universite paris viii vincennes - UFR droit

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UNIVERSITE PARIS VIII VINCENNES–SAINT-DENIS
INTRODUCTION AU DROIT CONSTITUTIONNEL
COURS DE M. LE PROFESSEUR PIERRE BODEAU-LIVINEC
Licence 1
Groupes 6 à 10
Année universitaire 2014-2015
1er semestre
Séances 1 à 11
Travaux dirigés assurés par
M. XAVIER DE BONNAVENTURE
Table générale
Bibliographie .............................................................................................................................. 3
Plan du cours .............................................................................................................................. 6
Séance 1 : Introduction - Méthodologie ................................................................................... 10
Séance 2 : L’État ...................................................................................................................... 11
Séance 3 : L’État de droit et la séparation des pouvoirs .......................................................... 17
Séance 4 : La démocratie ......................................................................................................... 22
Séance 5 : Les régimes démocratiques contemporains ............................................................ 24
Séance 6 : Galop d’essai........................................................................................................... 51
Séance 7 : De la Révolution à l’Empire ................................................................................... 52
Séance 8 : De la Restauration au Second Empire .................................................................... 59
Séance 9 : La Troisième République (I)................................................................................... 65
Séance 10 : La Troisième République (II) et le régime de Vichy ............................................ 77
Séance 11 : La Quatrième République et la transition vers la Cinquième République ........... 85
2
Bibliographie
Manuels et cours de droit constitutionnel
- Ardant Philippe et al., Institutions politiques et droit constitutionnel, LGDJ, 25ème éd., 2013.
- Avril Pierre, La Ve République. Histoire politique et constitutionnelle, PUF, Droit
fondamental, 2ème éd., 1994.
- Braud Philippe, Sociologie politique, 6e édition, LGDJ, 10ème éd., 2011.
- Chantebout Bernard, Droit constitutionnel et science politique, Sirey, 30ème éd., 2013.
- Chevallier Jean-Jacques et al., Histoire de la Ve République. 1958-2012, Dalloz, 14ème éd.,
2012.
- Duhamel Olivier, Guillaume Tusseau, Droit constitutionnel et institutions politiques, Seuil
3ème éd., 2013.
- Duverger Maurice, Institutions politiques et droit constitutionnel, Les grands systèmes
politiques, PUF, coll. Thémis, 20ème éd., 1990.
- Duverger Maurice, Le système politique français, PUF, Thémis, 21ème éd. 1996.
- Favoreu Louis et al., Droit constitutionnel, Précis, Dalloz, 15ème éd., 2013.
- Gicquel Jean, Droit constitutionnel
2013.
et institutions politiques, Montchrestien, 27ème éd.,
- Gohin Olivier, Droit constitutionnel, Litec, 2010.
- Hamon Francis et Troper Michel, Droit constitutionnel, LGDJ, 34ème éd., 2013.
- Jacqué (J.-P.), Droit constitutionnel et institutions politiques, Dalloz, 9ème éd., 2012.
- Lavroff Dmitri Georges, Le droit constitutionnel de la Ve République, Précis Dalloz, 1999.
- Leclercq Claude, Droit constitutionnel et institutions politiques, Litec, 10ème éd., 1999.
- Morabito Marcel, Histoire constitutionnelle de la France de 1789 à nos jours, LGDJ, 12ème
éd., 2012.
- Pactet Pierre, Mélin-Soucramanien, Droit constitutionnel, Sirey, 32ème éd., 2013.
- Portelli Hugues, Droit constitutionnel, Dalloz, 9ème éd., 2011.
- Ségur Philippe, La Ve République, Ellipses, 1999.
- Troper Michel et al. (Dir.), Théorie de la Constitution, Dalloz, 2012.
- Turpin Dominique, Droit constitutionnel, PUF, 2ème éd., 2007.
- Zoller Elisabeth, Droit constitutionnel, PUF, 2ème éd., 1999.
Droit constitutionnel comparé et régimes politiques étrangers
- Grewe Constance et al., Droits constitutionnels européens, PUF, 1995.
- Lauvaux Philippe, Les grandes démocraties contemporaines, PUF, 3ème éd., 2004.
- Mény Yves, Politique comparée, Montchrestien, 8ème éd., 2009.
- Portelli Hugues, Les régimes politiques européens, Le livre de Poche, 1994.
3
- Quermonne Jean-Louis, Les régimes politiques occidentaux, Seuil, 5ème éd., 2006.
- Zoller Elisabeth, Introduction au droit public, Dalloz, 2ème éd., 2013.
Traités et ouvrages classiques
- Barthélémy Joseph et Duez Paul, Traité de droit constitutionnel, Economica, 1985.
- Bastid Paul, L’idée de constitution, Economica, 1985.
- Burdeau Georges, Traité de droit constitutionnel, tomes 7 à 10, LGDJ, 2ème éd., 1972-1976 ;
tomes 1 à 6, 3ème éd., 1980-1987.
- Burdeau Georges, L’État, Seuil, 1970.
- Carré de Malberg, Contribution à la théorie générale de l’État, Sirey, 1985.
- Carré de Malberg, La loi, expression de la volonté générale, Economica, 1984.
- Duguit Léon, Traité de droit constitutionnel, 1972.
- Grawitz Madeleine et Leca Jean (dir.), Traité de science politique, 4 vol., PUF, 1985.
- Hauriou Maurice, Précis de droit constitutionnel, Sirey, 2ème éd., 1929, rééd. CNRS, 1965.
- Sieyès, Qu’est-ce que le tiers-état ?, Flammarion, 1988.
- Vedel Georges, Manuel élémentaire de droit constitutionnel, Sirey, 1984.
Documents de travail
- Duverger Maurice, Constitutions de la France , PUF, 15ème éd., 2004.
- Mélin-Soucramanien Ferdinand, Les constitutions de la France de la Révolution à la IVe
République, Dalloz, 2009.
- Mélin-Soucramanien Ferdinand, Constitution de la République française, Dalloz, 2013.
- Mény Yves, Textes constitutionnels et documents politiques, Montchrestien, 1989.
- Oberdorff Henri et al., Les constitutions des États de l’Union européenne, Documentation
française, 1999.
- Rials Stéphane et al., Textes constitutionnels étrangers, PUF, 14ème éd., 2012.
- Les recueils de textes publiés dans la collection « Documents d’étude » de La
documentation française, et tout particulièrement les numéros suivants (certains
correspondent à des vieilles éditions parfois rééditées postérieurement) :
Constitution française du 4 octobre 1958, juillet 2011 ; Les Constitutions de la France,
2011 ; Les institutions des États-Unis, 2010 ; Droit de suffrage et modes de scrutin, 2008 ; Le
référendum, 2006 ;Les institutions de la troisième République, 1992 ; Les Constitutions de la
France de 1789 à 1870 ; Les institutions de la Quatrième République, 1999 ; 1789-1799 Les
premières expériences constitutionnelles en France, février 1989.
Dictionnaires, lexiques
- Alland Denis et Rials Stéphane, Dictionnaire de la culture juridique, PUF, 2003.
- Avril Pierre et al., Lexique – Droit constitutionnel, PUF, 7ème éd. 1998.
- Avril (P.) et al., Lexique de droit constitutionnel, PUF, Que sais-je ?, 4ème éd., 2013.
4
-Chatelet François et al., Dictionnaire des oeuvres politiques, PUF, 2ème éd., 1989.
- Duhamel Olivier et Mény Yves (dir.), Dictionnaire constitutionnel, PUF, 1992.
- Hermet Guy et al., Dictionnaire de la science politique et des institutions politiques,
Armand-Colin, coll. Cursus, 7ème éd., 2010.
- Raynaud (P.) et Rials (S.), Dictionnaire de philosophie politique, PUF, 2003.
- Sirinelli Jean-françois (dir.), Dictionnaire historique de la vie politique française au XXe
siècle, PUF, 1995.
- Michel de Villiers, Dictionnaire de droit constitutionnel, Cursus Droit, Dalloz. 8ème éd.,
2011.
- Raynaud Philippe et Rials Stéphane, Dictionnaire de philosophie politique, PUF, 2003.
Recueils de travaux dirigés
De nombreux ouvrages proposent chaque année des sujets et corrections de droit
constitutionnel. Peu de ces sujets concernent le programme du premier semestre. Parmi eux,
on relèvera tout de même :
- Leclercq Claude et al., Travaux dirigés de droit constitutionnel, Litec, 9ème éd., 2002.
Revues
- Pouvoirs
- Revue du droit public et de la science politique
- Revue française de droit constitutionnel
- Revue française de science politique
- Les cahiers du Conseil constitutionnel
- Les nouveaux cahiers du Conseil constitutionnel
- Constitution(s)
5
Plan du cours
Université Paris 8 – U.F.R. de Droit – L1 (2012-2013)
Cours de Pierre Bodeau-Livinec
INTRODUCTION AU DROIT CONSTITUTIONNEL
Présentation générale.........................................................................................................................
Chapitre I-Du droit de l’État à l’État de droit ...................................................................................
Section 1.
Les figures de l’État .................................................................................................
1. Les définitions de l’État ......................................................................................................
1.1.
Appréhensions politiques et historiques de l’État .......................................................
1.1.1.
Diverses conceptions politiques et idéologiques de l’État ...................................
a. Conception libérale : ................................................................................................
b. Conception marxiste-léniniste : ...............................................................................
c. Conceptions pluralistes : ..........................................................................................
1.1.2.
L’émergence historique de l’État .........................................................................
a. Théories sur l’origine de l’État ................................................................................
b. Apparition historique de l’État ................................................................................
1.2.
Définition juridique de l’État ......................................................................................
1.2.1.
Les éléments constitutifs de l’État .......................................................................
a. Le territoire ..............................................................................................................
b. La population ...........................................................................................................
c. La puissance publique – Le gouvernement .............................................................
1.2.2.
Les caractéristiques de l’État ...............................................................................
a. L’État se caractérise par la souveraineté .................................................................
b. L’État se différencie de la Nation ............................................................................
i) Qu’est-ce qu’une nation ? ....................................................................................
ii) Les rapports entre l’État et la Nation ...................................................................
2. Les formes de l’État ............................................................................................................
2.1.
L’État unitaire .............................................................................................................
2.1.1.
6
Le principe d’unité ...............................................................................................
2.1.2.
L’État unitaire déconcentré ..................................................................................
2.1.3.
L’État unitaire décentralisé ..................................................................................
2.2.
L’État fédéral...............................................................................................................
2.2.1.
Les caractéristiques du fédéralisme .....................................................................
2.2.2.
Les principes fondamentaux du fédéralisme........................................................
a. Le principe de superposition....................................................................................
b. Le principe d’autonomie ..........................................................................................
c. Le principe de participation .....................................................................................
Section 2.
La Constitution, droit suprême et garantie fondamentale........................................
1. La Constitution, droit suprême de l’État ............................................................................
1.1.
La Constitution « matérielle » .....................................................................................
1.1.1.
L’art. 16 DDHC du 26 août 1789 ........................................................................
a. La détermination de la séparation des pouvoirs ......................................................
b. L’assurance de la garantie des droits .......................................................................
1.1.2.
Les autres éléments des constitutions contemporaines ........................................
a. Éléments communs aux normes constitutionnelles contemporaines .......................
b. Diversité et vitalité des Constitutions contemporaines............................................
1.2.
La Constitution « formelle » .......................................................................................
1.2.1.
Les formes de la Constitution formelle ................................................................
a. La « forme » coutumière .........................................................................................
i) Les Constitutions coutumières .............................................................................
ii) La coutume constitutionnelle ...............................................................................
b. Les « formes » écrites ..............................................................................................
1.2.2.
La consécration de la Constitution formelle ........................................................
a. La formation de la Constitution formelle ................................................................
i) Le pouvoir constituant .........................................................................................
ii) Les procédés d’élaboration de la Constitution. ....................................................
b. La supériorité de la Constitution formelle ...............................................................
2. La Constitution, garantie de l’État de droit ........................................................................
2.1.
La Constitution, instrument de la soumission de l’État au droit .................................
2.1.1.
Le développement de la garantie des droits .........................................................
a. La définition et la multiplication des droits .............................................................
b. La constitutionnalisation des droits .........................................................................
2.1.2.
Le principe de la séparation des pouvoirs ............................................................
7
a. La concrétisation d’un principe fondamental contre l’absolutisme et
l’arbitraire ......................................................................................................................
i) Les fondements théoriques du principe ...............................................................
i) La mise en pratique du principe en France (aperçu) ............................................
b. Les traductions du principe de séparation des pouvoirs sur la caractérisation
des régimes politiques ...................................................................................................
i) Les régimes de séparation rigide des pouvoirs : l’exemple américain ................
ii) Les régimes de séparation souple des pouvoirs : les exemples britannique et
allemand ....................................................................................................................
iii) Le régime de la France sous la Ve République [renvoi] ......................................
2.2.
La construction perfectible de l’État de droit ..............................................................
a. L’affirmation difficile du contrôle de constitutionnalité .............................................
b. La révision de la Constitution et la régénérescence constitutionnelle ........................
Chapitre II-La démocratie .................................................................................................................
Section 1.
La participation du citoyen ......................................................................................
1. Le citoyen, titulaire de la souveraineté ...............................................................................
1.1.
La souveraineté nationale ............................................................................................
1.2.
La souveraineté populaire ...........................................................................................
2. . Les systèmes de participation du citoyen .........................................................................
2.1.
La démocratie directe ..................................................................................................
2.2.
La démocratie représentative ......................................................................................
2.2.1.
Les modalités de la démocratie représentative ....................................................
2.2.2.
La critique de démocratie représentative .............................................................
2.3.
La démocratie semi-directe .........................................................................................
2.3.1.
Le veto populaire .................................................................................................
2.3.2.
L’initiative populaire ...........................................................................................
2.3.3.
Le référendum ......................................................................................................
Section 2.
La représentation du citoyen....................................................................................
1. Le droit de suffrage.............................................................................................................
8
1.1.
L’abandon des conditions de fortune et de capacité ...................................................
1.2.
Le vote des femmes .....................................................................................................
1.3.
L’égalité du suffrage ...................................................................................................
1.4.
Les conditions au droit de suffrage .............................................................................
2. L’organisation du scrutin ....................................................................................................
2.1.
L’inscription sur les listes électorales .........................................................................
2.2.
Le déroulement du scrutin ...........................................................................................
3. Les modes de scrutin ..........................................................................................................
3.1.
Les systèmes majoritaires............................................................................................
3.2.
Les systèmes proportionnels .......................................................................................
3.3.
Les systèmes mixtes ....................................................................................................
Chapitre III-L’histoire constitutionnelle de la France .......................................................................
-
La Révolution et l’Empire
-
La Restauration
-
La Deuxième République et le Second Empire
-
La IIIe République
-
Vichy
-
La IVe République
9
Séance 1 : Introduction - Méthodologie
10
Séance 2 : L’État
Table des documents :
Document 1 :
Machiavel (N.), Le Prince, 1515, document électronique disponible sur
le http://classiques.uqac.ca/, pp. 69 et 70.
Document 2 :
Freud (S.), Considérations actuelles sur la guerre et la mort, 1915, trad.
de S. Jankélévitch, document électronique disponible sur le
http://classiques.uqac.ca/, p. 10.
Document 3 :
Hobbes (T.), Léviathan, 1651, Gallimard, 2000.
Document 4 :
Weber (M.), Le Savant et le politique, 1919, document électronique
disponible sur le http://classiques.uqac.ca/, p. 29.
Document 5 :
Goyard-Fabre (S.), Légitimité, in Alland (D.) et Rials (S.), Dictionnaire
de la culture juridique, PUF, 2003, p. 929 et s.
Document 6 :
Schmitt (C.), Théorie de la Constitution, PUF, 2008, p. 227.
Document 7 :
Maulin (E.), Souveraineté, in Alland (D.) et Rials (S.), Dictionnaire de
la culture juridique, PUF, 2003, pp. 1434 et s.
Document 8 :
Sieyès, Qu’est-ce que le tiers-état ?, Flammarion, 1988 (texte de 1789),
extraits.
Document 9 :
Renan (E.), Qu’est-ce qu’une nation ?, 1882, pp. 52 et s.
Document 10 :
Constitution de la République française du 4 octobre 1958.
Document 11 :
Sarkozy (N.), Discours du 2 juillet 2007 prononcé à Strasbourg (cité
notamment in Gohin (O.), Droit constitutionnel, Litec, 2010, p. 53).
Travail
Dissertation : La république française Etat unitaire ou Etat fédéral ?
11
A consulter :
- Beaud (O.), Constitution et droit constitutionnel, in Alland (D.) et Rials (S.), Dictionnaire
de la culture juridique, PUF, 2003, pp. 257 et s.
- Raynaud (P.), Constitutionnalisme, in Alland (D.) et Rials (S.), Dictionnaire de la culture
juridique, PUF, 2003, pp. 266 et s.
Poirat (F.), État, in Alland (D.) et Rials (S.), Dictionnaire de la culture juridique, PUF, 2003,
pp. 642 et s.
- Foucault (M.), Il faut défendre la société. Cours au Collège de France. 1976, Gallimard,
2004, pp. 195 à 200.
- Troper (M.), En guise d'introduction : La théorie constitutionnelle et le droit constitutionnel
positif, Cahiers du Conseil constitutionnel, n° 9 (Dossier : Souveraineté de l’Etat et hiérarchie
des normes), février 2001.
Kelsen (H.), Théorie pure du droit, Dalloz, 1962, pp. 299 et s.
Documents :
Document 1 : Machiavel (N.), Le Prince, 1515, document électronique disponible sur le
http://classiques.uqac.ca/, pp. 69 et 70.
« On peut combattre de deux manières : ou avec les lois, ou avec la force. La première est
propre à l’homme, la seconde est celle des bêtes ; mais comme souvent celle-là ne suffit point,
on est, obligé de recourir à l’autre : il faut donc qu’un prince sache agir à propos, et en bête et
en homme. C’est ce que les anciens écrivains ont enseigné allégoriquement, en racontant
qu’Achille et plusieurs autres héros de l’antiquité avaient été confiés au centaure Chiron, pour
qu’il les nourrît et les élevât.
« Par là, en effet, et par cet instituteur moitié homme et moitié bête, ils ont voulu signifier
qu’un prince doit avoir en quelque sorte ces deux natures, et que l’une a besoin d’être
soutenue par l’autre. Le prince devant donc agir en bête, tâchera d’être tout à la fois renard et
lion : car, s’il n’est que lion, il n’apercevra point les pièges ; s’il n’est que renard, il ne se
défendra point contre les loups ; et il a également besoin d’être renard pour connaître les
pièges, et lion pour épouvanter les loups. Ceux qui s’en tiennent tout simplement à être lions
sont très malhabiles. »
Document 2 : Hobbes (T.), Léviathan, 1651, Gallimard, 2000, p. 288.
« Le seul moyen d’établir pareille puissance commune, capable de défendre les humains
contre les invasions des étrangers et les préjudices commis aux uns par les autres, (…), est de
rassembler toute leur puissance et toute leur force sur un homme ou une assemblée d’hommes
qui peut, à la majorité des voix, ramener toutes leurs volontés à une seule volonté ; ce qui
revient à dire : désigner un homme, ou une assemblée d’hommes, pour porter leur personne ;
et chacun fait sienne et reconnaît être lui-même l’auteur de toute action accomplie ou causée
par celui qui porte leur personne, et relevant de ces choses qui concernent la paix commune et
la sécurité ; par là même, tous et chacun d’eux soumettent leurs volontés à sa volonté, et leurs
jugements à son jugement. C’est plus que le consentement ou la concorde : il s’agit d’une
unité réelle de tous en une seule et même personne, faite par convention de chacun avec
chacun, de telle manière que c’est comme si chaque individu devait dire à tout individu :
j’autorise cet homme ou cette assemblée d’hommes, et je lui abandonne mon droit de me
12
gouverner moi-même, à cette condition que tu lui abandonnes ton droit et autorises toutes ses
actions de la même manière. »
Document 3 : Freud (S.), Considérations actuelles sur la guerre et la mort, 1915, trad. de
S. Jankélévitch, document électronique disponible sur le http://classiques.uqac.ca/, p. 10.
« Les peuples sont représentés à peu près par les États qu’ils forment ; les États, par les
gouvernements qui les dirigent. Chaque ressortissant d’une nation peut, avec horreur,
constater au cours de cette guerre ce dont il avait déjà une vague intuition en temps de paix, à
savoir que si l’État interdit à l’individu le recours à l’injustice, ce n’est pas parce qu’il veut
supprimer l’injustice, mais parce qu’il veut monopoliser ce recours, comme il monopolise le
sel et le tabac. L’État en guerre se permet toutes les injustices, toutes les violences, dont la
moindre déshonorerait l’individu. Il a recours, à l’égard de l’ennemi, non seulement à la ruse
permise, mais aussi au mensonge conscient et voulu, et cela dans une mesure qui dépasse tout
ce qui s’était vu dans des guerres antérieures. L’État impose aux citoyens le maximum
d’obéissance et de sacrifices, mais les traite en mineurs, en leur cachant la vérité et en
soumettant toutes les communications et toutes les expressions d’opinions à une censure qui
rend les gens, déjà déprimés intellectuellement, incapables de résister à une situation
défavorable ou à une sinistre nouvelle. Il se dégage de tous les traités et de toutes les
conventions qui le liaient à d’autres États, avoue sans crainte sa rapacité et sa soif de
puissance que l’individu doit approuver et sanctionner par patriotisme. »
Document 4 : Weber (M.), Le Savant et le politique, 1919, document électronique
disponible sur le http://classiques.uqac.ca/, p. 29.
« […] il faut concevoir l’État contemporain comme une communauté humaine qui, dans les
limites d’un territoire déterminé – la notion de territoire étant une de ses caractéristiques –
revendique avec succès pour son propre compte le monopole de la violence physique
légitime. Ce qui est en effet le propre de notre époque, c’est qu’elle n’accorde à tous les autres
groupements, ou aux individus, le droit de faire appel à la violence que dans la mesure où
l’État le tolère : celui-ci passe donc pour l’unique source du « droit » à la violence. Par
conséquent, nous entendrons par politique l’ensemble des efforts que l’on fait en vue de
participer au pouvoir ou d’influencer la répartition du pouvoir, soit entre les États, soit entre
les divers groupes à l’intérieur d’un même État.
« En gros, cette définition correspond à l’usage courant du terme. Lorsqu’on dit d’une
question qu’elle est « politique », d’un ministre ou d’un fonctionnaire qu’ils sont
« politiques », ou d’une décision qu’elle a été déterminée par la « politique », il faut entendre
par là, dans le premier cas que les intérêts de la répartition, clé la conservation ou du transfert
du pouvoir sont déterminants pour répondre à cette question, dans le second cas que ces
mêmes facteurs conditionnent la sphère d’activité du fonctionnaire en question, et dans le
dernier cas qu’ils déterminent cette décision. Tout homme qui fait de la politique aspire au
pouvoir - soit parce qu’il le considère comme un moyen an service d’autres fins, idéales ou
égoïstes, soit qu’il le désire « pour lui-même » en vue de jouir du sentiment de prestige qu’il
confère.
Comme tous les groupements politiques qui l’ont précédé historiquement, l’État consiste en
un rapport de domination de l’homme sur l’homme fondé sur le moyen de la violence
légitime (c’est-à-dire sur la violence qui est considérée comme légitime). L’État ne peut donc
exister qu’à la condition que les hommes dominés se soumettent à l’autorité revendiquée
chaque fois par les dominateurs. Les questions suivantes se posent alors. Dans quelles
conditions se soumettent-ils et pourquoi ? Sur quelles justifications internes et sur quels
moyens externes, cette domination s’appuie-t-elle ? »
13
Document 5 : Goyard-Fabre (S.), Légitimité, in Alland (D.) et Rials (S.), Dictionnaire de
la culture juridique, PUF, 2003, p. 929 et s.
« Le mot de légitimité […] désigne le bien-fondé du Pouvoir, ce qui lui confère sa
justification et sa validité. […]
« […] Noberto Bobbio souligne que le monde juridique n’est pas unidimensionnel : il est
« cette partie de l’expérience humaine dont les éléments constitutifs sont des idéaux de justice
à réaliser, des institutions pour les réaliser, des actions et des réactions des hommes vis-à-vis
de ces idéaux et de ces institutions ». Afin de comprendre dans ce cadre la signification
complexe de la légitimité, il convient de rechercher la nature des liens qu’elle entretient avec
la réalité de l’expérience humaine et avec l’horizon des valeurs. […] »
Document 6 : Schmitt (C.), Théorie de la Constitution, PUF, 2008, p. 227.
« [La légitimité d’une Constitution] se passe de toute justification tirée d’une norme éthique
ou juridique, et tire son sens de son existence juridique. Une norme serait ici absolument hors
d’état de fonder quoi que ce soit. Il n’est ni nécessaire ni possible de légitimer le genre
spécifique d’existence politique. »
Document 7 : Maulin (E.), Souveraineté, in Alland (D.) et Rials (S.), Dictionnaire de la
culture juridique, PUF, 2003, pp. 1434 et s.
« La souveraineté est une notion complexe et polysémique qui désigne de nombreuses
situations politiques ou juridiques relatives soit à la légitimité du pouvoir, soit à l’exercice de
prérogatives, soit à la définition de l’État. […]
« Le premier usage de la souveraineté est relatif à son titulaire légitime. En ce sens, la
souveraineté est un concept politique qui sert à désigner le titulaire légitime de la puissance
susceptible, dans un cadre étatique qu’elle présuppose, d’être imposée unialtéralement soit par
le souverain lui-même, soit par les autorités constituées en son nom. On parle ainsi de la
souveraineté du monarque, du peuple, de la nation ou lorsque le titulaire est un mixte
ontologique, de souveraineté du roi en son parlement (King in Parliament) et de souveraineté
de l’État […].
[Dans cette acception, la souveraineté répond alors aux principes d’unité, d’indivisibilité et
d’inaliélabilité.]
« Le deuxième champ sémantique touche à l’exercice de la souveraineté. Il soulève le
problème de l’articulation de l’ordre de la légalité qu’institue le souverain avec l’ordre de la
légitimité qui l’autorise. […] »
[Dans ce sens, d’après Carré de Malberg, la souveraineté serait une « façon d’être ».]
« En un troisième sens, la souveraineté est une qualité constitutive de l’étaticité de l’État, luimême défini par différence avec les organisations infra-étatiques qu’il subjugue, comme avec
les organisations supra-étatiques qu’il ignore. […] »
Document 8 : Constitution de la République française du 4 octobre 1958
« Le Gouvernement de la République, conformément à la loi constitutionnelle du 3 juin 1958,
a proposé,
« Le peuple français a adopté,
« Le Président de la République promulgue la loi constitutionnelle dont la teneur suit : […]
« Article 3
14
« La souveraineté nationale appartient au peuple qui l’exerce par ses représentants et par la
voie du référendum.
« Aucune section du peuple ni aucun individu ne peut s’en attribuer l’exercice.
« Le suffrage peut être direct ou indirect dans les conditions prévues par la Constitution. Il est
toujours universel, égal et secret.
« Sont électeurs, dans les conditions déterminées par la loi, tous les nationaux français
majeurs des deux sexes, jouissant de leurs droits civils et politiques. »
Document 9 : Sieyès, Qu’est-ce que le tiers-état ?, Flammarion, 1988 (texte de 1789),
extraits.
« Qu’est-ce que le tiers-état ? Tout. Qu’a-t-il été jusqu’à présent dans l’ordre politique ? Rien.
Que demande-t-il à être ? A y devenir quelque chose. » […]
« Qu’est-ce qu’une nation ? Un corps d’associés vivant sous une loi commune et représentés
par la même législature […]. »
Document 10 : Renan (E.), Qu’est-ce qu’une nation ?, 1882, pp. 52 et s.
« Une nation est un principe spirituel, résultant des complications profondes de l’histoire, une
famille spirituelle, non un groupe déterminé par la configuration du sol. […]
« Une nation est donc une grande solidarité, constituée par le sentiment des sacrifices qu’on a
faits et de ceux qu’on est disposé à faire encore. Elle suppose un passé ; elle se résume
pourtant dans le présent par un fait tangible : le consentement, le désir clairement exprimé de
continuer la vie commune. L’existence d’un nation est (pardonnez-moi cette métaphore) un
plébiscite de tous les jours, comme l’existence de l’individu est une affirmation perpétuelle de
la vie. […] »
Document 11 : Sarkozy (N.), Discours du 2 juillet 2007 prononcé à Strasbourg (cité
notamment in Gohin (O.), Droit constitutionnel, Litec, 2010, p. 53).
« […] Avec ce Traité [celui de Lisbonne], il est clair que l'Union n'a pas vocation à devenir un
super Etat, un seul pays, une seule nation, un seul peuple. Ainsi, la voie est désormais ouverte
à un travail urgent et nécessaire sur les identités nationales au sein de l'Union. Travail urgent
parce que les souverainetés sont devenues confuses et parce que les identités sont malades. Il
suffit de se souvenir du charivari qu'a provoqué le mot identité nationale lors de la campagne.
Dire que la France a une identité nationale, ce n'est quand même pas un gros mot.
En renonçant à la démarche constitutionnelle, on revient à la logique des traités. Cela signifie
que tout l'acquis communautaire est préservé, et cela veut dire que le compromis du
Luxembourg reste en vigueur. C'est essentiel. C'est le signe qu'au-delà de toutes les
délégations qu'une nation peut consentir, chacune garde la maîtrise ultime de son destin. C'est
le signe que l'Europe est fondée sur le partage et non sur l'abandon.
C'est essentiel parce que l'Europe pour réussir doit être comme la nation selon MICHELET :
un plébiscite de tous les jours, le fruit d'une volonté sans cesse renouvelée, sans cesse
réaffirmée, de s'unir, de vivre ensemble, d'agir ensemble, et non un carcan dont chacun serait
le prisonnier. L'Europe pour réussir doit se bâtir sur le libre-arbitre des peuples.
Pour que l'Europe existe, il ne faut pas que les nations soient privées de leur liberté. Il faut
qu'elles s'aiment, il faut qu'elles se comprennent pour passer au-dessus de leurs divergences.
C'est ce qui s'est passé à Bruxelles. Et c'est d'autant plus important que l'on a pu rouvrir la
discussion sur l'essentiel, c'est-à-dire sur les valeurs qui sont le fondement de tout. On me l'a
reproché, et pourtant je me suis battu. […] »
15
16
Séance 3 : L’État de droit et la séparation des pouvoirs
Table des documents :
Document 1 :
Locke (J.) cité in Hamon (F.) et Troper (M.), Droit constitutionnel,
LGDJ, 2011, p. 104.
Document 2 :
Rousseau (J.-J.) cité in Hamon (F.) et Troper (M.), Droit
constitutionnel, LGDJ, 2011, p. 104.
Document 3 :
Montesquieu, L’Esprit des lois, Livre XI, chapitre 4.
Document 4 :
Montesquieu, L’Esprit des lois, Livre XI, chapitre 6.
Document 5 :
Kelsen (H.), La Démocratie, sa nature, sa valeur, Economica, 1988.
Document 6 :
Carré de Malberg (R.), Contribution à la théorie générale de l’État,
réédition Dalloz, 2004, tome II, chapitre IV. De la séparation des
fonctions entre des organes distincts
Document 7 :
Carré de Malberg (R.), Contribution à la théorie générale de l’État,
réédition Dalloz, 2004, tome I, chapitre II. La fonction administrative
Travail :
Dissertation : La séparation des pouvoirs est-elle une condition nécessaire à l’existence
d’un Etat de droit ?
17
A consulter :
- Article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789.
- Séparation des autorités, in Alland (D.) et Rials (S.), Dictionnaire de la culture juridique,
PUF, 2003, pp. 1404 et s.
- Séparation et balance des pouvoirs, in Alland (D.) et Rials (S.), Dictionnaire de la culture
juridique, PUF, 2003, pp. 1406 et s.
- Colliard (J.-C.), Les différents modes de gouvernement, in La Ve République, permanence et
mutations, Cahiers français, La documentation française, 2001, n° 300, pp. 74 et s.
- Troper (M.), La concept d’État de droit, Droits, 1992, n°15, pp. 55 et s.
- Lauvaux (P.), Régimes (Classification), in Alland (D.) et Rials (S.), Dictionnaire de la
culture juridique, PUF, 2003, pp. 1315 à 1321.
- Troper (M.), Séparation des pouvoirs, in Raynaud (P.) et Rials (S.), Dictionnaire de
philosophie politique, PUF, 2003, pp. 708 à 714.
