative et la confection des lois. - Toutefois, les lois de finances doivent être, en premier lieu, déposées à la Chambre des députés et votées par elle. Article 9. - Le Sénat peut être constitué en Cour de justice pour juger, soit le Président de la République, soit les ministres, et pour connaître des attentats commis contre la sûreté de l'Etat. Article 10. - Il sera procédé à l'élection du Sénat un mois avant l'époque fixée par l'Assemblée nationale pour sa séparation. - Le Sénat entrera en fonctions et se constituera le jour même où l'Assemblée nationale se séparera. Article 11. - La présente loi ne pourra être promulguée qu'après le vote définitif de la loi sur les pouvoirs publics. Loi constitutionnelle du 16 juillet 1875 sur les rapports des pouvoirs publics Article 1. - Le Sénat et la Chambre des députés se réunissent chaque année le second mardi de janvier, à moins d'une convocation antérieure faite par le Président de la République. - Les deux chambres doivent être réunies en session cinq mois au moins chaque année. La session de l'une commence et finit en même temps que celle de l'autre. - Le dimanche qui suivra la rentrée, des prières publiques seront adressées à Dieu dans les églises et dans les temples pour appeler son secours sur les travaux des assemblées. Article 2. - Le Président de la République prononce la clôture de la session. Il a le droit de convoquer extraordinairement les chambres. Il devra les convoquer si la demande en est faite, dans l'intervalle des sessions, par la majorité absolue des membres composant chaque chambre. - Le Président peut ajourner les chambres. Toutefois, l'ajournement ne peut excéder le terme d'un mois ni avoir lieu plus de deux fois dans la même session. Article 3. - Un mois avant le terme légal des pouvoirs du Président de la République, les chambres devront être réunies en Assemblée nationale pour procéder à l'élection du nouveau Président. - A défaut de convocation, cette réunion aurait lieu de plein droit le quinzième jour avant l'expiration de ces pouvoirs. - En cas de décès ou de démission du Président de la République, les deux chambres se réunissent immédiatement et de plein droit. - Dans le cas où, par application de l'article 5 de la loi du 25 février 1875, la Chambre des députés se trouverait dissoute au moment où la présidence de la République deviendrait vacante, les collèges électoraux seraient convoqués, et le Sénat se réunirait de plein droit. Article 4. - Toute assemblée de l'une des deux chambres qui serait tenue hors du temps de la session commune est illicite et nulle de plein droit, sauf le cas prévu par l'article précédent et celui où le Sénat est réuni comme Cour de justice ; et, dans ce dernier cas, il ne peut exercer que des fonctions judiciaires. 69 Article 5. - Les séances du Sénat et celles de la Chambre des députés sont publiques. Néanmoins, chaque chambre peut se former en comité secret, sur la demande d'un certain nombre de ses membres, fixé par le règlement. - Elle décide ensuite, à la majorité absolue, si la séance doit être reprise en public sur le même sujet. Article 6. - Le Président de la République communique avec les chambres par des messages qui sont lus à la tribune par un ministre. - Les ministres ont leur entrée dans les deux chambres et doivent être entendus quand ils le demandent. Ils peuvent se faire assister par des commissaires désignés, pour la discussion d'un projet de loi déterminé, par décret du Président de la République. Article 7. - Le Président de la République promulgue les lois dans le mois qui suit la transmission au Gouvernement de la loi définitivement adoptée. Il doit promulguer dans les trois jours les lois dont la promulgation, par un vote exprès de l'une et l'autre chambres, aura été déclarée urgente. - Dans le délai fixé par la promulgation, le Président de la République peut, par un message motivé, demander aux deux chambres une nouvelle délibération qui ne peut être refusée. Article 8. - Le Président de la République négocie et ratifie les traités. Il en donne connaissance aux Chambres aussitôt que l'intérêt et la sûreté de l'Etat le permettent. - Les traités de paix, de commerce, les traités qui engagent les finances de l'Etat, ceux qui sont relatifs à l'état des personnes et au droit de propriété des Français à l'étranger, ne sont définitifs qu'après avoir été votés par les deux chambres. Nulle cession, nul échange, nulle adjonction de territoire ne peut avoir lieu qu'en vertu d'une loi. Article 9. - Le Président de la République ne peut déclarer la guerre sans l'assentiment préalable des deux chambres. Article 10. - Chacune des chambres est juge de l'éligibilité de ses membres et de la régularité de l'élection ; elle peut, seule, recevoir leur démission. Article 11. - Le bureau de chacune des deux chambres est élu chaque année pour la durée de la session, et pour toute session extraordinaire qui aurait lieu avant la session ordinaire de l'année suivante. - Lorsque les deux chambres se réunissent en Assemblée nationale, leur bureau se compose du président, des vice-présidents et secrétaires du Sénat. Article 12. - Le Président de la République ne peut être mis en accusation que par la Chambre des députés, et ne peut être jugé que par le Sénat. - Les ministres peuvent être mis en accusation par la Chambre des députés pour crimes commis dans l'exercice de leurs fonctions. En ce cas, ils sont jugés par le Sénat. - Le Sénat peut être constitué en Cour de justice par un décret du Président de la République, rendu en Conseil des ministres, pour juger toute personne prévenue d'attentat contre la sûreté de l'Etat. - Si l'instruction est commencée par la justice ordinaire, le décret de convocation du Sénat peut être rendu jusqu'à l'arrêt de renvoi. Une loi déterminera le mode de procéder pour l'accusation, l'instruction et le jugement. Article 13. - Aucun membre de l'une ou de l'autre chambre ne peut être poursuivi ou recherché à l'occasion des opinions ou votes émis par lui dans l'exercice de ses fonctions. Article 14. - Aucun membre de l'une ou de l'autre chambre ne peut, pendant la durée de la session, être poursuivi ou arrêté en matière criminelle ou correctionnelle qu'avec l'autorisation de la chambre dont il fait partie, sauf le cas de flagrant délit. - La détention ou la poursuite d'un membre de l'une ou de l'autre chambre est suspendue pendant la session, et pour toute sa durée, si la chambre le requiert. 70 Document 5 : Lettre de Mac-Mahon à Jules Simon, 16 mai 1877. « Monsieur le Président du Conseil, Je viens de lire dans le Journal Officiel le compte rendu de la séance d’hier. J’ai vu avec surprise que ni vous ni le garde des Sceaux n’aviez fait valoir à la tribune toutes les graves raisons qui auraient pu prévenir l’abrogation d’une loi sur la presse votée il y a moins de deux ans, sur les propositions de Monsieur Dufaure et dont tout récemment vous demandiez vous même l’application aux tribunaux ; et cependant dans plusieurs délibérations du Conseil et dans celle d’hier matin même, il avait été décidé que le président du Conseil et le garde des Sceaux se chargeraient de la combattre. Déjà on avait pu s’étonner que la Chambre des députes, dans ses dernières séances, eût discuté toute une loi municipale, adopté même une disposition dont au Conseil des ministres vous avez vous-même reconnu tout le danger, comme la publicité des délibérations des conseils municipaux, sans que le ministre de l’intérieur eût pris part à la discussion. Cette attitude du Chef du Cabinet fait demander s’il a conservé sur la Chambre l’influence nécessaire pour faire prévaloir ses vues. Une explication à cet égard est indispensable car, si je ne suis pas responsable comme vous envers le parlement, j’ai une responsabilité envers la France, dont aujourd’hui plus que jamais je dois me préoccuper. Agréez, Monsieur le Président du Conseil, l’assurance de ma plus haute considération. Le Président de la République, Maréchal de Mac-Mahon » Document 6 : Intervention de Léon Gambetta à la Chambre des députés, 17 mai 1877. Extraits cités in Assemblée nationale, Histoire de l’Assemblée nationale et disponible sur le http://www.assemblee-nationale.fr/histoire/histoire-1870.asp/. « Eh bien, messieurs, que venons-nous faire aujourd'hui à cette tribune ? Nous venons demander à la Chambre de s'élever au-dessus des premiers sentiments que font naître dans les esprits les brusques incidents de la vie politique. Ne jugeons pas ce qui s'est fait hier, ce qui figure aujourd'hui au Journal officiel, avec les premières impressions de la spontanéité. Non ! il faut savoir aller au fond des choses. Messieurs, vous pouvez très bien, vous devez loyalement, sincèrement, en restant des serviteurs dévoués et pacifiques du pays, dire au Président de la République : On vous a conseillé une mauvaise politique, et nous, nous qui ne sollicitons en aucune manière de nous asseoir dans vos conseil s, nous venons vous conjurer de rentrer dans la vérité constitutionnelle, car, cette vérité constitutionnelle, elle est à la fois notre protection et la vôtre ! (Nouveaux et vifs applaudissements au centre et à gauche.) Et en effet, qu'est-ce que nous venons demander ? Que la Constitution soit une réalité ; que le gouvernement du pays par le pays, ce gouvernement pour lequel la nation française combat depuis bientôt quatre-vingt dix ans, soit loyalement et réellement pratiqué. Et nous disons à M. le Président de la République : Non ! elle n'est pas vraie, elle n'est pas vraie, cette phrase que vous ont suggérée des conseillers bien connus, et dans laquelle vous prétendez que vous auriez une responsabilité en dehors de votre responsabilité légale, une responsabilité au dessus de la responsabilité du Parlement, au-dessus de la, responsabilité de vos ministres, audessus de la responsabilité qui vous est départie et qui est déterminée, limitée par la Constitution ! (Vive approbation à gauche.) Ce sont ces conseillers qui vous engagent, qui vous précipitent dans la voie fatale, en étendant votre responsabilité au-delà des limites protectrices que lui assigne la Constitution du 25 février 1875 ; ce sont eux qui sont vos véritables ennemis et qui vous mènent à votre perte 71 […] Messieurs, il faut en finir avec cette situation, et il vous appartient d'y mettre un terme par une attitude à la fois virile et modérée. Demandez, la Constitution à la main, le pays derrière vous, demandez qu'on dise enfin si l'on veut gouverner avec le parti républicain dans toutes ses nuances, ou si, au contraire, en rappelant des hommes repoussés trois ou quatre fois par le suffrage populaire, on prétend imposer à ce pays une dissolution qui entraînerait une consultation nouvelle de la France ! Je vous le dis, quant à moi, mon choix est fait, et le choix de la France est fait aussi ; si, l'on se prononçait pour la dissolution, nous retournerions avec certitude et confiance devant le pays qui nous connaît, qui nous apprécie, qui sait que ce n'est pas nous qui troublons la paix au dedans, ni qui compromettons la paix au dehors. Je !e répète, le pays sait que ce n'est pas nous ; et si une dissolution intervient, une dissolution que vous aurez machinée, que vous aurez provoquée, prenez garde qu'il ne s'irrite contre eux qui le fatiguent et l'obsèdent ! Prenez garde que, derrière des calculs de dissolution, il ne cherche d'autres calculs et ne dise : La dissolution, c'est la préface de la guerre ! Criminels seraient ceux qui la poursuivent dans cet esprit ! […] Messieurs, voici l'ordre du jour qui a été délibéré par la représentation parlementaire de tous les groupes de cette Chambre qui forment la majorité républicaine « La Chambre, « Considérant qu'il lui importe dans la crise actuelle et pour remplir le mandat qu'elle a reçu du pays,, de rappeler que la prépondérance du pouvoir parlementaire, s’exerçant par la responsabilité ministérielle, est la première condition du gouvernement du pays par le pays, que les lois constitutionnelles ont eu pour but d'établir ; Déclare que la confiance de la majorité ne saurait être acquise qu'à un cabinet libre de son action et résolu à gouverner suivant les principes républicains qui peuvent seuls garantir l'ordre et la prospérité au dedans et la paix en dehors, « Et passe à l'ordre du jour. » (Le scrutin est ouvert et les votes sont recueillis.) M. le président. Voici le résultat du scrutin. Nombre de votants........... 496 Majorité absolue.............. 249 Pour l'adoption.............................. 347 Contre ........................................ 