- Eisenmann (C.), L’Esprit des lois et la séparation des pouvoirs, in Mélanges Raymond
Carré de Malberg, Paris, Sirey, 1933, pp. 163 à 192.
- L’intégralité du numéro de la collection « Problèmes politiques et sociaux » sur L’État de
droit publié par La documentation française, n°898, mars 2004, pp. 5 à 13.
- Chevallier (J.), L’État de droit, Revue du droit public, 1988, pp. 313 et s.
- Favoreu (L.), Légalité et constitutionnalité, Cahiers de Conseil constitutionnel, n°3,
novembre 1997.
- Hamon (L.), L’État de droit et son essence, RFDC, 1990, n°4, pp. 699 et s.
- Jouanjan (O.), État de droit, in Alland (D.) et Rials (S.), Dictionnaire de la culture
juridique, PUF, 2003, pp. 649 à 653 et références.
- Sieyès (E.), Fragments politiques, in Fauré (C.) (Dir.), Des manuscrits de Sieyès, Honoré
Champion, 1999, pp. 492 à 493.
18
Documents :
Document 1 : Locke cité in Hamon (F.) et Troper (M.), Droit constitutionnel, LGDJ,
2011, p. 104.
« Ce serait provoquer une tentation trop forte pour la fragilité humaine, sujette à l’ambition
que de confier à ceux-là même qui ont déjà le pouvoir de faire les lois, celui de les faire
exécuter. »
Document 2 : Rousseau cité in Hamon (F.) et Troper (M.), Droit constitutionnel, LGDJ,
2011, p. 104.
« Il n’est pas bon que celui qui fait les lois les exécute, ni que le corps du peuple détourne son
attention des vues générales pour les donner aux objets particuliers »
Document 3 : Montesquieu, L’Esprit des lois, Livre XI, chapitre IV.
« C’est une expérience éternelle, que tout homme qui a du pouvoir est porté à en abuser ; il va
jusqu’à ce qu’il trouve des limites.
[…] Pour qu'on ne puisse abuser du pouvoir, il faut que, par la disposition des choses, le
pouvoir arrête le pouvoir. »
Document 4 : Montesquieu, L’Esprit des lois, Livre XI, chapitre VI.
« Il y a dans chaque État trois sortes de pouvoirs: la puissance législative, la puissance
exécutrice des choses qui dépendent du droit des gens, et la puissance exécutrice de celles qui
dépendent du droit civil.
Par la première, le prince ou le magistrat fait des lois pour un temps ou pour toujours, et
corrige ou abroge celles qui sont faites. Par la seconde, il fait la paix ou la guerre, envoie ou
reçoit des ambassades, établit la sûreté, prévient les invasions. Par la troisième, il punit les
crimes, ou juge les différends des particuliers. On appellera cette dernière la puissance de
juger, et l'autre simplement la puissance exécutrice de l'État. »
Document 5: Kelsen (H.), La Démocratie, sa nature, sa valeur, Economica, 1988.
19
20
Document 6 : Carré de Malberg (R.), Contribution à la théorie générale de l’État,
Réédition Dalloz, 2004, tome II, chapitre IV. De la séparation des fonctions entre des
organes distincts
« L’État doit être envisagé comme étant lui-même et comme étant seul le sujet de la puissance
qui porte son nom : et par là même, elle exclut toute doctrine qui tendrait à donner à cette
puissance des sujets pluraux. […] Dans ces conditions, l’État peut posséder des organes
multiples, sans que son unité s’en trouve diminuée : car, chacun d’eux ne fait qu’exercer, dans
la sphère de sa compétence, la puissance une de la personne unique qu’est l’État. Mais aussi,
il est manifeste que l’on ne saurait, dans ces conditions, parler d’une séparation des pouvoirs :
il n’y a et il ne peut y avoir, entre les titulaires divers de la puissance étatique, qu’une
distribution ou affection spéciale de compétences ».
Document 7 : Carré de Malberg (R.), Contribution à la théorie générale de l’État,
Réédition Dalloz, 2004, tome I, chapitre II, extraits sur le Rechtsstaat et l’État de droit.
« Il ne faut pas confondre ce système avec ce que l’on appelle le régime de l’État de droit par
opposition à l’État de police. L’État de police est celui dans lequel l’autorité administrative
peut, d’une façon discrétionnaire et avec une liberté de décision plus ou moins complète,
appliquer aux citoyens toutes les mesures dont elle juge utile de prendre par elle-même
l’initiative, en vue de faire face aux circonstances et d’atteindre à chaque moment les fins
qu’elle se propose : ce régime de police est fondé sur l’idée que la fin suffit à justifier les
moyens. À l’État de police s’oppose l’État de droit, le « Rechtsstaat » des Allemands. Par État
de droit il faut entendre un État qui dans ses rapports avec ses sujets et pour la garantie de leur
statut individuel, se soumet lui-même à une régime de droit, et cela en tant qu’il enchaîne son
action sur eux par des règles, dont les unes déterminent les droits réservés aux citoyens, dont
les autres fixent par avance les voies et moyens qui pourront être employés en vue de réaliser
les buts étatiques : deux sortes de règles qui ont pour effet commun de limiter la puissance de
l’État, en la subordonnant à l’ordre juridique qu’elles consacrent. L’un des traits
caractéristiques du régime de l’État de droit consiste précisément en ce que, vis-à-vis des
administrés, l’autorité administrative ne peut user que des moyens autorisés par l’ordre
juridique en vigueur et notamment par les lois. »
21
Séance 4 : La démocratie
Table des documents :
Document 1 :
Montesquieu, L’Esprit des lois, extrait du livre XI.
Document 2 :
Rousseau (J.-J.), Du Contrat social, Livre III, chapitre XV.
Document 3 :
Tocqueville, (A. de), De la Démocratie en Amérique, tome I, chapitre IV
Travail
Commentaire du document 1
A consulter :
- Avril (P.), Note sur les origines de la représentation, in d’Arcy (F.), La représentation,
Economica, 1985, pp. 99 et s.
- Jaume (L.), Représentation, in Raynaud (P.) et Rials (S.), Dictionnaire de philosophie
politique, PUF, 2003, pp. 651 à 657.
- Kervégan (J.-F.), Démocratie, in Raynaud (P.) et Rials (S.), Dictionnaire de philosophie
politique, PUF, 2003, pp. 149 à 155.
- Miaille (M.), Représentation, in Arnaud (A.-J.) (Dir.), Dictionnaire encyclopédique de
théorie et de sociologie du droit, pp. 350 à 352.
- Articles 11 et 89 de la Constitution de la Vème République.
Document 1 : Montesquieu, L’Esprit des lois, extrait du livre XI.
« Il y avait un grand vice dans la plupart des anciennes républiques: c'est que le peuple avait
droit d'y prendre des résolutions actives, et qui demandent quelque exécution, chose dont il
est entièrement incapable. Il ne doit entrer dans le gouvernement que pour choisir ses
représentants, ce qui est très à sa portée. »
Document 2 : Rousseau (J.-J.), Du Contrat social, Livre III, chapitre XV.
« Dans une cité bien conduite chacun vole aux assemblées ; sous un mauvais gouvernement
nul n’aime à faire un pas pour s’y rendre ; parce que nul ne prend intérêt à ce qui s’y fait,
qu’on prévoit que la volonté générale n’y dominera pas, et qu’enfin les soins domestiques
absorbent tout. Les bonnes lois en font faire de meilleures, les mauvaises en amènent de pires.
Sitôt que quelqu’un dit des affaires de l’État : que m’importe ? on doit compter que l’État est
perdu."
L’attiédissement de l’amour de la patrie, l’activité de l’intérêt privé, l’immensité des États, les
conquêtes, l’abus du gouvernement ont fait imaginer la voie des députés ou représentants du
peuple dans les assemblées de la nation. C’est ce qu’en certains pays on ose appeler le tiers
État. Ainsi l’intérêt particulier de deux ordres est mis au premier et au second rang, l’intérêt
public n’est qu’au troisième."
22
La souveraineté ne peut être représentée, par la même raison qu’elle ne peut être aliénée ; elle
consiste essentiellement dans la volonté générale, et la volonté ne se représente point : elle est
la même, ou elle est autre ; il n’y a point de milieu. Les députés du peuple ne sont donc ni ne
peuvent être ses représentants, ils ne sont que ses commissaires ; ils ne peuvent rien conclure
définitivement. Toute loi que le peuple en personne n’a pas ratifiée est nulle ; ce n’est point
une loi. Le peuple anglais pense être libre ; il se trompe fort, il ne l’est que durant l’élection
des membres du parlement ; sitôt qu’ils sont élus, il est esclave, il n’est rien. Dans les courts
moments de sa liberté, l’usage qu’il en fait mérite bien qu’il la perde. [...]
« Quoi ! la liberté ne se maintient qu’à l’appui de la servitude ? Peut-être. Les deux excès se
touchent. Tout ce qui n’est point dans la nature a ses inconvénients, et la société civile plus
que tout le reste. Il y a de telles positions malheureuses où l’on ne peut conserver sa liberté
qu’aux dépens de celle d’autrui, et où le citoyen ne peut être parfaitement libre que l’esclave
ne soit extrêmement esclave. Telle était la position de Sparte. Pour vous, peuples modernes,
vous n’avez point d’esclaves, mais vous l’êtes ; vous payez leur liberté de la vôtre. Vous avez
beau vanter cette préférence ; j’y trouve plus de lâcheté que d’humanité."
"Je n’entends point par tout cela qu’il faille avoir des esclaves ni que le droit d’esclavage
soit légitime, puisque j’ai prouvé le contraire. Je dis seulement les raisons pour quoi les
peuples modernes qui se croient libres ont des représentants, et pour quoi les peuples anciens
n’en avaient pas. Quoi qu’il en soit, à l’instant qu’un peuple se donne des représentants, il
n’est plus libre, il n’est plus.
Tout bien examiné, je ne vois pas qu'il soit désormais possible au souverain de conserver
parmi nous l'exercice de ses droits, si la cité n'est très petite. Mais si elle est très petite, elle
sera subjuguée ? Non. Je ferai voir ci-après […] comment on peut réunir la puissance
extérieure d'un grand peuple avec la police aisée et le bon ordre d'un petit État. »
Document 3 : Tocqueville, (A. de), De la Démocratie en Amérique, tome I, livre I,
chapitre IV
« De nos jours le principe de la souveraineté du peuple a pris aux Etats-Unis tous les
développements pratiques que l’imagination puisse concevoir. Il s’est dégagé de toutes les
fictions dont on a pris soin de l’environner ailleurs ; on le voit se revêtir successivement de
toutes les formes, suivant la nécessité des cas. Tantôt le peuple en corps fait les lois comme à
Athènes ; tantôt des députés, que le vote universel a crées, le représentent et agissent en son
nom sous sa surveillance presque immédiate. Il y a des pays où un pouvoir, en quelque sorte
extérieur au corps social, agit sur lui et le force de marcher dans une certaine voie. Il y en a
d’autres où la force est divisée, étant tout à la fois placée dans la société et hors d’elle. Rien
de semblable ne se voit aux Etats-Unis ; la société y agit par elle-même et sur elle-même. Il
n’existe de puissance que dans son sein ; on ne rencontre même presque personne qui ose
concevoir et surtout exprimer l’idée d’en chercher ailleurs. […] Le peuple règne sur le monde
politique américain comme Dieu sur l’univers. Il est la cause et la fin de toutes choses ; tout
en sort et tout s’y absorbe. »
23
Séance 5 : Les régimes démocratiques contemporains
Table des documents :
Document 1 :
Magna Carta, 1215.
Document 2 :
Pétition des droits, 7 juin 1628.
Document 3 :
Parliament Act, 1911.
Document 4 :
Parliament Act, 1949.
Document 5 :
Parliament Act, 1999.
Document 6 :
Craig (P.), Pouvoir exécutif et pouvoir législatif au Royaume-Uni,
Cahiers du Conseil constitutionnel n° 19 (Dossier : Loi et réglements),
janvier 2006.
Document 7 :
Stevens (A.), Le Conseil constitutionnel vu d’outre-Manche : une
énigme ?, Cahiers du Conseil constitutionnel, n°25, août 2009
Document 8 :
Beaud (O.), La puissance de l’État, PUF, 1994, pp. 252 à 253.
Document 9 :
Déclaration d’indépendance du 4 juillet 1776.
Document 10 :
Constitution des États-Unis d’Amérique du 17 septembre 1787
Document 11 :
Amendements issus de la Bill of Rights ratifiée en 1791.
Travail :
Dissertation : Entre régime présidentiel et régime parlementaire existe-t-il un modèle
idéal ?
A consulter :
- Cour suprême des États-Unis, Marbury v. Madison, 1803.
- Le numéro de la revue Pouvoirs dédiés à la Cour suprême des États-Unis, n°59, 1991.
- Hamilton (A.) et al., Le fédéraliste, Economica, 1988.
- Lauvaux (P.), Les grandes démocraties contemporaines, PUF, 3ème éd. 2004.
- Zoller (E.), Etats-Unis (Culture juridique), in Alland (D.) et Rials (S.), Dictionnaire de la
culture juridique, PUF, 2003, pp. 653 à 661.
- Zoller (E.), Introduction au droit public, Dalloz, 2006.
- Hayek (F.), La constitution de la liberté, Litec, 1994, pp. 176 et s.
- Delpérée (F.), Les figures du fédéralisme, in La Ve République, permanence et mutations,
Cahiers français, La documentation française, 2001, n° 300, pp. 74 et s.
- Baranger (D.), Angleterre (Culture juridique), in Alland (D.) et Rials (S.), Dictionnaire de la
culture juridique, PUF, 2003, pp. 52 et s.
24
- Baranger (D.), Écrire la Constitution non écrite : une introduction au droit politique
britannique, PUF, 2008.
- Lauvaux (P.), Les grandes démocraties contemporaines, PUF, 3ème éd. 2004.
- Lenoir (N.), La Chambre des Lords, à propos des projets actuels de réformes
constitutionnelles, Cahiers du Conseil constitutionnel, n° 3, novembre 1997.
- Lessay (F.), Magna carta, in Alland (D.) et Rials (S.), Dictionnaire de la culture juridique,
PUF, 2003, pp. 1362 et s.
- Zoller (E.), Introduction au droit public, Dalloz, 2006.
- Texte de la Magna Carta, 1215.
- Habeas Corpus, 1679
- Bill of rights, 1689.
- European Community Act, 1972.
- Human Rights Act, 1998.
Documents :
Document 1 : Magna Carta de 1215.
25
Document 2 : Pétition des droits du 7 juin 1628 (traduction issue de http://mjp.univperp.fr/).
1. Les lords spirituels et temporels et les communes assemblés en Parlement, représentent très
humblement à notre souverain seigneur le Roi qu'il est déclaré et arrêté par un statut fait sous
le règne d'Édouard 1er, et connu sous le nom de statut de tallagio non concedendo, que le Roi
ou ses héritiers n'imposeraient ni lèveraient de taille ou aide dans ce royaume sans le
consentement des archevêques, évêques, comtes, barons, chevaliers, bourgeois et autres
hommes libres des communes de ce royaume ; que, par l'autorité du Parlement, convoqué en
la 25e année du règne du roi Édouard III il est déclaré et établi que personne ne pourrait être à
l'avenir contraint de prêter malgré soi de l'argent au Roi, parce que l'obligation était contraire
à la raison et aux libertés du pays ; que d'autres lois du royaume défendent de lever des
charges ou aides connues sous le nom de don gratuit (bénévolence) ou toutes autres
impositions analogues ; que par lesdits statuts ou autres bonnes lois de ce royaume, vos sujets
ont hérité de cette franchise, à savoir qu'ils ne sauraient être contraints à participer à aucune
taxe, taille, aide ni autre charge analogue, sans le commun consentement de la nation exprimé
en Parlement.
2. Considérant néanmoins que, depuis peu, diverses commissions ont été données en plusieurs
comtés à des officiers, avec instructions en suite desquelles votre peuple a été assemblé en
plusieurs endroits et requis de prêter certaines sommes d'argent à V. M. ; et que, sur le refus
de quelques-uns, on leur a fait prêter serment et on les a obligés à comparaître et à se
présenter, contrairement à l'ensemble des lois et des statuts de ce royaume, devant votre
Conseil privé ou en d'autres lieux ; que d'autres ont été arrêtés et emprisonnés, troublés et
inquiétés de différentes autres manières ; que maintes autres taxes ont été établies et levées
sur vos sujets dans les comtés par les lords lieutenants, les sous-lieutenants, les commissaires
aux revues, les juges de paix ou autres, par ordre de V. M. ou de votre Conseil privé,
contrairement aux lois et libres coutumes de ce royaume.
3. Considérant qu'il est aussi arrêté et établi, par le statut dénommé Grande Charte des
libertés d'Angleterre qu'aucun homme libre ne pourra être arrêté ou mis en prison, ni
dépossédé de son franc-fief, de ses libertés ou franchises, ni mis hors la loi ou exilé, ni
molesté d'aucune autre manière, si ce n'est en vertu d'une sentence légale de ses pairs ou des
lois du pays.
4. Considérant qu'il a été aussi déclaré et institué, par autorité du Parlement en la 28e année
du règne du roi Édouard III que nulle personne, de quelque rang ou condition qu'elle soit, ne
pourra être dépouillée de sa terre ou de ses tenures, ni arrêtée, emprisonnée, privée du droit de
transmettre ses biens par succession ou mise à mort, sans avoir été admise à se défendre dans
une procédure régulière.
5. Considérant néanmoins que, nonobstant ces statuts et autres règles et bonnes lois de votre
royaume ayant la même fin, plusieurs de vos sujets ont été récemment emprisonnés sans que
la cause en ait été indiquée ; que, lorsqu'ils furent conduits devant vos juges, conformément
aux lois de V. M. sur l'Habeas Corpus, pour être statué par la Cour, ce qu'il appartiendrait, et
lorsque leurs geôliers furent sommés de faire connaître les causes de la détention, ceux-ci
n'ont donné d'autres raisons de l'arrestation qu'un ordre spécial de V. M. notifié par les lords
de votre Conseil privé ; que les détenus furent ensuite réintégrés dans leurs différentes prisons
sans qu'eût été porté contre eux un chef d'accusation dont ils eussent pu se disculper
conformément à la loi.
6. Considérant que des détachements considérables de soldats et de matelots ont été
récemment dispersés dans plusieurs comtés du royaume et que les habitants ont été contraints
26
de les recevoir et héberger malgré eux, contrairement aux lois et coutumes de ce royaume,
pour la grande oppression du peuple.
7. Considérant qu'il a été aussi affirmé et arrêté, par autorité du Parlement en la 25e année du
règne du roi Édouard III, que personne ne pourrait être condamné à mort ou à la mutilation
contrairement aux formes indiquées dans la Grande Charte et les lois du pays ; et que par
ladite Grande Charte et les autres lois et statuts de votre royaume, aucun homme ne doit être
condamné à mort, si ce n'est en vertu des lois établies dans le royaume ou des coutumes qui y
sont en vigueur ou d'une loi du Parlement ; que d'autre part, aucun criminel, de quelque
condition qu'il soit, ne peut être exempté des formes de la justice ordinaire, ni éviter les peines
infligées par les lois et les statuts du royaume ; que néanmoins, depuis peu, plusieurs
commissions données sous le grand sceau de V. M. ont investi certains individus de
commissions avec mandat et pouvoir de procéder conformément à la loi martiale, contre les
soldats ou matelots ou autres personnes qui se seraient jointes à eux pour commettre quelque
meurtre, vol, félonie, sédition ou autre crime ou délit quelconque, de connaître sommairement
de ces causes et de juger, condamner, exécuter et mettre à mort les coupables, suivant les
formes de la loi martiale et les usages reçus en temps de guerre dans les armées.
8. Que, sous couleur de cette prérogative, les commissaires ont fait mettre à mort plusieurs de
vos sujets, alors que ceux-ci, s'ils avaient, d'après les lois et statuts du pays, mérité le dernier
supplice, n'auraient pu ni dû être condamnés et exécutés qu'en vertu de ces mêmes lois et
statuts, et non autrement.
9. Que divers coupables de grands crimes ont aussi, de la sorte, réclamé une dispense, et sont
parvenus à se soustraire aux peines qu'ils avaient encourues en vertu des lois et statuts du
royaume, par le fait du refus injustifié de plusieurs de vos officiers et commissaires de justice
de procéder contre ces criminels conformément aux lois et statuts, sous prétexte qu'ils ne
relevaient que de la loi martiale et des commissions ci-dessus rappelées, lesquelles, comme
toutes autres de même nature, sont directement contraires aux lois et statuts de votre royaume.
10. A ces causes, ils supplient humblement Votre très excellente Majesté que nul, à l'avenir,
ne soit contraint de faire aucun don gratuit, prêt d'argent ni présent volontaire, ni de payer
aucune taxe ou impôt quelconque, hors le consentement commun donné par loi du Parlement,
que nul ne soit appelé en justice ni obligé de prêter serment, ni contraint à un service, ni
arrêté, inquiété ou molesté à l'occasion de ces taxes ou du refus de les acquitter ; qu'aucun
homme libre ne soit arrêté ou détenu de la manière indiquée plus haut ; qu'il plaise à V. M.
faire retirer les soldats et matelots dont il est ci-dessus parlé, et empêcher qu'à l'avenir le
peuple soit opprimé de la sorte ; que les commissions chargées d'appliquer la loi martiale
soient révoquées et annulées, et qu'il n'en soit plus délivré de semblables à quiconque, de peur
que, sous ce prétexte, quelques-uns de vos sujets ne soient molestés ou mis à mort
contrairement aux lois et franchises du pays.
11. Lesquelles choses ils demandent toutes humblement à V. M. comme étant leurs droits et
leurs libertés selon les lois et les statuts de ce royaume ; et ils supplient aussi V. M. de dire
que tout ce qui s'est fait à cet égard, procédures, sentences et exécutions, au préjudice de votre
peuple, ne tirera point pour l'avenir à conséquence ou a exemple, et pareillement de déclarer
gracieusement, pour la plus grande satisfaction et sûreté de votre peuple, que Votre intention
et royale volonté est que, dans les choses ci-dessus déduites, vos officiers et ministres vous
servent conformément aux lois et statuts de ce royaume et qu'ils aient en vue l'honneur de V.
M. et la prospérité de ce royaume.
Le Roi donne sa réponse par la formule habituelle : « Soit Droit fait comme il est désiré. »
27
Document 3 : Loi du Parlement fixant les pouvoirs de la Chambre des lords par rapport
à ceux de la Chambre des communes et réduisant la durée des législatures, 18 août 1911
(traduction issue de http://mjp.univ-perp.fr/).
; la création, la modification ou la
Considérant qu'il apparaît nécessaire de
suppression pour le règlement des dettes
définir par la loi les relations entre les deux
ou pour d'autres buts financiers, de charges
assemblées du Parlement,
pour le Fond consolidé ou sur les
Considérant qu'il est désirable de substituer
ressources votées par le Parlement ; les
à la Chambre des lords telle qu'elle existe
autorisations de crédits ; l'affectation des
actuellement une seconde chambre issue
fonds publics, leur perception, détention,
de la volonté populaire au lieu de
paiement et la vérification des comptes ;
l'hérédité, mais qu'une telle substitution ne
l'émission, la garantie ou le remboursement
peut être réalisée immédiatement,
de tout emprunt ; ou les matières
Considérant que le Parlement devra limiter
accessoires relatives à ces questions. Dans
et définir les pouvoirs de la nouvelle
cette sous-section les expressions « impôts
seconde chambre par un texte réalisant
», « fonds publics » et « emprunt » ne
cette substitution, mais qu'il est désirable
comprennent pas les impôts, fonds ou
de réduire dès maintenant par la présente
emprunts dont bénéficient les autorités
loi les pouvoirs actuels de la Chambre des
locales pour leurs besoins locaux.
lords.
3. Chaque projet financier, lorsqu'il sera
La très excellente Majesté du roi donne
transmis à la Chambre des lords ou
force de loi, sur l'avis et avec le
présenté à l'approbation royale, portera une
consentement des lords spirituels et
mention signée par le Speaker de la
temporels et des communes, réunis dans le
Chambre des communes certifiant que c'est
présent Parlement, et par l'autorité de ce
un projet financier. Avant de délivrer ce
dernier, à la loi dont la teneur suit :
certificat, le Speaker devra consulter, s'il le
peut, deux membres de la Chambre des
1 - Pouvoirs de la Chambre des lords en
communes qui seront désignés au début de
ce qui concerne les projets financiers
chaque session par le comité de sélection
1. Si un projet financier (Money
parmi les membres de la liste des
Bill) préalablement adopté par la Chambre
présidents.
des communes et transmis à la Chambre
2 - Restriction des pouvoirs de la
des lords un mois au moins avant la fin de
Chambre des lords en ce qui concerne
la session, n'est pas voté sans amendement
les projets autres que les projets
par la Chambre des lords dans le mois qui
financiers
suit cette transmission, ce projet sera, à
moins que la Chambre des communes n'en
1. Si un projet (Public Bill) (autre qu' un
décide autrement, présenté à Sa Majesté et
projet financier ou un projet contenant des
deviendra une loi du Parlement au moment
dispositions
augmentant
la
durée
de la signification de l'approbation royale,
maximum de la législature au-delà de cinq
nonobstant l'absence de consentement de la
ans) adopté par la Chambre des communes
Chambre des lords.
en trois sessions successives (du même
Parlement ou de Parlements différents), et
2. Un projet financier signifie un projet de
transmis à la Chambre des lords durant
loi qui, selon l'opinion du Speaker de la
chacune de ces sessions un mois au moins
Chambre des communes, ne contient que
avant la fin de la session, est repoussé par
des dispositions relatives à l'ensemble ou à
la Chambre des lords durant chacune de
l'une des matières suivantes, à savoir :
ces sessions, ce projet sera présenté à Sa
imposition,
abrogation,
remise,
Majesté dès son troisième rejet par la
modification ou réglementation des impôts
Chambre des lords, à moins que la
28
Chambre des communes en décide
autrement, et deviendra une loi du
Parlement au moment de la signification de
l'approbation royale, nonobstant l'absence
de consentement de la Chambre des lords,
à condition que deux ans se soient écoulés
entre la date de la seconde lecture de ce
projet à la Chambre des communes durant
la première de ces sessions et la date à
laquelle ce texte sera voté par la Chambre
des communes durant la troisième de ces
sessions.
2. Un projet présenté à l'approbation
royale, en exécution des dispositions de
cette section, portera la mention signée par
le Speaker de la Chambre des communes
certifiant que ces dispositions ont été
entièrement appliquées.
3. Un projet sera considéré comme rejeté
par la Chambre des lords s'il n'est pas
adopté par celle-ci soit sans amendement
soit avec des amendements acceptés par les
deux chambres.
4. Un projet sera considéré comme le
même projet qu'un ancien projet transmis à
la Chambre des lords durant la session
précédente si, lorsqu'il est transmis à la
Chambre des lords, il est identique au
précédent projet ou ne contient que des
modifications considérées par le Speaker
de la Chambre des communes comme
nécessaires en raison du temps qui s'est
écoulé depuis la date du précédent projet
ou comme représentant les amendements
apportés par la Chambre des lords à ce
projet durant la session précédente et
certifiées comme telles : tout amendement
certifié par le Speaker comme amendement
apporté au projet par la Chambre des lords
durant la troisième session et accepté par la
Chambre des communes, sera inséré dans
le projet présenté à l'approbation royale en
application de la présente section.
Toutefois, la Chambre des communes
pourra, si elle le juge utile, lors de
l'examen d'un tel projet durant la deuxième
ou la troisième session, proposer d'autres
amendements sans inclure ceux-ci dans le
projet : tout amendement ainsi proposé
sera examiné par la Chambre des lords et
en cas d'accord de celle-ci sera considéré
comme un amendement de la Chambre des
lords accepté par la Chambre des
communes ; cependant l'exercice de ce
droit par la Chambre des communes ne
modifiera pas les effets de cette section au
cas où le projet sera rejeté par la Chambre
des lords.
3 - Certificat du Speaker
Tout certificat délivré par le Speaker de la
Chambre des communes en vertu de la
présente loi fera foi en toutes circonstances
et ne pourra être contesté devant aucun
tribunal.
4 - Formule de promulgation
1. Tout projet présenté à Sa Majesté en
vertu des dispositions de la présente loi
sera promulgué au moyen de la formule
suivante :
« La très excellente Majesté du roi donne
force de loi, sur l'avis et avec le
consentement des communes réunies dans
le présent Parlement, conformément aux
dispositions de la loi sur le Parlement de
1911 et par l'autorité de ce Parlement, à la
loi dont la teneur suit ».
2. Les modifications apportées à un projet
en application de la présente section 4 ne
seront
pas
considérées comme des amendements.
5 - Exclusion des projets approuvant les
ordres provisoires
Dans cette loi l'expression « projet »
(Publics Bill), ne comprend pas les projets
(BilIs) approuvant les ordres provisoires.
6 - Sauvegarde des droits et privilèges
actuels de la Chambre des communes
Aucune disposition de cette loi ne pourra
diminuer ou définir limitativement les
droits et privilèges actuels de la Chambre
des communes.
7 - Durée de la législature
Cinq ans seront substitués à sept ans pour
la durée maxima de chaque législature telle
29
qu'elle a été fixée par la loi de 1715 fixant
cette durée à sept ans. […]
Document 4 : Loi modifiant la loi sur le Parlement de 1911, 16 décembre 1949
(traduction issue de http://mjp.univ-perp.fr/).
La très excellente Majesté du Roi donne force de loi, sur l'avis et avec le consentement des
communes réunies dans le présent Parlement, conformément aux dispositions de la loi sur le
Parlement de 1911, et par l'autorité du Parlement, à la loi dont la teneur suit :
1. Substitution des mentions de deux sessions et un an à celles de trois sessions et deux
ans
La loi sur le Parlement de 1911 aura effet et sera censée avoir eu effet depuis le début de la
session durant laquelle le projet de la présente loi a été présenté à la Chambre des communes
(excepté pour ce projet lui-même), comme si :
a) avaient été substitués, dans les sous-sections 1 et 4 de la section 2 de la loi précitée, aux
mots : « en trois sessions successives », « au moment de son troisième rejet », « durant la
troisième de ces sessions », « durant la troisième session » et « durant le deuxième ou la
troisième session », respectivement, les mots : « en deux sessions successives », « au moment
de son deuxième rejet », « durant la seconde de ces sessions », « durant la seconde session »
et « durant la seconde session », respectivement ; et
b) avaient été substitués, dans la sous-section 1 de la section 2 précitée, aux mots : « que deux
ans se soient écoulés » les mots : « qu'un an se soit écoulé »;
étant entendu que, si un projet a été repoussé pour la seconde fois par la Chambre des lords
avant l'approbation royale de la présente loi, que ce rejet ait eu lieu dans la même session que
celle durant laquelle l'approbation royale a été donnée à la présente loi ou durant une session
antérieure, l'exigence de ladite section deux, qu'un projet soit présenté à Sa Majesté au
moment du second rejet de la Chambre des lords, aura pour effet que le projet repoussé devra
être présenté à Sa Majesté aussitôt après l'approbation royale de la présente loi et, même si un
tel rejet a eu lieu durant une session antérieure, le projet repoussé pourra recevoir
l'approbation royale durant la session au cours de laquelle l'approbation royale a été donnée à
la présente loi. […]
Document 5 : Loi du Parlement sur la Chambre des Lords, 11 novembre 1999
(traduction issue de http://mjp.univ-perp.fr/).
(1) L'article premier ne s'applique pas à
« Qu'il soit promulgué comme suit par Sa
ceux qui y font exception conformément
Majesté la Reine, par et avec le conseil et
au règlement de la chambre.
le consentement des Lords religieux et
laïcs et des membres de la chambre des
(2) 90 personnes font exception à l'article
Communes, rassemblés en en ce
premier, mais les titulaires de l'office de
Parlement, et de par leur autorité,
Earl Marshall [Chef du protocole] et de
Article premier - Exclusion des pairs
héréditaires
Nul ne sera membre de la chambre des
Lords en vertu d'une pairie héréditaire.
Article 2 - Exceptions à l'article premier
30
Lord
Grand
Chambellan
(Great
Chamberlain), y faisant également
exception, ne sont pas comptés dans ce
nombre.
(3) Une personne exemptée de l'application
de l'article premier est exemptée à vie (sauf
si une loi du Parlement prévoit le
contraire).