149 Document 7 : Message de Mac-Mahon aux chambres du 18 mai 1877 « Messieurs les sénateurs, Messieurs les députés, J’ai du me séparer du ministère que présidait M. Jules Simon et en former un nouveau. Je dois vous faire l’exposé sincère des motifs qui m’ont amené à prendre cette décision. Vous savez tous avec quel scrupule, depuis le 25 février 1875, jour où l’assemblée nationale a donné à la France une constitution républicaine, j’ai observé, dans l’exercice du pouvoir qui m’est confié, toutes les prescriptions de cette loi fondamentale. Avec les élections de l’année dernière, j’ai voulu choisir pour ministres des hommes que je supposais être en accord de sentiments avec la majorité de la Chambre des Députes. J’ai formé, dans cette pensée, successivement deux ministères. Le premier avait à sa tête M. Dufaure, vétéran de nos assemblées politiques, l’un des auteurs de la Constitution, aussi 72 estimé pour la loyauté de son caractère qu’illustre par son éloquence. M. Jules Simon, qui a présidé le second, attaché de tout temps à la forme républicaine, voulait, comme M. Dufaure, la concilier avec tous les principes conservateurs. Malgré le concours loyal que je leur ai prêté, ni l’un ni l’autre de ces ministères n’a pu réunir dans la Chambre des députes, une majorité solide acquise à ses propres idées. M. Dufaure a vainement essayé l’année dernière, dans la discussion du budget, de prévenir des innovations qu’il regardait justement comme très fâcheuses. Le même échec était réservé au Président du dernier cabinet sur des points de législation très graves au sujet desquels il était tombé d’accord avec moi qu’aucune modification ne devait être admise. Après ces deux tentatives, également dénuées de succès, je ne pourrais faire un pas de plus dans la même voie sans faire appel ou demander appui à une autre fraction du parti républicain, celle qui croit que la République ne peut s’affermir sans avoir pour complément et pour conséquence la modification radicale de toutes nos grandes institutions administratives, judiciaires, financières et militaires. Ce programme est bien connu, ceux qui le professent sont d’accord sur tout ce qu’il contient. Ils ne diffèrent entre eux que sur les moyens à employer et le temps opportun pour l’appliquer. Ni ma conscience, ni mon patriotisme ne me permettent de m’associer, même de loin et pour l’avenir, au triomphe de ces idées. Je ne les crois opportunes ni pour aujourd’hui ni pour demain. A quelque époque qu’elles dussent prévaloir, elle n’engendreraient que le désordre et l’abaissement de la France. Je ne veux ni en tenter l’application moi-même, ni en faciliter l’essai à mes successeurs. Tant que je serai dépositaire du pouvoir j’en ferai usage dans toute l’étendue de ses limites légales, pour m’opposer à ce que je regarde comme la perte de mon pays. Mais je suis convaincu que ce pays pense comme moi. Ce n’est pas le triomphe de ces théories qu’il a voulu aux élections dernières. Ce n’est pas ce que lui ont annoncé ceux qui étaient presque tous les candidats qui se prévalaient de mon nom et se déclaraient résolus à soutenir mon pouvoir. S’il était interrogé de nouveau et de manière à prévenir tout malentendu, il repousserait, j’en suis sûr, cette confusion. J’ai donc du choisir, et c’était mon droit constitutionnel, des conseillers qui pensent comme moi sur ce point qui est en réalité le seul en question. Je n’en reste pas moins, aujourd’hui comme hier, fermement résolu à respecter et à maintenir des institutions qui sont l’œuvre de l’assemblée de qui je tiens le pouvoir et qui ont constitué la république. Jusqu’en 1880 je suis le seul qui pourrait proposer d’y introduire un changement et ne médite rien de ce genre. Tous mes conseillers sont comme moi, décidés à pratiquer loyalement les institutions et incapables d’y porter aucune atteinte. Je livre ces considérations à vos réflexions comme au jugement du pays. Pour laisser calmer l’émotion qu’ont causée les derniers incidents je vous inviterai à suspendre vos séances pendant un certain temps. Quand vous les reprendrez, vous pourrez vous mettre, toute autre affaire cessante, à la discussion du budget, qu’il est si important de mener bientôt à terme. D’ici là, mon gouvernement veillera à la paix publique : au dedans il ne souffrirait rien qui la compromette. Au dehors, elle sera maintenue, j’en ai la confiance, malgré les agitations qui troublent une partie de l’Europe, grâce aux bons rapports que nous entretenons et voulons 73 conserver avec toutes les puissances, et à cette politique de neutralité et d’abstention qui vous a été exposée tout récemment et que vous avez confirmée par votre approbation unanime. Sur ce point, aucune différence d’opinion ne s’élève entre les partis. Ils veulent tous le même but par le même moyen. Le nouveau ministère pense exactement comme l’ancien, et pour bien attester cette conformité de sentiment la direction politique étrangère est restée dans les mêmes mains. Si quelques imprudences de parole ou de presse compromettaient cet accord que nous voulons tous, j’emploierais, pour les réprimer, les moyens que la loi met en mon pouvoir et, pour les prévenir, je fais appel au patriotisme qui, dieu merci, ne fait défaut en France à aucune classe de citoyens. Mes ministres vont vous donner lecture du décret qui, conformément à l’article 2 de la loi constitutionnelle du 16 juillet 1875, ajourne les chambres pour un mois. Document 8 : Discours de Gambetta à Lille, 15 août 1877. « La République sortira triomphante de cette dernière épreuve, et le plus clair bénéfice du 16 mai sera, pour l’histoire, d’avoir abrégé de trois ans, de dix ans, la période d’incertitude et de tâtonnements à laquelle nous condamnaient les dernières combinaisons de l’Assemblée nationale élue dans un jour de malheur. Messieurs, telle est la situation. Et j’ose dire que les espérances du Parti républicain sont sûres ; j’ose dire que votre fermeté, votre union, que votre activité sont les garants de ce triomphe. Pourquoi ne le dirais-je pas, au milieu de ces admirables populations du département du Nord, qui, à elles seules, payent le huitième des contributions de la France, dans ce département qui tient une des plus grandes places dans notre industrie nationale, aussi bien au point de vue mécanique qu’agricole ? N’est-il pas vrai que, dans ce pays, vous avez commencé aussi à faire justice des factions qui s’opposaient à l’établissement de la République et que vous n’attendez que l’heure du scrutin pour que tous vos élus forment une députation unanime ? Vous le pouvez si vous le voulez, et vous savez bien ce qui vous manque : ce ne sont pas les populations disposées à voter pour des candidats républicains ; ce sont des candidats qui consentent à sortir définitivement d’une résistance dictée par des intérêts privés et comprennent qu’il s’agit aujourd’hui d’un service public et d’élections d’où dépendent les destinées de la France. Il faut que ces hommes fassent violence à leurs intérêts domestiques pour aborder la plate-forme électorale. À ce point de vue, des adhésions significatives ont déjà été obtenues et vous avez su trouver des candidats qui vous mèneront à la victoire. Je devais plus particulièrement le dire ici, dans ce département qui, parmi les autres, tient la tête dans les questions d’affaires et de politique. Je devais le dire ici pour vous mettre en garde contre certains bruits qui ont été répandus et dont on alimente la basse presse, à savoir que si le suffrage universel dans sa souveraineté, je ne dirai pas dans la liberté de ses votes, puisqu’on fera tout pour restreindre cette liberté, mais dans sa volonté plénière, renomme une majorité républicaine, on n’en tiendra aucun compte. Ah! tenez, Messieurs, on a beau dire ces choses ou plutôt les donner à entendre, avec l’espoir de ranimer par là le courage défaillant de ses auxiliaires et de remporter ainsi la victoire : ce sont là de ces choses qu’on ne dit que lorsqu’on va à la bataille; mais, quand on en revient et que le destin a prononcé, c’est différent ! Que dis-je, le destin ? Quand la seule autorité devant laquelle il faut que tous s’inclinent aura prononcé, ne croyez pas que personne soit de taille à lui tenir tête. Ne croyez pas que quand ces millions de Français, paysans, ouvriers, bourgeois, 74 électeurs de la libre terre française, auront fait leur choix, et précisément dans les termes où la question est posée ; ne croyez pas que quand ils auront indiqué leur préférence et fait connaître leur volonté, ne croyez pas que lorsque tant de millions de Français auront parlé, il y ait personne, à quelque degré de l’échelle politique ou administrative qu’il soit placé, qui puisse résister. Quand la France aura fait entendre sa voix souveraine, croyez-le bien, Messieurs, il faudra se soumettre ou se démettre. » Document 9 : Message de Mac-Mahon aux chambres du 14 décembre 1877 « Messieurs les Sénateurs, Messieurs les députés, Les élections du 14 octobre ont affirmé, une fois de plus, la confiance du pays dans les institutions républicaines. Pour obéir aux règles parlementaires, j’ai formé un cabinet choisi dans les deux chambres, composé d’hommes résolus à défendre et à maintenir ces institutions par la pratique sincère des lois constitutionnelles. L’intérêt du pays exige que la crise que nous traversons soit apaisée : il exige avec non moins de force qu’elle ne se renouvelle pas. L’exercice du droit de dissolution n’est, en effet, qu’un mode de consultation suprême auprès d’un juge sans appel, et ne saurait être érigé en système de gouvernement. J’ai cru devoir user de ce droit et je me conforme à la réponse du pays. La Constitution de 1875 a fondé une République parlementaire en établissant mon irresponsabilité, tandis qu’elle a institué la responsabilité solidaire et individuelle des ministres. Ainsi sont déterminés nos devoirs et nos droits respectifs. L’indépendance des ministres est la condition de leur responsabilité. Ces principes, tirés de la Constitution, sont ceux de mon gouvernement. » Document 10 : Message du président Grévy au Parlement, 6 février 1879 (la Constitution Grévy) « L’Assemblée nationale, en m’élevant à la présidence de la République, m’a imposé de grands devoirs. Je m’appliquerai sans relâche à les accomplir, heureux si je puis, avec le concours sympathique du Sénat et de la Chambre des députés, ne pas rester au-dessous de ce que la France est en droit d’attendre de mes efforts et de mon dévouement. » « Soumis avec sincérité à la grande loi du régime parlementaire… » (Très bien ! très bien ! à gauche et au centre), « je n’entrerai jamais en lutte contre la volonté nationale… » (Bravos et applaudissements prolongés à gauche et au centre), « contre la volonté nationale exprimée par ses organes constitutionnels. » « Dans les projets de loi qu’il présentera au vote des Chambres et dans les questions soulevées par l’initiative parlementaire, le Gouvernement s’inspirera des besoins réels, des vœux certains du pays, d’un esprit de progrès et d’apaisement ; il se préoccupera surtout du maintien de la tranquillité, de la sécurité, de la confiance, le plus ardent des vœux de la France, le plus impérieux de ses besoins. » (Très bien ! très bien ! à gauche et au centre.) « Dans l’application des lois, qui donne à la politique générale son caractère et sa direction, il se pénétrera de la pensée qui les a dictées ; il sera libéral, juste pour tous, protecteur de tous les intérêts légitimes, défenseur résolu de ceux de l’État. » (Applaudissements.) 75 « Dans sa sollicitude pour les grandes institutions qui sont les colonnes de l’édifice social, il fera une large part à notre armée, dont l’honneur et les intérêts seront l’objet constant de ses plus chères préoccupations. » (Nouveaux applaudissements.) « Tout en tenant un juste compte des droits acquis et des services rendus, aujourd’hui que les deux grands pouvoirs sont animés du même esprit, qui est celui de la France, il veillera à ce que la République soit servie par des fonctionnaires qui ne soient ni ses ennemis, ni ses détracteurs. » « Il continuera à entretenir et à développer les bons rapports qui existent entre la France et les puissances étrangères, et à contribuer ainsi à l’affermissement de la paix générale. » « C’est par cette politique libérale et vraiment conservatrice que les grands pouvoirs de la République, toujours unis, toujours animés du même esprit, marchant toujours avec sagesse, feront porter ses fruits naturels au gouvernement que la France, instruite par ses malheurs, s’est donné comme le seul qui puisse assurer son repos et travailler utilement au développement de sa prospérité, de sa force et de sa grandeur. » 76 Séance 10 : La Troisième République (II) et le régime de Vichy Table des documents : Document 1 : De Gaulle (C.), Proclamation affichée de juillet 1940 reprenant en substance l’appel du 18 juin 1940. Document 2 : Article 8 de la loi constitutionnelle du 25 février 1875. Document 3 : Loi constitutionnelle du 10 juillet 1940. Document 4 : Acte constitutionnel n°1 adopté sous le régime de Vichy et appel du 12 novembre 1943. Document 5 : Ordonnance du 9 août 1944. Document 6 : Loi constitutionnelle du 2 novembre 1945. Document 7 : Chirac (J.), Discours prononcé lors des commémorations de la Rafle du Vel’ d’Hiv, 16 juillet 1995. Travail : Sujet proposé : En vous fondant sur vos connaissances relatives à la séparation des pouvoirs et à l'état de droit vous commenterez le document 3 77 Documents : Document 1 : Proclamation affichée sur les murs de Londres, juillet 1940 « A TOUS LES FRANCAIS La France a perdu une bataille ! Mais la France n'a pas perdu la guerre ! Des gouvernants de rencontre ont pu capituler, cédant à la panique, oubliant l'honneur, livrant le pays à la servitude. Cependant, rien n'est perdu ! Rien n'est perdu, parce que cette guerre est une guerre mondiale. Dans l'univers libre, des forces immenses n'ont pas encore donné. Un jour, ces forces écraseront l'ennemi. Il faut que la France, ce jour-là, soit présente à la victoire. Alors, elle retrouvera sa liberté et sa grandeur. Tel est mon but, mon seul but ! Voilà pourquoi je convie tous les Français, où qu'ils se trouvent, à s'unir à moi dans l'action, dans le sacrifice et dans l'espérance. Notre Patrie est en péril de mort. Luttons tous pour la sauver ! VIVE LA FRANCE ! Général de Gaulle, Quartier Général, 4, Carlton Gardens, London, S.W.I. » Document 2 : Articles de la loi constitutionnelle du 25 février 1875. « Article 2. - Le Président de la République est élu à la majorité absolue des suffrages par le Sénat et par la Chambre des députés réunis en Assemblée nationale. Il est nommé pour sept ans. Il est rééligible. […] « Article 8. - Les chambres auront le droit, par délibérations séparées prises dans chacune à la majorité absolue des voix, soit spontanément, soit sur la demande du Président de la République, de déclarer qu'il y a lieu de réviser les lois constitutionnelles. - Après que chacune des deux chambres aura pris cette résolution, elles se réuniront en Assemblée nationale pour procéder à la révision. - Les délibérations portant révision des lois constitutionnelles, en tout ou en partie, devront être prises à la majorité absolue des membres composant l'Assemblée nationale. - Toutefois, pendant la durée des pouvoirs conférés par la loi du 20 novembre 1873 à M. le maréchal de Mac-Mahon, cette révision ne peut avoir lieu que sur proposition du Président de la République. » Document 3 : Loi constitutionnelle du 10 juillet 1940. L'Assemblée nationale a adopté, Le Président de la République promulgue la loi constitutionnelle dont la teneur suit : Article unique. L'Assemblée nationale donne tout pouvoir au gouvernement de la République, sous l'autorité et la signature du maréchal Pétain, à l'effet de promulguer par un ou plusieurs actes une nouvelle constitution de l'État français. Cette constitution devra garantir les droits du Travail, de la Famille et de la Patrie. 