(4) Le règlement prévoit le remplacement
des personnes exemptées de l'application
de l'article premier, et dans le cas où :
a) la vacance suit un décès survenu après la
fin de la première session du prochain
Parlement après celui où cette loi a été
votée, et
b) la personne décédée était exemptée à la
suite d'une élection,
le remplacement exige la tenue d'une
élection partielle.
(5) Une personne peut être exemptée de
l'application de l'article premier par ou en
accord avec le règlement préparé en
prévision du vote ou de la première mise
en application de cet article.
(6) Toute question concernant une
personne exemptée de l'application de
l'article premier est réglée par le secrétaire
général du Parlement, dont l'acte est
irréfragable.
(2) En conséquence toute assignation du
Parlement actuel pour cause de pairie
héréditaire sera sans effet à la suite de cette
session, à moins d'être produite par une
personne exemptée de l'application de
l'article premier en application de l'article
2.
(3) Le ministre peut, lorsqu'il l'estime
nécessaire, prendre par ordonnance des
dispositions transitoires en ce qui concerne
le droit de vote des pairs héréditaires à la
chambre des Communes ou au Parlement
européen.
(4) Une ordonnance selon cet article :
a) peut modifier l'effet de toute loi ou de
toute disposition prise selon cette loi, et
b) elle est faite par un instrument législatif
qui peut être annulé par une résolution de
l'une ou l'autre des deux chambres. […]
Article 3 - Levée de l'inéligibilité
concernant la chambre des Communes
(1) Le titulaire d'une pairie héréditaire n'est
pas interdit en vertu de cette pairie de
a) voter aux élections à la chambre des
Communes, et
b) siéger et d'être élu à cette chambre.
(2) Le paragraphe 1 ci-dessus ne s'applique
pas aux personnes exemptées de l'article
premier en application de l'article 2.
Article 4 - Amendements et abrogations
(1) Les actes mentionnés à l'annexe 1 sont
amendés comme il est spécifié ci-après.
(2) Les actes mentionnés à l'annexe 2 sont
abrogés dans la mesure de ce qui est
spécifié ci-après.
Article 5 - Clause initiale et transitoire
(1) Les articles 1 à 4 (ainsi que les annexes
1 et 2) entreront en vigueur dès la fin de la
session parlementaire durant laquelle cette
loi a été votée.
31
Document 6 : Craig (P.), Pouvoir exécutif et pouvoir législatif au Royaume-Uni, Cahiers
du Conseil constitutionnel n° 19 (Dossier : Loi et réglements), janvier 2006.
I. La répartition des pouvoirs entre le législatif et l'exécutif: les fondements
Il convient de souligner d'emblée que le Royaume-Uni n'a pas de constitution écrite et
qu'aucun document ne vient formellement définir les pouvoirs respectifs du corps législatif et
de l'exécutif. Il s'ensuit qu'il n'existe aucune disposition constitutionnelle écrite formelle
précisant que l'exercice de certains pouvoirs relève du seul exécutif. En conséquence, au
Royaume-Uni, l'exécutif n'a pas la possibilité de soutenir, par exemple, que le pouvoir
législatif empiète sur la sphère de compétences constitutionnellement protégée qui serait la
sienne.
La répartition réelle des pouvoirs entre législatif et exécutif au Royaume-Uni s'appuie, en
arrière-plan, sur le principe de la souveraineté du Parlement. La signification précise de ce
principe constitutionnel soulève la controverse dans les milieux universitaires du RoyaumeUni. Pour les besoins de notre exposé toutefois, il suffira de retenir qu'il est généralement
admis que ce principe signifie qu'il serait loisible au Parlement, s'il le souhaitait, de disposer
par voie législative que certains des pouvoirs exercés jusqu'alors par l'exécutif devraient
désormais être soumis à l'approbation du Parlement sous forme de loi écrite.
L'on peut donc dégager de ce qui précède un principe fondamental de départ aux termes
duquel, au Royaume-Uni:
- aucune sphère de compétences propre à l'exécutif n'est définie et protégée par une
constitution écrite; et
- le principe de la souveraineté parlementaire permettrait au Parlement, s'il le souhaitait,
d'exiger que certains pouvoirs fussent exercés exclusivement par la voie législative.
II. La répartition des pouvoirs entre le législatif et l'exécutif: l'étendue du pouvoir de
l'exécutif
L'analyse qui précède ne fournit cependant aucune précision quant à la nature des pouvoirs
juridiques dont est investi l'exécutif au Royaume-Uni. Ceux-ci sont fondamentalement de
deux sortes.
Les pouvoirs les plus importants qu'exerce l'exécutif sont tirés de la loi. Il est très fréquent au
Royaume-Uni que des textes législatifs confèrent à un ministre ou à une autre autorité
disposant d'une compétence exécutive des pouvoirs discrétionnaires les autorisant à appliquer
certaines dispositions de la loi primaire comportant une telle habilitation. De fait, la plus
grande part de l'autorité qu'exercent les membres de l'exécutif trouve son fondement dans la
loi. Le degré de précision que revêtent ces attributions de pouvoirs varie considérablement
d'un domaine à l'autre, tout comme la mesure dans laquelle la législation énonce des critères
destinés à structurer l'exercice de ces pouvoirs discrétionnaires ou à fournir des orientations
en vue de leur exercice. L'exercice de ces pouvoirs discrétionnaires par l'exécutif sera bien
entendu soumis au contrôle juridictionnel, en application des principes bien établis du
contrôle de légalité (judicial review), y compris aujourd'hui sur le fondement du Human
Rights Act (loi sur les droits de l'homme) de 1998.
L'exécutif dispose également de ce que l'on appelle au Royaume-Uni les prérogatives
souveraines (prerogative powers). Les points de vue divergent quant à la définition exacte des
prérogatives souveraines. Pour Dicey, elles constituaient le fondement juridique de tout ce
qui, dans l'action de l'exécutif, pouvait être entrepris sans l'autorisation du Parlement 2. Pour
Blackstone, la notion se rapportait à ceux des droits et capacités dont le roi était seul investi,
par opposition aux autres, et non à ceux dont il partageait la jouissance avec ses sujets. Notre
premier souci n'est pas ici d'apprécier la portée précise de ces différentes définitions. Ce qui
importe est que ces prérogatives souveraines, de quelque manière qu'on les définisse, ne sont
pas considérées au Royaume-Uni comme la manifestation d'un domaine réservé de l'exécutif
qui serait constitutionnellement immuable ou protégé contre tout empiétement de la part du
pouvoir législatif. Il s'agit tout au contraire d'un résidu de pouvoirs de l'exécutif dont les
contours peuvent être aujourd'hui dessinés par les juridictions et le pouvoir législatif, tout
comme ils l'ont été dans le passé.
Chacun de ces points sera considéré successivement.
A. Les juridictions ont clairement indiqué dès le XVIIe siècle qu'elles fixeraient les limites et
l'étendue des prérogatives souveraines.
1) Les juridictions ont énoncé que le roi ne pouvait par simple proclamation modifier aucune
partie de la common law, de la législation ni de la coutume. Il ne pouvait pas davantage créer
de nouvelles infractions pénales par voie de proclamation, car cela reviendrait à modifier la
loi. Le roi, en conséquence, ne disposait d'autres prérogatives que celles que les lois du pays
(the law of the land) lui conféraient 3. Le principal bénéficiaire de la décision de justice ayant
ainsi statué fut le Parlement. Les juridictions refusaient de reconnaître au roi un quelconque
pouvoir législatif indépendant du Parlement. En refusant de reconnaître l'existence d'un tel
pouvoir général, les juges avaient envoyé pour message au roi que, s'il souhaitait atteindre
certains objectifs, la seule manière pour lui d'y parvenir était de passer par le vote de lois, et
donc de recueillir l'assentiment du Parlement.
2) Les juridictions poussèrent cette logique un peu plus loin au cours des XIXe et XXe
siècles. Elles signifièrent clairement que lorsque le Parlement s'était prononcé sur une
question, le pouvoir exécutif ne pouvait se prévaloir d'une quelconque prérogative souveraine
qui pût se rapporter au même sujet 4. Leur décision s'opposait donc à ce que prérogative
souveraine et pouvoir législatif puissent exister en parallèle. Lorsque le Parlement
démocratiquement élu avait légiféré dans un domaine déterminé, l'exécutif ne pouvait faire
autre chose que se conformer aux conditions énoncées dans les lois pertinentes et ne pouvait
pas chercher à parvenir à un meilleur résultat en prétendant se fonder sur une prérogative
souveraine. Lorsque le Parlement était intervenu pour disposer par voie législative que des
pouvoirs qui relevaient auparavant des prérogatives souveraines devaient être exercés d'une
façon déterminée et sous réserve des limites et des dispositions contenues dans la loi, ils ne
pouvaient être exercés qu'ainsi. Si tel n'avait pas été le cas, il eût été inutile d'imposer des
limites dès lors que l'exécutif aurait pu selon son bon plaisir n'en tenir aucun compte et se
replier sur sa prérogative souveraine. Le principe constitutionnel était donc que, une fois le
pouvoir d'ingérence de l'exécutif dans les biens ou la liberté des citoyens placé sous le
contrôle du Parlement et directement réglementé par un texte législatif, l'exécutif ne tenait
plus son autorité des prérogatives souveraines mais du Parlement et que, dans l'exercice de
cette autorité, le respect des restrictions imposées par le Parlement au bénéfice du citoyen
s'imposait à lui.
3) L'insistance des juges quant à la nécessité d'un contrôle des prérogatives souveraines
apparut clairement au cours des dernières décennies du XXe siècle. Dans le passé, il était
traditionnellement admis que les juridictions devaient exercer leur contrôle sur l'existence et
l'étendue des prérogatives souveraines, mais non sur la manière de les exercer. Une décision
de la Chambre des Lords est revenue sur cette position orthodoxe. Les juges-Lords
soulignèrent le fait que la possibilité d'un contrôle juridictionnel du pouvoir discrétionnaire
devait dépendre du sujet dont la juridiction avait à débattre, et non de la question de savoir si
une loi ou une prérogative en constituait la source. Cette décision était le corollaire logique de
la jurisprudence existante. L'idée maîtresse en était que l'exercice par l'exécutif de ses
33
prérogatives souveraines devait être soumis aux mêmes types de contrôle que ceux qui
s'appliquaient aux pouvoirs découlant de textes législatifs 5. L'exécutif ne devait, en
conséquence, bénéficier d'aucun avantage lorsqu'il agissait sur le fondement de prérogatives
souveraines. Le message fondamental de cette décision était donc celui de l'équivalence.
Quand il agissait en vertu du plus légitime des pouvoirs discrétionnaires, à savoir celui
conféré par la loi, l'exécutif était soumis à des contrôles portant sur la manière d'exercer ce
pouvoir; dans ces conditions, les contrôles opérés sur l'exercice d'une compétence souveraine
discrétionnaire ne devaient pas être sensiblement différents.
B. De son côté, le Parlement a également limité les prérogatives souveraines exercées par
l'exécutif. La prérogative souveraine se trouvait au coeur des rapports entre le roi et le
Parlement aux XVIIe et XVIIIe siècles. Les contrôles juridictionnels ont servi, ainsi que nous
l'avons vu, à limiter l'existence et l'étendue de la prérogative dans des affaires d'une portée
majeure où l'essentiel du litige portait sur les pouvoirs respectifs du roi et du Parlement. Dans
l'arène politique, le Parlement, et plus particulièrement la Chambre des Communes, a cherché
à imposer un contrôle toujours croissant sur la manière dont étaient exercées les prérogatives
souveraines dont l'existence était reconnue, ce dans le but de renforcer sa propre position dans
l'ordonnancement constitutionnel du pays. À l'époque, les prérogatives souveraines présentant
une importance majeure étaient celles afférentes à la désignation des ministres et à la
dissolution du Parlement. Il s'agissait là des principaux pouvoirs grâce auxquels le roi pouvait
conserver une certaine emprise sur le Parlement. Au cours des XVIIe et XVIIIe siècles, le
Parlement a cherché à contenir, tant directement qu'indirectement, ces prérogatives
souveraines. On en retiendra comme exemple le Septennial Act de 1716, une loi qui portait la
durée de vie maximale du Parlement à sept ans. Elle ne régissait pas directement la période
minimum pendant laquelle le Parlement devait siéger; elle a néanmoins eu pour effet d'aboutir
à ce résultat. Il s'est donc agi d'un facteur important de stabilité pour le gouvernement du pays
au XVIIIe siècle, car elle a donné une durée de vie propre au Parlement, dont elle a ainsi
diminué la dépendance vis-à-vis du roi et de ses ministres.
III. La répartition du pouvoir entre le législatif et l'exécutif: la réalité du pouvoir de l'exécutif
L'on pourrait penser en lisant l'analyse qui précède que la situation de l'exécutif au RoyaumeUni est précaire d'un point de vue juridique et faible d'un point de vue politique. Rien n'est
moins vrai. En réalité, nonobstant tout ce qui a été évoqué jusqu'à présent, l'exécutif est au
Royaume-Uni la force dominante sur le plan politique et il exerce une réelle emprise sur le
Parlement pour ce qui concerne l'adoption et le contenu de la législation tant primaire que
déléguée. Il importe de s'interroger brièvement sur les raisons de cette prédominance et sur la
manière dont celle-ci se manifeste dans le processus d'adoption des textes législatifs.
Les raisons de la prédominance du pouvoir exécutif sur le pouvoir législatif remontent au
développement du suffrage et du système des partis au cours du XIXe siècle. Dans les
premières années de ce siècle, les fonctions de l'exécutif étaient relativement limitées:
maintien de l'ordre, collecte des recettes publiques et conduite des affaires étrangères.
L'exécutif n'était pas perçu comme soumis à une obligation de mettre en oeuvre toute une
série de politiques internes. La législation interne devait normalement recevoir son impulsion
des initiatives des députés. Le revers de la médaille était la relative faiblesse du système des
partis quand il s'agissait de voter les projets de loi soumis à la Chambre. Les clivages ne
suivaient pas fidèlement les contours des partis. Ce fut l'extension du droit de suffrage qui
joua un rôle prépondérant dans la modification de l'équilibre constitutionnel. À mesure que
l'électorat s'accroissait, la nécessité s'imposait aux gouvernements de s'attirer les bonnes
grâces d'une fraction toujours croissante de la population. Il fallait promettre des avantages à
ceux qui pouvaient voter. Bien entendu, la légitimité de la Chambre des Communes se trouva
renforcée par l'extension du suffrage. Ce fut toutefois cette même extension de l'assise
34
politique de la Chambre des Communes qui renforça l'exécutif. Le besoin accru de séduire un
électorat plus large conduisit le pouvoir exécutif à faire entrer dans son champ d'action une
gamme de tâches plus vaste que ce que ses prédécesseurs avaient entrepris. L'exécutif
commença donc à jouer un rôle croissant dans l'introduction, la formulation et la
promulgation de la législation interne. L'on attendit de plus en plus du gouvernement qu'il
porte remède aux maux économiques et sociaux et corrige les déséquilibres du système
économique. Pour réussir à faire adopter ses politiques, l'exécutif eut besoin de maîtriser le
processus législatif et de contrôler ses propres partisans avec davantage de rigueur
qu'auparavant. L'extension du suffrage en 1832, 1867 et 1884 changea donc la nature de la
politique. Il ne suffisait plus d'acheter les électeurs. Ceux-ci étaient devenus trop nombreux.
L'organisation des partis en dehors du Parlement devint nécessaire pour convaincre et cajoler
les électeurs pour qu'ils fassent usage de leurs droits nouvellement acquis au bénéfice d'un
parti donné. Les promesses de réforme firent office de " carotte ". La réalisation des
promesses passait par une condition nécessaire, sinon suffisante, à savoir une emprise accrue
exercée par l'exécutif au sein du Parlement et destinée à garantir l'adoption des lois requises.
Au Royaume-Uni, c'est donc l'exécutif qui contrôle le corps et le processus législatifs.
Ceci est vrai en ce qui concerne la législation tant primaire que déléguée (primary/delegated
legislation) et se manifeste de plusieurs façons:
L'exécutif jouera toujours le rôle principal dans l'élaboration de la politique et la
détermination de l'ordre du jour législatif, même si occasionnellement sa direction officielle
pourra s'incliner devant un groupe particulièrement puissant au sein du corps législatif, parce
que l'exécutif rechigne à l'affronter.
L'exécutif a concentré entre ses mains le processus législatif. Trois des causes principales de
cette concentration de l'initiative législative doivent être relevées: le développement des
commissions des lois ad hoc (standing committees), la discussion accrue de la législation au
sein des comités du Cabinet (Cabinet committees) et la croissance de la législation déléguée.
Les commissions des lois ad hoc sont devenues le véhicule habituel de l'examen des projets
législatifs et la discipline des partis au sein de ces commissions a normalement toujours été
rigoureusement maintenue. Il a été fait de plus en plus souvent recours à la limitation de la
discussion dans le temps et aux procédures de guillotine afin que l'exécutif soit assuré que ses
mesures ne subissent pas de retards indus.
Si le développement des commissions des lois ad hoc a permis l'accélération du traitement des
questions à la Chambre, la sophistication croissante de la gestion des textes législatifs au sein
du Cabinet a également exercé une influence sur la concentration de l'initiative législative
entre les mains de l'exécutif. L'on a fait appel aux comités du Cabinet pour fixer les détails
des projets de loi. Ceux-ci pouvaient subir de nombreuses réécritures avant d'être présentés à
la Chambre des Communes. La participation accrue du Cabinet dans la rédaction et la gestion
des textes législatifs a permis à l'exécutif de déterminer avec une plus grande certitude le
genre de disposition dont il sollicite l'approbation par le corps législatif. Il arrive rarement
qu'un amendement soit imposé à un gouvernement contre sa volonté, que ce soit au sein d'une
commission ou ailleurs. De nos jours, ce sont très largement les comités du Cabinet qui, avec
le cabinet personnel du Premier ministre et le Cabinet Office, sont au coeur de l'élaboration de
la politique gouvernementale.
La croissance de la législation déléguée a, comme le développement des commissions des
lois ad hoc ou la surveillance exercée par le Cabinet, contribué à la concentration de
l'initiative législative entre les mains de l'exécutif, mais de manière différente. La législation
déléguée n'est pas un phénomène récent. L'adoption d'une grande quantité de textes à
35
caractère social et économique a toutefois conduit à une augmentation du volume de la
législation déléguée. La conséquence en fut la concentration de l'initiative législative entre les
mains de l'exécutif dans son ensemble. C'est le gouvernement qui, même s'il intervient par
l'intermédiaire des différents ministres, décide de la date et de l'opportunité des initiatives
dans ce domaine. Et il est vrai, de plus, que l'effectivité du contrôle législatif sur le contenu de
la législation déléguée est problématique. L'examen parlementaire de la législation déléguée
existe certes, mais la nature de l'examen requis sera déterminée par les dispositions de la
législation primaire pertinente et, de cela, ce sera l'exécutif qui aura la maîtrise. Même dans
les cas où la législation primaire comportera effectivement des dispositions exigeant
l'assentiment exprès du corps législatif avant que la législation déléguée acquière force de loi,
la mise en oeuvre effective de ce contrôle parlementaire rencontrera souvent des difficultés
d'ordre pratique.
Il n'est donc pas surprenant, à la lumière de ce qui précède, que les commentaires juridiques et
politiques se soient focalisés sur la prédominance de l'exécutif sur le corps législatif. Et
nombreux ont été les rapports et initiatives officiels visant à renforcer et redonner vigueur à la
position du corps législatif vis-à-vis de l'exécutif. La création de diverses commissions
parlementaires de contrôle des différents départements ministériels (departemental select
committees) chargées de surveiller l'activité de l'exécutif constitue une réforme notable dans
ce sens. L'on a également expérimenté un recours accru à ce type de commissions
parlementaires dans le processus législatif, pour introduire un examen du contenu des textes
en discussion qui soit plus approfondi et dépasse les clivages partisans. Ce sont là des
initiatives précieuses. Il n'en reste pas moins vrai que l'exécutif domine le corps législatif, et
ce en dépit de l'absence de toute protection constitutionnellement garantie du pouvoir de
l'exécutif.
Notes : 1. Traduit de l'anglais par Patricia Kinder-Gest, professeur, Université Paris II,
Panthéon-Assas. 2. Law of the Constitution (10e éd., 1967), pp 423-4. 3. Case of
Proclamations (1611) 12 Co Rep. 74. 4. Att-Gen v. De Keyser's Royal Hotel Ltd 1920 AC
508. 5. Council of Civil Service Unions v. Minister for the Civil Service 1985 AC 374.
Document 7 : Stevens (A.), Le Conseil constitutionnel vu d’outre-Manche : une énigme ?,
Cahiers du Conseil constitutionnel, n°25, août 2009.
1.
Le Conseil constitutionnel français a toujours constitué une énigme pour les
observateurs britanniques. Au départ, c'est l'absence de véritable élément de comparaison
avec le système britannique qui entrave la bonne compréhension de ses fonctions. Si le
Royaume-Uni n'a pas de constitution écrite, il n'est est certes pas moins pourvu d'un corpus
substantiel d'instruments constitutionnels et de jurisprudence constitutionnelle, reposant sur
des traditions constitutionnelles fondamentales ainsi que sur un ensemble de plus en plus
volumineux de traités internationaux et de lois bien ancrées. Mais il n'existe, ainsi que l'a
souligné en 2003 un distingué professeur de droit2, aucune classification juridique reposant
sur la distinction entre règle constitutionnelle et règle de droit ordinaire et, en conséquence,
aucune juridiction spécifiquement consacrée aux règles constitutionnelles. En outre, la
tradition dite de primauté de la Couronne et du Parlement agissant ensemble (the Crown in
Parliament – en réalité de la Chambre des Communes en tant qu'expression de la souveraineté
du corps électoral3) a pour effet de mettre le contenu de la loi à l'abri de toute forme de
contrôle juridictionnel, à quelque stade de son élaboration que ce soit comme postérieurement
à celle-ci. Ainsi, le Royaume-Uni est-il dépourvu de toute expérience lui permettant de situer
le Conseil constitutionnel. De plus, dans la mesure de ce que observateurs britanniques
comprennent des organes de contrôle, le Conseil constitutionnel n'entre manifestement pas,
parce qu'il ne connaît pas d'affaires issues du système juridictionnel, dans la catégorie
36
générale des « Cours constitutionnelles » plus ou moins familière aux juristes et universitaires
britanniques.
2.
La difficulté qu'ont les Britanniques à situer le Conseil constitutionnel se trouve accrue
par le fait que ceux-ci comprennent que le Conseil constitutionnel a pour principale fonction
de freiner les activités du Parlement, en exerçant un contrôle sur sa composition, en
empêchant la législation qu'il adopte de marcher sur les plates-bandes de l'exécutif et en
veillant à ce que toutes ses productions respectent la Constitution. L'idée même d'une entrave
imposée au Parlement qui soit autre que les contraintes d'ordre politique découlant du
fonctionnement d'un système démocratique, est totalement étrangère au système britannique.
La présomption selon laquelle une telle absence de contrepouvoirs risque de déboucher sur
l'oppression peut de ce point de vue être rapidement écartée si l'on se souvient qu'en définitive
tous les systèmes, qu'ils soient démocratiques ou non, reposent sur la légitimation par le
peuple et que, lorsque cette légitimité disparaît, comme ce fut le cas en France en 1958 avec
la Quatrième République ou en Europe de l'Est en 1989, même une constitution ne peut pas
perdurer.
3.
Le principe de souveraineté du Parlement qui a cours au Royaume-Uni et qui ne laisse
aucune place à un organe dont la fonction serait celle d'un frein, tel le Conseil constitutionnel,
a de surcroît survécu intact aux réformes récentes introduites par la loi de réforme
constitutionnelle de 2005, qui accroît légèrement la séparation des pouvoirs en détachant, tant
sur le plan opérationnel que physique, la Cour suprême britannique de la Chambre des
Lords··· avec pour conséquence que, une fois l'aménagement du nouveau bâtiment achevé,
les arrêts ne seront plus prononcés dans la chambre des débats de la Chambre des Lords et
que les nouveaux juges – dorénavant dénommés Juges de la Cour suprême et non plus Lords
of Appeal in Ordinary – ne pourront plus (ce que regrettent au moins certains d'entre eux4)
participer aux travaux techniques et d'enquêtes de la Chambre des Lords. La nouvelle
appellation de cette juridiction est certes logique, puisqu'elle est la juridiction suprême (c'està-dire la plus élevée) dont les décisions sont insusceptibles d'appel, mais elle peut également
être trompeuse car elle invite à la comparaison avec d'autres Cours suprêmes qui, elles, sont
dotées de fonctions constitutionnelles. Or la nouvelle Cour suprême du Royaume-Uni n'est
investie d'aucune fonction autre que celles déjà dévolues aux Lords of Appeal in Ordinary et
ne pourra pas contester la validité ou la « constitutionnalité » d'une loi.
4.
Le Conseil constitutionnel français fut salué au Royaume-Uni après 1958 comme l'un
des aspects les plus originaux du nouveau régime : « bien qu'il ne permette pas ce qui pourrait
être qualifié de contrôle juridictionnel, il crée néanmoins un organe qui, à l'intérieur d'un
cadre précis et d'étroites limites, est investi de la tâche de se prononcer sur la
constitutionnalité des textes parlementaires ou gouvernementaux »5. La perception du Conseil
constitutionnel comme étant à la fois étroitement cantonné à des questions techniques et
politiquement engagé fut renforcée par le rôle qui fut le sien dans la controverse qui entoura le
referendum de 1962. Les auteurs britanniques ont longtemps considéré le Conseil
constitutionnel comme étant « catalogué chien de garde de la suprématie du pouvoir
exécutif »6.
5.
Les développements des années soixante-dix, et surtout la décision de 1971 relative à
la liberté d'association (n° 71/44 DC du 16 juillet 1971) ainsi que la réforme constitutionnelle
de 1974 élargissant le droit de saisine du Conseil ont progressivement conduit à remettre en
question les appréciations antérieures. La décision de 1982 sur le traitement des actionnaires
dans des industries nationalisées et celle de 1992 sur la ratification du traité de Maastricht ont
été toutes deux perçues comme les indices d'un rôle plus activiste et plus politique, tandis que
la signification de la décision de 1982, sur les quotas par sexe sur les listes électorales, n'a
peut-être été perçue que lorsque les débats sur la parité ont pris de l'ampleur à la fin des
37
années quatre-vingt-dix. Au début des années quatre-vingt-dix, deux études majeures de
science politique furent publiées en langue anglaise sous la plume, l'une d'un Américain,
l'autre d'un Britannique7. Cette approche est probablement idoine, puisque, comme le fait
remarquer un juriste britannique, beaucoup de ce que l'on enseigne en France sous
l'appellation de droit constitutionnel « serait considéré en Angleterre comme relevant de la
science politique »8. La tendance générale des interprétations britanniques était alors de
souligner le caractère de plus en plus affirmé de l'exercice par le Conseil de ses prérogatives
ainsi que la nature fondamentalement politique9 de celui-ci en raison du mode de désignation
des juges constitutionnels, de l'origine de ses membres et du dernier recours qu'il offrait à
l'opposition de couler un texte législatif que sa position minoritaire dans les assemblées
législatives l'avait empêché d'écarter.
6.
Cet aspect éminemment politique des fonctions du Conseil est de nature à susciter une
certaine perplexité chez les juristes britanniques. D'un côté, ils font remarquer qu'il s'agit d'un
organe dont les membres sont parfois appelés juges et dont les décisions, surtout quand elles
font comme aujourd'hui référence à des décisions antérieures, semblent analogues à celles des
juridictions normales10. À cet égard, le professeur John Bell, qui a le plus contribué à l'étude
du Conseil sous un angle juridique au Royaume-Uni11, a soutenu que le Conseil « a développé
sa propre théorie générale des droits et des libertés », tant centraux – les libertés classiques –
que périphériques – l'expression de la vie en société 12. John Bell attache également une
certaine importance au rôle joué par le Conseil constitutionnel dans l'établissement des
frontières de la compatibilité entre les principes européens et la Constitution, comme par
exemple dans la décision sur l'avortement (no 74-54 DC du 15 janvier 1975)13 ou dans les
quatre décisions relatives aux directives communautaires (nos 2004-496 DC du 10 juin 2004,
2004-497 DC du 1er juillet 2004, 2004-498 DC et 2004-499 DC du 29 juillet 2004), citées par
la suite dans la décision no 2004-505 DC du 19 novembre 2004.
7.
D'un autre côté, les commentateurs et les juristes britanniques constatent que
l'appartenance au Conseil constitutionnel n'est pas limitée aux personnes du monde du droit et
comprend, ex officio, les anciens présidents de la République. En effet, John Bell note
discrètement, dans une référence en bas de page, le rôle significatif joué par le président
Valéry Giscard d'Estaing, l'un des acteurs majeurs du contexte politique qui a présidé à
l'époque à l'élaboration du projet de traité de constitution européenne, dans les décisions
nos 2004-497 du 1er uillet 004 et 2004-498 C du 29 uillet 00414. De surcroît, compte tenu de
l'absence de tout pouvoir en matière de lois déjà promulguées, les décisions du Conseil,
contrairement à celles d'autres juridictions en Europe, n'ont jamais été citées devant les
juridictions supérieures britanniques comme autant d'illustrations de principes juridiques.15 Le
fait que l'étude de John Bell16, qui introduit et traduit les principales décisions du Conseil
constitutionnel et dont on aurait pu s'attendre à ce qu'elle constitue la référence majeure pour
tout juriste britannique souhaitant citer la doctrine du Conseil devant les juridictions
britanniques, n'ait fait l'objet d'aucune réédition depuis 1995 tend à conforter l'idée que celleci n'a eu que très peu d'impact sur le plan juridique au Royaume-Uni.
8.
Les autres fonctions principales du Conseil constitutionnel sont exercées différemment
ou même pas du tout au Royaume-Uni. Les premiers commentateurs ont souligné le contrôle
par le Conseil des élections parlementaires et présidentielles et la validation des résultats de
celles-ci, compris comme étant une réaction aux abus constatés sous la IVe épublique, où
l'Assemblée nationale contrôlait elle-même sa composition. Au Royaume-Uni la loi de 1975
sur la déchéance des fonctions de membre de la Chambre des Communes, House of
Commons Disqualification Act, énumère les cas de déchéance, au nombre desquels la faillite,
une condamnation pénale ou une incapacité aux termes de la loi sur la santé mentale. En de
telles circonstances, des procédures permettent au président de la Chambre des Communes de
38
déclarer le siège vacant. Des pratiques électorales entachées de corruption ou d'illégalité
constituent des infractions pénales. Ainsi, dans le seul cas de ce genre au cours du vingtième
siècle, celui de la députée Fiona Jones, le président déclara le siège vacant après la
condamnation de Madame Jones du chef d'irrégularités en matière électorale puis, après
infirmation de cette condamnation en appel et avis de la Haute Cour (High Court), annonça
que le siège n'était plus vacant, permettant ainsi à l'intéressée de retrouver son siège aux
Communes17. Créée en 2000, en partie en conséquence de cette affaire, pour réguler et
contrôler les élections, la Commission électorale indépendante (Electoral Commission) ne
proclame ni ne valide les résultats. La fonction du Conseil constitutionnel consistant à décider
si telle ou telle profession ou fonction est incompatible avec l'appartenance à l'Assemblée est
également exercée au Royaume-Uni au travers de mécanismes différents : les conflits d'intérêt
d'ordre financier ou commercial sont traités par des mécanismes parlementaires internes,
tandis que les incompatibilités énoncées dans la loi de 1975 (visant principalement les juges,
les fonctionnaires, les membres des forces armées et de la police) est de la compétence de la
Couronne par le biais du Privy Council (Conseil privé de la Reine). Les questions de fait sont
de la compétence de la Haute Cour.
9.
Le Parlement britannique a la maîtrise absolue de ses propres procédures, de ses règles
de fonctionnement et de son comportement. Bien que ceci soit de nature à permette à tout
parti politique majoritaire de contrôler totalement l'activité des Chambres, il existe en pratique
des règles de conduite auto-imposées et des traditions constitutionnelles puissantes qui
régissent les procédures et les pratiques. Toutefois aucun organe extérieur n'est investi d'une
fonction semblable à celle du Conseil constitutionnel pour ce qui est du contrôle des règles de
fonctionnement du Parlement.
10.