78 Elle sera ratifiée par la Nation et appliquée par les Assemblées qu'elle aura créées. La présente loi constitutionnelle, délibérée et adoptée par l'Assemblée nationale, sera exécutée comme loi de l'État. Fait à Vichy, le 10 juillet 1940 Par le président de la République, Albert Lebrun Le maréchal de France, président du conseil, Philippe Pétain. » Document 4 : Acte constitutionnel n°1 adopté sous le régime de Vichy et appel du 12 novembre 1943. Acte constitutionnel n°1 du 11 juillet 1940 : « Nous, Philippe Pétain, maréchal de France, Vu la loi constitutionnelle du 10 juillet 1940, Déclarons assumer les fonctions de chef de l'État français. En conséquence, nous décrétons : L'article 2 de la loi constitutionnelle du 25 février 1875 est abrogé. » Appel du 12 novembre 1943 « Français, Le 10 juillet 1940, l'Assemblée nationale m'a donné mission de promulguer, par un ou plusieurs actes, une nouvelle constitution de l'État français. J'achève la mise au point de cette constitution. Elle concilie le principe de la souveraineté nationale et le droit de libre suffrage des citoyens avec la nécessité d'assurer la stabilité et l'autorité de l'État. Mais je me préoccupe de e qui adviendrait si je venais à disparaître avant d'avoir accompli jusqu'au bout la tâche que la Nation m'a confiée. C'est le respect de la légitimité qui conditionne la stabilité d'un pays. En dehors de la légitimité, il ne peut y avoir qu'aventures, rivalités de factions, anarchie et luttes fratricides. J'incarne aujourd'hui la légitimité française. J'entends la conserver comme un dépôt sacré et qu'elle revienne à mon décès à l'Assemblée nationale de qui je l'ai reçue si la nouvelle constitution n'est pas ratifiée. Ainsi, en dépit des événements redoutables que traverse la France, le pouvoir politique sera toujours assuré conformément à la loi. Je ne veux pas que ma disparition ouvre une ère de désordres qui mettrait l'unité de la France en péril. Tel est le but de l'acte constitutionnel qui sera promulgué demain au Journal officiel. Français, continuons à travailler d'un même coeur à l'établissement d'un régime nouveau dont je vous indiquerai prochainement les bases et qui seul pourra rendre à la France sa grandeur. Vichy, le 12 novembre 1943 » Document 5 : Ordonnance du 9 août 1944 relative au rétablissement de la légalité républicaine sur le territoire continental. Le Gouvernement provisoire de la Vu l’ordonnance du 3 juin 1943 portant institution du Comité français de la République française, Sur le rapport du ministre de la justice, 79 libération nationale, l’ordonnance du 3 juin 1944 ; ensemble Vu l’avis exprimé par l’assemblée consultative à sa séance du 26 juin 1944 ; Le comité juridique entendu, Article 1 La forme du Gouvernement de la France est et demeure la République. En droit celle-ci n’a pas cessé d’exister. Article 2 Sont, en conséquence, nuls et de nul effet tous les actes constitutionnels législatifs ou réglementaires, ainsi que les arrêtés pris pour leur exécution, sous quelque dénomination que ce soit, promulgués sur le territoire continental postérieurement au 16 juin 1940 et jusqu’au rétablissement du Gouvernement provisoire de la république française. Cette nullité constatée. doit être expressément Article 3 Est expressément constatée la nullité des actes suivants ; L’acte dit loi constitutionnelle du 10 juillet 1940 ; Tous les actes constitutionnel”, dits : “actes Tous les actes qui ont institué des juridictions d’exception, Tous les actes qui ont imposé le travail forcé pour le compte de l’ennemi, Tous les actes relatifs aux associations dites secrètes, Tous ceux qui établissent ou appliquent une discrimination quelconque fondée sur la qualité de juif. L’acte dit “décret du 16 Juillet 1940” relatif à la formule exécutoire. Toutefois, les porteurs de grosses et expéditions d’actes revêtus de la formule exécutoire prescrite par l’acte dit “décret du 16 juillet 1940” pourront les faire mettre à exécution sans faire ajouter la formule exécutoire rétablie. Article 4 Est également expressément constatée la nullité des actes visés aux tableaux I et II, annexés à la présente ordonnance (annexe non reproduite). Pour les actes mentionnés au tableau I, la constatation de nullité vaut peur les effets découlant de leur application antérieure à la mise en vigueur de la présente ordonnance. Article 5 Sont déclarés immédiatement exécutoires constatation sur le territoire continental de la France, les textes visés au tableau III de la présente ordonnance (annexe non reproduite). Article 6 Les textes publiés au Journal officiel de la France libre, au Journal officiel de la France combattante, au Journal officiel du commandement en chef français civil et militaire depuis le 18 mars 1943, enfin au Journal officiel de la République française entre le 10 juin 1943 et la date de la promulgation de la présente ordonnance ne seront applicables sur le territoire continental de la France qu’à partir de la date qui sera expressément fixée pour chacun d’eux. Toutefois, doivent être dès maintenant respectés les droits régulièrement acquis sous l’empire desdits textes. Article 7 Les actes de l’autorité de fait, se disant “gouvernement de l’Etat français” dont la nullité n’est pas expressément constatée dans la présente ordonnance ou dans les tableaux annexés (annexes non reproduites), continueront à recevoir provisoirement application. Cette application provisoire prendre fin au fur et à mesure de la constatation expresse de leur nullité prévue à l’article 2. 80 Cette constatation interviendra par des ordonnances subséquentes qui seront promulgués dans le plus bref délai possible. Le comité ouvrier de secours immédiats, Article 8 Les jeunesses de France et d’Outre-mer. Sont validées rétroactivement les décisions des juridictions d’exception visées à l’article 3 lorsqu’elles ne relèvent pas de l’ordonnance du 6 juillet 1943 et des textes subséquents relatifs à la légitimité des actes accomplis pour la cause de la libération et à la révision des condamnations intervenues pour ces faits. Les biens de ces groupements sont immédiatement placés sous le séquestre de l’administration de l’enregistrement et à la diligence de celle-ci. Article 9 Les actes administratifs postérieurs au 16 juin 1940 sont rétroactivement et provisoirement validés. Le parti populaire français, Sans préjudice de l’application des articles 12, 75 et suivants du code pénal sera puni d’un emprisonnement de un à cinq ans et d’une amende de 1000 à 100000 fr quiconque participera directement ou indirectement au maintien ou à la reconstitution des groupements énumérés au présent article. Article 11 Article 10 Sont immédiatement dissous groupements suivants et tous organismes similaires et annexes. Le mouvement social révolutionnaire, les les La légion française des combattants, Les groupements, anti-nationaux dits ; La milice, Le groupe collaboration, La présente ordonnance sera publiée au Journal officiel de la République française et exécutée comme loi. Elle sera appliquée au territoire continental au fur et à mesure de sa libération. Une ordonnance spéciale interviendra pour les départements du Bas-Rhin, du HautRhin et de la Moselle. La milice anti-bolchévique, Par le Gouvernement provisoire de la République française ; La légion tricolore, C. DE GAULLE. Le parti franciste, Le commissaire à la justice, FRANCOIS DE MENTHON Le rassemblement national populaire, Document 6 : Loi constitutionnelle du 2 novembre 1945 portant organisation provisoire des pouvoirs publics Le peuple français a adopté, République. Celui-ci constitue son gouvernement et le soumet à l'approbation Le Gouvernement provisoire de la de l'Assemblée, en même temps que le République française promulgue la loi dont programme du Gouvernement. la teneur suit : Article 1er L'Assemblée constituante, issue du scrutin du 21 octobre 1945, élit aussitôt, au scrutin public et à la majorité absolue des membres la composant, le président du Gouvernement provisoire de la Le gouvernement est responsable devant l'Assemblée ; mais le rejet d'un texte ou d'un crédit n'entraîne pas sa démission. Celle-ci n'est obligatoire qu'à la suite du vote distinct d'une motion de censure intervenant au plus tôt deux jours après son dépôt sur le bureau de l'Assemblée et 81 adoptée au moyen d'un scrutin à la tribune par la majorité des membres composant l'Assemblée. Article 5 Article 2 Article 6 L'Assemblée nouvelle. établit la Constitution Article 3 La Constitution adoptée par l'Assemblée sera soumise à l'approbation du corps électoral des citoyens français, par voie de référendum, dans le mois qui suivra son adoption par l'Assemblée. Article 4 L'Assemblée a le pouvoir législatif. Elle a l'initiative des lois concurremment avec le Gouvernement. Dans le délai d'un mois imparti pour la promulgation des lois, le Gouvernement a le droit de demander une seconde délibération. Si, à la suite de celleci, le premier vote est confirmé à la majorité absolue des membres composant l'Assemblée, la loi est promulguée dans les trois jours. L'Assemblée vote le budget, mais elle ne peut prendre l'initiative des dépenses. Les pouvoirs de l'Assemblée expireront le jour de la mise en application de la nouvelle Constitution et, au plus tard, sept mois après la première réunion de l'Assemblée. Article 7 Au cas où le corps électoral rejetterait la Constitution établie par l'Assemblée, ou au cas où celle-ci n'en aurait établi aucune dans le délai fixé à l'article 6, il serait procédé aussitôt, et dans les mêmes formes, à l'élection d'une nouvelle Assemblée constituante jouissant des mêmes pouvoirs, qui se réunirait de plein droit le deuxième mardi après son élection. Article 8 La présente loi adoptée par le peuple français, aura force constitutionnelle et sera exécutée comme loi de l'État. Document 7 : Chirac (J.), Discours prononcé lors des commémorations de la Rafle du Vel’ d’Hiv, 16 juillet 1995. « […] Il est, dans la vie d'une nation, des moments qui blessent la mémoire, et l'idée que l'on se fait de son pays. Ces moments, il est difficile de les évoquer, parce que l'on ne sait pas toujours trouver les mots justes pour rappeler l'horreur, pour dire le chagrin de celles et ceux qui ont vécu la tragédie. Celles et ceux qui sont marqués à jamais dans leur âme et dans leur chair par le souvenir de ces journées de larmes et de honte. Il est difficile de les évoquer, aussi, parce que ces heures noires souillent à jamais notre histoire, et sont une injure à notre passé et à nos traditions. Oui, la folie criminelle de l'occupant a été secondée par des Français, par l'État français. Il y a cinquante-trois ans, le 16 juillet 1942, 450 policiers et gendarmes français, sous l'autorité de leurs chefs, répondaient aux exigences des nazis. Ce jour-là, dans la capitale et en région parisienne, près de dix mille hommes, femmes et enfants juifs furent arrêtés à leur domicile, au petit matin, et rassemblés dans les commissariats de police. On verra des scènes atroces : les familles déchirées, les mères séparées de leurs enfants, les vieillards - dont certains, anciens combattants de la Grande Guerre, avaient versé leur sang pour la France - jetés sans ménagement dans les bus parisiens et les fourgons de la Préfecture de Police. 82 On verra, aussi, des policiers fermer les yeux, permettant ainsi quelques évasions. Pour toutes ces personnes arrêtées, commence alors le long et douloureux voyage vers l'enfer. Combien d'entre-elles ne reverront jamais leur foyer ? Et combien, à cet instant, se sont senties trahies ? Quelle a été leur détresse ? La France, patrie des Lumières et des Droits de l'Homme, terre d'accueil et d'asile, la France, ce jour-là, accomplissait l'irréparable. Manquant à sa parole, elle livrait ses protégés à leurs bourreaux. Conduites au Vélodrome d'hiver, les victimes devaient attendre plusieurs jours, dans les conditions terribles que l'on sait, d'être dirigées sur l'un des camps de transit - Pithiviers ou Beaune-la-Rolande - ouverts par les autorités de Vichy. L'horreur, pourtant, ne faisait que commencer. Suivront d'autres rafles, d'autres arrestations. A Paris et en province. Soixante-quatorze trains partiront vers Auschwitz. Soixante-seize mille déportés juifs de France n'en reviendront pas. Nous conservons à leur égard une dette imprescriptible. La Thora fait à chaque juif devoir de se souvenir. Une phrase revient toujours qui dit : "N'oublie jamais que tu as été un étranger et un esclave en terre de Pharaon". Cinquante ans après, fidèle à sa loi, mais sans esprit de haine ou de vengeance, la Communauté juive se souvient, et toute la France avec elle. Pour que vivent les six millions de martyrs de la Shoah. Pour que de telles atrocités ne se reproduisent jamais plus. Pour que le sang de l'holocauste devienne, selon le mot de Samuel Pisar, le "sang de l'espoir". Quand souffle l'esprit de haine, avivé ici par les intégrismes, alimenté là par la peur et l'exclusion. Quand à nos portes, ici même, certains groupuscules, certaines publications, certains enseignements, certains partis politiques se révèlent porteurs, de manière plus ou moins ouverte, d'une idéologie raciste et antisémite, alors cet esprit de vigilance qui vous anime, qui nous anime, doit se manifester avec plus de force que jamais. En la matière, rien n'est insignifiant, rien n'est banal, rien n'est dissociable. Les crimes racistes, la défense de thèses révisionnistes, les provocations en tout genre - les petites phrases, les bons mots - puisent aux mêmes sources. Transmettre la mémoire du peuple juif, des souffrances et des camps. Témoigner encore et encore. Reconnaître les fautes du passé, et les fautes commises par l'Etat. Ne rien occulter des heures sombres de notre Histoire, c'est tout simplement défendre une idée de l'Homme, de sa liberté et de sa dignité. C'est lutter contre les forces obscures, sans cesse à l'oeuvre. Cet incessant combat est le mien autant qu'il est le vôtre. Les plus jeunes d'entre nous, j'en suis heureux, sont sensibles à tout ce qui se rapporte à la Shoah. Ils veulent savoir. Et avec eux, désormais, de plus en plus de Français décidés à regarder bien en face leur passé. La France, nous le savons tous, n'est nullement un pays antisémite. En cet instant de recueillement et de souvenir, je veux faire le choix de l'espoir. Je veux me souvenir que cet été 1942, qui révèle le vrai visage de la "collaboration", dont le caractère raciste, après les lois anti-juives de 1940, ne fait plus de doute, sera, pour beaucoup de nos compatriotes, celui du sursaut, le point de départ d'un vaste mouvement de résistance. 83 Je veux me souvenir de toutes les familles juives traquées, soustraites aux recherches impitoyables de l'occupant et de la milice, par l'action héroïque et fraternelle de nombreuses familles françaises. J'aime à penser qu'un mois plus tôt, à Bir Hakeim, les Français libres de Koenig avaient héroïquement tenu, deux semaines durant, face aux divisions allemandes et italiennes. Certes, il y a les erreurs commises, il y a les fautes, il y a une faute collective. Mais il y a aussi la France, une certaine idée de la France, droite, généreuse, fidèle à ses traditions, à son génie. Cette France n'a jamais été à Vichy. Elle n'est plus, et depuis longtemps, à Paris. Elle est dans les sables libyens et partout où se battent des Français libres. Elle est à Londres, incarnée par le Général de Gaulle. Elle est présente, une et indivisible, dans le coeur de ces Français, ces "Justes parmi les nations" qui, au plus noir de la tourmente, en sauvant au péril de leur vie, comme l'écrit Serge Klarsfeld, les trois-quarts de la communauté juive résidant en France, ont donné vie à ce qu'elle a de meilleur. Les valeurs humanistes, les valeurs de liberté, de justice, de tolérance qui fondent l'identité française et nous obligent pour l'avenir. Ces valeurs, celles qui fondent nos démocraties, sont aujourd'hui bafouées en Europe même, sous nos yeux, par les adeptes de la "purification ethnique". Sachons tirer les leçons de l'Histoire. N'acceptons pas d'être les témoins passifs, ou les complices, de l'inacceptable. C'est le sens de l'appel que j'ai lancé à nos principaux partenaires, à Londres, à Washington, à Bonn. Si nous le voulons, ensemble nous pouvons donner un coup d'arrêt à une entreprise qui détruit nos valeurs et qui, de proche en proche risque de menacer l'Europe tout entière. » 84 Séance 11 : La Quatrième République et la transition vers la Cinquième République Table des documents : Document 1 : De Gaulle (C.), Discours de Bayeux, 16 juin 1946. Document 2 : Loi du 3 juin 1958. Document 3 : Debré (M.), Allocution devant le Conseil d’État, 27 août 1958. Document 4 : De Gaulle (C.), Discours du 4 septembre 1958. Travail : Dissertation : La rationalisation du parlementarisme sous la IV ème république. À consulter: - Le projet de Constitution voté le 19 avril 1946 et dit du 5 mai 1946 et sa déclaration des droits de l’homme - La Constitution du 27 octobre 1946. - Le numéro de la revue Pouvoirs dédié à la IVème République, n°76, janvier 1996. Disponible en accès libre à partir des du http://www.revue-pouvoirs.fr/-76-La-IVeRepublique-.html/ ou directement accéder à la revue sur le http://www.revuepouvoirs.fr/IMG/pdf/Pouvoirs76.pdf/ - Chevallier (J.-J.), Histoire des institutions et des régimes politiques de la France de 1789 à nos jours, Dalloz. - Vedel (G.), Manuel élémentaire de droit constitutionnel, Dalloz, 2002, pp. 579 à 585. - Les discours (vidéos et textes) du général de Gaulle sont disponibles sur le http://www.charles-de-gaulle.org/. On relèvera par exemple le discours prononcé place de la République à Paris, 4 septembre 1958 - Sur le discours d’investiture du général de Gaulle en date du 1er juin 1958, voir aussi la page dédiée à cet évènement (textes, images et vidéos) sur le site de l’Assemblée nationale http://www.assemblee-nationale.fr/histoire/de_gaulle.asp/. - Une chronologie détaillée des gouvernements de la Quatrième République est disponible sur notamment sur Wikipedia. - Vous pourrez aussi chercher des références et le contenu du compte-rendu de la réunion constitutionnelle tenue le 13 juin 1958. 85 Documents : Document 1 : Discours de Bayeux, 16 juin 1946 « Dans notre Normandie, glorieuse et mutilée, Bayeux et ses environs furent témoins d'un des plus grands événements de l'Histoire. Nous attestons qu'ils en furent dignes. C'est ici que, quatre années après le désastre initial de la France et des Alliés, débuta la victoire finale des Alliés et de la France. C'est ici que l'effort de ceux qui n'avaient jamais cédé et autour desquels s'étaient, à partir du 18 juin 1940, rassemblé l'instinct national et reformée la puissance française tira des événements sa décisive justification. En même temps, c'est ici que sur le sol des ancêtres réapparut l'État ; l'État légitime, parce qu'il reposait sur l'intérêt et le sentiment de la nation ; l'État dont la souveraineté réelle avait été transportée du côté de la guerre, de la liberté et de la victoire, tandis que la servitude n'en conservait que l'apparence ; l'État sauvegardé dans ses droits, sa dignité, son autorité, au milieu des vicissitudes du dénuement et de l'intrigue ; l'État préservé des ingérences de l'étranger ; l'État capable de rétablir autour de lui l'unité nationale et l'unité impériale, d'assembler toutes les forces de la patrie et de l'Union française, de porter la victoire à son terme, en commun avec les Alliés, de traiter d'égal à égal avec les autres grandes nations du monde, de préserver l'ordre public, de faire rendre la justice et de commencer notre reconstruction. Si cette grande oeuvre fut réalisée en dehors du cadre antérieur de nos institutions, c'est parce que celles-ci n'avaient pas répondu aux nécessités nationales et qu'elles avaient, d'ellesmêmes, abdiqué dans la tourmente. Le salut devait venir d'ailleurs. Il vint, d'abord, d'une élite, spontanément jaillie des profondeurs de la nation et qui, bien au-dessus de toute préoccupation de parti ou de classe, se dévoua au combat pour la libération, la grandeur et la rénovation de la France. Sentiment de sa supériorité morale, conscience d'exercer une sorte de sacerdoce du sacrifice et de l'exemple, passion du risque et de l'entreprise, mépris des agitations, prétentions, surenchères, confiance souveraine en la force et en la ruse de sa puissante conjuration aussi bien qu'en la victoire et en l'avenir de la patrie, telle fut la psychologie de cette élite partie de rien et qui, malgré de lourdes pertes, devait entraîner derrière elle tout l'Empire et toute la France. Elle n'y eût point, cependant, réussi sans l'assentiment de l'immense masse française. Celle-ci, en effet, dans sa volonté instinctive de survivre et de triompher, n'avait jamais vu dans le désastre de 1940 qu'une péripétie de la guerre mondiale où la France servait d'avant-garde. Si beaucoup se plièrent, par force, aux circonstances, le nombre de ceux qui les acceptèrent dans leur esprit et dans leur coeur fut littéralement infime. Jamais la France ne crut que l'ennemi ne fût point l'ennemi et que le salut fût ailleurs que du côté des armes de la liberté. A mesure que se déchiraient les voiles, le sentiment profond du pays se faisait jour dans sa réalité. Partout où paraissait la croix de Lorraine s'écroulait l'échafaudage d'une autorité qui n'était que fictive, bien qu'elle fût, en apparence, constitutionnellement fondée. Tant il est vrai que les pouvoirs publics ne valent, en fait et en droit, que s'ils s'accordent avec l'intérêt supérieur du pays, s'ils reposent sur l'adhésion confiante des citoyens. En matière d'institutions, bâtir sur autre chose, ce serait bâtir sur du sable. Ce serait risquer de voir l'édifice crouler une fois de plus à l'occasion d'une de ces crises auxquelles, par la nature des choses, notre pays se trouve si souvent exposé. Voilà pourquoi, une fois assuré le salut de l'État, dans la victoire remportée et l'unité nationale maintenue, la tâche par-dessus tout urgente et essentielle était l'établissement des nouvelles institutions françaises. Dès que cela fut possible, le peuple français fut donc invité à élire ses constituants, tout en fixant à leur mandat des limites déterminées et en se réservant à lui- même la décision définitive. Puis, une fois le train mis sur les rails, nous-mêmes nous sommes retirés de la scène, non seulement pour ne point engager dans la lutte des partis ce qu'en vertu des événements nous pouvons symboliser et qui appartient à la nation tout entière, mais encore pour qu'aucune considération relative à un homme, tandis qu'il dirigeait l'État , ne pût fausser dans aucun sens l'oeuvre des législateurs. Cependant, la nation et l'Union française attendent encore une Constitution qui soit faite pour elles et qu'elles aient pu joyeusement approuver. A vrai dire, si l'on peut regretter que l'édifice reste à construire, chacun convient certainement qu'une réussite quelque peu différée vaut mieux qu'un achèvement rapide mais fâcheux. Au cours d'une période de temps qui ne dépasse pas deux fois la vie d'un homme, la France fut envahie sept fois et a pratiqué treize régimes, car tout se tient dans les malheurs d'un peuple. Tant de secousses ont accumulé dans notre vie publique des poisons dont s'intoxique notre vieille propension gauloise aux divisions et aux querelles. Les épreuves inouïes que nous venons de traverser n'ont fait, naturellement, qu'aggraver cet état de choses. La situation actuelle du monde où, derrière des idéologies opposées, se confrontent des Puissances entre lesquelles nous sommes placés, ne laisse pas d'introduire dans nos luttes politiques un facteur de trouble passionné. Bref, la rivalité des partis revêt chez nous un caractère fondamental, qui met toujours tout en question et sous lequel s'estompent trop souvent les intérêts supérieurs du pays. Il y a là un fait patent, qui tient au tempérament national, aux péripéties de l'Histoire et aux ébranlements du présent, mais dont il est indispensable à l'avenir du pays et de la démocratie que nos institutions tiennent compte et se gardent, afin de préserver le crédit des lois, la cohésion des gouvernements, l'efficience des administrations, le prestige et l'autorité de l'État. C'est qu'en effet, le trouble dans l'État a pour conséquence inéluctable la désaffection des citoyens à l'égard des institutions. Il suffit alors d'une occasion pour faire apparaître la menace de la dictature. D'autant plus que l'organisation en quelque sorte mécanique de la société moderne rend chaque jour plus nécessaires et plus désirés le bon ordre dans la direction et le fonctionnement régulier des rouages. Comment et pourquoi donc ont fini chez nous la Ière, la IIe, la IIIe Républiques ? Comment et pourquoi donc la démocratie italienne, la République allemande de Weimar, la République espagnole, firent-elles place aux régimes que l'on sait ? Et pourtant, qu'est la dictature, sinon une grande aventure ? Sans doute, ses débuts semblent avantageux. Au milieu de l'enthousiasme des uns et de la résignation des autres, dans la rigueur de l'ordre qu'elle impose, à la faveur d'un décor éclatant et d'une propagande à sens unique, elle prend d'abord un tour de dynamisme qui fait contraste avec l'anarchie qui l'avait précédée. Mais c'est le destin de la dictature d'exagérer ses entreprises. A mesure que se fait jour parmi les citoyens l'impatience des contraintes et la nostalgie de la liberté, il lui faut à tout prix leur offrir en compensation des réussites sans cesse plus étendues. La nation devient une machine à laquelle le maître imprime une accélération effrénée. Qu'il s'agisse de desseins intérieurs ou extérieurs, les buts, les risques, les efforts, dépassent peu à peu toute mesure. A chaque pas se dressent, au-dehors et au-dedans, des obstacles multipliés. A la fin, le ressort se brise. L'édifice grandiose s'écroule dans le malheur et dans le sang. La nation se retrouve rompue, plus bas qu'elle n'était avant que l'aventure commençât. Il suffit d'évoquer cela pour comprendre à quel point il est nécessaire que nos institutions démocratiques nouvelles compensent, par elles-mêmes, les effets de notre perpétuelle effervescence politique. Il y a là, au surplus, pour nous une question de vie ou de mort, dans le monde et au siècle où nous sommes, où la position, d'indépendance et jusqu'à l'existence de notre pays et de notre Union Française se trouvent bel et bien en jeu. Certes, il est de l'essence même de la démocratie que les opinions s'expriment et qu'elles s'efforcent, par le suffrage, d'orienter suivant leurs conceptions l'action publique et la législation. Mais aussi tous les 87 principes et toutes les expériences exigent que les pouvoirs publics : législatif, exécutif, judiciaire, soient nettement séparés et fortement équilibrés et, qu'au-dessus des contingences politiques, soit établi un arbitrage national qui fasse valoir la continuité au milieu des combinaisons. Il est clair et il est entendu que le vote définitif des lois et des budgets revient à une Assemblée élue au suffrage universel et direct. Mais le premier mouvement d'une telle Assemblée ne comporte pas nécessairement une clairvoyance et une sérénité entières. Il faut donc attribuer à une deuxième Assemblée, élue et composée d'une autre manière, la fonction d'examiner publiquement ce que la première a pris en considération, de formuler des amendements, de proposer des projets. Or, si les grands courants de politique générale sont naturellement reproduits dans le sein de la Chambre des Députés, la vie locale, elle aussi, a ses tendances et ses droits. Elle les a dans la Métropole. Elle les a, au premier chef, dans les territoires d'outre-mer, qui se rattachent à l'Union Française par des liens très divers. Elle les a dans cette Sarre à qui la nature des choses, découverte par notre victoire, désigne une fois de plus sa place auprès de nous, les fils des Francs. L'avenir des 110 millions d'hommes et de femmes qui vivent sous notre drapeau est dans une organisation de forme fédérative, que le temps précisera peu à peu, mais dont notre Constitution nouvelle doit marquer le début et ménager le développement. Tout nous conduit donc à instituer une deuxième Chambre dont, pour l'essentiel, nos Conseils généraux et municipaux éliront les membres. Cette Chambre complétera la première en l'amenant, s'il y a lieu, soit à réviser ses propres projets, soit à en examiner d'autres, et en faisant valoir dans la confection des lois ce facteur d'ordre administratif qu'un collège purement politique a forcément tendance à négliger. Il sera normal d'y introduire, d'autre part, des représentants, des organisations économiques, familiales, intellectuelles, pour que se fasse entendre, au-dedans même de l'État , la voix des grandes activités du pays. Réunis aux élus des assemblée locales des territoires d'outre-mer, les membres de cette Assemblée formeront le grand Conseil de l'Union française, qualifié pour délibérer des lois et des problèmes intéressant l'Union, budgets, relations extérieures, rapports intérieurs, défense nationale, économie, communications. Du