Les premiers commentateurs ont également mis en relief le rôle crucial du Conseil qui
consiste à veiller au respect des frontières entre l'action du pouvoir législatif et celle du
pouvoir exécutif. Ici également la nature du Conseil découle de prémisses susceptibles de
faire problème pour l'observateur britannique. La tradition constitutionnelle de la souveraineté
de la Couronne et du Parlement agissant ensemble (Crown in Parliament) implique que ses
actions ne rencontrent aucune entrave, ni juridique ni structurelle, quelles que puissent être les
contraintes et inhibitions politiques. La prérogative de la Couronne confère certes au pouvoir
exécutif une relative marge de manœuvre dans certains domaines, mais elle est susceptible
d'être, et se trouve effectivement de plus en plus souvent limitée par l'intervention du
Parlement si celle-ci est considérée comme politiquement souhaitable. On peut y voir le choix
délibéré de la Couronne de s'incliner devant les limites posées par la loi, puisque le pouvoir de
légiférer est bien celui de la Couronne et du Parlement agissant ensemble.
11.
Dans la mesure où les démocraties occidentales se trouvent confrontées de plus en
plus à la nécessité de parvenir à un équilibre entre le respect des droits de l'homme pour tous
et le droit des citoyens à être protégés contre la subversion, la violence ou la terreur, le débat
continue au Royaume-Uni quant à la pertinence d'un système fondé sur un mélange de
législation plutôt diffuse (pour partie bien enracinée, pour le reste moins), de tradition, de
coutume et d'usage, et l'existence d'habitudes, d'idées, d'attentes et de procédures qui
perdurent sans interruption depuis l'époque médiévale. Des pressions se manifestent dans
certains milieux en faveur d'une constitution écrite ou au moins, une Déclaration des droits,
mais elles ne sont pas encore puissantes. Les Britanniques vont vraisemblablement continuer
pour l'instant à entretenir leur attachement à ce qui leur semble bien fonctionner et être
politiquement acceptable. Sous cet angle, la validité d'une constitution ne peut reposer que sur
la loyauté politique qui l'entoure et la soutient. Affirmer ceci ne revient pas à nier l'utilité
considérable de structures juridiques comme moyen d'assurer la stabilité. Les commentateurs
britanniques du Conseil constitutionnel ont perçu celui-ci comme étant le fruit du désir de
39
parer aux conséquences de ce que Vincent Wright a décrit, avec une perspicacité
remarquable, comme « un manque de respect persistant [de la part des Français] à l'égard de
la Constitution de l'époque, laquelle··· était perçue comme rien d'autre qu'une simple règle
dans le jeu, bien plus vaste, de la politique »18. Le rôle éminent du Conseil qui consiste à
obliger les législateurs successifs à être attentifs aux conséquences de ce qu'ils font, et, dans
certains cas, à rechercher une légitimation solennelle par le biais d'une révision
constitutionnelle, doit être d'un précieux secours et d'une importance certaine pour concourir à
la stabilité et empêcher tant les abus que la fossilisation. Pour bien remplir ce rôle, le Conseil
doit veiller à ne jamais se trouver dans le rôle d'une « troisième Chambre » manifestement
politique.
Notes : 1. Traduit de l'anglais par Kinder-Gest (P.), Professeur à l'Université Paris II
Panthéon-Assas. 2. McEldowney (J.), « Memorandum » House of Lords Select Committee on
the Constitution Ninth Report : The Draft Constitutional Treaty for the European Union,
2002-3 HL Paper 168, p. 37. 3. McEldowney (J.), « Memorandum », p. 37. 4. Information
recueillie par l'auteur. 5. Pickles (D.), The Fifth French Republic 3e édition, Methuen,
Londres, 1965, p. 35. 6. Hayward (J.E.S.), Governing France, Weidenfeld and Nicolson,
Londres, 1983, p. 139. 7. Stone (A.), The Birth of Judicial Politics in France : The
Constitutional Council in Comparative Perspective, Oxford University Press, Oxford, 1992
(Américain) et Harrison (M.), « The French Constitutional Council : A study in institutional
change », Political Studies, 38/4, 1990, p. 604 (Britannique). 8. Bell (J.), Boyron (S.) and
Whittaker (S.), Principles of French Law, Oxford University Press, Oxford, 1998, p. 139. 9.
Interprétation que l'on peut même trouver dans des textes de nature juridique : voir par
exemple Bell (J.), Boyron (S.) and Whittaker (S.), Principles of French Law, Oxford
University Press, Oxford, 1998, p. 148. 10. Voir par exemple : Bell (J.), « The French
Constitutional Council and European Law », International and Comparative Law Quarterly,
vol. 54, 2005, pp 735 – 744. 11. Voir Bell (J.), French Constitutional Law, Oxford University
Press, Oxford, 1992. 12. Bell (J.), Boyron (S.) and Whittaker (S.), Principles of French Law,
Oxford University Press, Oxford, 1998, pp. 156-7. 13. Bell (J.), « French Administrative Law
and the Supremacy of European Laws », European Public Law, 11/4, 2005, p. 488. 14. Voir
par exemple Bell (J.), « The French Constitutional Council and European Law », International
and Comparative Law Quarterly, vol. 54, 2005, p. 740, note 24. 15. Information recueillie par
l'auteur. 16. Bell (J.), French Constitutional Law new edition, Oxford University Press,
Oxford, 1995. 17. The Guardian, 20 et 30 avril 1999. 18. Wright (V.), « The Fifth Republic :
From the Droit de l'État to the État de droit », West European Politics 22/4, 1999, p. 93. Voir
aussi Harrison (M.), « The French Constitutional Council : A study in institutional change »,
Political Studies, 38/ 4, 1990, p. 604.
Document 8 : Beaud (O.), La puissance de l’État, PUF, 1994, pp. 252 à 253.
« L’erreur qu’il ne faut pas commettre serait de confondre l’État fédéral avec la Fédération.
Celle-ci n’est pas un État (donc elle se distingue de la notion d’État fédéral), mais une union
d’États qui est toutefois suffisamment intégrée pour ne pas être une simple ligue ou
Confédération. Cette requalification permet de traiter autrement le problème de la conciliation
entre l’idée de souveraineté et d’État avec celle d’État fédéral qui a donné lieu à une
littérature juridique immense et décourageante tant elle est obscure et compliquée. »
40
Document 9 : Déclaration d’indépendance du 4 juillet 1776.
Document 10 : Constitution des États-Unis d’Amérique
41
Article I
Section 1
Tous les pouvoirs législatifs accordés par cette Constitution seront attribués à un Congrès des
États-Unis, qui sera composé d'un Sénat et d'une Chambre des représentants.
Section 2
La Chambre des représentants sera composée de membres choisis tous les deux ans par le
peuple des différents États ; dans chaque État les électeurs devront répondre aux conditions
requises pour être électeur à l'assemblée la plus nombreuse de la législature de cet État.
Nul ne pourra être représentant s'il n'a atteint l'âge de vingt-cinq ans, s'il n'est citoyen
américain depuis sept ans et s'il ne réside, au moment de l'élection, dans l'État où il doit être
élu.
Les représentants et les impôts directs seront répartis entre les différents États qui pourront
faire partie de cet Union, proportionnellement au nombre de leurs habitants, qui sera
déterminé en ajoutant au nombre total des personnes libres, y compris celles qui se sont
louées pour un nombre d'années déterminé, mais à l'exclusion des Indiens non soumis à
l'impôt, trois cinquièmes de toutes les autres personnes. Le recensement sera effectué dans les
trois ans qui suivront la première réunion du Congrès, et ensuite tous les dix ans, de la
manière qui sera fixée par la loi. Le nombre des représentants n'excédera pas un pour trente
mille habitants, mais chaque État aura au moins un représentant : jusqu'à ce que le
recensement soit effectué, l'État du New Hampshire aura droit à trois représentants, le
Massachusetts à huit, l'État de Rhode Island et Plantations de Providence à un, le Connecticut
à cinq, l'État de New York à six, le New Jersey à quatre, la Pennsylvanie à huit, le Delaware à
un, le Maryland à six, la Virginie à dix, la Caroline du Nord à cinq, la Caroline du Sud à cinq
et la Géorgie à trois.
Lorsque des vacances se produiront dans la représentation d'un État, le pouvoir exécutif de cet
État fera procéder à des élections pour y pourvoir.
La Chambre des représentants choisira son président et les autres membres de son bureau, et
elle détiendra seule le pouvoir de mise en accusation devant le Sénat.
Section 3
Le Sénat des États-Unis sera composé de deux sénateurs pour chaque État, choisis pour six
ans par la législature de chacun, et chaque sénateur disposera d'une voix.
Dès qu'ils seront réunis à la suite de la première élection, les sénateurs seront divisés aussi
également que possible en trois groupes. Les sièges des sénateurs du premier groupe seront
déclarés vacants à l'expiration de la deuxième année, ceux du second groupe à l'expiration de
la quatrième année et ceux du troisième groupe à l'expiration de la sixième année, de telle
sorte qu'un tiers puisse être renouvelé tous les deux ans ; et si des vacances se produisent, par
démission ou autrement, en dehors des sessions législatives d'un État, le pouvoir exécutif de
cet État peut procéder à des nominations temporaires jusqu'à la réunion suivante de la
législature, qui pourvoira alors à ces vacances.
Nul ne pourra être sénateur s'il n'a atteint l'âge de trente ans, s'il n'est pas depuis neuf ans
citoyen des États-Unis et s'il ne réside, au moment de l'élection, dans l'État pour lequel il est
élu.
Le vice-président des États-Unis sera président du Sénat, mais n'aura pas de droit de vote, à
moins d'égal partage des voix du Sénat.
Le Sénat choisira les autres membres de son bureau, ainsi qu'un président temporaire, en cas
d'absence du vice-président des États-Unis, ou lorsque celui-ci sera appelé à exercer les
fonctions de président des États-Unis.
Le Sénat aura seul le pouvoir de juger les personnes mises en accusation par la Chambre des
représentants. Lorsqu'il siégera à cet effet, les sénateurs prêteront serment ou feront une
déclaration solennelle. En cas de jugement du président des États-Unis, le président de la
Cour suprême présidera. Nul ne pourra être déclaré coupable que par un vote des deux tiers
des membres présents.
Les condamnations prononcées en cas d'« impeachment » ne pourront excéder la destitution et
l'interdiction d'occuper tout poste de confiance ou d'exercer toute fonction honorifique ou
rémunérée des États-Unis ; mais la partie condamnée sera néanmoins responsable et sujette à
accusation, procès, jugement et condamnation suivant le droit commun.
Section 4
L'époque, le lieu et la procédure des élections des sénateurs et des représentants seront
déterminés dans chaque État par la législature de cet État ; le Congrès peut toutefois, à tout
moment, déterminer ou modifier par une loi les règles des élections, à l'exception de celles
relatives au lieu des élections des sénateurs.
Le Congrès se réunira au moins une fois par an, le premier lundi de décembre, à moins que,
par une loi, il ne fixe un jour différent.
Section 5
Chaque Chambre sera juge de l'élection de ses membres, du nombre de voix qu'ils ont
obtenues et de leur éligibilité ; la majorité, dans chaque Chambre, sera nécessaire pour que les
délibérations soient valables ; mais un nombre inférieur pourra ajourner la séance de jour en
jour et pourra être autorisé à exiger la présence des membres absents par tels moyens et sous
telles pénalités que la Chambre pourra décider.
Chaque Chambre peut établir son règlement, prendre des sanctions contre ses membres pour
conduite contraire au bon ordre et, à la majorité des deux tiers, prononcer l'expulsion de l'un
d'entre eux.
Chaque Chambre tiendra un procès-verbal de ses débats et le publiera de temps à autre, à
l'exception des parties qui lui sembleraient requérir le secret ; les votes pour et les votes
contre des membres de chacune des Chambres sur une question quelconque seront, à la
demande d'un cinquième des membres présents, consignés dans le procès-verbal.
Aucune des deux Chambres ne pourra, durant une session du Congrès et sans le consentement
de l'autre Chambre, s'ajourner pour plus de trois jours, ni se transporter en aucun autre lieu
que celui où les deux Chambres siégeront.
Section 6
Les sénateurs et représentants percevront une indemnité qui sera fixée par la loi et payée par
le Trésor des États-Unis. En aucun cas autre que ceux de trahison, crime ou atteinte à la paix
publique, ils ne pourront être arrêtés durant leur participation aux sessions de leur Chambre,
ni lorsqu'ils se rendront à une session de cette Chambre ou en reviendront ; ils ne pourront
être inquiétés en aucun lieu pour leurs discours ou discussions dans l'une quelconque des
Chambres.
Aucun sénateur ou représentant ne pourra, durant la période pour laquelle il a été élu, être
nommé à une fonction civile relevant de l'autorité des États-Unis, qui aurait été crée ou dont
le traitement aurait été augmenté durant cette période ; aucune personne occupant une charge
43
relevant de l'autorité des États-Unis ne sera membre de l'une des deux Chambres tant qu'elle
exercera ces fonctions.
Section 7
Tous projets de loi comportant la levée d'impôts émaneront de la Chambre des représentants ;
mais le Sénat pourra proposer ou accepter des amendements à y apporter comme aux autres
projets de loi.
Tout projet de loi adopté par la Chambre des représentants et par le Sénat devra, avant
d'acquérir force de loi, être soumis au président des États-Unis. Si celui-ci l'approuve, il le
signera ; sinon il le renverra, avec ses objections, à la Chambre dont il émane, laquelle
insérera les objections in extenso dans son procès-verbal et procédera à un nouvel examen du
projet. Si, après ce nouvel examen, le projet de loi réunit en sa faveur les voix des deux tiers
des membres de cette Chambre, il sera transmis, avec les objections qui l'accompagnaient, à
l'autre Chambre, qui l'examinera également de nouveau, et, si les deux tiers des membres de
celle-ci l'approuvent, il aura force de loi. En pareil cas, les votes des deux Chambres seront
acquis par oui et par non, et les noms des membres votant pour et contre le projet seront
portés au procès-verbal de chaque Chambre respectivement. Tout projet non renvoyé par le
président dans les dix jours (dimanche non compris) qui suivront sa soumission, deviendra loi
comme si le président l'avait signé, à moins que le Congrès n'ait, par son ajournement, rendu
le renvoi impossible ; auquel cas le projet n'acquerra pas force de loi.
Tous ordres, résolutions ou votes, pour l'adoption desquels l'accord du Sénat et de la Chambre
des représentants peut être nécessaire (sauf en matière d'ajournement), seront représentés au
président des États-Unis, et, avant de devenir exécutoires, approuvés par lui, ou, en cas de
dissentiment de sa part, adoptés de nouveau par les deux tiers du Sénat et de la Chambre des
représentants, conformément aux règles et sous les réserves prescrites pour les projets de loi.
Section 8
Le Congrès aura le pouvoir :
De lever et de percevoir des taxes, droits, impôts et excises, de payer les dettes et
pourvoir à la défense commune et à la prospérité générale des États-Unis ; mais les
dits droits, impôts et excises seront uniformes dans toute l'étendue des États-Unis ;
De faire des emprunts sur le crédit des États-Unis ;
De réglementer le commerce avec les nations étrangères, entre les divers États, et avec
les tribus indiennes ;
D'établir une règle uniforme de naturalisation et des lois uniformes au sujet des
faillites applicables dans toute l'étendue des États-Unis ;
De battre monnaie, d'en déterminer la valeur et celle de la monnaie étrangère, et de
fixer l'étalon des poids et mesures ;
D'assurer la répression de la contrefaçon des effets et de la monnaie en cours aux
États-Unis ;
D'établir des bureaux et des routes de postes ;
De favoriser le progrès de la science et des arts utiles, en assurant, pour un temps
limité, aux auteurs et inventeurs le droit exclusif à leurs écrits et découvertes
respectifs ;
De constituer des tribunaux inférieurs à la Cour suprême ;
44
De définir et punir les pirateries et crimes commis en haute mer et les atteintes à la loi
des nations ;
De déclarer la guerre, d'accorder des lettres de marque et de représailles, et d'établir
des règlements concernant les prises sur terre et sur mer ;
De lever et d'entretenir des armées, sous réserve qu'aucune affectation de crédits à
cette fin ne s'étende sur plus de deux ans ;
De créer et d'entretenir une marine de guerre ;
D'établir des règlements pour le commandement et la discipline des forces de terre et
de mer ;
De pourvoir à la mobilisation de la milice pour assurer l'exécution des lois de l'Union,
réprimer les insurrections et repousser les invasions ;
De pourvoir à l'organisation, l'armement et la discipline de la milice, et au
commandement de telle partie d'icelle qui serait employée au service des États-Unis,
en réservant aux États respectivement la nomination des officiers et l'autorité
nécessaire pour instruire la milice selon les règles de discipline prescrites par le
Congrès ;
D'exercer le droit exclusif de législation, en toute matière, sur tel district (d'une
superficie n'excédant pas 10 milles au carré) qui, par cession d'États particuliers et sur
acceptation du Congrès, sera devenu le siège du gouvernement des États-Unis et
d'exercer semblable autorité sur tous lieux acquis, avec le consentement de la
législature de l'État dans lequel ils seront situés, pour l'érection de forts, dépôts,
arsenaux, chantiers navals et autres constructions nécessaires ;
Et de faire toutes les lois qui seront nécessaires et convenables pour mettre à exécution
les pouvoirs ci-dessus mentionnés et tous autres pouvoirs conférés par la présente
Constitution au gouvernement des États-Unis ou à l'un quelconque de ses
départements ou de ses fonctionnaires.
Section 9
L'immigration ou l'importation de telles personnes que l'un quelconque des États actuellement
existants jugera convenable d'admettre ne pourra être prohibée par le Congrès avant l'année
mil huit cent huit, mais un impôt ou un droit n'excédant pas 10 dollars par tête pourra être levé
sur cette importation.
Le privilège de l'ordonnance d'habeas corpus ne pourra être suspendu, sauf dans les cas de
rébellion ou d'invasion, où la sécurité publique pourrait l'exiger.
Aucun décret de culpabilité, ou aucune loi rétroactive ne sera promulgué.
Nulle capitation ni autre taxe directe ne sera levée, si ce n'est proportionnellement au
recensement ou dénombrement ci-dessus ordonné.
Ni taxes, ni droits ne seront levés sur les articles exportés d'un État quelconque.
Aucune préférence ne sera accordée par un règlement commercial ou fiscal aux ports d'un
État sur ceux d'un autre ; et nul navire à destination ou en provenance d'un État ne sera
assujetti à des formalités ou des droits d'entrée, de sortie ou de douane dans un autre.
Aucune somme ne sera prélevée sur le Trésor, si ce n'est en vertu d'affectations de crédits
stipulées par la loi ; un état et un compte réguliers de toutes les recettes et dépenses des
deniers publics seront publiés de temps à autre.
45
Aucun titre de noblesse ne sera conféré par les États-Unis, et aucune personne qui tiendra
d'eux une charge de profit ou de confiance ne pourra, sans le consentement du Congrès,
accepter des présents, émoluments, charges ou titres quelconques, d'un roi, prince ou État
étranger.
Section 10
Aucun État ne pourra être partie à un traité ou une alliance ou à une Confédération ; accorder
des lettres de marque et de représailles ; battre monnaie ; émettre du papier-monnaie, donner
cours légal, pour le paiement de dettes, à autre chose que la monnaie d'or ou d'argent ;
promulguer aucun décret de confiscation, aucune loi rétroactive ou qui porterait atteinte aux
obligations résultant de contrats ; ni conférer des titres de noblesse.
Aucun État ne pourra, sans le consentement du Congrès, lever des impôts ou des droits sur les
importations ou les exportations autres que ceux qui seront absolument nécessaires pour
l'exécution de ses lois d'inspection, et le produit net de tous les droits ou imôpts levés par un
État sur les importations ou les exportations sera affecté à l'usage du Trésor des États-Unis ; et
toutes ces lois seront soumises à la révision ou au contrôle du Congrès.
Aucun État ne pourra, sans le consentement du Congrès, lever des droits de tonnage,
entretenir des troupes ou des navires de guerre en temps de paix, conclure des accords ou des
pactes avec un autre État ou une puissance étrangère, ni entrer en guerre, à moins qu'il ne soit
effectivement envahi ou en danger trop imminent pour permettre le moindre délai.
Article II
Section 1
Le pouvoir exécutif sera conféré à un président des États-Unis d'Amérique. Il restera en
fonction pendant une période de quatre ans et sera, ainsi que le vice-président choisi pour la
même durée, élu comme suit :
Les électeurs se réuniront dans leurs États respectifs et voteront par bulletin pour deux
personnes, dont l'une au moins n'habitera pas le même État qu'eux. Ils dresseront une liste de
toutes les personnes qui auront recueilli des voix et du nombre de voix réunies par chacune
d'elles. Ils signeront cette liste, la certifieront et la transmettront, scellée, au siège du
gouvernement des États-Unis, à l'adresse du président du Sénat. Le président du Sénat, en
présence du Sénat et de la Chambre des représentants, ouvrira toutes les listes certifiées, et les
suffrages seront alors comptés. La personne qui aura obtenu le plus grand nombre de voix
sera président, si ce nombre représente la majorité de tous les électeurs nommés. Si deux ou
plusieurs personnes ont obtenu cette majorité et un nombre égal de voix, la Chambre des
représentants, par scrutin, choisira immédiatement l'une d'entre elles comme président. Si
aucune personne n'a obtenu la majorité nécessaire, la Chambre des représentants choisira
alors le président, selon la même procédure, parmi les cinq personnes ayant obtenu le plus
grand nombre de voix. Mais, pour le choix du président, les votes seront comptés par État, la
représentation de chaque État ayant une voix. Le quorum nécessaire à cet effet sera constitué
par la présence d'un ou de plusieurs représentants des deux tiers des États, et l'adhésion de la
majorité de tous les États devra être acquise pour la validité du choix. Dans tous les cas, après
l'élection du président, la personne qui aura obtenu après lui le plus grand nombre des
suffrages des électeurs sera vice-président. Mais s'il reste deux ou plusieurs personnes ayant
le même nombre de voix, le Sénat choisira le vice-président parmi elles par scrutin.
Le Congrès pourra fixer l'époque où les électeurs seront choisis et le jour où ils devront voter,
ce jour étant le même sur toute l'étendue des États-Unis.
46
Nul ne pourra être élu président s'il n'est citoyen de naissance, ou s'il n'est citoyen des ÉtatsUnis au moment de l'adoption de la présente Constitution, s'il n'a trente-cinq ans révolus et ne
réside sur le territoire des États-Unis depuis quatorze ans.
En cas de destitution, de mort ou de démission du président, ou de son incapacité d'exercer les
pouvoirs et de remplir les devoirs de sa charge, ceux-ci seront dévolus au vice-président. Le
Congrès pourra, par une loi, prévoir le cas de destitution, de mort, de démission ou
d'incapacité à la fois du président et du vice-président en désignant le fonctionnaire qui fera
alors fonction de président, et ce fonctionnaire remplira ladite fonction jusqu'à cessation
d'incapacité ou élection d'un président.
Le président recevra pour ses services, à échéances fixes, une indemnité qui ne sera ni
augmentée ni diminuée pendant la période pour laquelle il aura été élu, et il ne recevra
pendant cette période aucun autre émolument des États-Unis, ni d'aucun des États.
Avant d'entrer en fonctions, le président prêtera serment ou prononcera l'affirmation qui suit :
« Je jure (ou affirme) solennellement de remplir fidèlement les fonctions de président des
États-Unis et, dans toute la mesure de mes moyens, de sauvegarder, protéger et défendre la
Constitution des États-Unis. »
Section 2
Le président sera commandant en chef de l'armée et de la marine des États-Unis, et de la
milice des divers États quand celle-ci sera appelée au service actif des États-Unis. Il pourra
exiger l'opinion, par écrit, du principal fonctionnaire de chacun des départements exécutifs sur
tout sujet relatif aux devoirs de sa charge. Il aura le pouvoir d'accorder des sursis et des grâces
pour crimes contre les États-Unis, sauf dans les cas d' impeachment.
Il aura le pouvoir, sur l'avis et avec le consentement du Sénat, de conclure des traités, sous
réserve de l'approbation des deux tiers des sénateurs présents. Il proposera au Sénat et, sur
l'avis et avec le consentement de ce dernier, nommera les ambassadeurs, les autres ministres
publics et les consuls, les juges à la Cour suprême, et tous les autres fonctionnaires des ÉtatsUnis dont la nomination n'est pas prévue par la présente Constitution, et dont les postes seront
créés par la loi. Mais le Congrès pourra, lorsqu'il le jugera opportun, confier au président seul,
aux cours de justice ou aux chefs des départements, la nomination de certains fonctionnaires
inférieurs.
Le président aura le pouvoir de pourvoir à toutes vacances qui viendraient à se produire entre
les sessions du Sénat, en accordant des commissions qui expireront à la fin de la session
suivante.
Section 3
Le président informera le Congrès, de temps à autre, de l'état de l'Union, et recommandera à
son attention telles mesures qu'il estimera nécessaires et expédientes. Il pourra, dans des
circonstances extraordinaires, convoquer l'une ou l'autre des Chambres ou les deux à la fois,
et en cas de désaccord entre elles sur la date de leur ajournement, il pourra les ajourner à tel
moment qu'il jugera convenable. Il recevra les ambassadeurs et autres ministres publics. Il
veillera à ce que les lois soient fidèlement exécutées, et commissionnera tous les
fonctionnaires des États-Unis.
Section 4
Le président, le vice-président et tous les fonctionnaires civils des États-Unis seront destitués
de leurs charges sur mise en accusation et condamnation pour trahison, corruption ou autres
crimes et délits majeurs.
47
Article III
Section 1
Le pouvoir judiciaire des États-Unis sera conféré à une Cour suprême et à telles cours
inférieures dont le Congrès pourra de temps à autre ordonner l'institution. Les juges de la
Cour suprême et des cours inférieures conserveront leurs charges aussi longtemps qu'ils en
seront dignes et percevront, à échéances fixes, une indemnité qui ne sera pas diminuée tant
qu'ils resteront en fonctions.
Section 2
Le pouvoir judiciaire s'étendra à tous les cas de droit et d'équité ressortissant à la présente
Constitution, aux lois des États-Unis, aux traités déjà conclus, ou qui viendraient à l'être sous
leur autorité ; à tous les cas concernant les ambassadeurs, les autres ministres publics et les
consuls ; à tous les cas relevant de l'Amirauté et de la juridiction maritime ; aux différends
auxquels les États-Unis seront partie ; aux différends entre deux ou plusieurs États, entre un
État et les citoyens d'un autre, entre citoyens de différents États, entre citoyens d'un même
État revendiquant des terres en vertu de concessions d'autres États, entre un État ou ses
citoyens et des États, citoyens ou sujets étrangers.
Dans tous les cas concernant les ambassadeurs, les autres ministres publics et les consuls, et
ceux auxquels un État sera partie, la Cour suprême aura juridiction de première instance. Dans
tous les autres cas mentionnés précédemment, elle aura juridiction d'appel, et pour le droit et
pour le fait, sauf telles exceptions et conformément à tels règlements que le Congrès aura
établis.
Tous les crimes, sauf dans les cas d'« impeachment », seront jugés par un jury. Le procès aura
lieu dans l'État où lesdits crimes auront été commis, et, quand ils ne l'auront été dans aucun,
en tel lieu ou place que le Congrès aura fixé par une loi.
Section 3
Le crime de trahison envers les États-Unis ne consistera que dans l'acte de faire la guerre
contre eux, ou de se ranger du côté de leurs ennemis en leur donnant aide et secours. Nul ne
sera convaincu de trahison, si ce n'est sur la déposition de deux témoins du même acte
manifeste, ou sur son propre aveu en audience publique.
Le Congrès aura le pouvoir de fixer la peine en matière de trahison, mais aucune
condamnation de ce chef n'entraînera ni mort civile, ni confiscation de biens, sauf pendant la
vie du condamné.
Article IV
Section 1
Pleine foi et crédit seront accordés, dans chaque État, aux actes publics, minutes et procèsverbaux judiciaires de tous les autres États. Et le Congrès pourra, par des lois générales,
prescrire la manière dont la validité de ces actes, minutes et procès-verbaux sera établie, ainsi
que leurs effets.
Section 2
Les citoyens de chaque État auront droit à tous les privilèges et immunités des citoyens dans
les divers États.
Toute personne qui, accusée, dans un État, de trahison, félonie ou autre crime, se sera dérobée
à la justice par la fuite et sera trouvée dans un autre État, devra, sur la demande de l'autorité
48
exécutive de l'État d'où elle aura fui, être livrée pour être ramenée dans l'État ayant juridiction
sur le crime.
Une personne qui, tenue à un service ou travail dans un État en vertu des lois y existant,
s'échapperait dans un autre, ne sera libérée de ce service ou travail en vertu d'aucune loi ou
réglementation de cet autre État, mais sera livrée sur la revendication de la partie à laquelle le
service ou travail pourra être dû.
Section 3
De nouveaux États peuvent être admis par le Congrès dans l'Union ; mais aucun nouvel État
ne sera formé ou érigé sur le territoire soumis à la juridiction d'un autre État, ni aucun État
formé par la jonction de deux ou de plusieurs États, ou parties d'État, sans le consentement
des législatures des États intéressés, aussi bien que du Congrès.
Le Congrès aura le pouvoir de disposer du territoire ou de toute autre propriété appartenant
aux États-Unis, et de faire à leur égard toutes lois et tous règlements nécessaires ; et aucune
disposition de la présente Constitution ne sera interprétée de manière à préjudicier aux
revendications des États-Unis ou d'un État particulier.
Section 4
Les États-Unis garantiront à chaque État de l'Union une forme républicaine de gouvernement,
protégeront chacun d'eux contre l'invasion et, sur la demande de la législature ou de l'exécutif
(quand la législature ne pourra être réunie), contre toute violence intérieure.
Article V
Le Congrès, quand les deux tiers des deux Chambres l'estimeront nécessaire, proposera des
amendements à la présente Constitution ou, sur la demande des législatures des deux tiers des
États, convoquera une convention pour en proposer ; dans l'un et l'autre cas, ces amendements
seront valides à tous égards comme faisant partie intégrante de la présente Constitution,
lorsqu'ils auront été ratifiés par les législatures des trois quarts des États, ou par des
conventions dans les trois quarts d'entre eux, selon que l'un ou l'autre mode de ratification
aura été proposé par le Congrès. Sous réserve que nul amendement qui serait adopté avant
l'année mil huit cent huit ne puisse en aucune façon affecter la première et la quatrième clause
de la neuvième section de l'Article premier, et qu'aucun État ne soit, sans son consentement,
privé de l'égalité de suffrage au Sénat.
Article VI
Toutes dettes contractées et tous engagements pris avant l'adoption de la présente Constitution
seront aussi valides à l'encontre des États-Unis dans le cadre de la présente Constitution qu'ils
l'étaient dans le cadre de la Confédération.
La présente Constitution, ainsi que les lois des États-Unis qui en découleront, et tous les
traités déjà conclus, ou qui le seront, sous l'autorité des États-Unis, seront la loi suprême du
pays ; et les juges dans chaque État seront liés par les susdits, nonobstant toute disposition
contraire de la Constitution ou des lois de l'un quelconque des États.
Les sénateurs et représentants susmentionnés, les membres des diverses législatures des États
et tous les fonctionnaires exécutifs et judiciaires, tant des États-Unis que des divers États,
seront tenus par serment ou affirmation de défendre la présente Constitution ; mais aucune
profession de foi religieuse ne sera exigée comme condition d'aptitude aux fonctions ou
charges publiques sous l'autorité des États-Unis.
Article VII
49
La ratification des conventions de neuf États sera suffisante pour l'établissement de la
présente Constitution entre les États qui l'auront ainsi ratifiée.
Document 11 : Amendements issus de la Bill of Rights ratifiée en 1791
Ier amendement
Le Congrès ne fera aucune loi qui touche l'établissement ou interdise le libre exercice d'une
religion, ni qui restreigne la liberté de la parole ou de la presse, ou le droit qu'a le peuple de
s'assembler paisiblement et d'adresser des pétitions au gouvernement pour la réparation des
torts dont il a à se plaindre.
IIe amendement
Une milice bien organisée étant nécessaire à la sécurité d'un État libre, le droit qu'a le peuple
de détenir et de porter des armes ne sera pas transgressé. […]
Xe amendement
Les pouvoirs qui ne sont pas délégués aux États-Unis par la Constitution, ni refusés par elle
aux États, sont conservés par les États respectivement ou par le peuple.
50
Séance 6 : Galop d’essai
51
Séance 7 : De la Révolution à l’Empire
Table des documents :
Document 1 :
Discours de Louis XV lu au Parlement de Paris lors de la « séance de
flagellation » du 3 mars 1766.