Parlement, composé de deux Chambres et exerçant le pouvoir législatif, il va de soi que le pouvoir exécutif ne saurait procéder, sous peine d'aboutir à cette confusion des pouvoirs dans laquelle le Gouvernement ne serait bientôt plus rien qu'un assemblage de délégations. Sans doute aura-t-il fallu, pendant la période transitoire où nous sommes, faire élire par l'Assemblée nationale constituante le Président du gouvernement provisoire, puisque, sur la table rase, il n'y avait aucun autre procédé acceptable de désignation. Mais il ne peut y avoir là qu'une disposition du moment. En vérité, l'unité, la cohésion, la discipline intérieure du gouvernement de la France doivent être des choses sacrées, sous peine de voir rapidement la direction même du pays impuissante et disqualifiée. Or, comment cette unité, cette cohésion, cette discipline, seraient-elles maintenues à la longue si le pouvoir exécutif émanait de l'autre pouvoir auquel il doit faire équilibre, et si chacun des membres du gouvernement, lequel est collectivement responsable devant la représentation nationale tout entière, n'était, à son poste, que le mandataire d'un parti ? C'est donc du chef de l'État, placé au-dessus des partis, élu par un collège qui englobe le Parlement mais beaucoup plus large et composé de manière à faire de lui le Président de l'Union française en même temps que celui de la République, que doit procéder le pouvoir exécutif. Au chef de l'État la charge d'accorder l'intérêt général quant au choix des hommes avec l'orientation qui se dégage du Parlement. A lui la mission de nommer les ministres et, d'abord, bien entendu, le Premier, qui devra diriger la politique et le travail du gouvernement. Au chef de l'État la fonction de promulguer les lois et de prendre les décrets, car c'est envers 88 l'État tout entier que ceux-ci et celles-là engagent les citoyens. A lui la tâche de présider les Conseils du gouvernement et d'y exercer cette influence de la continuité dont une nation ne se passe pas. A lui l'attribution de servir d'arbitre au-dessus des contingences politiques, soit normalement par le conseil, soit, dans les moments de grave confusion, en invitant le pays à faire connaître par des élections sa décision souveraine. A lui, s'il devait arriver que la patrie fût en péril, le devoir d'être le garant de l'indépendance nationale et des traités conclus par la France. Des Grecs, jadis, demandaient au sage Solon : "Quelle est la meilleure Constitution ?" Il répondait : "Dites-moi, d'abord, pour quel peuple et à quelle époque ?" Aujourd'hui, c'est du peuple français et des peuples de l'Union française qu'il s'agit, et à une époque bien dure et bien dangereuse ! Prenons-nous tels que nous sommes. Prenons le siècle comme il est. Nous avons à mener à bien, malgré d'immenses difficultés, une rénovation profonde qui conduise chaque homme et chaque femme de chez nous à plus d'aisance, de sécurité, de joie, et qui nous fasse plus nombreux, plus puissants, plus fraternels. Nous avons à conserver la liberté sauvée avec tant et tant de peine. Nous avons à assurer le destin de la France au milieu de tous les obstacles qui se dressent sur sa route et sur celle de la paix. Nous avons à déployer, parmi nos frères les hommes, ce dont nous sommes capables, pour aider notre pauvre et vieille mère, la Terre. Soyons assez lucides et assez forts pour nous donner et pour observer des règles de vie nationale qui tendent à nous rassembler quand, sans relâche nous sommes portés à nous diviser contre nous-mêmes ! Toute notre Histoire, c'est l'alternance des immenses douleurs d'un peuple dispersé et des fécondes grandeurs d'une nation libre groupée sous l'égide d'un Etat fort. » 89 Document 2 : Loi constitutionnelle du 3 juin 1958 90 Document 3 : Discours de Michel Debré devant le Conseil d'État, 27 août 1958 « Avec une rapidité inouïe, au cours des dernières années, l'unité et la force de la France se sont dégradées, nos intérêts essentiels ont été gravement menacés, notre existence en tant que nation indépendante et libre mise en cause. A cette crise politique majeure, bien des causes ont contribué. La défaillance de nos institutions est, doublement, une de ces causes ; nos institutions n'étaient plus adaptées, c'est le moins qu'on puisse dire, et leur inadaptation était aggravée par de mauvaises moeurs politiques qu'elles n'arrivaient point à corriger. L'objet de la réforme constitutionnelle est donc clair. Il est d'abord, et avant tout, d'essayer de reconstruire un pouvoir sans lequel il n'est ni État, ni démocratie, c'est-à-dire, en ce qui nous concerne, ni France, ni République. Il est ensuite, dans l'intérêt supérieur de notre sécurité et de l'équilibre du monde, de sauvegarder et de rénover cet ensemble que nous appelons traditionnellement la France d'outre-mer. Ces deux objectifs, à elle seule la Constitution ne permet pas de les atteindre. Mais elle doit être construite de telle sorte qu'elle ne soit pas un obstacle et qu'au contraire elle y aide puissamment. Une première volonté a dominé ce projet : refaire le régime parlementaire de la République. Une seconde volonté à conduit à préciser comment, autour de la France, on pouvait établir une Communauté. I. Donner à la France un régime parlementaire Le Gouvernement a voulu rénover le régime parlementaire. Je serai même tenté de dire qu'il veut l'établir, car pour de nombreuses raisons, la République n'a jamais réussi à l'instaurer. La raison de ce choix est simple. Le régime d'assemblée, ou régime conventionnel, est impraticable et dangereux. Le régime présidentiel est présentement hors d'état de fonctionner en France. L'impossible régime d'assemblée Le régime d'assemblée, ou conventionnel, est celui où la totalité du pouvoir, en droit et en fait, appartient à un Parlement, et plus précisément, à une Assemblée. L'Assemblée n'est pas seulement le pouvoir législatif et le contrôle budgétaire. Elle est la politique et le Gouvernement, qui tient d'elle l'origine de son autorité et qui, dépendant de son arbitraire, n'est que son commis. Ses décisions ne peuvent être critiquées par personne, fussent-elles contraires à la Constitution. Leur domaine est illimité et l'ensemble des pouvoirs publics est à leur discrétion. Le fonctionnement de l'Assemblée la met en mesure d'exercer cette tâche : sessions qui n'ont pratiquement pas de fin ; commissions multiples et puissantes ; système de vote par délégation qui permet de multiplier les séances et les scrutins. Ai-je besoin de continuer la description ? Ce régime est celui que nous avons connu. On a tenté de corriger ses défauts en modifiant le règlement de l'Assemblée. Peine perdue ! Celles des modifications contraires au fonctionnement du régime conventionnel ne sont pas appliquées, ou elles sont impuissantes. On a tenté un nouveau remède en augmentant les pouvoirs de la deuxième assemblée. Peine également perdue ! La division en deux chambres est une bonne règle du régime parlementaire, car elle permet à un gouvernement indépendant de trouver, par la deuxième assemblée, un secours utile contre la première ; en régime conventionnel, on neutralise ou plutôt on diminue l'arbitraire d'une assemblée par l'autre sans créer l'autorité. On a tenté enfin un remède par des coalitions ou contrats entre partis. Peine toujours perdue ! L'entente entre fractions ne résiste pas au sentiment d'irresponsabilité que donne à chacune d'entre elles et à ses membres le fonctionnement du régime d'assemblée. Les difficultés majeures du régime présidentiel Le régime présidentiel est la forme du régime démocratique qui est à l'opposé du régime d'assemblée. Sa marque est faite de l'importance du pouvoir donné en droit et en fait à un chef d'État élu au suffrage universel. Les pouvoirs, dans un tel régime, ne sont pas confondus. Ils sont au contraire fort rigoureusement séparés. Les assemblées législatives sont dépourvues de toute influence gouvernementale : leur domaine est celui de la loi, et c'est un domaine bien défini. Elles approuvent également le budget et, normalement, les traités. En cas de conflit, le Président, pour le résoudre, dispose d'armes telles que le veto ou la promulgation d'office. La justice occupe une place à part et d'ordinaire privilégiée afin d'assurer la défense des individus contre ce chef très puissant et contre les conséquences d'une entente entre ce chef et les assemblées. Les qualités du régime présidentiel sont évidentes. L'État a un chef, la démocratie un pouvoir et la tentation est grande, après avoir pâti de l'anarchie et de l'impuissance, résultats d'un régime conventionnel, de chercher refuge dans l'ordre et l'autorité du régime présidentiel. Ni le Parlement dans sa volonté de réforme manifestée par la loi du 3 juin, ni le Gouvernement lorsqu'il a présenté, puis appliqué cette loi, n'ont succombé à cette tentation, et c'est, je crois, sagesse. La démocratie en France suppose un Parlement doté de pouvoirs politiques. On peut imaginer deux assemblées législatives et budgétaires uniquement, c'est-àdire subordonnées. Mais nous devons constater que cette conception ne coïncide pas avec l'image traditionnelle et, à bien des égards, légitime, de la République. A cette raison de droit, s'ajoutent deux raisons de fait qui sont, l'une et l'autre, décisives. Le Président de la République a des responsabilités outre-mer ; il est également le président de la Communauté. Envisage-t-on un corps électoral comprenant, universellement, tous les hommes, toutes les femmes de la France métropolitaine, de l'Algérie, de l'Afrique noire, de Madagascar, des îles du Pacifique ? Cela ne serait pas raisonnable et serait gravement de nature à nuire à l'unité de l'ensemble comme à la considération que l'on doit au chef de l'État. Regardons, d'autre part, la situation intérieure française et parlons politique. Nous voulons une forte France. Est-il possible d'asseoir l'autorité sur un suffrage si profondément divisé ? Doit-on oublier qu'une part importante de ce suffrage, saisie par les difficultés des années passées, adopte, à l'égard de la souveraineté nationale, une attitude de révolte qu'un certain parti encadre avec force pour des objectifs que des hommes d'État et de gouvernement ne peuvent accepter ? La cause me paraît entendue. Le régime présidentiel est actuellement dangereux à mettre en oeuvre. Les conditions du régime parlementaire Pas de régime conventionnel, pas de régime présidentiel : la voie devant nous est étroite, c'est celle du régime parlementaire. A la confusion des pouvoirs dans une seule assemblée, à la stricte séparation des pouvoirs avec priorité au chef de l'État, il convient de préférer la collaboration des pouvoirs : un chef de l'État et un Parlement séparés, encadrant un Gouvernement issu du premier et responsable devant le second, entre eux un partage des attributions donnant à chacun une semblable importance dans la marche de l'État et assurant les moyens de résoudre les conflits qui sont, dans tout système démocratique, la rançon de la liberté. 92 Le projet de Constitution, tel qu'il vous est soumis, a l'ambition de créer un régime parlementaire. Il le fait par quatre mesures ou séries de mesures : 1° un strict régime des sessions ; 2° un effort pour définir le domaine de la loi ; 3° une réorganisation profonde de la procédure législative et budgétaire ; 4° une mise au point des mécanismes juridiques indispensables à l'équilibre et à la bonne marche des fonctions politiques. 1. Les assemblées, en régime parlementaire, ne sont pas des organes permanents de la vie politique. Elles sont soumises à des sessions bien déterminées et assez longues pour que le travail législatif, le vote du budget et le contrôle politique soient assurés dans de bonnes conditions, mais aménagées de telle sorte que le Gouvernement ait son temps de réflexion et d'action. Le texte qui vous est soumis prévoit deux sessions ordinaires, l'une à l'automne, de deux mois et demi, et destinée avant tout au budget, l'autre au printemps, de trois mois au plus, et destinée avant tout au travail législatif. Des sessions extraordinaires peuvent être décidées à la volonté du Gouvernement ou de la majorité du Parlement ; leur objet et leur durée sont limités. Les unes et les autres sont prolongées d'une manière automatique si le Gouvernement n'a pas déposé le budget en temps utile ou si l'opposition, par une motion de censure, entend imposer un débat de politique générale. De nouvelles élections, un message extraordinaire du Président de la République peuvent amener également de courtes sessions extraordinaires. Cette réglementation, stricte mais libérale, doit satisfaire aussi bien les exigences du Gouvernement que celle de l'opposition. 2. L'article où l'on a tenté de définir le domaine de la loi est de ceux qui ont provoqué le plus d'étonnement. Cette réaction est surprenante. Du point de vue des principes, la définition est normale et c'est la confusion de la loi, du règlement, voire de la mesure individuelle qui est une absurdité. Du point de vue des faits, notre système juridique était arrivé à un tel point de confusion et d'engorgement qu'un des efforts les plus constants, mais tenté en vain au cours des dix dernières années, était de « désencombrer » un ordre du jour parlementaire accablé par l'excès des lois passées depuis tant d'années en des domaines où le Parlement n'a pas normalement compétence législative. Un observateur de notre vie parlementaire aurait pu, entre les deux guerres, mais davantage encore depuis la Libération, noter cette double déviation de notre organisation politique : un Parlement accablé de textes et courant en désordre vers la multiplication des interventions de détail, mais un Gouvernement traitant sans intervention parlementaire des plus graves problèmes nationaux. Le résultat de ces deux observations conduisait à une double crise : l'impuissance de l'État du fait que l'administration était ligotée par des textes inadmissibles, la colère de la nation du fait qu'une coalition partisane placée au Gouvernement la mettait devant de graves mesures décidées sans avoir été préalablement soumises à un examen sérieux. Définir le domaine de la loi, ou plutôt du Parlement, ce n'est pas réduire la vie parlementaire, c'est également, par détermination des responsabilités du Gouvernement, assurer entre le ministère et les assemblées une répartition nécessaire des tâches. Tout ce qui touche aux libertés publiques et aux droits individuels ne peut être réglementé que par la loi. Tout ce qui touche aux pouvoirs publics et aux structures fondamentales de l'État ne peut être réglementé que par la loi. En d'autres domaines - attributions de l'État dans la vie économique et sociale notamment -, la loi fixe les principes. Le budget, les traités importants sont du domaine de la loi. Le Parlement doit ratifier l'état de siège. Il est seul compétent pour déclarer la guerre. Votre commission envisage qu'une loi organique pourra, après examen, étendre ce domaine ; à ce correctif, qu'il faudra employer avec prudence, le Gouvernement ne 93 fait pas obstacle, car il donnera une souplesse utile à un partage dont le principe est nécessaire. La définition du domaine de la loi donne au règlement, c'est-à-dire à la responsabilité du Gouvernement, un domaine étendu. Il faut en outre qu'une arme soit donnée au Gouvernement pour éviter les empiétements à venir : c'est l'exception d'irrecevabilité qui peut être contestée par l'Assemblée, auquel cas le Conseil constitutionnel, dont nous parlerons tout à l'heure, a mission d'arbitrer. Le Gouvernement peut accepter, à l'occasion, une intervention parlementaire hors le domaine de la loi. Cette intervention ne modifie pas le partage ni ses conséquences. En sens inverse, le Parlement peut déléguer au Gouvernement le droit de statuer en matière législative ; à l'expiration de la délégation, le législateur retrouve son domaine. 3. Notre procédure législative et budgétaire était une des marques les plus nettes du caractère d'assemblée qui était celui de notre régime démocratique. Le texte soumis à vos délibérations propose des modifications qui peuvent à certains paraître secondaires ; en droit et en fait, elles sont fondamentales. Le Gouvernement peut exercer une influence décisive dans la fixation de l'ordre du jour des assemblées. Il a le droit en effet d'exiger la priorité pour ses projets, également pour les propositions qu'il accepte. Ainsi on ne verra plus un Gouvernement déposer un projet et se désintéresser de son sort. Ainsi on ne verra plus une assemblée obliger le Gouvernement à une discussion d'ordre politique simplement pour obtenir le fonctionnement de la procédure législative. Si ce Gouvernement « nourrit » les assemblées, celles-ci travailleront de concert avec lui. Cette règle a sa contrepartie normale : un jour par semaine est réservé aux questions des parlementaires. La voix de l'opposition est ainsi assurée de se faire entendre. Le nombre des commissions permanentes est réduit à six dans chaque assemblée et en aucun cas le texte établi par la commission ne peut se substituer au texte du Gouvernement. Les commissions sont d'utiles organes d'étude et de contrôle à condition qu'elles ne soient pas trop spécialisées - elles se substituent alors à l'administration ou exercent sur les services une influence qui n'est pas d'une bonne nature - et à condition qu'elles donnent un avis sur le texte qui leur est présenté, sans avoir l'inadmissible responsabilité d'en établir un autre, contre lequel le Gouvernement, qui, lui, est responsable, se trouve dans une situation défensive, c'est-à-dire périlleuse et, en toute hypothèse, absurde. La procédure législative est profondément rénovée et, j'ose le dire, améliorée. La règle est de nouveau celle des lois de 1875 : il faut l'accord des deux assemblées. Est également maintenue en vigueur la règle traditionnelle du Parlement français : celle du droit d'amendement de chaque parlementaire. Mais des transformations importantes ont été décidées. D'abord, le droit d'amendement peut être réglementé ; c'est-à-dire que les assemblées peuvent fixer un délai au delà duquel il est interdit de déposer de nouveaux amendements : ce délai est celui de l'examen en commission. Le Gouvernement peut également demander un vote d'ensemble pour rejeter une série d'amendements. Ensuite le Gouvernement peut hâter la discussion législative en provoquant, après qu'une première lecture dans chaque chambre ait révélé des oppositions, la réunion d'une commission paritaire de députés et de sénateurs. Le texte issu des délibérations de cette commission est proposé aux deux chambres. Au cas où cette procédure n'aboutit pas, et après un nouvel examen par les deux chambres, le Gouvernement peut demander à l'Assemblée nationale de statuer en dernier ressort. Cette procédure a fait ses preuves à l'étranger. Elle est de nature à créer une véritable et efficace délibération parlementaire. 94 Cette description de la nouvelle procédure législative ne serait pas complète si elle n'était suivie de l'indication des règles précises que le projet fixe à la procédure budgétaire. Le temps des débats est limité pour les deux chambres et les amendements qui diminuent les recettes ou augmentent les dépenses sont interdits. Quand le temps des débats est écoulé - à condition que le budget ait été déposé en temps voulu -, le Gouvernement peut promulguer la loi de finances. Les expériences que nous avons vécues depuis trop d'années justifient cette procédure qui peut paraître brutale à qui ne connaît pas la brutalité semblable de tous les régimes parlementaires disciplinés. Une dernière innovation est à signaler, dont l'objet est de diminuer l'arbitraire, tant gouvernemental que parlementaire, en tout ce qui touche les pouvoirs publics. La Constitution ne peut pas tout réglementer en ce domaine. Il n'est pas bon, cependant, qu'une loi soit hâtivement rédigée et votée. Une procédure particulière, simplement marquée par un long temps de réflexion et des pouvoirs accrus du Sénat est destinée à faire des lois organiques des textes dotés d'une plus grande stabilité, c'est-à-dire, comme il se doit, entourés d'un plus grand respect. Le fonctionnement des assemblées, les grandes règles de l'organisation de l'État, la magistrature feront l'objet, notamment, de lois organiques. 4. Le projet de Constitution, rédigé à la lumière d'une longue et coûteuse expérience, comporte certains mécanismes très précis qui n'auraient pas leur place dans un texte de cette qualité si nous ne savions qu'ils sont nécessaires pour changer les moeurs. Quand on veut briser de mauvaises habitudes, il faut de rigoureux impératifs. C'est dans cette catégorie de mesures qu'il faut ranger l'obligation du vote personnel, les incompatibilités qui accompagnent la fonction ministérielle, le contrôle de la constitutionnalité des lois, enfin la procédure minutieuse de la motion de censure. L'obligation de vote personnel est une exigence morale et politique à la fois. Depuis plus d'un demi-siècle le Parlement français est le seul au monde qui puisse délibérer en l'absence de parlementaires, grâce au système inouï des « boîtiers ». On ne peut, à la vérité, trouver meilleure preuve du régime d'assemblée, car ce mécanisme permet d'assurer la permanence parlementaire et de réduire en servitude le Gouvernement. Aucun effort réglementaire n'a permis de redresser la situation. Bien au contraire, le recours, dans la précédente Constitution, à des majorités qualifiées pour des votes, sinon ordinaires, du moins courants, a abouti à donner obligatoirement le caractère constitutionnel au vote par délégation. On ne peut imaginer manifestation plus nette, ni cause plus dangereuse, de la déviation de notre régime. La délégation de vote est si coutumière que le projet n'a pas osé l'annuler totalement, mais les dispositions prises doivent le faire disparaître. La délégation, en effet, doit demeurer très exceptionnelle. Quand elle sera admise, nul ne pourra avoir plus de deux bulletins. C'est déjà un immense et profond changement et il faut souhaiter que la loi d'application soit des plus strictes. L'incompatibilité des fonctions ministérielles et du mandat parlementaire a fait, et fera encore, couler beaucoup d'encre. On peut estimer en effet qu'une telle mesure n'est pas dans la nature du régime parlementaire. Certes, il faut des incompatibilités, mais, dans les pays parlementaires anglo-saxons, elles existent plutôt entre le mandat local et le mandat parlementaire ; c'est le régime présidentiel qui pratique la césure entre ministre et député ou sénateur. Cependant, la pratique française, qui ne connaît quasiment aucune incompatibilité, a favorisé l'instabilité d'une manière telle qu'il serait coupable de ne pas réagir ! La fonction ministérielle est devenue un galon, une étoile ou plutôt une brisque comme les militaires en connaissent et qui rappelle une campagne. On reconnaît les politiciens chevronnés au nombre de brisques qu'ils portent sur la manche ! Le pouvoir n'est plus exercé pour le pouvoir : il est ambitionné pour le titre qu'il donne et les facilités de carrière ou d'influence qu'il procure à ceux qui l'ont approché ou qui sont susceptibles de l'approcher encore. Au début de la IIIe 95 République, les moeurs étaient différentes. C'était le temps où le vote personnel était encore de rigueur et les parlementaires qui devenaient ministres ne votaient plus, ne siégeaient plus. Jules Ferry, à la veille du débat sur l'affaire de Langson, dont il devinait qu'il pouvait lui être fatal, rappela cependant cette règle à ses ministres. Quelle chute dans nos moeurs depuis cette époque ! La règle de l'incompatibilité est devenue une sorte de nécessité pour briser ce qu'il était convenu d'appeler la « course aux portefeuilles », jeu mortel pour l'État. Le projet l'étend de telle sorte qu'il est bien entendu pour tous que l'on ne pourra désormais accéder à une fonction ministérielle qu'à condition de s'y consacrer entièrement. Il fallait enfin supprimer cet arbitraire parlementaire qui, sous prétexte de souveraineté, non de la nation (qui est juste), mais des assemblées (qui est fallacieux), mettait en cause, sans limites, la valeur de la Constitution, celle de la loi et l'autorité des gouvernements. La création du Conseil constitutionnel manifeste la volonté de subordonner la loi, c'est-à-dire la volonté du Parlement, à la règle supérieure édictée par la Constitution. Il n'est ni dans l'esprit du régime parlementaire, ni dans la tradition française, de donner à la justice, c'est-àdire à chaque justiciable, le droit d'examiner la valeur de la loi. Le projet a donc imaginé une institution particulière que peuvent seules saisir quatre autorités : le Président de la République, le Premier ministre, les deux présidents d'assemblées. A ce conseil d'autres attributions ont été données, notamment l'examen du règlement des assemblées et le jugement des élections contestées, afin de faire disparaître le scandale des invalidations partisanes. L'existence de ce conseil, l'autorité qui doit être la sienne représentent une grande et nécessaire innovation. La Constitution crée ainsi une arme contre la déviation du régime parlementaire. La difficile procédure de la motion de censure doit tempérer le défaut que nous connaissons bien et depuis trop longtemps. La question de confiance est l'arme du Gouvernement, et de lui seul. Les députés ne peuvent user que de la motion de censure, et celle-ci est entourée de conditions qui ne sont discutées que par ceux qui ne veulent pas se souvenir. L'expérience a conduit à prévoir en outre une disposition quelque peu exceptionnelle pour assurer, malgré les manoeuvres, le vote d'un texte indispensable. Faisons le bilan. Régime des sessions, domaine de la loi, procédure législative, mécanisme du fonctionnement des assemblées : en vérité, il n'est rien qui ne soit justifié par notre passé, proche ou moins proche ; il n'est rien qui ne soit inspiré par la volonté d'assurer la bonne marche des institutions parlementaires. S'il n'y avait les pouvoirs du Sénat, l'incompatibilité des fonctions ministérielles et la réglementation détaillée de la motion de censure, on pourrait dire que rien de ce qui est contenu dans le projet n'est nouveau, car on le trouve dans les constitutions ou les traditions des pays parlementaires, notamment de la Grande-Bretagne. Il est d'ailleurs facile de comprendre pourquoi il faut à la France une puissante deuxième chambre, des ministres indépendants du Parlement et une procédure difficile de la motion de censure : notre régime électoral nous empêche de connaître les majorités cohérentes qui assurent, sans règles détaillées, la bonne marche du régime parlementaire. Ah ! si nous avions la possibilité de faire surgir demain une majorité nette et constante, il ne serait pas nécessaire de prévoir un Sénat dont le rôle principal est de soutenir, le cas échéant, un gouvernement contre une assemblée trop envahissante parce que trop divisée ; il ne serait pas besoin de faire régner l'ordre et la stabilité en coupant les liens entre les partis et le Gouvernement ; il ne serait pas utile de consacrer de longs développements à la motion de censure. Mais quelque désir que l'on ait d'une loi électorale neuve et majoritaire et quelque nécessaire qu'elle soit, nul n'a le droit en France, présentement, de tirer une traite sur un avenir dont nous savons trop bien qu'il sera 96 fait longtemps encore de divisions politiques, c'est-à-dire de majorités menacées, trop aisément, d'éclatement, et qu'il faut contraindre à la sagesse. Parce qu'en France la stabilité gouvernementale ne peut résulter d'abord de la loi électorale, il faut qu'elle résulte au moins en partie de la réglementation constitutionnelle, et voilà qui donne au projet son explication décisive et sa justification historique. Si nous voulons que le futur régime parlementaire de la démocratie française ne connaisse qu'un gouvernement par législature, il n'est pas possible d'agir autrement. […] III. Le Président de la République Si vous me permettez une image empruntée à l'architecture, je dirai qu'à ce régime parlementaire neuf, et à cette Communauté qui commence à s'ébaucher, il faut une clef de voûte. Cette clef de voûte, c'est le Président de la République. Ses pouvoirs Chaque fois, vous le savez, qu'il est question, dans notre histoire constitutionnelle, des pouvoirs du Président de la République, un curieux mouvement a pu être observé : une certaine conception de la démocratie voit, a priori, dans tout Président de la République, chef de l'État, un danger et une menace pour la République. Ce mouvement existe encore de nos jours. N'épiloguons pas et admirons plutôt la permanence des idéologies constitutionnelles. Le Président de la République doit être la clef de voûte de