Document 2 :
Convocation des États généraux du 14 janvier 1789.
Document 3 :
Serment du Jeu de paume
Document 4 :
Déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen du 26 août 1789
(texte et estampe).
Document 5 :
Serment de Napoléon 1er prononcé à Notre-Dame de Paris le 18 mai
1804.
Travail :
Commentaire du document 3
A consulter :
- Wachsmann (P.), Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, in Alland (D.) et Rials
(S.), Dictionnaire de la culture juridique, PUF, 2003, pp. 350 et s.
- Poirat (F.), Révolution, in Alland (D.) et Rials (S.), Dictionnaire de la culture juridique,
PUF, 2003, pp. 1362 et s.
- Parmi tant d’autres chronologies, voir par exemple le tableau des régimes politiques,
constitutions et législatures depuis 1789 disponible sur le site de l’Assemblée nationale :
http://www.assemblee-nationale.fr/histoire/tableau_legislatures_depuis1789.asp/.
- Sieyès, Discours du 2 thermidor. Opinion sur plusieurs articles des titres IV et V du projet
de Constitution de l’an III.
- Constitution du septembre 1791
- Décrets de 1792, Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1793, Constitution du
24 juin 1793
- Déclaration des droits et des devoirs de l’homme et du citoyen précédant la Constitution du
5 fructidor an III
- La Constitution du 22 frimaire an VIII
- Constitution de l’Empire, Sénatus-consulte organique du 28 floréal an XII (18 mai 1804)
52
Documents :
Document 1 : Discours de Louis XV lu au Parlement de Paris lors de la « séance de
flagellation » du 3 mars 1766.
«Ce qui s'est passé dans mes parlements de Pau et de Rennes ne regarde pas mes autres
parlements ; j'en ai usé à l'égard de ces deux cours comme il importait à mon autorité, et je
n'en dois compte à personne.
Je n'aurais pas d'autre réponse à faire tant de remontrances qui m'ont été faites à ce sujet, si
leur réunion, l'indécence du style, la témérité des principes les plus erronés et l'affectation
d'expressions nouvelles pour les caractériser, ne manifestaient les conséquences pernicieuses
de ce système d'unité que j'ai déjà proscrit et qu'on voudrait établir en principe, en même
temps qu'on ose le mettre en pratique.
Je ne souffrirai pas qu'il se forme dans mon royaume une association qui ferait dégénérer en
une confédération de résistance le lien naturel des mêmes devoirs et des obligations
communes, ni qu'il s'introduise dans la Monarchie un corps imaginaire qui ne pourrait qu'en
troubler l’harmonie ; la magistrature ne forme point un corps, ni un ordre séparé des trois
ordres du Royaume ; les magistrats sont mes officiers chargés de m'acquitter du devoir
vraiment royal de rendre la justice à mes sujets, fonction qui les attache à ma personne et qui
les rendra toujours recommandables à mes yeux.
Je connais l'importance de leurs services : c'est donc une illusion, qui ne tend qu'à ébranler la
confiance par de fausses alarmes, que d'imaginer un projet formé d'anéantir la magistrature et
de lui supposer des ennemis auprès du trône ses seuls, ses vrais ennemis sont ceux qui, dans
son propre sein, lui font tenir un langage opposé à ses principes ; qui lui font dire que tous les
parlements ne font qu'un seul et même corps, distribué en plusieurs classes ; que ce corps,
nécessairement indivisible, est de l'essence de la Monarchie et qu'il lui sert de base ; qu'il est
le siège, le tribunal, l'organe de la Nation ; qu'il est le protecteur et le dépositaire essentiel de
sa liberté, de ses intérêts, de ses droits ; qu'il lui répond de ce dépôt, et serait criminel envers
elle s'il l'abandonnait ; qu'il est compatible de toutes les parties du bien public, non seulement
au Roi, mais aussi à la Nation ; qu'il est juge entre le Roi et son peuple ; que, gardien
respectif, il maintient l'équilibre du gouvernement, en réprimant également l'excès de la
liberté et l'abus du pouvoir ; que les parlements coopèrent avec la puissance souveraine dans
l'établissement des lois; qu'ils peuvent quelquefois par leur seul effort s'affranchir d'une loi
enregistrée et la regarder à juste titre comme non existante ; qu'ils doivent opposer une
barrière insurmontable aux décisions qu'ils attribuent à l'autorité arbitraire et qu'ils appellent
des actes illégaux, ainsi qu'aux ordres qu'ils prétendent surpris, et que, s'il en résulte un
combat d'autorité, il est de leur devoir d'abandonner leurs fonctions et de se démettre de leurs
offices, sans que leurs démissions puissent être reçues.
Entreprendre d'ériger en principe des nouveautés si pernicieuses, c'est faire injure à la
magistrature, démentir son institution, trahir ses intérêts et méconnaître les véritables lois
fondamentales de l'État ; comme s'il était permis d' oublier que c'est en ma personne seule que
réside la puissance souveraine, dont le caractère propre est l'esprit de conseil, de justice et de
raison ; que c'est moi seul que mes cours tiennent leur existence et leur autorité ; que la
plénitude de cette autorité, qu'elles n'exercent qu'en mon nom, demeure toujours en moi, et
que l'usage n'en peut être tourné contre moi ; que c'est à moi seul qu'appartient le pouvoir
législatif sans dépendance et sans partage ; que c'est par ma seule autorité que les officiers de
mes cours procèdent, non à la formation, mais à l’enregistrement, à la publication, à
53
l'exécution de la loi, et qu'il leur est permis tout entier émane de moi et que les droits et les
intérêts de la Nation, dont on ose faire un corps séparé du Monarque, sont nécessairement
unis avec les miens et ne reposent qu'en mes mains.
Je suis persuadé que les officiers de mes cours ne perdront jamais de vues ces maximes
sacrées et immuables, qui sont gravées dans le cœur de tous sujets fidèles, et qu'ils
désavoueront les impressions étrangères, cet esprit ďindépendance et les erreurs dont ils ne
sauraient envisager les conséquences sans que leur fidélité en soit effrayée.
Les remontrances seront toujours reçues favorablement quand elles ne respireront que cette
modération qui fait le caractère du magistrat et de la vérité, quand le secret en conservera la
décence et l'utilité, et quand cette voie si sagement établie ne se trouvera pas travestie en
libelles, où la soumission à ma volonté et présentée comme un crime et l'accomplissement des
devoirs que j'ai prescrits, comme un sujet d'opprobe, où l'on suppose que toute la Nation
gémit de voir ses droits, sa liberté, sa sûreté, prêts à périr sous la force d'un pouvoir terrible, et
où l'on annonce que les liens de l'obéissance sont prêts à se relâcher ; mais si, après que j'ai
examiné ces remontrances et qu'en connaissance de cause j'ai persisté dans mes volontés, mes
cours persévéraient dans le refus de s'y soumettre, au lieu d'enregistrer du très exprès
commandement du Roi, formule usitée pour exprimer le devoir de l'obéissance, si elles
entreprenaient d'anéantir par leur seul effort des lois enregistrées solennellement, si enfin,
lorsque mon autorité a été forcée de se déployer dans toute son étendue, elles osaient encore
lutter en quelque sorte contre elle, par des arrêts de défense, par des oppositions suspensives
ou par des voies irrégulières de cessations de service ou de démissions, la confusion et
l'anarchie prendraient la place de l'ordre légitime, et le spectacle scandaleux d'une
contradiction rivale de ma puissance souveraine me réduirait à la triste nécessité d'employer
tout le pouvoir que j'ai reçu de Dieu pour préserver mes peuples des suites funestes de ces
entreprises.
Que les officiers de mes cours pèsent donc avec attention ce que ma bonté veut bien encore
leur rappeler ; que, n'écoutant que leurs propres sentiments, ils fassent disparaître toutes vues
d'association, tous systèmes nouveaux et toutes ces expressions inventées pour accréditer les
idées les plus fausses et les plus dangereuses ; que, dans leurs arrêts et leurs remontrances, ils
se renferment dans les bornes de la raison et du respect qui m'est dû ; que leurs délibérations
demeurent secrètes et qu'ils sentent combien il est indécent et indigne de leur caractère de se
répandre en invectives contre les membres de mon conseil que j'ai chargés de mes ordres et
qui ont si dignement répondu à ma confiance ; je ne permettrai pas qu'il soit donné la moindre
atteinte aux principes consignés dans cette réponse. Je compterais les trouver dans mon
parlement de Paris, s'ils pouvaient être méconnus dans les autres ; qu'il n'oublie jamais ce qu'il
a fait tant de fois pour les maintenir dans toute leur pureté et que la cour de Paris doit montrer
l'exemple aux autres cours du Royaume. »
Document 2 : Convocation des États généraux du 14 janvier 1789.
« De par le Roi,
Notre aimé et frère
Nous avons besoin du concours de nos fidèles sujets pour Nous aider à surmonter toutes les
difficultés où Nous Nous trouvons relativement à l'état de Nos finances, et pour établir,
suivant nos vœux, un ordre constant et invariable dans toutes les parties du gouvernement qui
intéressent le bonheur de nos sujets et la prospérité de Notre royaume. Ces grands motifs
Nous ont déterminé à convoquer l'Assemblée des États de toutes les provinces de notre
obéissance, tant pour Nous conseiller et Nous assister dans toutes les choses qui seront mises
sous nos yeux, que pour Nous faire connaître les souhaits et doléances de nos peuples, de
54
manière que par une mutuelle confiance et par un amour réciproque entre le souverain et ses
sujets, il soit apporté le plus promptement possible un remède efficace aux maux de l'État, que
les abus de tous genre soient réformés et prévenus par de bons et solides moyens qui assurent
la félicité publique et qui nous rendent à Nous particulièrement, le calme et la tranquillité dont
Nous sommes privés depuis si longtemps.
Donné à Versailles, le 14 janvier 1789. »
L’ouverture des États généraux
Document 3 : Serment du Jeu de paume
« L’Assemblée nationale, considérant qu’appelée à fixer la constitution du royaume, opérer la
régénération de l’ordre public et maintenir les vrais principes de la monarchie, rien ne peut
empêcher qu’elle continue ses délibérations dans quelque lieu qu’elle soit forcée de s’établir,
et qu’enfin, partout où ses membres sont réunis, là est l’Assemblée nationale ;
Arrête que tous les membres de cette assemblée prêteront, à l’instant, serment solennel de ne
jamais se séparer, et de se rassembler partout où les circonstances l’exigeront, jusqu’à ce que
la Constitution du royaume soit établie et affermie sur des fondements solides, et que ledit
serment étant prêté, tous les membres et chacun d’eux en particulier confirmeront, par leur
signature, cette résolution inébranlable.
Lecture faite de l’arrêté, M. le Président a demandé pour lui et pour ses secrétaires à prêter le
serment les premiers, ce qu’ils ont fait à l’instant ; ensuite l’assemblée a prêté le même
serment entre les mains de son Président. Et aussitôt l’appel des Bailliages, Sénéchaussées,
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Provinces et Villes a été fait suivant l’ordre alphabétique, et chacun des membres présents en
répondant à l’appel, s’est approché du Bureau et a signé.
M. le Président ayant rendu compte à l’assemblée que le Bureau de vérification avait été
unanimement d’avis de l’admission provisoire de douze députés de S. Domingue, l’assemblée
nationale a décidé que les dits députés seraient admis provisoirement, ce dont ils ont témoigné
leur vive reconnaissance ; en conséquence ils ont prêté le serment, et ont été admis à signer
l’arrêté.
Après les signatures données par les Députés, quelques uns de MM. les Députés, dont les
titres ne sont pas […] jugés, MM. les Suppléants se sont présentés, et ont demandé qu’il leur
fût permis d’adhérer à l’arrêté pris par l’assemblée, et à apposer leur signature, ce qui leur
ayant été accordé par l’assemblée, ils ont signé.
M. le Président a averti au nom de l’assemblée le comité concernant les subsistances de
l’assemblée chez demain chez l’ancien des membres qui le composent. L’assemblée a arrêté
que le procès verbal de ce jour sera imprimé par l’imprimeur de l’assemblée nationale.
La séance a été continuée à Lundi vingt-deux de ce mois en la salle et à l’heure ordinaires ;
M. le Président et ses Secrétaires ont signé. »
Document 4 : Déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen
Les Représentants du Peuple Français, constitués en Assemblée Nationale, considérant que
l'ignorance, l'oubli ou le mépris des droits de l'Homme sont les seules causes des malheurs
publics et de la corruption des Gouvernements, ont résolu d'exposer, dans une Déclaration
solennelle, les droits naturels, inaliénables et sacrés de l'Homme, afin que cette Déclaration,
constamment présente à tous les Membres du corps social, leur rappelle sans cesse leurs droits
et leurs devoirs ; afin que les actes du pouvoir législatif, et ceux du pouvoir exécutif, pouvant
être à chaque instant comparés avec le but de toute institution politique, en soient plus
respectés; afin que les réclamations des citoyens, fondées désormais sur des principes simples
et incontestables, tournent toujours au maintien de la Constitution et au bonheur de tous.
En conséquence, l'Assemblée Nationale reconnaît et déclare, en présence et sous les auspices
de l'Etre suprême, les droits suivants de l'Homme et du Citoyen.
Art. 1er. - Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits. Les distinctions
sociales ne peuvent être fondées que sur l'utilité commune.
Art. 2. - Le but de toute association politique est la conservation des droits naturels et
imprescriptibles de l'Homme. Ces droits sont la liberté, la propriété, la sûreté, et la résistance
à l'oppression.
Art. 3. - Le principe de toute Souveraineté réside essentiellement dans la Nation. Nul corps,
nul individu ne peut exercer d'autorité qui n'en émane expressément.
Art. 4. - La liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui : ainsi, l'exercice
des droits naturels de chaque homme n'a de bornes que celles qui assurent aux autres
Membres de la Société la jouissance de ces mêmes droits. Ces bornes ne peuvent être
déterminées que par la Loi.
Art. 5. - La Loi n'a le droit de défendre que les actions nuisibles à la Société. Tout ce qui n'est
pas défendu par la Loi ne peut être empêché, et nul ne peut être contraint à faire ce qu'elle
n'ordonne pas.
Art. 6. - La Loi est l'expression de la volonté générale. Tous les Citoyens ont droit de
concourir personnellement, ou par leurs Représentants, à sa formation. Elle doit être la même
pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse. Tous les Citoyens étant égaux à ses yeux
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sont également admissibles à toutes dignités, places et emplois publics, selon leur capacité, et
sans autre distinction que celle de leurs vertus et de leurs talents.
Art. 7. - Nul homme ne peut être accusé, arrêté ni détenu que dans les cas déterminés par la
Loi, et selon les formes qu'elle a prescrites. Ceux qui sollicitent, expédient, exécutent ou font
exécuter des ordres arbitraires, doivent être punis ; mais tout citoyen appelé ou saisi en vertu
de la Loi doit obéir à l'instant : il se rend coupable par la résistance.
Art. 8. - La Loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires, et nul ne
peut être puni qu'en vertu d'une Loi établie et promulguée antérieurement au délit, et
légalement appliquée.
Art. 9. - Tout homme étant présumé innocent jusqu'à ce qu'il ait été déclaré coupable, s'il est
jugé indispensable de l'arrêter, toute rigueur qui ne serait pas nécessaire pour s'assurer de sa
personne doit être sévèrement réprimée par la loi.
Art. 10. - Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur
manifestation ne trouble pas l'ordre public établi par la Loi.
Art. 11. - La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus
précieux de l'Homme : tout Citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à
répondre de l'abus de cette liberté dans les cas déterminés par la Loi.
Art. 12. - La garantie des droits de l'Homme et du Citoyen nécessite une force publique : cette
force est donc instituée pour l'avantage de tous, et non pour l'utilité particulière de ceux
auxquels elle est confiée.
Art. 13. - Pour l'entretien de la force publique, et pour les dépenses d'administration, une
contribution commune est indispensable : elle doit être également répartie entre tous les
citoyens, en raison de leurs facultés.
Art. 14. - Tous les citoyens ont le droit de constater, par eux-mêmes ou par leurs
représentants, la nécessité de la contribution publique, de la consentir librement, d'en suivre
l'emploi, et d'en déterminer la quotité, l'assiette, le recouvrement et la durée.
Art. 15. - La Société a le droit de demander compte à tout Agent public de son administration.
Art. 16. - Toute Société dans laquelle la garantie des Droits n'est pas assurée, ni la séparation
des Pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution.
Art. 17. - La propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé, si ce n'est
lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l'exige évidemment, et sous la condition
d'une juste et préalable indemnité.
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Document 5 : Serment de Napoléon 1er prononcé à Notre-Dame de Paris le 18 mai 1804.
« Je jure de maintenir l'intégrité du territoire de la République ; de respecter et de faire
respecter les lois du concordat et la liberté des cultes ; de respecter et faire respecter l'égalité
des droits, la liberté politique et civile, l'irrévocabilité des ventes des biens nationaux ; de ne
lever aucun impôt, de n'établir aucune taxe qu'en vertu de la loi ; de maintenir l'institution de
la légion d'honneur ; de gouverner dans la seule vue de l'intérêt, du bonheur et de la gloire du
peuple français. »
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Séance 8 : De la Restauration au Second Empire
Table des documents :
Document 1 :
Décret du 5 mars 1848.
Document 2 :
Constitution du 4 novembre 1848.
Travail :
Vous commenterez l’article 24 de la Constitution du 4 novembre 1848
A consulter :
- Charte constitutionnelle du 4 juin 1814.
- Charte constitutionnelle du 14 août 1830.
- Adresse au roi du 18 mars 1830 (dite Adresse des 221), la dissolution de l’Assemblée le 18
mars 1830, les ordonnances de Saint-Cloud du 26 juillet 1830.
- Sénatus-consulte du 7 novembre 1852.
- Sénatus-consulte du 21 mai 1870
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Documents :
Document 1 : Décret du 5 mars 1848
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Document 2 : Constitution du 4 novembre 1848
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS, L'ASSEMBLEE NATIONALE a adopté, et,
conformément à l'article 6 du décret du 28 octobre 1848, le Président de l'Assemblée
nationale promulgue la CONSTITUTION dont la teneur suit :
Préambule
En présence de Dieu et au nom du Peuple français, l'Assemblée nationale proclame :
I. - La France s'est constituée en République. En adoptant cette forme définitive de
gouvernement, elle s'est proposée pour but de marcher plus librement dans la voie du progrès
et de la civilisation, d'assurer une répartition de plus en plus équitable des charges et des
avantages de la société, d'augmenter l'aisance de chacun par la réduction graduée des
dépenses publiques et des impôts, et de faire parvenir tous les citoyens, sans nouvelle
commotion, par l'action successive et constante des institutions et des lois, à un degré toujours
plus élevé de moralité, de lumières et de bien-être.
II. - La République française est démocratique, une et indivisible.
III. - Elle reconnaît des droits et des devoirs antérieurs et supérieurs aux lois positives.
IV. - Elle a pour principe la Liberté, l'Egalité et la Fraternité. Elle a pour base la Famille, le
Travail, la Propriété, l'Ordre public.
V. - Elle respecte les nationalités étrangères, comme elle entend faire respecter la sienne ;
n'entreprend aucune guerre dans des vues de conquête, et n'emploie jamais ses forces contre la
liberté d'aucun peuple.
VI. - Des devoirs réciproques obligent les citoyens envers la République, et la République
envers les citoyens.
VII. - Les citoyens doivent aimer la Patrie, servir la République, la défendre au prix de leur
vie, participer aux charges de l'Etat en proportion de leur fortune ; ils doivent s'assurer, par le
travail, des moyens d'existence, et, par la prévoyance, des ressources pour l'avenir ; ils doivent
concourir au bien-être commun en s'entraidant fraternellement les uns les autres, et à l'ordre
général en observant les lois morales et les lois écrites qui régissent la société, la famille et
l'individu.
VIII. - La République doit protéger le citoyen dans sa personne, sa famille, sa religion, sa
propriété, son travail, et mettre à la portée de chacun l'instruction indispensable à tous les
hommes ; elle doit, par une assistance fraternelle, assurer l'existence des citoyens nécessiteux,
soit en leur procurant du travail dans les limites de ses ressources, soit en donnant, à défaut de
la famille, des secours à ceux qui sont hors d'état de travailler. - En vue de l'accomplissement
de tous ces devoirs, et pour la garantie de tous ces droits, l'Assemblée nationale, fidèle aux
traditions des grandes Assemblées qui ont inauguré la Révolution française, décrète, ainsi
qu'il suit, la Constitution de la République.
Constitution
CHAPITRE PREMIER - DE LA SOUVERAINETÉ
Article 1. - La souveraineté réside dans l'universalité des citoyens français. - Elle est
inaliénable et imprescriptible. - Aucun individu, aucune fraction du peuple ne peut s'en
attribuer l'exercice.
CHAPITRE II - DROITS DES CITOYENS GARANTIS PAR LA CONSTITUTION
Article 2. - Nul ne peut être arrêté ou détenu que suivant les prescriptions de la loi.
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Article 3. - La demeure de toute personne habitant le territoire français est inviolable ; il n'est
permis d'y pénétrer que selon les formes et dans les cas prévus par la loi.
Article 4. - Nul ne sera distrait de ses juges naturels. - Il ne pourra être créé de commissions et
de tribunaux extraordinaires, à quelque titre et sous quelque dénomination que ce soit.
Article 5. - La peine de mort est abolie en matière politique.
Article 6. - L'esclavage ne peut exister sur aucune terre française.
Article 7. - Chacun professe librement sa religion, et reçoit de l'Etat, pour l'exercice de son
culte, une égale protection. - Les ministres, soit des cultes actuellement reconnus par la loi,
soit de ceux qui seraient reconnus à l'avenir, ont le droit de recevoir un traitement de l'Etat.
Article 8. - Les citoyens ont le droit de s'associer, de s'assembler paisiblement et sans armes,
de pétitionner, de manifester leurs pensées par la voie de la presse ou autrement. - L'exercice
de ces droits n'a pour limites que les droits ou la liberté d'autrui et la sécurité publique. - La
presse ne peut, en aucun cas, être soumise à la censure.
Article 9. - L'enseignement est libre. - La liberté d'enseignement s'exerce selon les conditions
de capacité et de moralité déterminées par les lois, et sous la surveillance de l'Etat. - Cette
surveillance s'étend à tous les établissements d'éducation et d'enseignement, sans aucune
exception.
Article 10. - Tous les citoyens sont également admissibles à tous les emplois publics, sans
autre motif de préférence que leur mérite, et suivant les conditions qui seront fixées par les
lois. - Sont abolis à toujours tout titre nobiliaire, toute distinction de naissance, de classe ou de
caste.
Article 11. - Toutes les propriétés sont inviolables. Néanmoins l'Etat peut exiger le sacrifice
d'une propriété pour cause d'utilité publique légalement constatée, et moyennant une juste et
préalable indemnité.
Article 12. - La confiscation des biens ne pourra jamais être rétablie.
Article 13. - La Constitution garantit aux citoyens la liberté du travail et de l'industrie. La
société favorise et encourage le développement du travail par l'enseignement primaire gratuit,
l'éducation professionnelle, l'égalité de rapports, entre le patron et l'ouvrier, les institutions de
prévoyance et de crédit, les institutions agricoles, les associations volontaires, et
l'établissement, par l'Etat, les départements et les communes, de travaux publics propres à
employer les bras inoccupés ; elle fournit l'assistance aux enfants abandonnés, aux infirmes et
aux vieillards sans ressources, et que leurs familles ne peuvent secourir.
Article 14. - La dette publique est garantie. - Toute espèce d'engagement pris par l'Etat avec
ses créanciers est inviolable.
Article 15. - Tout impôt est établi pour l'utilité commune. - Chacun y contribue en proportion
de ses facultés et de sa fortune.
Article 16. - Aucun impôt ne peut être établi ni perçu qu'en vertu de la loi.
Article 17. - L'impôt direct n'est consenti que pour un an. - Les impositions indirectes peuvent
être consenties pour plusieurs années.
CHAPITRE III - DES POUVOIRS PUBLICS
Article 18. - Tous les pouvoirs publics, quels qu'ils soient, émanent du peuple. - Ils ne peuvent
être délégués héréditairement.
Article 19. - La séparation des pouvoirs est la première condition d'un gouvernement libre.
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CHAPITRE IV - DU POUVOIR LÉGISLATIF
Article 20. - Le peuple français délègue le pouvoir législatif à une Assemblée unique.
Article 21. - Le nombre total des représentants du peuple sera de sept cent cinquante, y
compris les représentants de l'Algérie et des colonies françaises.
Article 22. - Ce nombre s'élèvera à neuf cents pour les Assemblées qui seront appelées à
réviser la Constitution.
Article 23. - L'élection a pour base la population.
Article 24. - Le suffrage est direct et universel. Le scrutin est secret.
Article 25. - Sont électeurs, sans condition de cens, tous les Français âgés de vingt et un ans,
et jouissant de leurs droits civils et politiques.
Article 26. - Sont éligibles, sans condition de domicile, tous les électeurs âgés de vingt-cinq
ans.
Article 27. - La loi électorale déterminera les causes qui peuvent priver un citoyen français du
droit d'élire et d'être élu. - Elle désignera les citoyens qui, exerçant ou ayant exercé des
fonctions dans un département ou un ressort territorial, ne pourront y être élus.
Article 28. - Toute fonction publique rétribuée est incompatible avec le mandat de
représentant du peuple. - Aucun membre de l'Assemblée nationale ne peut, pendant la durée
de la législature, être nommé ou promu à des fonctions publiques salariées dont les titulaires
sont choisis à volonté par le pouvoir exécutif. - Les exceptions aux dispositions des deux
paragraphes précédents seront déterminés par la loi électorale organique.
Article 29. - Les dispositions de l'article précédent ne sont pas applicables aux assemblées
élues pour la révision de la Constitution.
Article 30. - L'élection des représentants se fera par département, et au scrutin de liste. - Les
électeurs voteront au chef-lieu du canton ; néanmoins, en raison des circonstances locales, le
canton pourra être divisé en plusieurs circonscriptions, dans la forme et aux conditions qui
seront déterminées par la loi électorale.
Article 31. - L'Assemblée nationale est élue pour trois ans, et se renouvelle intégralement. Quarante-cinq jours au plus tard avant la fin de la législature, une loi détermine l'époque des
nouvelles élections. - Si aucune loi n'est intervenue dans le délai fixé par le paragraphe
précédent, les électeurs se réunissent de plein droit le trentième jour qui précède la fin de la
législature. - La nouvelle Assemblée est convoquée de plein droit pour le lendemain du jour
où finit le mandat de l'Assemblée précédente.
Article 32. - Elle est permanente. - Néanmoins, elle peut s'ajourner à un terme qu'elle fixe. Pendant la durée de la prorogation, une commission, composée des membres du bureau et de
vingt-cinq représentants nommés par l'Assemblée au scrutin secret et à la majorité absolue, a
le droit de la convoquer en cas d'urgence. - Le président de la République a aussi le droit de
convoquer l'Assemblée. - L'Assemblée nationale détermine le lieu de ses séances. - Elle fixe
l'importance des forces militaires établies pour sa sûreté, et elle en dispose.
Article 33. - Les représentants sont toujours rééligibles.
Article 34. - Les membres de l'Assemblée nationale sont les représentants, non du
département qui les nomme, mais de la France entière.
Article 35. - Ils ne peuvent recevoir de mandat impératif.
[…]
63
CHAPITRE V - DU POUVOIR EXÉCUTIF
Article 43 - Le peuple français délègue le Pouvoir exécutif à un citoyen qui reçoit le titre de
président de la République.
Article 44. - Le président doit être né Français, âgé de trente ans au moins, et n'avoir jamais
perdu la qualité de Français.
Article 45. - Le président de la République est élu pour quatre ans, et n'est rééligible qu'après
un intervalle de quatre années. - Ne peuvent, non plus, être élus après lui, dans le même
intervalle, ni le vice-président, ni aucun des parents ou alliés du président jusqu'au sixième
degré inclusivement. […]
Article 48. - Avant d'entrer en fonctions, le président de la République prête au sein de
l'Assemblée nationale le serment dont la teneur suit : - En présence de Dieu et devant le
Peuple français, représenté par l'Assemblée nationale, je jure de rester fidèle à la République
démocratique, une et indivisible, et de remplir tous les devoirs que m'impose la Constitution.
[…]
64
Séance 9 : La Troisième République (I)
Table des documents :
Document 1 :
La proclamation de la République
Document 2 :
Loi du 31 août 1871, dite « constitution Rivet ».
Document 3 :
L’amendement déposé par Henri Wallon.
Document 4 :
Lois constitutionnelles des 24, 25 février et 16 juillet 1875.
Document 5 :
Lettre du maréchal de Mac-Mahon à Jules Simon, 16 mai 1877.
Document 6 :
Intervention de Léon Gambetta à la Chambre des députés, 17 mai 1877.
Document 7 :
Message de Mac-Mahon aux chambres du 18 mai 1877.
Document 8 :
Discours de Gambetta à Lille, 15 août 1877.
Document 9 :
Message de Mac-Mahon aux chambres du 14 décembre 1877.
Document 10 :
Message du président Grévy au Parlement, 6 février 1879 (la
Constitution Grévy).
Travail :
Vous commenterez la Constitution Grévy
A consulter :
- La chronologie de la IIIème République
- Défense de l’amendement Wallon par le député Dufaure le 2 février 1875.
- La page du site de l’Assemblée nationale dédiée à l’amendement Wallon disponible sur le
http://www.assemblee-nationale.fr/histoire/amendement_wallon_1875.asp/.
- Appel à la révision constitutionnelle de Gaston Doumergue, président du Conseil, 24
septembre 1934, in Doumergue (G.), Discours à la nation française, Denoël, 1934, pp. 102 et
s
65
Documents :
Document 1 : La proclamation de la République
Document 2 : Loi du 31 août 1871, dite « constitution Rivet ».
L'Assemblée nationale,
Considérant qu'elle a le droit d'user du pouvoir constituant, attribut essentiel de la
souveraineté dont elle est investie, et que les devoirs impérieux que tout d'abord elle a dû
s'imposer, et qui sont encore loin d'être accomplis, l'ont seuls empêchée jusqu'ici d'user de ce
pouvoir ;
Considérant que, jusqu'à l'établissement des institutions définitives du pays, il importe aux
besoins du travail, aux intérêts du commerce, au développement de l'industrie, que nos
institutions provisoires prennent, aux yeux de tous, sinon cette stabilité qui est l'oeuvre du
temps, du moins celle que peuvent assurer l'accord des volontés et l'apaisement des partis ;
Considérant qu'un nouveau titre, une appellation plus précise, sans rien changer au fond des
choses, peut avoir cet effet de mettre mieux en évidence l'intention de l'Assemblée de
continuer franchement l'essai loyal commencé à Bordeaux ;
Que la prorogation des fonctions conférées au chef du pouvoir exécutif, limitée désormais à la
durée des travaux de l'Assemblée, dégage ces fonctions de ce qu'elles semblent avoir
d'instable et de précaire, sans que les droits souverains de l'Assemblée en souffrent la moindre
atteinte, puisque dans tous les cas la décision suprême appartient à l'Assemblée, et qu'un
ensemble de garanties nouvelles vient assurer le maintien de ces principes parlementaires,
tout à la fois la sauvegarde et l'honneur du pays ;
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Prenant, d'ailleurs, en considération les services éminents rendus au pays par M. Thiers depuis
six mois et les garanties que présente la durée du pouvoir qu'il tient de l'Assemblée ;
Décrète :
Article premier
Le chef du pouvoir exécutif prendra le titre de président de la République française, et
continuera d'exercer, sous l'autorité de l'Assemblée nationale, tant qu'elle n'aura pas terminé
ses travaux, les fonctions qui lui ont été déléguées par décret du 17 février 1871.
Article 2
Le président de la République promulgue les lois dès qu'elles lui sont transmises par le
président de l'Assemblée nationale. Il assure et surveille l'exécution des lois.
Il réside au lieu où siège l'Assemblée.
Il est entendu par l'Assemblée nationale toutes les fois qu'il le croit nécessaire, et après avoir
informé de son intention le président de l'Assemblée.
Il nomme et révoque les ministres. Le conseil des ministres et les ministres sont responsables
devant l'Assemblée. Chacun des actes du président de la République doit être contresigné par
un ministre.
Article 3
Le président de la République est responsable devant l'Assemblée.