notre régime parlementaire. Faute d'un vrai chef d'État, le Gouvernement, en l'état actuel de notre opinion, en fonction de nos querelles historiques, manque d'un soutien qui lui est normalement nécessaire. C'est dire que le Président de notre République ne peut être seulement, comme en tout régime parlementaire, le chef d'État qui désigne le Premier ministre, voire les autres ministres, au nom de qui les négociations internationales sont conduites et les traités signés, sous l'autorité duquel sont placées l'armée et l'administration. Il est, dans notre France, où les divisions intestines ont un tel pouvoir sur la scène politique, le juge supérieur de l'intérêt national. A ce titre, il demande, s'il estime utile, une deuxième lecture des lois dans le délai de leur promulgation (disposition déjà prévue et désormais classique) ; il peut également (et ces pouvoirs nouveaux sont d'un intérêt considérable) saisir le Comité constitutionnel s'il a des doutes sur la valeur de la loi au regard de la Constitution. Il peut apprécier si le référendum, qui doit lui être demandé par le Premier ministre ou les présidents des assemblées, correspond à une exigence nationale. Enfin, il dispose de cette arme capitale de tout régime parlementaire qui est la dissolution. Est-il besoin d'insister sur ce que représente la dissolution ? Elle est l'instrument de la stabilité gouvernementale. Elle peut être la récompense d'un Gouvernement qui paraît avoir réussi, la sanction d'un Gouvernement qui paraît avoir échoué. Elle permet entre le chef de l'État et la nation un bref dialogue qui peut régler un conflit ou faire entendre la voix du peuple à une heure décisive. Ce tableau rapidement esquissé montre que le Président de la République, comme il se doit, n'a pas d'autre pouvoir que celui de solliciter un autre pouvoir : il sollicite le Parlement, il sollicite le Comité constitutionnel, il sollicite le suffrage universel. Mais cette possibilité de solliciter est fondamentale. En tant que Président de la Communauté, le Président de la République dispose de pouvoirs qui ne sont pas de même nature, car il n'est plus, là, le chef d'un État parlementaire. Il est le chef d'un régime politique collégial, destiné par l'autorité de son Président, et par l'autorité des gouvernements membres, à faciliter la création d'une politique commune. Le Président de la Communauté représente toute la Communauté et c'est à cet égard que son autorité en matière 97 de défense nationale et d'affaires étrangères est essentielle. Il préside le Conseil exécutif, il saisit le Sénat de la Communauté. A ces pouvoirs normaux de chef de l'État, soit en tant que Président de la République parlementaire, soit en tant que Président de la Communauté, le projet de Constitution ajoute des pouvoirs exceptionnels. On en a tant parlé qu'on n'en parle plus, car, sans doute, certains esprits s'étaient un peu hâtés de critiquer avant de lire attentivement. Quand des circonstances graves, intérieures ou extérieures, et nettement définies par un texte précis, empêchent le fonctionnement des pouvoirs publics, il est normal à notre époque dramatique, de chercher à donner une base légitime à l'action de celui qui représente la légitimité. Il est également normal, il est même indispensable, de fixer à l'avance certaines responsabilités fondamentales. A propos de cet article on a beaucoup parlé du passé. On a moins parlé de l'avenir, et c'est pourtant pour l'avenir qu'il est fait. Doit-on, en 1958, faire abstraction des formes modernes de guerre ? A cette question la réponse est claire : on n'a pas le droit, ni pour ce cas ni pour d'autres, d'éliminer l'hypothèse de troubles profonds dans notre vie constitutionnelle. C'est pour l'hypothèse de ces troubles profonds qu'il faut solennellement marquer où sont les responsabilités, c'est-à-dire les possibilités d'action. Sa désignation Cette responsabilité normale du chef de l'État en régime parlementaire, cette responsabilité normale du chef de l'État à la tête de la Communauté, cette responsabilité exceptionnelle du chef de l'État en période tragique, voilà qui exige que sa désignation soit entourée de soins particuliers. Peut-on continuer, selon la tradition depuis 1875, de le faire désigner par les deux chambres du Parlement ? Nous savons où mène un tel collège électoral : le Président de la République est un arbitre entre les partis membres du Parlement, et cet arbitre, quelle que soit sa valeur morale, éprouve beaucoup de mal à sortir de l'étroit domaine où il est enfermé moins par les textes que par son mode d'élection. Il faut à la République et à la Communauté une personnalité qui soit bien plus qu'un arbitre entre les partis et il est peu probable qu'un collège électoral réduit au seul Parlement puisse aboutir au résultat souhaité. Au surplus, le Parlement, demain, sera la République seule, c'est-à-dire la métropole, les départements d'outre-mer, quelques territoires. Or des représentants de la Communauté doivent être présents si l'on veut marquer au départ la double fonction du Président de la République. Le suffrage universel ne donne pas un corps électoral normal dans un régime parlementaire. Le Président qui est l'élu du suffrage universel est un chef politique attaché à l'oeuvre quotidienne du gouvernement et du commandement ; recourir au suffrage universel, c'est recourir à la constitution présidentielle qui a été écartée pour les raisons qui ont été dites au début de cet exposé. On est alors mené par la force des choses à un collège composé d'élus politiques qui ne soient pas seulement les parlementaires : les conseillers généraux, les conseillers municipaux. La seule difficulté de ce collège est constituée par le grand nombre de petites communes et la représentation relativement faible des grandes villes. Ce problème est un problème politique, mais il faut bien voir qu'il est posé par une caractéristique nationale que nous devons admettre à moins de sombrer dans l'idéologie. La France est composée de milliers et de milliers de communes : ce fait est un fait français, un des aspects fondamentaux de notre sociologie. Les inconvénients de cette force considérable des petites communes doivent, il est vrai, être corrigés. Le projet qui vous est soumis accorde aux grandes villes une représentation équitable en donnant à leurs conseils municipaux la possibilité d'élire des électeurs supplémentaires proportionnellement à leur population ; en réduisant par ailleurs la représentation des conseils municipaux des communes et des petites villes soit au maire seul, 98 soit au maire et à ses adjoints, soit à un petit nombre de conseillers municipaux, le projet rétablit un équilibre raisonnable. En même temps, sur des bases identiques, également très valables, on peut parvenir à une représentation, dans le collège électoral du Président de la République, des territoires et des futurs États de la Communauté. Pour assurer la légitimité du chef de la République française, il faut donner à son corps électoral une image aussi conforme que possible à ce qu'est la France politique. Pour assurer la légitimité du chef futur de la Communauté, il faut assurer une participation raisonnable des États membres à ce collège électoral. Le projet s'est attaché à répondre à cette double préoccupation ; il n'aboutit donc pas, comme vous le voyez, à un mécanisme qui aurait été inventé pour élire le général de Gaulle, lequel n'a pas besoin d'un tel mécanisme ! Le projet a pour ambition d'établir l'élection du Président de la République sur des bases telles qu'il réponde aux nécessités de notre siècle. Conclusion Réforme du régime parlementaire, effort pour construire une Communauté, enfin, et pour l'un et pour l'autre, définition des nouvelles fonctions du Président de la République et désignation précise de son corps électoral : ai-je besoin de vous dire en terminant que cette tâche a été entreprise dans le respect des principes fixés d'un commun accord entre le Gouvernement du général de Gaulle et les assemblées parlementaires, accord qui s'est manifesté par la loi du 3 juin dernier. Seul le suffrage universel est la source du pouvoir. Qu'il s'agisse du législatif et de l'exécutif, cette règle a été respectée. Le collège électoral, le mode de scrutin pour l'élection du Président de la République ont été précisés dans la Constitution même. En ce qui concerne les assemblées, nous sommes demeurés dans la tradition républicaine : la loi électorale de l'une et de l'autre est extérieure à la Constitution. Il est simplement entendu que les députés sont élus au suffrage universel direct et que le Sénat assure la représentation des collectivités territoriales. Les règles fondamentales de la démocratie française sont donc maintenues. Le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif doivent être effectivement séparés. De bons esprits ont fait remarquer que la séparation des pouvoirs était un dogme caduc. S'il s'agit de nous apprendre qu'il n'y a pas séparation absolue des pouvoirs, mais qu'en fait comme en droit le pouvoir est « un », je n'ai pas attendu ces bons esprits pour le savoir et l'ai même écrit avant eux. Mais ce que ces bons esprits ne disent pas, c'est que faute de séparation dans la nomination et l'organisation des différentes fonctions, suivies d'un partage dans les tâches, le régime vire à la dictature ; tout caduc qu'est le dogme de la séparation des pouvoirs, il faut cependant que les fonctions essentielles du pouvoir soient divisées, si l'on veut éviter l'arbitraire et tenter d'associer à la fois autorité et liberté. Le texte qui vous est présenté établit, pour la première fois dans notre histoire constitutionnelle d'une manière aussi nette, la séparation des autorités à l'origine de leur pouvoir et leur collaboration pour réaliser l'unité de pensée et d'action. Le Gouvernement doit être responsable devant le Parlement. Ce principe est la ligne directrice du régime parlementaire que le projet a l'ambition d'instituer. Ce principe ne signifie pas que la responsabilité doit être égale devant les deux chambres. Le Parlement de la République comprend comme il se doit, selon notre tradition, une Assemblée nationale et un Sénat, mais cette seconde chambre (qui reprend son nom ancien) ne doit pas sortir du rôle éminent qui est le sien : rôle législatif, rôle budgétaire ; les attributions politiques sont le fait de l'Assemblée nationale, et ce n'est qu'à titre exceptionnel 99 que le Sénat peut, à la demande du Gouvernement, sortir de son rôle normal. La responsabilité du Gouvernement ne signifie pas davantage qu'elle soit mise en cause d'une manière quotidienne et illimitée ; sur ce point, les meilleurs raisonnements ne valent rien et c'est l'expérience qui l'emporte. La responsabilité du Gouvernement est établie selon des procédures qui doivent éviter le risque d'instabilité. L'autorité judiciaire doit demeurer indépendante. Un titre spécial affirme l'indépendance de la justice, maintient l'inamovibilité des magistrats du siège, reconstitue un Conseil supérieur de la magistrature et fait du Président de la République le garant des qualités éminentes du pouvoir judiciaire. Des lois organiques vous seront prochainement soumises qui appliqueront, d'une manière plus claire et plus nette qu'il ne le fut jamais, ces principes nécessaires à l'équilibre du pouvoir démocratique. La Constitution doit permettre d'organiser les rapports de la République avec les peuples qui lui sont associés. De cet immense effort vous avez eu, au moins du point de vue juridique, un aperçu ; et la politique du Gouvernement, représentée avant toute chose par l'action du général de Gaulle, manifeste l'orientation donnée à cet effort d'association. Après ce rappel des principes de la loi du 3 juin, et avant de conclure, j'évoquerai trois articles du projet qui, du point de vue de la liberté, présentent un intérêt majeur : l'article sur les partis politiques, l'article sur la liberté de questionner le Gouvernement reconnue à l'opposition, l'article sur l'autorité du pouvoir judiciaire au regard de la liberté individuelle. On a voulu voir dans l'article qui traite des partis politiques une dangereuse machine de guerre. Où en sommes-nous arrivés qu'une affirmation telle que « les partis doivent respecter le principe de la souveraineté nationale et la démocratie » fasse crier à l'arbitraire ? Nous vivons dans un monde où la fourberie est reine. De quel droit ceux qui ont pour mission de fortifier la France et de consolider la République pourraient-ils accepter d'ouvrir à deux battants les institutions de l'État à des formations qui ne respecteraient point le principe sans lequel il n'y a ni France ni République ? Le silence de la Constitution eût été grave et les critiques alors auraient été justifiées ! Il n'a pas été assez dit que cette affirmation est la conséquence d'une autre. Le projet déclare : « Les partis et groupements politiques concourent à l'expression du suffrage. Ils se forment et exercent leur activité librement ». Ces deux phrases sont capitales. Elles sont, du point de vue constitutionnel, la négation de tout système totalitaire qui postule un seul parti. De la manière la plus catégorique, et en même temps la plus solennelle, notre future Constitution proclame sa foi démocratique et fonde les institutions sur cette expression fondamentale de la liberté politique qui est la pluralité des partis. Un article du projet, après avoir, par un premier paragraphe, donné au Gouvernement une responsabilité majeure dans la fixation de l'ordre du jour des assemblées, précise ensuite : « Une séance par semaine est réservée, par priorité, aux questions des membres du Parlement et aux réponses du Gouvernement. » Cette disposition est la marque décisive du régime parlementaire et des droits reconnus, dans ce régime, à l'opposition. Le Gouvernement responsable de l'État, donc de la législation, est normalement maître de l'ordre du jour des assemblées. Aucun retard ne doit être toléré à l'examen d'un texte gouvernemental, si ce n'est celui qui résulte de son étude. La loi, le budget et toutes les affaires qui sont de la compétence du Parlement ne sont pas, pour le Parlement, un monopole. L'intervention des assemblées est un contrôle et une garantie. Il ne faut pas, cependant, qu'un gouvernement accapare les travaux des assemblées au point que l'opposition ne puisse plus manifester sa présence. Si elle ne doit pas pouvoir faire obstruction, elle doit pouvoir interroger. C'est l'objet de ce « jour par 100 semaine » réservé aux questions. Il est bien entendu que ces questions ne peuvent, à la volonté de l'interpellateur, se terminer par une motion de confiance ni de censure. Seul le Gouvernement peut poser la question de confiance et la motion de censure est soumise à une procédure pour laquelle le nouveau texte constitutionnel s'inspire des projets qui étaient en cours d'approbation devant l'Assemblée nationale. Mais l'existence constitutionnelle du droit d'interpeller est une pierre de touche de la liberté parlementaire. A la fin du titre réservé à l'autorité judiciaire, un article est demeuré à l'abri de la critique comme de l'éloge. Il paraît ne pas avoir été compris. C'est celui qui dit : « Nul ne peut être arbitrairement détenu. L'autorité judiciaire, gardienne de la liberté individuelle, assure le respect de ce principe dans les conditions prévues par la loi. » On sait que la disposition du droit anglo-saxon dite habeas corpus est souvent citée en modèle. C'est se rendre coupable d'injure à la justice de ne pas déférer un citoyen dans le jour qui suit son arrestation. La garantie est grande et elle est la clef de voûte de tout régime qui prétend respecter la liberté individuelle. La souplesse des règles constitutionnelles anglaises permet de combiner cet impératif avec un autre impératif, celui de la sécurité de l'État. En temps de guerre, en cas de troubles, un acte du Parlement suspend l'application de l'habeas corpus. Notre système rigide empêche une si heureuse combinaison. Affirmer dans un article le principe de la compétence judiciaire immédiate et totale, puis donner au Gouvernement le droit, par décret, fût-il soumis à ratification, ce n'est pas, ce ne peut être d'un heureux effet. Cependant le Gouvernement du général de Gaulle a voulu, pour affirmer la légitimité libérale de la France, aller plus loin qu'on ne l'a fait jusqu'à présent. Après le rappel du principe - nul ne peut être arbitrairement détenu -, il donne compétence à la seule justice pour l'appliquer, et renvoie à la loi. Cette loi sera préparée et promulguée en des termes qui essaieront de combiner les exigences fondamentales des droits individuels et les droits de l'État et d'assurer la sécurité de la nation comme celle des citoyens. Nous pourrons, à cet égard, faire mieux encore que le droit anglosaxon. Liberté des partis politiques (liberté essentielle de la démocratie), liberté d'interpeller le Gouvernement (liberté essentielle du régime parlementaire), liberté de chaque citoyen garantie par le pouvoir judiciaire (liberté essentielle de l'individu) : le projet de Constitution est inspiré par le plus généreux respect de la liberté. Cette réforme constitutionnelle est la dernière chance donnée aux hommes et aux partis qui pensent que la France peut à la fois demeurer une des fortes nations du monde et une démocratie. « La dernière chance » : c'est le général de Gaulle qui a prononcé ces mots et il avait le droit de les prononcer, lui sans qui cette chance ne pourrait être saisie, lui sans qui notre État et notre liberté courraient présentement les plus graves périls. Naturellement, les textes sont les textes et ils ne sont que cela. Que seront, demain, les mouvements du monde ? Que seront, demain, les forces politiques intérieures ? Nul ne peut avec assurance répondre à ces questions qui dominent notre destin. Notre tâche cependant doit être influencée par ce fait que ces mouvements seront profonds et brutaux, que ces forces politiques seront passionnées. Notre tâche doit également être influencée par cet autre fait que nous sommes déjà arrivés aux échéances de mille difficultés. Notre époque est celle du déséquilibre, de l'instabilité, des problèmes sans cesse remis en cause. Si nous ne voulons pas que la France dérive, si nous ne voulons pas que la France soit condamnée, une première condition est nécessaire : un pouvoir. Nous voulons donner un pouvoir à la République. Nous voulons donner un pouvoir à la Communauté. Notre ambition ne peut aller plus loin. Une Constitution ne peut rien faire d'autre que d'apporter des chances aux hommes politiques de bonne foi qui, pour la nation et la liberté, veulent un État, c'est-à-dire, avant toute autre chose, un Gouvernement. » 101 Document 4 : Discours prononcé place de la République à Paris, 4 septembre 1958 « Le jour anniversaire de la proclamation de la République en 1870, le général de Gaulle présente au peuple français le projet de Constitution que le gouvernement vient d'adopter, et qui sera soumis au référendum du 28 septembre. C'est en un temps où il lui fallait se réformer ou se briser que notre peuple, pour la première fois, recourut à la République. Jusqu'alors, au long des siècles, l'Ancien régime avait réalisé l'unité et maintenu l'intégrité de la France. Mais, tandis qu'une immense vague de fond se formait dans les profondeurs, il se montrait hors d'état de s'adapter à un monde nouveau. C'est alors, qu'au milieu de la tourmente nationale et de la guerre étrangère, apparut la République. Elle était la souveraineté du peuple, l'appel de la liberté, l'espérance de la justice. Elle devait rester cela à travers les péripéties agitées de son histoire. Aujourd'hui, autant que jamais, nous voulons qu'elle le demeure. Certes, la République a revêtu des formes diverses au cours de ses règnes successifs. En 1792, on la vit révolutionnaire et guerrière, renverser trônes et privilèges, pour succomber, huit ans plus tard, dans les abus et les troubles qu'elle n'avait pu maîtriser. En 1848, on la vit s'élever au-dessus des barricades, se refuser à l'anarchie, se montrer sociale au-dedans et fraternelle au-dehors, mais bientôt s'effacer encore faute d'avoir accordé l'ordre avec l'élan du renouveau. Le 4 septembre 1870, au lendemain de Sedan, on la vit s'offrir au pays pour réparer le désastre. De fait, la République sut relever la France, reconstituer les armées, recréer un vaste empire, renouer des alliances solides, faire de bonnes lois sociales, développer l'instruction. Si bien qu'elle eut la gloire d'assurer, pendant la Première Guerre mondiale, notre salut et notre victoire. Le 11 novembre, quand le peuple s'assemble et que les drapeaux s'inclinent pour la commémoration, l'hommage que la patrie décerne à ceux qui l'ont bien servie s'adresse aussi à la République. Cependant, le régime comportait des vices de fonctionnement qui avaient pu sembler supportables à une époque assez statique, mais qui n'étaient plus compatibles avec les mouvements humains, les changements économiques, les périls extérieurs, qui précédaient la Deuxième Guerre mondiale. Faute qu'on y eût remédié, les événements terribles de 1940 emportèrent tout. Mais quand, le 18 juin, commença le combat pour la libération de la France, il fut aussitôt proclamé que la République à refaire serait une République nouvelle. La résistance tout entière ne cessa pas de l'affirmer. On sait, on ne sait que trop, ce qu'il advint de ces espoirs. On sait, on ne sait que trop, qu'une fois le péril passé, tout fut livré et confondu à la discrétion des partis. On sait, on ne sait que trop, quelles en furent les conséquences. A force d'inconsistance et d'instabilité et quelles que pussent être les intentions, souvent la valeur, des hommes, le régime se trouva privé de l'autorité intérieure et de l'assurance extérieure sans lesquelles il ne pouvait agir. Il était inévitable que la paralysie de l'État amenât une grave crise nationale et qu'aussitôt la République fût menacée d'effondrement. Le nécessaire a été fait pour obvier à l'irrémédiable à l'instant même où il était sur le point de se produire. Le déchirement de la nation fut, de justesse, empêché. On a pu sauvegarder la chance ultime de la République. C'est dans la légalité que moi-même et mon gouvernement avons assumé le mandat exceptionnel d'établir un projet de nouvelle Constitution et de le soumettre à la décision du peuple. Nous l'avons fait sur la base des principes posés lors de notre investiture. Nous l'avons fait avec la collaboration du Conseil consultatif institué par la loi. Nous l'avons fait compte tenu de l'avis solennel du Conseil d'État. Nous l'avons fait après délibérations très libres et très approfondies de nos propres Conseils de ministres ; ceux-ci formés d'hommes aussi divers que possible d'origines et, de tendances, mais résolument solidaires. Nous l'avons fait, sans avoir, entre-temps, attenté à aucun droit du peuple, ni à aucune liberté publique. La nation, qui seule juge, approuvera ou repoussera notre oeuvre. Mais c'est en toute conscience que nous la lui proposons. Ce qui, pour les pouvoirs publics, est désormais primordial, c'est leur efficacité et leur continuité. Nous vivons en un temps où des forces gigantesques sont en train de transformer le monde. Sous peine de devenir un peuple périmé et dédaigné, il nous faut, dans les domaines scientifique, économique, social, évoluer rapidement. D'ailleurs à cet impératif répondent le goût du progrès et la passion des réussites techniques qui se font jour parmi les Français et, d'abord, dans notre jeunesse. Il y a là des faits qui dominent notre existence nationale et doivent, par conséquent, commander nos institutions. La nécessité de rénover l'agriculture et l'industrie, de procurer les moyens de vivre, de travailler, de s'instruire, de se loger, à notre population rajeunie, d'associer les travailleurs à la marche des entreprises, nous pousse à être, dans les affaires publiques, dynamiques et expéditifs. Le devoir de ramener la paix en Algérie, ensuite celui de la mettre en valeur, enfin celui de régler la question de son statut et de sa place dans notre ensemble, nous imposent des efforts difficiles et prolongés. Les perspectives que nous ouvrent les ressources du Sahara sont magnifiques, certes, mais complexes. Les rapports entre la métropole et les territoires d'outremer exigent une profonde adaptation. L'univers est traversé de courants qui mettent en cause l'avenir de l'espèce humaine et portent la France à se garder, tout en jouant le rôle de mesure, de paix, de fraternité, que lui dicte sa vocation. Bref, la nation française refleurira ou périra suivant que l'État aura ou n'aura pas assez de force, de constance, de prestige, pour la conduire là où elle doit aller. C'est donc pour le peuple que nous sommes, au siècle et dans le monde où nous sommes, qu'a été établi le projet de Constitution. Que le pays puisse être effectivement dirigé par ceux qu'il mandate et leur accorde la confiance qui anime la légitimité. Qu'il existe, au-dessus des luttes politiques, un arbitre national, élu par les citoyens qui détiennent un mandat public, chargé d'assurer le fonctionnement régulier des institutions, ayant le droit de recourir au jugement du peuple souverain, répondant, en cas d'extrême péril, de l'indépendance, de l'honneur, de l'intégrité de la France et du salut de la République. Qu'il existe un gouvernement qui soit fait pour gouverner, à qui on en laisse le temps et la possibilité, qui ne se détourne pas vers autre chose que sa tâche, et qui, par là, mérite l'adhésion du pays. Qu'il existe un parlement destiné à représenter la volonté politique de la nation, à voter les lois, à contrôler l'exécutif, sans prétendre sortir de son rôle. Que gouvernement et parlement collaborent mais demeurent séparés quant à leurs responsabilités et qu'aucun membre de l'un ne puisse, en même temps, être membre de l'autre. Telle est la structure équilibrée que doit revêtir le pouvoir. Le reste dépendra des hommes. Qu'un conseil économique et social, désigné en dehors de la politique par les organisations professionnelles et syndicales du pays et de l'outre-mer, fournisse ses avis au parlement et au gouvernement. Qu'un comité constitutionnel, dégagé de toute attache, ait qualité pour apprécier si les lois votées sont conformes à la Constitution et si les élections diverses ont eu lieu régulièrement. Que l'autorité judiciaire soit assurée de son indépendance et demeure la gardienne de la liberté de chacun. La compétence, la dignité, l'impartialité de l'État en seront mieux garanties. Qu'entre la nation française et ceux des territoires d'outremer qui le veulent, soit formée une Communauté, au sein de laquelle chaque territoire va devenir un État qui se gouvernera luimême, tandis que la politique étrangère, la défense, la monnaie, la politique économique et 103 financière, celle des matières premières, le contrôle de la justice, l'enseignement supérieur, les communications lointaines, constitueront un domaine commun dont auront à connaître les organes de la Communauté : Président, Conseil exécutif, Sénat, Cour d'arbitrage. Ainsi, cette vaste organisation rénovera-t-elle l'ensemble humain groupé autour de la France. Ce sera fait en vertu de la libre détermination de tous. En effet, chaque territoire aura la faculté, soit d'accepter par son vote au référendum la proposition de la France, soit de la refuser et, par là même, de rompre avec elle tout lien. Devenu membre de la Communauté, il pourra dans l'avenir, après s'être mis d'accord avec les organes communs, assumer son propre destin indépendamment des autres. Qu'enfin, pendant les quatre mois qui suivront le référendum, le gouvernement ait la charge des affaires du pays et fixe, en particulier, le régime électoral. De cette façon, pourront être prises, sur mandat donné par le peuple, les dispositions nécessaires à la mise en place des nouvelles institutions. Voilà, Françaises, Français, de quoi s'inspire et en quoi consiste la Constitution qui sera, le 28 septembre, soumise à vos suffrages. De tout mon coeur, au nom de la France, je vous demande de répondre : OUI ! Si vous ne le faites pas, nous en reviendrons, le jour même, aux errements que vous savez. Si vous le faites, le résultat sera de rendre la République forte et efficace, pourvu que les responsables sachent, désormais, le vouloir ! Mais il y aura aussi, dans cette manifestation positive de la volonté nationale, la preuve que notre pays retrouve son unité et, du coup, les chances de sa grandeur. Le monde, qui discerne fort bien quelle importance notre décision va revêtir pour lui-même, en tirera la conclusion. Peut-être l'a-t-il, dès à présent, tirée ! Un grand espoir se lèvera sur la France. Je crois qu'il est déjà levé ! Vive la République ! Vive la France ! » 104