Document 3 : Amendement « Wallon »
« Le président de la République est élu à la majorité des suffrages par le Sénat et la Chambre
des députés réunis en Assemblée nationale.Il est nommé pour sept ans. Il est rééligible ».
Document 4 : Lois constitutionnelles des 24, 25 février et 16 juillet 1875
Loi du 25 février 1875 relative à l'organisation des pouvoirs
Article 1. - Le pouvoir législatif s'exerce par deux assemblées : la Chambre des députés et le
Sénat. - La Chambre des Députés est nommée par le suffrage universel, dans les conditions
déterminées par la loi électorale. - La composition, le mode de nomination et les attributions
du Sénat seront réglés par une loi spéciale.
Article 2. - Le Président de la République est élu à la majorité absolue des suffrages par le
Sénat et par la Chambre des députés réunis en Assemblée nationale. Il est nommé pour sept
ans. Il est rééligible.
Article 3. - Le président de la République a l'initiative des lois, concurremment avec les
membres des deux chambres. Il promulgue les lois lorsqu'elles ont été votées par les deux
chambres ; il en surveille et en assure l'exécution. - Il a le droit de faire grâce ; les amnisties
ne peuvent être accordées que par une loi. - Il dispose de la force armée. - Il nomme à tous les
emplois civils et militaires. - Il préside aux solennités nationales ; les envoyés et les
ambassadeurs des puissances étrangères sont accrédités auprès de lui. - Chacun des actes du
président de la République doit être contresigné par un ministre.
Article 4. - Au fur et à mesure des vacances qui se produiront à partir de la promulgation de la
présente loi, le président de la République nomme, en Conseil des ministres, les conseillers
d'Etat en service ordinaire. - Les conseillers d'Etat ainsi nommés ne pourront être révoqués
que par décret rendu en Conseil des ministres. - Les conseillers d'Etat nommés en vertu de la
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loi du 24 mai 1872 ne pourront, jusqu'à l'expiration de leurs pouvoirs, être révoqués que dans
la forme déterminée par cette loi. - Après la séparation de l'Assemblée nationale, la révocation
ne pourra être prononcée que par une résolution du Sénat.
Article 5. - Le Président de la République peut, sur l'avis conforme du Sénat, dissoudre la
Chambre des députés avant l'expiration légale de son mandat. - En ce cas, les collèges
électoraux sont convoqués pour de nouvelles élections dans le délai de trois mois.
Article 6. - Les ministres sont solidairement responsables devant les chambres de la politique
générale du Gouvernement, et individuellement de leurs actes personnels. - Le Président de la
République n'est responsable que dans le cas de haute trahison.
Article 7. - En cas de vacance par décès ou pour toute autre cause, les deux chambres
procèdent immédiatement à l'élection d'un nouveau Président. - Dans l'intervalle, le Conseil
des ministres est investi du pouvoir exécutif.
Article 8. - Les chambres auront le droit, par délibérations séparées prises dans chacune à la
majorité absolue des voix, soit spontanément, soit sur la demande du Président de la
République, de déclarer qu'il y a lieu de réviser les lois constitutionnelles. - Après que
chacune des deux chambres aura pris cette résolution, elles se réuniront en Assemblée
nationale pour procéder à la révision. - Les délibérations portant révision des lois
constitutionnelles, en tout ou en partie, devront être prises à la majorité absolue des membres
composant l'Assemblée nationale. - Toutefois, pendant la durée des pouvoirs conférés par la
loi du 20 novembre 1873 à M. le maréchal de Mac-Mahon, cette révision ne peut avoir lieu
que sur proposition du Président de la République.
Article 9. - Le siège du pouvoir exécutif et des deux chambres est à Versailles.
Loi du 24 février 1875 relative à l'organisation du Sénat
Article 1. - Le Sénat se compose de trois cents membres : deux cent vingt-cinq élus par les
départements et les colonies, et soixante-quinze élus par l'Assemblée nationale.
Article 2. - Les départements de la Seine et du Nord éliront chacun cinq sénateurs ; - Les
départements de la Seine-Inférieure, Pas-de-Calais, Gironde, Rhône, Finistère, Côtes-duNord, chacun quatre sénateurs ; - La Loire-Inférieure, Saône-et-Loire, Ille-et-Vilaine, Seineet-Oise, Isère, Puy-de-Dôme, Somme, Bouches-du-Rhône, Aisne, Loire, Manche, Maine-etLoire, Morbihan, Dordogne, Haute-Garonne, Charente-Inférieure, Calvados, Sarthe, Hérault,
Basses-Pyrénées, Gard, Aveyron, Vendée, Orne, Oise, Vosges, Allier, chacun trois sénateurs ;
- Tous les autres départements, chacun deux sénateurs. - Le territoire de Belfort, les trois
départements de l'Algérie, les quatre colonies de la Martinique, de la Guadeloupe, de la
Réunion et des Indes françaises éliront chacun un sénateur.
Article 3. - Nul ne peut être sénateur s'il n'est Français, âgé de quarante ans au moins et s'il ne
jouit de ses droits civils et politiques.
Article 4. - Les sénateurs des départements et des colonies sont élus à la majorité absolue, et,
quand il y a lieu, au scrutin de liste, par un collège réuni au chef-lieu du département ou de la
colonie, et composé : 1° des députés ; 2° des conseillers généraux ; 3° des conseillers
d'arrondissement ; 4° des délégués élus, un par chaque conseil municipal, parmi les électeurs
de la commune. - Dans l'Inde française, les membres du Conseil colonial ou des conseils
locaux sont substitués aux conseillers généraux, aux conseillers d'arrondissement et aux
délégués des conseils municipaux. - Ils votent au chef-lieu de chaque établissement.
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Article 5. - Les sénateurs nommés par l'Assemblée sont élus au scrutin de liste et à la majorité
absolue des suffrages.
Article 6. - Les sénateurs des départements et des colonies sont élus pour neuf années et
renouvelables par tiers, tous les trois ans. - Au début de la première session, les départements
seront divisés en trois séries, contenant chacune un égal nombre de sénateurs. Il sera procédé,
par la voie du tirage au sort, à la désignation des séries qui devront être renouvelées à
l'expiration de la première et de la deuxième période triennale.
Article 7. - Les sénateurs élus par l'Assemblée sont inamovibles. - En cas de vacance par
décès, démission ou autre cause, il sera, dans les deux mois, pourvu au remplacement par le
Sénat lui-même.
Article 8. - Le Sénat a, concurremment avec la Chambre des députés, l'initiative et la
confection des lois. - Toutefois, les lois de finances doivent être, en premier lieu, déposées à
la Chambre des députés et votées par elle.
Article 9. - Le Sénat peut être constitué en Cour de justice pour juger, soit le Président de la
République, soit les ministres, et pour connaître des attentats commis contre la sûreté de
l'Etat.
Article 10. - Il sera procédé à l'élection du Sénat un mois avant l'époque fixée par l'Assemblée
nationale pour sa séparation. - Le Sénat entrera en fonctions et se constituera le jour même où
l'Assemblée nationale se séparera.
Article 11. - La présente loi ne pourra être promulguée qu'après le vote définitif de la loi sur
les pouvoirs publics.
Loi constitutionnelle du 16 juillet 1875 sur les rapports des pouvoirs publics
Article 1. - Le Sénat et la Chambre des députés se réunissent chaque année le second mardi de
janvier, à moins d'une convocation antérieure faite par le Président de la République. - Les
deux chambres doivent être réunies en session cinq mois au moins chaque année. La session
de l'une commence et finit en même temps que celle de l'autre. - Le dimanche qui suivra la
rentrée, des prières publiques seront adressées à Dieu dans les églises et dans les temples pour
appeler son secours sur les travaux des assemblées.
Article 2. - Le Président de la République prononce la clôture de la session. Il a le droit de
convoquer extraordinairement les chambres. Il devra les convoquer si la demande en est faite,
dans l'intervalle des sessions, par la majorité absolue des membres composant chaque
chambre. - Le Président peut ajourner les chambres. Toutefois, l'ajournement ne peut excéder
le terme d'un mois ni avoir lieu plus de deux fois dans la même session.
Article 3. - Un mois avant le terme légal des pouvoirs du Président de la République, les
chambres devront être réunies en Assemblée nationale pour procéder à l'élection du nouveau
Président. - A défaut de convocation, cette réunion aurait lieu de plein droit le quinzième jour
avant l'expiration de ces pouvoirs. - En cas de décès ou de démission du Président de la
République, les deux chambres se réunissent immédiatement et de plein droit. - Dans le cas
où, par application de l'article 5 de la loi du 25 février 1875, la Chambre des députés se
trouverait dissoute au moment où la présidence de la République deviendrait vacante, les
collèges électoraux seraient convoqués, et le Sénat se réunirait de plein droit.
Article 4. - Toute assemblée de l'une des deux chambres qui serait tenue hors du temps de la
session commune est illicite et nulle de plein droit, sauf le cas prévu par l'article précédent et
celui où le Sénat est réuni comme Cour de justice ; et, dans ce dernier cas, il ne peut exercer
que des fonctions judiciaires.
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Article 5. - Les séances du Sénat et celles de la Chambre des députés sont publiques. Néanmoins, chaque chambre peut se former en comité secret, sur la demande d'un certain
nombre de ses membres, fixé par le règlement. - Elle décide ensuite, à la majorité absolue, si
la séance doit être reprise en public sur le même sujet.
Article 6. - Le Président de la République communique avec les chambres par des messages
qui sont lus à la tribune par un ministre. - Les ministres ont leur entrée dans les deux
chambres et doivent être entendus quand ils le demandent. Ils peuvent se faire assister par des
commissaires désignés, pour la discussion d'un projet de loi déterminé, par décret du
Président de la République.
Article 7. - Le Président de la République promulgue les lois dans le mois qui suit la
transmission au Gouvernement de la loi définitivement adoptée. Il doit promulguer dans les
trois jours les lois dont la promulgation, par un vote exprès de l'une et l'autre chambres, aura
été déclarée urgente. - Dans le délai fixé par la promulgation, le Président de la République
peut, par un message motivé, demander aux deux chambres une nouvelle délibération qui ne
peut être refusée.
Article 8. - Le Président de la République négocie et ratifie les traités. Il en donne
connaissance aux Chambres aussitôt que l'intérêt et la sûreté de l'Etat le permettent. - Les
traités de paix, de commerce, les traités qui engagent les finances de l'Etat, ceux qui sont
relatifs à l'état des personnes et au droit de propriété des Français à l'étranger, ne sont
définitifs qu'après avoir été votés par les deux chambres. Nulle cession, nul échange, nulle
adjonction de territoire ne peut avoir lieu qu'en vertu d'une loi.
Article 9. - Le Président de la République ne peut déclarer la guerre sans l'assentiment
préalable des deux chambres.
Article 10. - Chacune des chambres est juge de l'éligibilité de ses membres et de la régularité
de l'élection ; elle peut, seule, recevoir leur démission.
Article 11. - Le bureau de chacune des deux chambres est élu chaque année pour la durée de
la session, et pour toute session extraordinaire qui aurait lieu avant la session ordinaire de
l'année suivante. - Lorsque les deux chambres se réunissent en Assemblée nationale, leur
bureau se compose du président, des vice-présidents et secrétaires du Sénat.
Article 12. - Le Président de la République ne peut être mis en accusation que par la Chambre
des députés, et ne peut être jugé que par le Sénat. - Les ministres peuvent être mis en
accusation par la Chambre des députés pour crimes commis dans l'exercice de leurs fonctions.
En ce cas, ils sont jugés par le Sénat. - Le Sénat peut être constitué en Cour de justice par un
décret du Président de la République, rendu en Conseil des ministres, pour juger toute
personne prévenue d'attentat contre la sûreté de l'Etat. - Si l'instruction est commencée par la
justice ordinaire, le décret de convocation du Sénat peut être rendu jusqu'à l'arrêt de renvoi. Une loi déterminera le mode de procéder pour l'accusation, l'instruction et le jugement.
Article 13. - Aucun membre de l'une ou de l'autre chambre ne peut être poursuivi ou
recherché à l'occasion des opinions ou votes émis par lui dans l'exercice de ses fonctions.
Article 14. - Aucun membre de l'une ou de l'autre chambre ne peut, pendant la durée de la
session, être poursuivi ou arrêté en matière criminelle ou correctionnelle qu'avec l'autorisation
de la chambre dont il fait partie, sauf le cas de flagrant délit. - La détention ou la poursuite
d'un membre de l'une ou de l'autre chambre est suspendue pendant la session, et pour toute sa
durée, si la chambre le requiert.
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Document 5 : Lettre de Mac-Mahon à Jules Simon, 16 mai 1877.
« Monsieur le Président du Conseil,
Je viens de lire dans le Journal Officiel le compte rendu de la séance d’hier.
J’ai vu avec surprise que ni vous ni le garde des Sceaux n’aviez fait valoir à la tribune toutes
les graves raisons qui auraient pu prévenir l’abrogation d’une loi sur la presse votée il y a
moins de deux ans, sur les propositions de Monsieur Dufaure et dont tout récemment vous
demandiez vous même l’application aux tribunaux ; et cependant dans plusieurs délibérations
du Conseil et dans celle d’hier matin même, il avait été décidé que le président du Conseil et
le garde des Sceaux se chargeraient de la combattre.
Déjà on avait pu s’étonner que la Chambre des députes, dans ses dernières séances, eût
discuté toute une loi municipale, adopté même une disposition dont au Conseil des ministres
vous avez vous-même reconnu tout le danger, comme la publicité des délibérations des
conseils municipaux, sans que le ministre de l’intérieur eût pris part à la discussion.
Cette attitude du Chef du Cabinet fait demander s’il a conservé sur la Chambre l’influence
nécessaire pour faire prévaloir ses vues. Une explication à cet égard est indispensable car, si
je ne suis pas responsable comme vous envers le parlement, j’ai une responsabilité envers la
France, dont aujourd’hui plus que jamais je dois me préoccuper.
Agréez, Monsieur le Président du Conseil, l’assurance de ma plus haute considération.
Le Président de la République, Maréchal de Mac-Mahon »
Document 6 : Intervention de Léon Gambetta à la Chambre des députés, 17 mai 1877.
Extraits cités in Assemblée nationale, Histoire de l’Assemblée nationale et disponible sur
le http://www.assemblee-nationale.fr/histoire/histoire-1870.asp/.
« Eh bien, messieurs, que venons-nous faire aujourd'hui à cette tribune ? Nous venons
demander à la Chambre de s'élever au-dessus des premiers sentiments que font naître dans les
esprits les brusques incidents de la vie politique. Ne jugeons pas ce qui s'est fait hier, ce qui
figure aujourd'hui au Journal officiel, avec les premières impressions de la spontanéité. Non !
il faut savoir aller au fond des choses. Messieurs, vous pouvez très bien, vous devez
loyalement, sincèrement, en restant des serviteurs dévoués et pacifiques du pays, dire au
Président de la République : On vous a conseillé une mauvaise politique, et nous, nous qui ne
sollicitons en aucune manière de nous asseoir dans vos conseil s, nous venons vous conjurer
de rentrer dans la vérité constitutionnelle, car, cette vérité constitutionnelle, elle est à la fois
notre protection et la vôtre ! (Nouveaux et vifs applaudissements au centre et à gauche.)
Et en effet, qu'est-ce que nous venons demander ? Que la Constitution soit une réalité ; que le
gouvernement du pays par le pays, ce gouvernement pour lequel la nation française combat
depuis bientôt quatre-vingt dix ans, soit loyalement et réellement pratiqué. Et nous disons à
M. le Président de la République : Non ! elle n'est pas vraie, elle n'est pas vraie, cette phrase
que vous ont suggérée des conseillers bien connus, et dans laquelle vous prétendez que vous
auriez une responsabilité en dehors de votre responsabilité légale, une responsabilité au
dessus de la responsabilité du Parlement, au-dessus de la, responsabilité de vos ministres, audessus de la responsabilité qui vous est départie et qui est déterminée, limitée par la
Constitution ! (Vive approbation à gauche.) Ce sont ces conseillers qui vous engagent, qui
vous précipitent dans la voie fatale, en étendant votre responsabilité au-delà des limites
protectrices que lui assigne la Constitution du 25 février 1875 ; ce sont eux qui sont vos
véritables ennemis et qui vous mènent à votre perte
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[…] Messieurs, il faut en finir avec cette situation, et il vous appartient d'y mettre un terme
par une attitude à la fois virile et modérée. Demandez, la Constitution à la main, le pays
derrière vous, demandez qu'on dise enfin si l'on veut gouverner avec le parti républicain dans
toutes ses nuances, ou si, au contraire, en rappelant des hommes repoussés trois ou quatre fois
par le suffrage populaire, on prétend imposer à ce pays une dissolution qui entraînerait une
consultation nouvelle de la France ! Je vous le dis, quant à moi, mon choix est fait, et le choix
de la France est fait aussi ; si, l'on se prononçait pour la dissolution, nous retournerions avec
certitude et confiance devant le pays qui nous connaît, qui nous apprécie, qui sait que ce n'est
pas nous qui troublons la paix au dedans, ni qui compromettons la paix au dehors. Je !e
répète, le pays sait que ce n'est pas nous ; et si une dissolution intervient, une dissolution que
vous aurez machinée, que vous aurez provoquée, prenez garde qu'il ne s'irrite contre eux qui
le fatiguent et l'obsèdent ! Prenez garde que, derrière des calculs de dissolution, il ne cherche
d'autres calculs et ne dise : La dissolution, c'est la préface de la guerre ! Criminels seraient
ceux qui la poursuivent dans cet esprit !
[…] Messieurs, voici l'ordre du jour qui a été délibéré par la représentation parlementaire de
tous les groupes de cette Chambre qui forment la majorité républicaine
« La Chambre,
« Considérant qu'il lui importe dans la crise actuelle et pour remplir le mandat qu'elle a reçu
du pays,, de rappeler que la prépondérance du pouvoir parlementaire, s’exerçant par la
responsabilité ministérielle, est la première condition du gouvernement du pays par le pays,
que les lois constitutionnelles ont eu pour but d'établir ;
Déclare que la confiance de la majorité ne saurait être acquise qu'à un cabinet libre de son
action et résolu à gouverner suivant les principes républicains qui peuvent seuls garantir
l'ordre et la prospérité au dedans et la paix en dehors,
« Et passe à l'ordre du jour. »
(Le scrutin est ouvert et les votes sont recueillis.)
M. le président. Voici le résultat du scrutin.
Nombre de votants........... 496
Majorité absolue.............. 249
Pour l'adoption.............................. 347
Contre ........................................ 149
Document 7 : Message de Mac-Mahon aux chambres du 18 mai 1877
« Messieurs les sénateurs, Messieurs les députés,
J’ai du me séparer du ministère que présidait M. Jules Simon et en former un nouveau. Je dois
vous faire l’exposé sincère des motifs qui m’ont amené à prendre cette décision.
Vous savez tous avec quel scrupule, depuis le 25 février 1875, jour où l’assemblée nationale a
donné à la France une constitution républicaine, j’ai observé, dans l’exercice du pouvoir qui
m’est confié, toutes les prescriptions de cette loi fondamentale.
Avec les élections de l’année dernière, j’ai voulu choisir pour ministres des hommes que je
supposais être en accord de sentiments avec la majorité de la Chambre des Députes. J’ai
formé, dans cette pensée, successivement deux ministères. Le premier avait à sa tête M.
Dufaure, vétéran de nos assemblées politiques, l’un des auteurs de la Constitution, aussi
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estimé pour la loyauté de son caractère qu’illustre par son éloquence. M. Jules Simon, qui a
présidé le second, attaché de tout temps à la forme républicaine, voulait, comme M. Dufaure,
la concilier avec tous les principes conservateurs.
Malgré le concours loyal que je leur ai prêté, ni l’un ni l’autre de ces ministères n’a pu réunir
dans la Chambre des députes, une majorité solide acquise à ses propres idées. M. Dufaure a
vainement essayé l’année dernière, dans la discussion du budget, de prévenir des innovations
qu’il regardait justement comme très fâcheuses. Le même échec était réservé au Président du
dernier cabinet sur des points de législation très graves au sujet desquels il était tombé
d’accord avec moi qu’aucune modification ne devait être admise.
Après ces deux tentatives, également dénuées de succès, je ne pourrais faire un pas de plus
dans la même voie sans faire appel ou demander appui à une autre fraction du parti
républicain, celle qui croit que la République ne peut s’affermir sans avoir pour complément
et pour conséquence la modification radicale de toutes nos grandes institutions
administratives, judiciaires, financières et militaires.
Ce programme est bien connu, ceux qui le professent sont d’accord sur tout ce qu’il contient.
Ils ne diffèrent entre eux que sur les moyens à employer et le temps opportun pour
l’appliquer.
Ni ma conscience, ni mon patriotisme ne me permettent de m’associer, même de loin et pour
l’avenir, au triomphe de ces idées. Je ne les crois opportunes ni pour aujourd’hui ni pour
demain. A quelque époque qu’elles dussent prévaloir, elle n’engendreraient que le désordre et
l’abaissement de la France. Je ne veux ni en tenter l’application moi-même, ni en faciliter
l’essai à mes successeurs. Tant que je serai dépositaire du pouvoir j’en ferai usage dans toute
l’étendue de ses limites légales, pour m’opposer à ce que je regarde comme la perte de mon
pays.
Mais je suis convaincu que ce pays pense comme moi. Ce n’est pas le triomphe de ces
théories qu’il a voulu aux élections dernières. Ce n’est pas ce que lui ont annoncé ceux qui
étaient presque tous les candidats qui se prévalaient de mon nom et se déclaraient résolus à
soutenir mon pouvoir. S’il était interrogé de nouveau et de manière à prévenir tout
malentendu, il repousserait, j’en suis sûr, cette confusion.
J’ai donc du choisir, et c’était mon droit constitutionnel, des conseillers qui pensent comme
moi sur ce point qui est en réalité le seul en question. Je n’en reste pas moins, aujourd’hui
comme hier, fermement résolu à respecter et à maintenir des institutions qui sont l’œuvre de
l’assemblée de qui je tiens le pouvoir et qui ont constitué la république.
Jusqu’en 1880 je suis le seul qui pourrait proposer d’y introduire un changement et ne médite
rien de ce genre.
Tous mes conseillers sont comme moi, décidés à pratiquer loyalement les institutions et
incapables d’y porter aucune atteinte. Je livre ces considérations à vos réflexions comme au
jugement du pays.
Pour laisser calmer l’émotion qu’ont causée les derniers incidents je vous inviterai à
suspendre vos séances pendant un certain temps. Quand vous les reprendrez, vous pourrez
vous mettre, toute autre affaire cessante, à la discussion du budget, qu’il est si important de
mener bientôt à terme.
D’ici là, mon gouvernement veillera à la paix publique : au dedans il ne souffrirait rien qui la
compromette. Au dehors, elle sera maintenue, j’en ai la confiance, malgré les agitations qui
troublent une partie de l’Europe, grâce aux bons rapports que nous entretenons et voulons
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conserver avec toutes les puissances, et à cette politique de neutralité et d’abstention qui vous
a été exposée tout récemment et que vous avez confirmée par votre approbation unanime.
Sur ce point, aucune différence d’opinion ne s’élève entre les partis. Ils veulent tous le même
but par le même moyen. Le nouveau ministère pense exactement comme l’ancien, et pour
bien attester cette conformité de sentiment la direction politique étrangère est restée dans les
mêmes mains.
Si quelques imprudences de parole ou de presse compromettaient cet accord que nous voulons
tous, j’emploierais, pour les réprimer, les moyens que la loi met en mon pouvoir et, pour les
prévenir, je fais appel au patriotisme qui, dieu merci, ne fait défaut en France à aucune classe
de citoyens.
Mes ministres vont vous donner lecture du décret qui, conformément à l’article 2 de la loi
constitutionnelle du 16 juillet 1875, ajourne les chambres pour un mois.
Document 8 : Discours de Gambetta à Lille, 15 août 1877.
« La République sortira triomphante de cette dernière épreuve, et le plus clair bénéfice du 16
mai sera, pour l’histoire, d’avoir abrégé de trois ans, de dix ans, la période d’incertitude et de
tâtonnements à laquelle nous condamnaient les dernières combinaisons de l’Assemblée
nationale élue dans un jour de malheur.
Messieurs, telle est la situation. Et j’ose dire que les espérances du Parti républicain sont
sûres ; j’ose dire que votre fermeté, votre union, que votre activité sont les garants de ce
triomphe. Pourquoi ne le dirais-je pas, au milieu de ces admirables populations du
département du Nord, qui, à elles seules, payent le huitième des contributions de la France,
dans ce département qui tient une des plus grandes places dans notre industrie nationale, aussi
bien au point de vue mécanique qu’agricole ? N’est-il pas vrai que, dans ce pays, vous avez
commencé aussi à faire justice des factions qui s’opposaient à l’établissement de la
République et que vous n’attendez que l’heure du scrutin pour que tous vos élus forment une
députation unanime ?
Vous le pouvez si vous le voulez, et vous savez bien ce qui vous manque : ce ne sont pas les
populations disposées à voter pour des candidats républicains ; ce sont des candidats qui
consentent à sortir définitivement d’une résistance dictée par des intérêts privés et
comprennent qu’il s’agit aujourd’hui d’un service public et d’élections d’où dépendent les
destinées de la France. Il faut que ces hommes fassent violence à leurs intérêts domestiques
pour aborder la plate-forme électorale.
À ce point de vue, des adhésions significatives ont déjà été obtenues et vous avez su trouver
des candidats qui vous mèneront à la victoire. Je devais plus particulièrement le dire ici, dans
ce département qui, parmi les autres, tient la tête dans les questions d’affaires et de politique.
Je devais le dire ici pour vous mettre en garde contre certains bruits qui ont été répandus et
dont on alimente la basse presse, à savoir que si le suffrage universel dans sa souveraineté, je
ne dirai pas dans la liberté de ses votes, puisqu’on fera tout pour restreindre cette liberté, mais
dans sa volonté plénière, renomme une majorité républicaine, on n’en tiendra aucun compte.
Ah! tenez, Messieurs, on a beau dire ces choses ou plutôt les donner à entendre, avec l’espoir
de ranimer par là le courage défaillant de ses auxiliaires et de remporter ainsi la victoire : ce
sont là de ces choses qu’on ne dit que lorsqu’on va à la bataille; mais, quand on en revient et
que le destin a prononcé, c’est différent ! Que dis-je, le destin ? Quand la seule autorité devant
laquelle il faut que tous s’inclinent aura prononcé, ne croyez pas que personne soit de taille à
lui tenir tête. Ne croyez pas que quand ces millions de Français, paysans, ouvriers, bourgeois,
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électeurs de la libre terre française, auront fait leur choix, et précisément dans les termes où la
question est posée ; ne croyez pas que quand ils auront indiqué leur préférence et fait
connaître leur volonté, ne croyez pas que lorsque tant de millions de Français auront parlé, il y
ait personne, à quelque degré de l’échelle politique ou administrative qu’il soit placé, qui
puisse résister.
Quand la France aura fait entendre sa voix souveraine, croyez-le bien, Messieurs, il faudra se
soumettre ou se démettre. »
Document 9 : Message de Mac-Mahon aux chambres du 14 décembre 1877
« Messieurs les Sénateurs, Messieurs les députés,
Les élections du 14 octobre ont affirmé, une fois de plus, la confiance du pays dans les
institutions républicaines. Pour obéir aux règles parlementaires, j’ai formé un cabinet choisi
dans les deux chambres, composé d’hommes résolus à défendre et à maintenir ces institutions
par la pratique sincère des lois constitutionnelles.
L’intérêt du pays exige que la crise que nous traversons soit apaisée : il exige avec non moins
de force qu’elle ne se renouvelle pas.
L’exercice du droit de dissolution n’est, en effet, qu’un mode de consultation suprême auprès
d’un juge sans appel, et ne saurait être érigé en système de gouvernement. J’ai cru devoir user
de ce droit et je me conforme à la réponse du pays.
La Constitution de 1875 a fondé une République parlementaire en établissant mon
irresponsabilité, tandis qu’elle a institué la responsabilité solidaire et individuelle des
ministres.
Ainsi sont déterminés nos devoirs et nos droits respectifs. L’indépendance des ministres est la
condition de leur responsabilité. Ces principes, tirés de la Constitution, sont ceux de mon
gouvernement. »
Document 10 : Message du président Grévy au Parlement, 6 février 1879 (la
Constitution Grévy)
« L’Assemblée nationale, en m’élevant à la présidence de la République, m’a imposé de
grands devoirs. Je m’appliquerai sans relâche à les accomplir, heureux si je puis, avec le
concours sympathique du Sénat et de la Chambre des députés, ne pas rester au-dessous de ce
que la France est en droit d’attendre de mes efforts et de mon dévouement. »
« Soumis avec sincérité à la grande loi du régime parlementaire… » (Très bien ! très bien ! à
gauche et au centre), « je n’entrerai jamais en lutte contre la volonté nationale… » (Bravos et
applaudissements prolongés à gauche et au centre), « contre la volonté nationale exprimée
par ses organes constitutionnels. »
« Dans les projets de loi qu’il présentera au vote des Chambres et dans les questions soulevées
par l’initiative parlementaire, le Gouvernement s’inspirera des besoins réels, des vœux
certains du pays, d’un esprit de progrès et d’apaisement ; il se préoccupera surtout du
maintien de la tranquillité, de la sécurité, de la confiance, le plus ardent des vœux de la
France, le plus impérieux de ses besoins. » (Très bien ! très bien ! à gauche et au centre.)
« Dans l’application des lois, qui donne à la politique générale son caractère et sa direction, il
se pénétrera de la pensée qui les a dictées ; il sera libéral, juste pour tous, protecteur de tous
les intérêts légitimes, défenseur résolu de ceux de l’État. » (Applaudissements.)
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« Dans sa sollicitude pour les grandes institutions qui sont les colonnes de l’édifice social, il
fera une large part à notre armée, dont l’honneur et les intérêts seront l’objet constant de ses
plus chères préoccupations. » (Nouveaux applaudissements.)
« Tout en tenant un juste compte des droits acquis et des services rendus, aujourd’hui que les
deux grands pouvoirs sont animés du même esprit, qui est celui de la France, il veillera à ce
que la République soit servie par des fonctionnaires qui ne soient ni ses ennemis, ni ses
détracteurs. »
« Il continuera à entretenir et à développer les bons rapports qui existent entre la France et les
puissances étrangères, et à contribuer ainsi à l’affermissement de la paix générale. »
« C’est par cette politique libérale et vraiment conservatrice que les grands pouvoirs de la
République, toujours unis, toujours animés du même esprit, marchant toujours avec sagesse,
feront porter ses fruits naturels au gouvernement que la France, instruite par ses malheurs,
s’est donné comme le seul qui puisse assurer son repos et travailler utilement au
développement de sa prospérité, de sa force et de sa grandeur. »
76
Séance 10 : La Troisième République (II) et le régime de Vichy
Table des documents :
Document 1 :
De Gaulle (C.), Proclamation affichée de juillet 1940 reprenant en
substance l’appel du 18 juin 1940.
Document 2 :
Article 8 de la loi constitutionnelle du 25 février 1875.
Document 3 :
Loi constitutionnelle du 10 juillet 1940.
Document 4 :
Acte constitutionnel n°1 adopté sous le régime de Vichy et appel du 12
novembre 1943.
Document 5 :
Ordonnance du 9 août 1944.
Document 6 :
Loi constitutionnelle du 2 novembre 1945.
Document 7 :
Chirac (J.), Discours prononcé lors des commémorations de la Rafle du
Vel’ d’Hiv, 16 juillet 1995.
Travail :
Sujet proposé : En vous fondant sur vos connaissances relatives à la séparation des
pouvoirs et à l'état de droit vous commenterez le document 3
77
Documents :
Document 1 : Proclamation affichée sur les murs de Londres, juillet 1940
« A TOUS LES FRANCAIS
La France a perdu une bataille !
Mais la France n'a pas perdu la guerre !
Des gouvernants de rencontre ont pu capituler, cédant à la panique, oubliant l'honneur, livrant
le pays à la servitude. Cependant, rien n'est perdu !
Rien n'est perdu, parce que cette guerre est une guerre mondiale. Dans l'univers libre, des
forces immenses n'ont pas encore donné. Un jour, ces forces écraseront l'ennemi. Il faut que la
France, ce jour-là, soit présente à la victoire. Alors, elle retrouvera sa liberté et sa grandeur.
Tel est mon but, mon seul but !
Voilà pourquoi je convie tous les Français, où qu'ils se trouvent, à s'unir à moi dans l'action,
dans le sacrifice et dans l'espérance.
Notre Patrie est en péril de mort.
Luttons tous pour la sauver !
VIVE LA FRANCE !
Général de Gaulle, Quartier Général, 4, Carlton Gardens, London, S.W.I. »
Document 2 : Articles de la loi constitutionnelle du 25 février 1875.
« Article 2. - Le Président de la République est élu à la majorité absolue des suffrages par le
Sénat et par la Chambre des députés réunis en Assemblée nationale. Il est nommé pour sept
ans. Il est rééligible.
[…]
« Article 8. - Les chambres auront le droit, par délibérations séparées prises dans chacune à la
majorité absolue des voix, soit spontanément, soit sur la demande du Président de la
République, de déclarer qu'il y a lieu de réviser les lois constitutionnelles. - Après que
chacune des deux chambres aura pris cette résolution, elles se réuniront en Assemblée
nationale pour procéder à la révision. - Les délibérations portant révision des lois
constitutionnelles, en tout ou en partie, devront être prises à la majorité absolue des membres
composant l'Assemblée nationale. - Toutefois, pendant la durée des pouvoirs conférés par la
loi du 20 novembre 1873 à M. le maréchal de Mac-Mahon, cette révision ne peut avoir lieu
que sur proposition du Président de la République. »
Document 3 : Loi constitutionnelle du 10 juillet 1940.
L'Assemblée nationale a adopté,
Le Président de la République promulgue la loi constitutionnelle dont la teneur suit :
Article unique.
L'Assemblée nationale donne tout pouvoir au gouvernement de la République, sous l'autorité
et la signature du maréchal Pétain, à l'effet de promulguer par un ou plusieurs actes une
nouvelle constitution de l'État français. Cette constitution devra garantir les droits du Travail,
de la Famille et de la Patrie.
78
Elle sera ratifiée par la Nation et appliquée par les Assemblées qu'elle aura créées. La présente
loi constitutionnelle, délibérée et adoptée par l'Assemblée nationale, sera exécutée comme loi
de l'État.
Fait à Vichy, le 10 juillet 1940
Par le président de la République,
Albert Lebrun
Le maréchal de France, président du conseil,
Philippe Pétain. »
Document 4 : Acte constitutionnel n°1 adopté sous le régime de Vichy et appel du 12
novembre 1943.
Acte constitutionnel n°1 du 11 juillet 1940 :
« Nous, Philippe Pétain, maréchal de France,
Vu la loi constitutionnelle du 10 juillet 1940,
Déclarons assumer les fonctions de chef de l'État français.
En conséquence, nous décrétons :
L'article 2 de la loi constitutionnelle du 25 février 1875 est abrogé. »
Appel du 12 novembre 1943
« Français,
Le 10 juillet 1940, l'Assemblée nationale m'a donné mission de promulguer, par un ou
plusieurs actes, une nouvelle constitution de l'État français.
J'achève la mise au point de cette constitution. Elle concilie le principe de la souveraineté
nationale et le droit de libre suffrage des citoyens avec la nécessité d'assurer la stabilité et
l'autorité de l'État. Mais je me préoccupe de e qui adviendrait si je venais à disparaître avant
d'avoir accompli jusqu'au bout la tâche que la Nation m'a confiée.
C'est le respect de la légitimité qui conditionne la stabilité d'un pays. En dehors de la
légitimité, il ne peut y avoir qu'aventures, rivalités de factions, anarchie et luttes fratricides.
J'incarne aujourd'hui la légitimité française. J'entends la conserver comme un dépôt sacré et
qu'elle revienne à mon décès à l'Assemblée nationale de qui je l'ai reçue si la nouvelle
constitution n'est pas ratifiée. Ainsi, en dépit des événements redoutables que traverse la
France, le pouvoir politique sera toujours assuré conformément à la loi.
Je ne veux pas que ma disparition ouvre une ère de désordres qui mettrait l'unité de la France
en péril. Tel est le but de l'acte constitutionnel qui sera promulgué demain au Journal officiel.
Français, continuons à travailler d'un même coeur à l'établissement d'un régime nouveau dont
je vous indiquerai prochainement les bases et qui seul pourra rendre à la France sa grandeur.
Vichy, le 12 novembre 1943 »
Document 5 : Ordonnance du 9 août 1944 relative au rétablissement de la légalité
républicaine sur le territoire continental.
Le Gouvernement provisoire de la
Vu l’ordonnance du 3 juin 1943 portant
institution du Comité français de la
République française,
Sur le rapport du ministre de la justice,
79
libération
nationale,
l’ordonnance du 3 juin 1944 ;
ensemble
Vu l’avis exprimé par l’assemblée
consultative à sa séance du 26 juin 1944 ;
Le comité juridique entendu,
Article 1
La forme du Gouvernement de la France
est et demeure la République. En droit
celle-ci n’a pas cessé d’exister.
Article 2
Sont, en conséquence, nuls et de nul effet
tous les actes constitutionnels législatifs ou
réglementaires, ainsi que les arrêtés pris
pour leur exécution, sous quelque
dénomination que ce soit, promulgués sur
le territoire continental postérieurement au
16 juin 1940 et jusqu’au rétablissement du
Gouvernement provisoire de la république
française.
Cette nullité
constatée.
doit
être
expressément
Article 3
Est expressément constatée la nullité des
actes suivants ;
L’acte dit loi constitutionnelle du 10 juillet
1940 ;
Tous
les
actes
constitutionnel”,
dits
:
“actes
Tous les actes qui ont institué des
juridictions d’exception,
Tous les actes qui ont imposé le travail
forcé pour le compte de l’ennemi,
Tous les actes relatifs aux associations
dites secrètes,
Tous ceux qui établissent ou appliquent
une discrimination quelconque fondée sur
la qualité de juif.
L’acte dit “décret du 16 Juillet 1940”
relatif à la formule exécutoire. Toutefois,
les porteurs de grosses et expéditions
d’actes revêtus de la formule exécutoire
prescrite par l’acte dit “décret du 16 juillet
1940” pourront les faire mettre à exécution
sans faire ajouter la formule exécutoire
rétablie.
Article 4
Est également expressément constatée la
nullité des actes visés aux tableaux I et II,
annexés à la présente ordonnance (annexe
non reproduite). Pour les actes mentionnés
au tableau I, la constatation de nullité vaut
peur les effets découlant de leur
application antérieure à la mise en vigueur
de la présente ordonnance.
Article 5
Sont déclarés immédiatement exécutoires
constatation sur le territoire continental de
la France, les textes visés au tableau III de
la présente ordonnance (annexe non
reproduite).
Article 6
Les textes publiés au Journal officiel de la
France libre, au Journal officiel de la
France combattante, au Journal officiel du
commandement en chef français civil et
militaire depuis le 18 mars 1943, enfin au
Journal officiel de la République française
entre le 10 juin 1943 et la date de la
promulgation de la présente ordonnance ne
seront applicables sur le territoire
continental de la France qu’à partir de la
date qui sera expressément fixée pour
chacun d’eux.
Toutefois, doivent être dès maintenant
respectés les droits régulièrement acquis
sous l’empire desdits textes.
Article 7
Les actes de l’autorité de fait, se disant
“gouvernement de l’Etat français” dont la
nullité n’est pas expressément constatée
dans la présente ordonnance ou dans les
tableaux
annexés
(annexes
non
reproduites), continueront à recevoir
provisoirement application.
Cette application provisoire prendre fin au
fur et à mesure de la constatation expresse
de leur nullité prévue à l’article 2.
80
Cette constatation interviendra par des
ordonnances subséquentes qui seront
promulgués dans le plus bref délai
possible.
Le comité ouvrier de secours immédiats,
Article 8
Les jeunesses de France et d’Outre-mer.
Sont validées rétroactivement les décisions
des juridictions d’exception visées à
l’article 3 lorsqu’elles ne relèvent pas de
l’ordonnance du 6 juillet 1943 et des textes
subséquents relatifs à la légitimité des
actes accomplis pour la cause de la
libération et à la révision des
condamnations intervenues pour ces faits.
Les biens de ces groupements sont
immédiatement placés sous le séquestre de
l’administration de l’enregistrement et à la
diligence de celle-ci.
Article 9
Les actes administratifs postérieurs au 16
juin 1940 sont rétroactivement et
provisoirement validés.
Le parti populaire français,
Sans préjudice de l’application des articles
12, 75 et suivants du code pénal sera puni
d’un emprisonnement de un à cinq ans et
d’une amende de 1000 à 100000 fr
quiconque participera directement ou
indirectement au maintien ou à la
reconstitution des groupements énumérés
au présent article.
Article 11
Article 10
Sont
immédiatement
dissous
groupements suivants et tous
organismes similaires et annexes.
Le mouvement social révolutionnaire,
les
les
La légion française des combattants,
Les groupements, anti-nationaux dits ;
La milice,
Le groupe collaboration,
La présente ordonnance sera publiée au
Journal officiel de la République française
et exécutée comme loi. Elle sera appliquée
au territoire continental au fur et à mesure
de sa libération.
Une ordonnance spéciale interviendra pour
les départements du Bas-Rhin, du HautRhin et de la Moselle.
La milice anti-bolchévique,
Par le Gouvernement provisoire de la
République française ;
La légion tricolore,
C. DE GAULLE.
Le parti franciste,
Le commissaire à la justice, FRANCOIS
DE MENTHON
Le rassemblement national populaire,
Document 6 : Loi constitutionnelle du 2 novembre 1945 portant organisation provisoire
des pouvoirs publics
Le peuple français a adopté,
République. Celui-ci constitue son
gouvernement et le soumet à l'approbation
Le Gouvernement provisoire de la
de l'Assemblée, en même temps que le
République française promulgue la loi dont
programme du Gouvernement.
la teneur suit :
Article 1er
L'Assemblée constituante, issue du scrutin
du 21 octobre 1945, élit aussitôt, au scrutin
public et à la majorité absolue des
membres la composant, le président du
Gouvernement
provisoire
de
la
Le gouvernement est responsable devant
l'Assemblée ; mais le rejet d'un texte ou
d'un crédit n'entraîne pas sa démission.
Celle-ci n'est obligatoire qu'à la suite du
vote distinct d'une motion de censure
intervenant au plus tôt deux jours après son
dépôt sur le bureau de l'Assemblée et
81
adoptée au moyen d'un scrutin à la tribune
par la majorité des membres composant
l'Assemblée.
Article 5
Article 2
Article 6
L'Assemblée
nouvelle.
établit
la
Constitution
Article 3
La Constitution adoptée par l'Assemblée
sera soumise à l'approbation du corps
électoral des citoyens français, par voie de
référendum, dans le mois qui suivra son
adoption par l'Assemblée.
Article 4
L'Assemblée a le pouvoir législatif. Elle a
l'initiative des lois concurremment avec le
Gouvernement. Dans le délai d'un mois
imparti pour la promulgation des lois, le
Gouvernement a le droit de demander une
seconde délibération. Si, à la suite de celleci, le premier vote est confirmé à la
majorité absolue des membres composant
l'Assemblée, la loi est promulguée dans les
trois jours.
L'Assemblée vote le budget, mais elle ne
peut prendre l'initiative des dépenses.
Les pouvoirs de l'Assemblée expireront le
jour de la mise en application de la
nouvelle Constitution et, au plus tard, sept
mois après la première réunion de
l'Assemblée.
Article 7
Au cas où le corps électoral rejetterait la
Constitution établie par l'Assemblée, ou au
cas où celle-ci n'en aurait établi aucune
dans le délai fixé à l'article 6, il serait
procédé aussitôt, et dans les mêmes
formes, à l'élection d'une nouvelle
Assemblée constituante jouissant des
mêmes pouvoirs, qui se réunirait de plein
droit le deuxième mardi après son élection.
Article 8
La présente loi adoptée par le peuple
français, aura force constitutionnelle et
sera exécutée comme loi de l'État.
Document 7 : Chirac (J.), Discours prononcé lors des commémorations de la Rafle du
Vel’ d’Hiv, 16 juillet 1995.
« […] Il est, dans la vie d'une nation, des moments qui blessent la mémoire, et l'idée que l'on
se fait de son pays.
Ces moments, il est difficile de les évoquer, parce que l'on ne sait pas toujours trouver les
mots justes pour rappeler l'horreur, pour dire le chagrin de celles et ceux qui ont vécu la
tragédie. Celles et ceux qui sont marqués à jamais dans leur âme et dans leur chair par le
souvenir de ces journées de larmes et de honte.
Il est difficile de les évoquer, aussi, parce que ces heures noires souillent à jamais notre
histoire, et sont une injure à notre passé et à nos traditions. Oui, la folie criminelle de
l'occupant a été secondée par des Français, par l'État français.
Il y a cinquante-trois ans, le 16 juillet 1942, 450 policiers et gendarmes français, sous
l'autorité de leurs chefs, répondaient aux exigences des nazis.
Ce jour-là, dans la capitale et en région parisienne, près de dix mille hommes, femmes et
enfants juifs furent arrêtés à leur domicile, au petit matin, et rassemblés dans les
commissariats de police.
On verra des scènes atroces : les familles déchirées, les mères séparées de leurs enfants, les
vieillards - dont certains, anciens combattants de la Grande Guerre, avaient versé leur sang
pour la France - jetés sans ménagement dans les bus parisiens et les fourgons de la Préfecture
de Police.
82
On verra, aussi, des policiers fermer les yeux, permettant ainsi quelques évasions.
Pour toutes ces personnes arrêtées, commence alors le long et douloureux voyage vers l'enfer.
Combien d'entre-elles ne reverront jamais leur foyer ? Et combien, à cet instant, se sont
senties trahies ? Quelle a été leur détresse ?
La France, patrie des Lumières et des Droits de l'Homme, terre d'accueil et d'asile, la France,
ce jour-là, accomplissait l'irréparable. Manquant à sa parole, elle livrait ses protégés à leurs
bourreaux.
Conduites au Vélodrome d'hiver, les victimes devaient attendre plusieurs jours, dans les
conditions terribles que l'on sait, d'être dirigées sur l'un des camps de transit - Pithiviers ou
Beaune-la-Rolande - ouverts par les autorités de Vichy.
L'horreur, pourtant, ne faisait que commencer.
Suivront d'autres rafles, d'autres arrestations. A Paris et en province. Soixante-quatorze trains
partiront vers Auschwitz. Soixante-seize mille déportés juifs de France n'en reviendront pas.
Nous conservons à leur égard une dette imprescriptible.
La Thora fait à chaque juif devoir de se souvenir. Une phrase revient toujours qui dit :
"N'oublie jamais que tu as été un étranger et un esclave en terre de Pharaon".
Cinquante ans après, fidèle à sa loi, mais sans esprit de haine ou de vengeance, la
Communauté juive se souvient, et toute la France avec elle. Pour que vivent les six millions
de martyrs de la Shoah. Pour que de telles atrocités ne se reproduisent jamais plus. Pour que
le sang de l'holocauste devienne, selon le mot de Samuel Pisar, le "sang de l'espoir".
Quand souffle l'esprit de haine, avivé ici par les intégrismes, alimenté là par la peur et
l'exclusion. Quand à nos portes, ici même, certains groupuscules, certaines publications,
certains enseignements, certains partis politiques se révèlent porteurs, de manière plus ou
moins ouverte, d'une idéologie raciste et antisémite, alors cet esprit de vigilance qui vous
anime, qui nous anime, doit se manifester avec plus de force que jamais.
En la matière, rien n'est insignifiant, rien n'est banal, rien n'est dissociable. Les crimes
racistes, la défense de thèses révisionnistes, les provocations en tout genre - les petites
phrases, les bons mots - puisent aux mêmes sources.
Transmettre la mémoire du peuple juif, des souffrances et des camps. Témoigner encore et
encore. Reconnaître les fautes du passé, et les fautes commises par l'Etat. Ne rien occulter des
heures sombres de notre Histoire, c'est tout simplement défendre une idée de l'Homme, de sa
liberté et de sa dignité. C'est lutter contre les forces obscures, sans cesse à l'oeuvre.
Cet incessant combat est le mien autant qu'il est le vôtre.
Les plus jeunes d'entre nous, j'en suis heureux, sont sensibles à tout ce qui se rapporte à la
Shoah. Ils veulent savoir. Et avec eux, désormais, de plus en plus de Français décidés à
regarder bien en face leur passé.
La France, nous le savons tous, n'est nullement un pays antisémite.
En cet instant de recueillement et de souvenir, je veux faire le choix de l'espoir.
Je veux me souvenir que cet été 1942, qui révèle le vrai visage de la "collaboration", dont le
caractère raciste, après les lois anti-juives de 1940, ne fait plus de doute, sera, pour beaucoup
de nos compatriotes, celui du sursaut, le point de départ d'un vaste mouvement de résistance.
83
Je veux me souvenir de toutes les familles juives traquées, soustraites aux recherches
impitoyables de l'occupant et de la milice, par l'action héroïque et fraternelle de nombreuses
familles françaises.
J'aime à penser qu'un mois plus tôt, à Bir Hakeim, les Français libres de Koenig avaient
héroïquement tenu, deux semaines durant, face aux divisions allemandes et italiennes.
Certes, il y a les erreurs commises, il y a les fautes, il y a une faute collective. Mais il y a aussi
la France, une certaine idée de la France, droite, généreuse, fidèle à ses traditions, à son génie.
Cette France n'a jamais été à Vichy. Elle n'est plus, et depuis longtemps, à Paris. Elle est dans
les sables libyens et partout où se battent des Français libres. Elle est à Londres, incarnée par
le Général de Gaulle. Elle est présente, une et indivisible, dans le coeur de ces Français, ces
"Justes parmi les nations" qui, au plus noir de la tourmente, en sauvant au péril de leur vie,
comme l'écrit Serge Klarsfeld, les trois-quarts de la communauté juive résidant en France, ont
donné vie à ce qu'elle a de meilleur. Les valeurs humanistes, les valeurs de liberté, de justice,
de tolérance qui fondent l'identité française et nous obligent pour l'avenir.
Ces valeurs, celles qui fondent nos démocraties, sont aujourd'hui bafouées en Europe même,
sous nos yeux, par les adeptes de la "purification ethnique". Sachons tirer les leçons de
l'Histoire. N'acceptons pas d'être les témoins passifs, ou les complices, de l'inacceptable.
C'est le sens de l'appel que j'ai lancé à nos principaux partenaires, à Londres, à Washington, à
Bonn. Si nous le voulons, ensemble nous pouvons donner un coup d'arrêt à une entreprise qui
détruit nos valeurs et qui, de proche en proche risque de menacer l'Europe tout entière. »
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Séance 11 : La Quatrième République et la transition vers la
Cinquième République
Table des documents :
Document 1 :
De Gaulle (C.), Discours de Bayeux, 16 juin 1946.
Document 2 :
Loi du 3 juin 1958.
Document 3 :
Debré (M.), Allocution devant le Conseil d’État, 27 août 1958.
Document 4 :
De Gaulle (C.), Discours du 4 septembre 1958.
Travail :
Dissertation : La rationalisation du parlementarisme sous la IV ème république.
À consulter:
- Le projet de Constitution voté le 19 avril 1946 et dit du 5 mai 1946 et sa déclaration des
droits de l’homme
- La Constitution du 27 octobre 1946.
- Le numéro de la revue Pouvoirs dédié à la IVème République, n°76, janvier 1996.
Disponible en accès libre à partir des du http://www.revue-pouvoirs.fr/-76-La-IVeRepublique-.html/ ou directement accéder à la revue sur le http://www.revuepouvoirs.fr/IMG/pdf/Pouvoirs76.pdf/
- Chevallier (J.-J.), Histoire des institutions et des régimes politiques de la France de 1789 à
nos jours, Dalloz.
- Vedel (G.), Manuel élémentaire de droit constitutionnel, Dalloz, 2002, pp. 579 à 585.
- Les discours (vidéos et textes) du général de Gaulle sont disponibles sur le
http://www.charles-de-gaulle.org/. On relèvera par exemple le discours prononcé place de la
République à Paris, 4 septembre 1958
- Sur le discours d’investiture du général de Gaulle en date du 1er juin 1958, voir aussi la
page dédiée à cet évènement (textes, images et vidéos) sur le site de l’Assemblée nationale
http://www.assemblee-nationale.fr/histoire/de_gaulle.asp/.
- Une chronologie détaillée des gouvernements de la Quatrième République est disponible sur
notamment sur Wikipedia.
- Vous pourrez aussi chercher des références et le contenu du compte-rendu de la réunion
constitutionnelle tenue le 13 juin 1958.
85
Documents :
Document 1 : Discours de Bayeux, 16 juin 1946
« Dans notre Normandie, glorieuse et mutilée, Bayeux et ses environs furent témoins d'un des
plus grands événements de l'Histoire. Nous attestons qu'ils en furent dignes. C'est ici que,
quatre années après le désastre initial de la France et des Alliés, débuta la victoire finale des
Alliés et de la France. C'est ici que l'effort de ceux qui n'avaient jamais cédé et autour
desquels s'étaient, à partir du 18 juin 1940, rassemblé l'instinct national et reformée la
puissance française tira des événements sa décisive justification.
En même temps, c'est ici que sur le sol des ancêtres réapparut l'État ; l'État légitime, parce
qu'il reposait sur l'intérêt et le sentiment de la nation ; l'État dont la souveraineté réelle avait
été transportée du côté de la guerre, de la liberté et de la victoire, tandis que la servitude n'en
conservait que l'apparence ; l'État sauvegardé dans ses droits, sa dignité, son autorité, au
milieu des vicissitudes du dénuement et de l'intrigue ; l'État préservé des ingérences de
l'étranger ; l'État capable de rétablir autour de lui l'unité nationale et l'unité impériale,
d'assembler toutes les forces de la patrie et de l'Union française, de porter la victoire à son
terme, en commun avec les Alliés, de traiter d'égal à égal avec les autres grandes nations du
monde, de préserver l'ordre public, de faire rendre la justice et de commencer notre
reconstruction.
Si cette grande oeuvre fut réalisée en dehors du cadre antérieur de nos institutions, c'est parce
que celles-ci n'avaient pas répondu aux nécessités nationales et qu'elles avaient, d'ellesmêmes, abdiqué dans la tourmente. Le salut devait venir d'ailleurs. Il vint, d'abord, d'une élite,
spontanément jaillie des profondeurs de la nation et qui, bien au-dessus de toute
préoccupation de parti ou de classe, se dévoua au combat pour la libération, la grandeur et la
rénovation de la France. Sentiment de sa supériorité morale, conscience d'exercer une sorte de
sacerdoce du sacrifice et de l'exemple, passion du risque et de l'entreprise, mépris des
agitations, prétentions, surenchères, confiance souveraine en la force et en la ruse de sa
puissante conjuration aussi bien qu'en la victoire et en l'avenir de la patrie, telle fut la
psychologie de cette élite partie de rien et qui, malgré de lourdes pertes, devait entraîner
derrière elle tout l'Empire et toute la France.
Elle n'y eût point, cependant, réussi sans l'assentiment de l'immense masse française. Celle-ci,
en effet, dans sa volonté instinctive de survivre et de triompher, n'avait jamais vu dans le
désastre de 1940 qu'une péripétie de la guerre mondiale où la France servait d'avant-garde. Si
beaucoup se plièrent, par force, aux circonstances, le nombre de ceux qui les acceptèrent dans
leur esprit et dans leur coeur fut littéralement infime. Jamais la France ne crut que l'ennemi ne
fût point l'ennemi et que le salut fût ailleurs que du côté des armes de la liberté. A mesure que
se déchiraient les voiles, le sentiment profond du pays se faisait jour dans sa réalité. Partout
où paraissait la croix de Lorraine s'écroulait l'échafaudage d'une autorité qui n'était que
fictive, bien qu'elle fût, en apparence, constitutionnellement fondée. Tant il est vrai que les
pouvoirs publics ne valent, en fait et en droit, que s'ils s'accordent avec l'intérêt supérieur du
pays, s'ils reposent sur l'adhésion confiante des citoyens. En matière d'institutions, bâtir sur
autre chose, ce serait bâtir sur du sable. Ce serait risquer de voir l'édifice crouler une fois de
plus à l'occasion d'une de ces crises auxquelles, par la nature des choses, notre pays se trouve
si souvent exposé.
Voilà pourquoi, une fois assuré le salut de l'État, dans la victoire remportée et l'unité nationale
maintenue, la tâche par-dessus tout urgente et essentielle était l'établissement des nouvelles
institutions françaises. Dès que cela fut possible, le peuple français fut donc invité à élire ses
constituants, tout en fixant à leur mandat des limites déterminées et en se réservant à lui-
même la décision définitive. Puis, une fois le train mis sur les rails, nous-mêmes nous sommes
retirés de la scène, non seulement pour ne point engager dans la lutte des partis ce qu'en vertu
des événements nous pouvons symboliser et qui appartient à la nation tout entière, mais
encore pour qu'aucune considération relative à un homme, tandis qu'il dirigeait l'État , ne pût
fausser dans aucun sens l'oeuvre des législateurs.
Cependant, la nation et l'Union française attendent encore une Constitution qui soit faite pour
elles et qu'elles aient pu joyeusement approuver. A vrai dire, si l'on peut regretter que l'édifice
reste à construire, chacun convient certainement qu'une réussite quelque peu différée vaut
mieux qu'un achèvement rapide mais fâcheux.
Au cours d'une période de temps qui ne dépasse pas deux fois la vie d'un homme, la France
fut envahie sept fois et a pratiqué treize régimes, car tout se tient dans les malheurs d'un
peuple. Tant de secousses ont accumulé dans notre vie publique des poisons dont s'intoxique
notre vieille propension gauloise aux divisions et aux querelles. Les épreuves inouïes que
nous venons de traverser n'ont fait, naturellement, qu'aggraver cet état de choses. La situation
actuelle du monde où, derrière des idéologies opposées, se confrontent des Puissances entre
lesquelles nous sommes placés, ne laisse pas d'introduire dans nos luttes politiques un facteur
de trouble passionné. Bref, la rivalité des partis revêt chez nous un caractère fondamental, qui
met toujours tout en question et sous lequel s'estompent trop souvent les intérêts supérieurs du
pays. Il y a là un fait patent, qui tient au tempérament national, aux péripéties de l'Histoire et
aux ébranlements du présent, mais dont il est indispensable à l'avenir du pays et de la
démocratie que nos institutions tiennent compte et se gardent, afin de préserver le crédit des
lois, la cohésion des gouvernements, l'efficience des administrations, le prestige et l'autorité
de l'État.
C'est qu'en effet, le trouble dans l'État a pour conséquence inéluctable la désaffection des
citoyens à l'égard des institutions. Il suffit alors d'une occasion pour faire apparaître la menace
de la dictature. D'autant plus que l'organisation en quelque sorte mécanique de la société
moderne rend chaque jour plus nécessaires et plus désirés le bon ordre dans la direction et le
fonctionnement régulier des rouages. Comment et pourquoi donc ont fini chez nous la Ière, la
IIe, la IIIe Républiques ? Comment et pourquoi donc la démocratie italienne, la République
allemande de Weimar, la République espagnole, firent-elles place aux régimes que l'on sait ?
Et pourtant, qu'est la dictature, sinon une grande aventure ? Sans doute, ses débuts semblent
avantageux. Au milieu de l'enthousiasme des uns et de la résignation des autres, dans la
rigueur de l'ordre qu'elle impose, à la faveur d'un décor éclatant et d'une propagande à sens
unique, elle prend d'abord un tour de dynamisme qui fait contraste avec l'anarchie qui l'avait
précédée. Mais c'est le destin de la dictature d'exagérer ses entreprises. A mesure que se fait
jour parmi les citoyens l'impatience des contraintes et la nostalgie de la liberté, il lui faut à
tout prix leur offrir en compensation des réussites sans cesse plus étendues. La nation devient
une machine à laquelle le maître imprime une accélération effrénée. Qu'il s'agisse de desseins
intérieurs ou extérieurs, les buts, les risques, les efforts, dépassent peu à peu toute mesure. A
chaque pas se dressent, au-dehors et au-dedans, des obstacles multipliés. A la fin, le ressort se
brise. L'édifice grandiose s'écroule dans le malheur et dans le sang. La nation se retrouve
rompue, plus bas qu'elle n'était avant que l'aventure commençât.
Il suffit d'évoquer cela pour comprendre à quel point il est nécessaire que nos institutions
démocratiques nouvelles compensent, par elles-mêmes, les effets de notre perpétuelle
effervescence politique. Il y a là, au surplus, pour nous une question de vie ou de mort, dans le
monde et au siècle où nous sommes, où la position, d'indépendance et jusqu'à l'existence de
notre pays et de notre Union Française se trouvent bel et bien en jeu. Certes, il est de l'essence
même de la démocratie que les opinions s'expriment et qu'elles s'efforcent, par le suffrage,
d'orienter suivant leurs conceptions l'action publique et la législation. Mais aussi tous les
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principes et toutes les expériences exigent que les pouvoirs publics : législatif, exécutif,
judiciaire, soient nettement séparés et fortement équilibrés et, qu'au-dessus des contingences
politiques, soit établi un arbitrage national qui fasse valoir la continuité au milieu des
combinaisons.
Il est clair et il est entendu que le vote définitif des lois et des budgets revient à une
Assemblée élue au suffrage universel et direct. Mais le premier mouvement d'une telle
Assemblée ne comporte pas nécessairement une clairvoyance et une sérénité entières. Il faut
donc attribuer à une deuxième Assemblée, élue et composée d'une autre manière, la fonction
d'examiner publiquement ce que la première a pris en considération, de formuler des
amendements, de proposer des projets. Or, si les grands courants de politique générale sont
naturellement reproduits dans le sein de la Chambre des Députés, la vie locale, elle aussi, a
ses tendances et ses droits. Elle les a dans la Métropole. Elle les a, au premier chef, dans les
territoires d'outre-mer, qui se rattachent à l'Union Française par des liens très divers. Elle les a
dans cette Sarre à qui la nature des choses, découverte par notre victoire, désigne une fois de
plus sa place auprès de nous, les fils des Francs. L'avenir des 110 millions d'hommes et de
femmes qui vivent sous notre drapeau est dans une organisation de forme fédérative, que le
temps précisera peu à peu, mais dont notre Constitution nouvelle doit marquer le début et
ménager le développement.
Tout nous conduit donc à instituer une deuxième Chambre dont, pour l'essentiel, nos Conseils
généraux et municipaux éliront les membres. Cette Chambre complétera la première en
l'amenant, s'il y a lieu, soit à réviser ses propres projets, soit à en examiner d'autres, et en
faisant valoir dans la confection des lois ce facteur d'ordre administratif qu'un collège
purement politique a forcément tendance à négliger. Il sera normal d'y introduire, d'autre part,
des représentants, des organisations économiques, familiales, intellectuelles, pour que se fasse
entendre, au-dedans même de l'État , la voix des grandes activités du pays. Réunis aux élus
des assemblée locales des territoires d'outre-mer, les membres de cette Assemblée formeront
le grand Conseil de l'Union française, qualifié pour délibérer des lois et des problèmes
intéressant l'Union, budgets, relations extérieures, rapports intérieurs, défense nationale,
économie, communications.
Du Parlement, composé de deux Chambres et exerçant le pouvoir législatif, il va de soi que le
pouvoir exécutif ne saurait procéder, sous peine d'aboutir à cette confusion des pouvoirs dans
laquelle le Gouvernement ne serait bientôt plus rien qu'un assemblage de délégations. Sans
doute aura-t-il fallu, pendant la période transitoire où nous sommes, faire élire par
l'Assemblée nationale constituante le Président du gouvernement provisoire, puisque, sur la
table rase, il n'y avait aucun autre procédé acceptable de désignation. Mais il ne peut y avoir
là qu'une disposition du moment. En vérité, l'unité, la cohésion, la discipline intérieure du
gouvernement de la France doivent être des choses sacrées, sous peine de voir rapidement la
direction même du pays impuissante et disqualifiée. Or, comment cette unité, cette cohésion,
cette discipline, seraient-elles maintenues à la longue si le pouvoir exécutif émanait de l'autre
pouvoir auquel il doit faire équilibre, et si chacun des membres du gouvernement, lequel est
collectivement responsable devant la représentation nationale tout entière, n'était, à son poste,
que le mandataire d'un parti ?
C'est donc du chef de l'État, placé au-dessus des partis, élu par un collège qui englobe le
Parlement mais beaucoup plus large et composé de manière à faire de lui le Président de
l'Union française en même temps que celui de la République, que doit procéder le pouvoir
exécutif. Au chef de l'État la charge d'accorder l'intérêt général quant au choix des hommes
avec l'orientation qui se dégage du Parlement. A lui la mission de nommer les ministres et,
d'abord, bien entendu, le Premier, qui devra diriger la politique et le travail du gouvernement.
Au chef de l'État la fonction de promulguer les lois et de prendre les décrets, car c'est envers
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l'État tout entier que ceux-ci et celles-là engagent les citoyens. A lui la tâche de présider les
Conseils du gouvernement et d'y exercer cette influence de la continuité dont une nation ne se
passe pas. A lui l'attribution de servir d'arbitre au-dessus des contingences politiques, soit
normalement par le conseil, soit, dans les moments de grave confusion, en invitant le pays à
faire connaître par des élections sa décision souveraine. A lui, s'il devait arriver que la patrie
fût en péril, le devoir d'être le garant de l'indépendance nationale et des traités conclus par la
France.
Des Grecs, jadis, demandaient au sage Solon : "Quelle est la meilleure Constitution ?" Il
répondait : "Dites-moi, d'abord, pour quel peuple et à quelle époque ?" Aujourd'hui, c'est du
peuple français et des peuples de l'Union française qu'il s'agit, et à une époque bien dure et
bien dangereuse ! Prenons-nous tels que nous sommes. Prenons le siècle comme il est. Nous
avons à mener à bien, malgré d'immenses difficultés, une rénovation profonde qui conduise
chaque homme et chaque femme de chez nous à plus d'aisance, de sécurité, de joie, et qui
nous fasse plus nombreux, plus puissants, plus fraternels. Nous avons à conserver la liberté
sauvée avec tant et tant de peine. Nous avons à assurer le destin de la France au milieu de tous
les obstacles qui se dressent sur sa route et sur celle de la paix. Nous avons à déployer, parmi
nos frères les hommes, ce dont nous sommes capables, pour aider notre pauvre et vieille mère,
la Terre. Soyons assez lucides et assez forts pour nous donner et pour observer des règles de
vie nationale qui tendent à nous rassembler quand, sans relâche nous sommes portés à nous
diviser contre nous-mêmes ! Toute notre Histoire, c'est l'alternance des immenses douleurs
d'un peuple dispersé et des fécondes grandeurs d'une nation libre groupée sous l'égide d'un
Etat fort. »
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Document 2 : Loi constitutionnelle du 3 juin 1958
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Document 3 : Discours de Michel Debré devant le Conseil d'État, 27 août 1958
« Avec une rapidité inouïe, au cours des dernières années, l'unité et la force de la France se
sont dégradées, nos intérêts essentiels ont été gravement menacés, notre existence en tant que
nation indépendante et libre mise en cause. A cette crise politique majeure, bien des causes
ont contribué. La défaillance de nos institutions est, doublement, une de ces causes ; nos
institutions n'étaient plus adaptées, c'est le moins qu'on puisse dire, et leur inadaptation était
aggravée par de mauvaises moeurs politiques qu'elles n'arrivaient point à corriger.
L'objet de la réforme constitutionnelle est donc clair.
Il est d'abord, et avant tout, d'essayer de reconstruire un pouvoir sans lequel il n'est ni État, ni
démocratie, c'est-à-dire, en ce qui nous concerne, ni France, ni République.
Il est ensuite, dans l'intérêt supérieur de notre sécurité et de l'équilibre du monde, de
sauvegarder et de rénover cet ensemble que nous appelons traditionnellement la France
d'outre-mer.
Ces deux objectifs, à elle seule la Constitution ne permet pas de les atteindre. Mais elle doit
être construite de telle sorte qu'elle ne soit pas un obstacle et qu'au contraire elle y aide
puissamment.
Une première volonté a dominé ce projet : refaire le régime parlementaire de la République.
Une seconde volonté à conduit à préciser comment, autour de la France, on pouvait établir
une Communauté.
I. Donner à la France un régime parlementaire
Le Gouvernement a voulu rénover le régime parlementaire. Je serai même tenté de dire qu'il
veut l'établir, car pour de nombreuses raisons, la République n'a jamais réussi à l'instaurer.
La raison de ce choix est simple. Le régime d'assemblée, ou régime conventionnel, est
impraticable et dangereux. Le régime présidentiel est présentement hors d'état de fonctionner
en France.
L'impossible régime d'assemblée
Le régime d'assemblée, ou conventionnel, est celui où la totalité du pouvoir, en droit et en
fait, appartient à un Parlement, et plus précisément, à une Assemblée. L'Assemblée n'est pas
seulement le pouvoir législatif et le contrôle budgétaire. Elle est la politique et le
Gouvernement, qui tient d'elle l'origine de son autorité et qui, dépendant de son arbitraire,
n'est que son commis. Ses décisions ne peuvent être critiquées par personne, fussent-elles
contraires à la Constitution. Leur domaine est illimité et l'ensemble des pouvoirs publics est à
leur discrétion. Le fonctionnement de l'Assemblée la met en mesure d'exercer cette tâche :
sessions qui n'ont pratiquement pas de fin ; commissions multiples et puissantes ; système de
vote par délégation qui permet de multiplier les séances et les scrutins.
Ai-je besoin de continuer la description ? Ce régime est celui que nous avons connu. On a
tenté de corriger ses défauts en modifiant le règlement de l'Assemblée. Peine perdue ! Celles
des modifications contraires au fonctionnement du régime conventionnel ne sont pas
appliquées, ou elles sont impuissantes. On a tenté un nouveau remède en augmentant les
pouvoirs de la deuxième assemblée. Peine également perdue ! La division en deux chambres
est une bonne règle du régime parlementaire, car elle permet à un gouvernement indépendant
de trouver, par la deuxième assemblée, un secours utile contre la première ; en régime
conventionnel, on neutralise ou plutôt on diminue l'arbitraire d'une assemblée par l'autre sans
créer l'autorité. On a tenté enfin un remède par des coalitions ou contrats entre partis. Peine
toujours perdue ! L'entente entre fractions ne résiste pas au sentiment d'irresponsabilité que
donne à chacune d'entre elles et à ses membres le fonctionnement du régime d'assemblée.
Les difficultés majeures du régime présidentiel
Le régime présidentiel est la forme du régime démocratique qui est à l'opposé du régime
d'assemblée. Sa marque est faite de l'importance du pouvoir donné en droit et en fait à un chef
d'État élu au suffrage universel.
Les pouvoirs, dans un tel régime, ne sont pas confondus. Ils sont au contraire fort
rigoureusement séparés. Les assemblées législatives sont dépourvues de toute influence
gouvernementale : leur domaine est celui de la loi, et c'est un domaine bien défini. Elles
approuvent également le budget et, normalement, les traités. En cas de conflit, le Président,
pour le résoudre, dispose d'armes telles que le veto ou la promulgation d'office. La justice
occupe une place à part et d'ordinaire privilégiée afin d'assurer la défense des individus contre
ce chef très puissant et contre les conséquences d'une entente entre ce chef et les assemblées.
Les qualités du régime présidentiel sont évidentes. L'État a un chef, la démocratie un pouvoir
et la tentation est grande, après avoir pâti de l'anarchie et de l'impuissance, résultats d'un
régime conventionnel, de chercher refuge dans l'ordre et l'autorité du régime présidentiel.
Ni le Parlement dans sa volonté de réforme manifestée par la loi du 3 juin, ni le
Gouvernement lorsqu'il a présenté, puis appliqué cette loi, n'ont succombé à cette tentation, et
c'est, je crois, sagesse. La démocratie en France suppose un Parlement doté de pouvoirs
politiques. On peut imaginer deux assemblées législatives et budgétaires uniquement, c'est-àdire subordonnées. Mais nous devons constater que cette conception ne coïncide pas avec
l'image traditionnelle et, à bien des égards, légitime, de la République.
A cette raison de droit, s'ajoutent deux raisons de fait qui sont, l'une et l'autre, décisives.
Le Président de la République a des responsabilités outre-mer ; il est également le président
de la Communauté. Envisage-t-on un corps électoral comprenant, universellement, tous les
hommes, toutes les femmes de la France métropolitaine, de l'Algérie, de l'Afrique noire, de
Madagascar, des îles du Pacifique ? Cela ne serait pas raisonnable et serait gravement de
nature à nuire à l'unité de l'ensemble comme à la considération que l'on doit au chef de l'État.
Regardons, d'autre part, la situation intérieure française et parlons politique. Nous voulons
une forte France. Est-il possible d'asseoir l'autorité sur un suffrage si profondément divisé ?
Doit-on oublier qu'une part importante de ce suffrage, saisie par les difficultés des années
passées, adopte, à l'égard de la souveraineté nationale, une attitude de révolte qu'un certain
parti encadre avec force pour des objectifs que des hommes d'État et de gouvernement ne
peuvent accepter ?
La cause me paraît entendue. Le régime présidentiel est actuellement dangereux à mettre en
oeuvre.
Les conditions du régime parlementaire
Pas de régime conventionnel, pas de régime présidentiel : la voie devant nous est étroite, c'est
celle du régime parlementaire. A la confusion des pouvoirs dans une seule assemblée, à la
stricte séparation des pouvoirs avec priorité au chef de l'État, il convient de préférer la
collaboration des pouvoirs : un chef de l'État et un Parlement séparés, encadrant un
Gouvernement issu du premier et responsable devant le second, entre eux un partage des
attributions donnant à chacun une semblable importance dans la marche de l'État et assurant
les moyens de résoudre les conflits qui sont, dans tout système démocratique, la rançon de la
liberté.
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Le projet de Constitution, tel qu'il vous est soumis, a l'ambition de créer un régime
parlementaire. Il le fait par quatre mesures ou séries de mesures :
1° un strict régime des sessions ; 2° un effort pour définir le domaine de la loi ; 3° une
réorganisation profonde de la procédure législative et budgétaire ; 4° une mise au point des
mécanismes juridiques indispensables à l'équilibre et à la bonne marche des fonctions
politiques.
1. Les assemblées, en régime parlementaire, ne sont pas des organes permanents de la vie
politique. Elles sont soumises à des sessions bien déterminées et assez longues pour que le
travail législatif, le vote du budget et le contrôle politique soient assurés dans de bonnes
conditions, mais aménagées de telle sorte que le Gouvernement ait son temps de réflexion et
d'action.
Le texte qui vous est soumis prévoit deux sessions ordinaires, l'une à l'automne, de deux mois
et demi, et destinée avant tout au budget, l'autre au printemps, de trois mois au plus, et
destinée avant tout au travail législatif. Des sessions extraordinaires peuvent être décidées à la
volonté du Gouvernement ou de la majorité du Parlement ; leur objet et leur durée sont
limités. Les unes et les autres sont prolongées d'une manière automatique si le Gouvernement
n'a pas déposé le budget en temps utile ou si l'opposition, par une motion de censure, entend
imposer un débat de politique générale. De nouvelles élections, un message extraordinaire du
Président de la République peuvent amener également de courtes sessions extraordinaires.
Cette réglementation, stricte mais libérale, doit satisfaire aussi bien les exigences du
Gouvernement que celle de l'opposition.
2. L'article où l'on a tenté de définir le domaine de la loi est de ceux qui ont provoqué le plus
d'étonnement. Cette réaction est surprenante. Du point de vue des principes, la définition est
normale et c'est la confusion de la loi, du règlement, voire de la mesure individuelle qui est
une absurdité. Du point de vue des faits, notre système juridique était arrivé à un tel point de
confusion et d'engorgement qu'un des efforts les plus constants, mais tenté en vain au cours
des dix dernières années, était de « désencombrer » un ordre du jour parlementaire accablé par
l'excès des lois passées depuis tant d'années en des domaines où le Parlement n'a pas
normalement compétence législative. Un observateur de notre vie parlementaire aurait pu,
entre les deux guerres, mais davantage encore depuis la Libération, noter cette double
déviation de notre organisation politique : un Parlement accablé de textes et courant en
désordre vers la multiplication des interventions de détail, mais un Gouvernement traitant
sans intervention parlementaire des plus graves problèmes nationaux. Le résultat de ces deux
observations conduisait à une double crise : l'impuissance de l'État du fait que l'administration
était ligotée par des textes inadmissibles, la colère de la nation du fait qu'une coalition
partisane placée au Gouvernement la mettait devant de graves mesures décidées sans avoir été
préalablement soumises à un examen sérieux. Définir le domaine de la loi, ou plutôt du
Parlement, ce n'est pas réduire la vie parlementaire, c'est également, par détermination des
responsabilités du Gouvernement, assurer entre le ministère et les assemblées une répartition
nécessaire des tâches.
Tout ce qui touche aux libertés publiques et aux droits individuels ne peut être réglementé que
par la loi. Tout ce qui touche aux pouvoirs publics et aux structures fondamentales de l'État ne
peut être réglementé que par la loi. En d'autres domaines - attributions de l'État dans la vie
économique et sociale notamment -, la loi fixe les principes. Le budget, les traités importants
sont du domaine de la loi. Le Parlement doit ratifier l'état de siège. Il est seul compétent pour
déclarer la guerre. Votre commission envisage qu'une loi organique pourra, après examen,
étendre ce domaine ; à ce correctif, qu'il faudra employer avec prudence, le Gouvernement ne
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fait pas obstacle, car il donnera une souplesse utile à un partage dont le principe est
nécessaire.
La définition du domaine de la loi donne au règlement, c'est-à-dire à la responsabilité du
Gouvernement, un domaine étendu. Il faut en outre qu'une arme soit donnée au
Gouvernement pour éviter les empiétements à venir : c'est l'exception d'irrecevabilité qui peut
être contestée par l'Assemblée, auquel cas le Conseil constitutionnel, dont nous parlerons tout
à l'heure, a mission d'arbitrer.
Le Gouvernement peut accepter, à l'occasion, une intervention parlementaire hors le domaine
de la loi. Cette intervention ne modifie pas le partage ni ses conséquences. En sens inverse, le
Parlement peut déléguer au Gouvernement le droit de statuer en matière législative ; à
l'expiration de la délégation, le législateur retrouve son domaine.
3. Notre procédure législative et budgétaire était une des marques les plus nettes du caractère
d'assemblée qui était celui de notre régime démocratique. Le texte soumis à vos délibérations
propose des modifications qui peuvent à certains paraître secondaires ; en droit et en fait, elles
sont fondamentales.
Le Gouvernement peut exercer une influence décisive dans la fixation de l'ordre du jour des
assemblées. Il a le droit en effet d'exiger la priorité pour ses projets, également pour les
propositions qu'il accepte. Ainsi on ne verra plus un Gouvernement déposer un projet et se
désintéresser de son sort. Ainsi on ne verra plus une assemblée obliger le Gouvernement à une
discussion d'ordre politique simplement pour obtenir le fonctionnement de la procédure
législative. Si ce Gouvernement « nourrit » les assemblées, celles-ci travailleront de concert
avec lui. Cette règle a sa contrepartie normale : un jour par semaine est réservé aux questions
des parlementaires. La voix de l'opposition est ainsi assurée de se faire entendre.
Le nombre des commissions permanentes est réduit à six dans chaque assemblée et en aucun
cas le texte établi par la commission ne peut se substituer au texte du Gouvernement. Les
commissions sont d'utiles organes d'étude et de contrôle à condition qu'elles ne soient pas trop
spécialisées - elles se substituent alors à l'administration ou exercent sur les services une
influence qui n'est pas d'une bonne nature - et à condition qu'elles donnent un avis sur le texte
qui leur est présenté, sans avoir l'inadmissible responsabilité d'en établir un autre, contre
lequel le Gouvernement, qui, lui, est responsable, se trouve dans une situation défensive,
c'est-à-dire périlleuse et, en toute hypothèse, absurde.
La procédure législative est profondément rénovée et, j'ose le dire, améliorée. La règle est de
nouveau celle des lois de 1875 : il faut l'accord des deux assemblées. Est également
maintenue en vigueur la règle traditionnelle du Parlement français : celle du droit
d'amendement de chaque parlementaire. Mais des transformations importantes ont été
décidées.
D'abord, le droit d'amendement peut être réglementé ; c'est-à-dire que les assemblées peuvent
fixer un délai au delà duquel il est interdit de déposer de nouveaux amendements : ce délai est
celui de l'examen en commission. Le Gouvernement peut également demander un vote
d'ensemble pour rejeter une série d'amendements.
Ensuite le Gouvernement peut hâter la discussion législative en provoquant, après qu'une
première lecture dans chaque chambre ait révélé des oppositions, la réunion d'une commission
paritaire de députés et de sénateurs. Le texte issu des délibérations de cette commission est
proposé aux deux chambres. Au cas où cette procédure n'aboutit pas, et après un nouvel
examen par les deux chambres, le Gouvernement peut demander à l'Assemblée nationale de
statuer en dernier ressort. Cette procédure a fait ses preuves à l'étranger. Elle est de nature à
créer une véritable et efficace délibération parlementaire.
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Cette description de la nouvelle procédure législative ne serait pas complète si elle n'était
suivie de l'indication des règles précises que le projet fixe à la procédure budgétaire. Le temps
des débats est limité pour les deux chambres et les amendements qui diminuent les recettes ou
augmentent les dépenses sont interdits. Quand le temps des débats est écoulé - à condition que
le budget ait été déposé en temps voulu -, le Gouvernement peut promulguer la loi de
finances. Les expériences que nous avons vécues depuis trop d'années justifient cette
procédure qui peut paraître brutale à qui ne connaît pas la brutalité semblable de tous les
régimes parlementaires disciplinés.
Une dernière innovation est à signaler, dont l'objet est de diminuer l'arbitraire, tant
gouvernemental que parlementaire, en tout ce qui touche les pouvoirs publics. La Constitution
ne peut pas tout réglementer en ce domaine. Il n'est pas bon, cependant, qu'une loi soit
hâtivement rédigée et votée. Une procédure particulière, simplement marquée par un long
temps de réflexion et des pouvoirs accrus du Sénat est destinée à faire des lois organiques des
textes dotés d'une plus grande stabilité, c'est-à-dire, comme il se doit, entourés d'un plus grand
respect. Le fonctionnement des assemblées, les grandes règles de l'organisation de l'État, la
magistrature feront l'objet, notamment, de lois organiques.
4. Le projet de Constitution, rédigé à la lumière d'une longue et coûteuse expérience,
comporte certains mécanismes très précis qui n'auraient pas leur place dans un texte de cette
qualité si nous ne savions qu'ils sont nécessaires pour changer les moeurs. Quand on veut
briser de mauvaises habitudes, il faut de rigoureux impératifs. C'est dans cette catégorie de
mesures qu'il faut ranger l'obligation du vote personnel, les incompatibilités qui
accompagnent la fonction ministérielle, le contrôle de la constitutionnalité des lois, enfin la
procédure minutieuse de la motion de censure.
L'obligation de vote personnel est une exigence morale et politique à la fois. Depuis plus d'un
demi-siècle le Parlement français est le seul au monde qui puisse délibérer en l'absence de
parlementaires, grâce au système inouï des « boîtiers ». On ne peut, à la vérité, trouver
meilleure preuve du régime d'assemblée, car ce mécanisme permet d'assurer la permanence
parlementaire et de réduire en servitude le Gouvernement. Aucun effort réglementaire n'a
permis de redresser la situation. Bien au contraire, le recours, dans la précédente Constitution,
à des majorités qualifiées pour des votes, sinon ordinaires, du moins courants, a abouti à
donner obligatoirement le caractère constitutionnel au vote par délégation. On ne peut
imaginer manifestation plus nette, ni cause plus dangereuse, de la déviation de notre régime.
La délégation de vote est si coutumière que le projet n'a pas osé l'annuler totalement, mais les
dispositions prises doivent le faire disparaître. La délégation, en effet, doit demeurer très
exceptionnelle. Quand elle sera admise, nul ne pourra avoir plus de deux bulletins. C'est déjà
un immense et profond changement et il faut souhaiter que la loi d'application soit des plus
strictes.
L'incompatibilité des fonctions ministérielles et du mandat parlementaire a fait, et fera
encore, couler beaucoup d'encre. On peut estimer en effet qu'une telle mesure n'est pas dans la
nature du régime parlementaire. Certes, il faut des incompatibilités, mais, dans les pays
parlementaires anglo-saxons, elles existent plutôt entre le mandat local et le mandat
parlementaire ; c'est le régime présidentiel qui pratique la césure entre ministre et député ou
sénateur. Cependant, la pratique française, qui ne connaît quasiment aucune incompatibilité, a
favorisé l'instabilité d'une manière telle qu'il serait coupable de ne pas réagir ! La fonction
ministérielle est devenue un galon, une étoile ou plutôt une brisque comme les militaires en
connaissent et qui rappelle une campagne. On reconnaît les politiciens chevronnés au nombre
de brisques qu'ils portent sur la manche ! Le pouvoir n'est plus exercé pour le pouvoir : il est
ambitionné pour le titre qu'il donne et les facilités de carrière ou d'influence qu'il procure à
ceux qui l'ont approché ou qui sont susceptibles de l'approcher encore. Au début de la IIIe
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République, les moeurs étaient différentes. C'était le temps où le vote personnel était encore
de rigueur et les parlementaires qui devenaient ministres ne votaient plus, ne siégeaient plus.
Jules Ferry, à la veille du débat sur l'affaire de Langson, dont il devinait qu'il pouvait lui être
fatal, rappela cependant cette règle à ses ministres. Quelle chute dans nos moeurs depuis cette
époque ! La règle de l'incompatibilité est devenue une sorte de nécessité pour briser ce qu'il
était convenu d'appeler la « course aux portefeuilles », jeu mortel pour l'État. Le projet l'étend
de telle sorte qu'il est bien entendu pour tous que l'on ne pourra désormais accéder à une
fonction ministérielle qu'à condition de s'y consacrer entièrement.
Il fallait enfin supprimer cet arbitraire parlementaire qui, sous prétexte de souveraineté, non
de la nation (qui est juste), mais des assemblées (qui est fallacieux), mettait en cause, sans
limites, la valeur de la Constitution, celle de la loi et l'autorité des gouvernements.
La création du Conseil constitutionnel manifeste la volonté de subordonner la loi, c'est-à-dire
la volonté du Parlement, à la règle supérieure édictée par la Constitution. Il n'est ni dans
l'esprit du régime parlementaire, ni dans la tradition française, de donner à la justice, c'est-àdire à chaque justiciable, le droit d'examiner la valeur de la loi. Le projet a donc imaginé une
institution particulière que peuvent seules saisir quatre autorités : le Président de la
République, le Premier ministre, les deux présidents d'assemblées. A ce conseil d'autres
attributions ont été données, notamment l'examen du règlement des assemblées et le jugement
des élections contestées, afin de faire disparaître le scandale des invalidations partisanes.
L'existence de ce conseil, l'autorité qui doit être la sienne représentent une grande et
nécessaire innovation. La Constitution crée ainsi une arme contre la déviation du régime
parlementaire.
La difficile procédure de la motion de censure doit tempérer le défaut que nous connaissons
bien et depuis trop longtemps. La question de confiance est l'arme du Gouvernement, et de lui
seul. Les députés ne peuvent user que de la motion de censure, et celle-ci est entourée de
conditions qui ne sont discutées que par ceux qui ne veulent pas se souvenir. L'expérience a
conduit à prévoir en outre une disposition quelque peu exceptionnelle pour assurer, malgré les
manoeuvres, le vote d'un texte indispensable.
Faisons le bilan.
Régime des sessions, domaine de la loi, procédure législative, mécanisme du fonctionnement
des assemblées : en vérité, il n'est rien qui ne soit justifié par notre passé, proche ou moins
proche ; il n'est rien qui ne soit inspiré par la volonté d'assurer la bonne marche des
institutions parlementaires.
S'il n'y avait les pouvoirs du Sénat, l'incompatibilité des fonctions ministérielles et la
réglementation détaillée de la motion de censure, on pourrait dire que rien de ce qui est
contenu dans le projet n'est nouveau, car on le trouve dans les constitutions ou les traditions
des pays parlementaires, notamment de la Grande-Bretagne. Il est d'ailleurs facile de
comprendre pourquoi il faut à la France une puissante deuxième chambre, des ministres
indépendants du Parlement et une procédure difficile de la motion de censure : notre régime
électoral nous empêche de connaître les majorités cohérentes qui assurent, sans règles
détaillées, la bonne marche du régime parlementaire. Ah ! si nous avions la possibilité de faire
surgir demain une majorité nette et constante, il ne serait pas nécessaire de prévoir un Sénat
dont le rôle principal est de soutenir, le cas échéant, un gouvernement contre une assemblée
trop envahissante parce que trop divisée ; il ne serait pas besoin de faire régner l'ordre et la
stabilité en coupant les liens entre les partis et le Gouvernement ; il ne serait pas utile de
consacrer de longs développements à la motion de censure. Mais quelque désir que l'on ait
d'une loi électorale neuve et majoritaire et quelque nécessaire qu'elle soit, nul n'a le droit en
France, présentement, de tirer une traite sur un avenir dont nous savons trop bien qu'il sera
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fait longtemps encore de divisions politiques, c'est-à-dire de majorités menacées, trop
aisément, d'éclatement, et qu'il faut contraindre à la sagesse. Parce qu'en France la stabilité
gouvernementale ne peut résulter d'abord de la loi électorale, il faut qu'elle résulte au moins
en partie de la réglementation constitutionnelle, et voilà qui donne au projet son explication
décisive et sa justification historique. Si nous voulons que le futur régime parlementaire de la
démocratie française ne connaisse qu'un gouvernement par législature, il n'est pas possible
d'agir autrement.
[…]
III. Le Président de la République
Si vous me permettez une image empruntée à l'architecture, je dirai qu'à ce régime
parlementaire neuf, et à cette Communauté qui commence à s'ébaucher, il faut une clef de
voûte. Cette clef de voûte, c'est le Président de la République.
Ses pouvoirs
Chaque fois, vous le savez, qu'il est question, dans notre histoire constitutionnelle, des
pouvoirs du Président de la République, un curieux mouvement a pu être observé : une
certaine conception de la démocratie voit, a priori, dans tout Président de la République, chef
de l'État, un danger et une menace pour la République. Ce mouvement existe encore de nos
jours. N'épiloguons pas et admirons plutôt la permanence des idéologies constitutionnelles.
Le Président de la République doit être la clef de voûte de notre régime parlementaire. Faute
d'un vrai chef d'État, le Gouvernement, en l'état actuel de notre opinion, en fonction de nos
querelles historiques, manque d'un soutien qui lui est normalement nécessaire. C'est dire que
le Président de notre République ne peut être seulement, comme en tout régime parlementaire,
le chef d'État qui désigne le Premier ministre, voire les autres ministres, au nom de qui les
négociations internationales sont conduites et les traités signés, sous l'autorité duquel sont
placées l'armée et l'administration. Il est, dans notre France, où les divisions intestines ont un
tel pouvoir sur la scène politique, le juge supérieur de l'intérêt national. A ce titre, il demande,
s'il estime utile, une deuxième lecture des lois dans le délai de leur promulgation (disposition
déjà prévue et désormais classique) ; il peut également (et ces pouvoirs nouveaux sont d'un
intérêt considérable) saisir le Comité constitutionnel s'il a des doutes sur la valeur de la loi au
regard de la Constitution. Il peut apprécier si le référendum, qui doit lui être demandé par le
Premier ministre ou les présidents des assemblées, correspond à une exigence nationale.
Enfin, il dispose de cette arme capitale de tout régime parlementaire qui est la dissolution.
Est-il besoin d'insister sur ce que représente la dissolution ? Elle est l'instrument de la stabilité
gouvernementale. Elle peut être la récompense d'un Gouvernement qui paraît avoir réussi, la
sanction d'un Gouvernement qui paraît avoir échoué. Elle permet entre le chef de l'État et la
nation un bref dialogue qui peut régler un conflit ou faire entendre la voix du peuple à une
heure décisive.
Ce tableau rapidement esquissé montre que le Président de la République, comme il se doit,
n'a pas d'autre pouvoir que celui de solliciter un autre pouvoir : il sollicite le Parlement, il
sollicite le Comité constitutionnel, il sollicite le suffrage universel. Mais cette possibilité de
solliciter est fondamentale.
En tant que Président de la Communauté, le Président de la République dispose de pouvoirs
qui ne sont pas de même nature, car il n'est plus, là, le chef d'un État parlementaire. Il est le
chef d'un régime politique collégial, destiné par l'autorité de son Président, et par l'autorité des
gouvernements membres, à faciliter la création d'une politique commune. Le Président de la
Communauté représente toute la Communauté et c'est à cet égard que son autorité en matière
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de défense nationale et d'affaires étrangères est essentielle. Il préside le Conseil exécutif, il
saisit le Sénat de la Communauté.
A ces pouvoirs normaux de chef de l'État, soit en tant que Président de la République
parlementaire, soit en tant que Président de la Communauté, le projet de Constitution ajoute
des pouvoirs exceptionnels. On en a tant parlé qu'on n'en parle plus, car, sans doute, certains
esprits s'étaient un peu hâtés de critiquer avant de lire attentivement. Quand des circonstances
graves, intérieures ou extérieures, et nettement définies par un texte précis, empêchent le
fonctionnement des pouvoirs publics, il est normal à notre époque dramatique, de chercher à
donner une base légitime à l'action de celui qui représente la légitimité. Il est également
normal, il est même indispensable, de fixer à l'avance certaines responsabilités fondamentales.
A propos de cet article on a beaucoup parlé du passé. On a moins parlé de l'avenir, et c'est
pourtant pour l'avenir qu'il est fait. Doit-on, en 1958, faire abstraction des formes modernes de
guerre ? A cette question la réponse est claire : on n'a pas le droit, ni pour ce cas ni pour
d'autres, d'éliminer l'hypothèse de troubles profonds dans notre vie constitutionnelle. C'est
pour l'hypothèse de ces troubles profonds qu'il faut solennellement marquer où sont les
responsabilités, c'est-à-dire les possibilités d'action.
Sa désignation
Cette responsabilité normale du chef de l'État en régime parlementaire, cette responsabilité
normale du chef de l'État à la tête de la Communauté, cette responsabilité exceptionnelle du
chef de l'État en période tragique, voilà qui exige que sa désignation soit entourée de soins
particuliers.
Peut-on continuer, selon la tradition depuis 1875, de le faire désigner par les deux chambres
du Parlement ? Nous savons où mène un tel collège électoral : le Président de la République
est un arbitre entre les partis membres du Parlement, et cet arbitre, quelle que soit sa valeur
morale, éprouve beaucoup de mal à sortir de l'étroit domaine où il est enfermé moins par les
textes que par son mode d'élection. Il faut à la République et à la Communauté une
personnalité qui soit bien plus qu'un arbitre entre les partis et il est peu probable qu'un collège
électoral réduit au seul Parlement puisse aboutir au résultat souhaité. Au surplus, le
Parlement, demain, sera la République seule, c'est-à-dire la métropole, les départements
d'outre-mer, quelques territoires. Or des représentants de la Communauté doivent être
présents si l'on veut marquer au départ la double fonction du Président de la République.
Le suffrage universel ne donne pas un corps électoral normal dans un régime parlementaire.
Le Président qui est l'élu du suffrage universel est un chef politique attaché à l'oeuvre
quotidienne du gouvernement et du commandement ; recourir au suffrage universel, c'est
recourir à la constitution présidentielle qui a été écartée pour les raisons qui ont été dites au
début de cet exposé.
On est alors mené par la force des choses à un collège composé d'élus politiques qui ne soient
pas seulement les parlementaires : les conseillers généraux, les conseillers municipaux. La
seule difficulté de ce collège est constituée par le grand nombre de petites communes et la
représentation relativement faible des grandes villes. Ce problème est un problème politique,
mais il faut bien voir qu'il est posé par une caractéristique nationale que nous devons admettre
à moins de sombrer dans l'idéologie. La France est composée de milliers et de milliers de
communes : ce fait est un fait français, un des aspects fondamentaux de notre sociologie. Les
inconvénients de cette force considérable des petites communes doivent, il est vrai, être
corrigés. Le projet qui vous est soumis accorde aux grandes villes une représentation
équitable en donnant à leurs conseils municipaux la possibilité d'élire des électeurs
supplémentaires proportionnellement à leur population ; en réduisant par ailleurs la
représentation des conseils municipaux des communes et des petites villes soit au maire seul,
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soit au maire et à ses adjoints, soit à un petit nombre de conseillers municipaux, le projet
rétablit un équilibre raisonnable. En même temps, sur des bases identiques, également très
valables, on peut parvenir à une représentation, dans le collège électoral du Président de la
République, des territoires et des futurs États de la Communauté.
Pour assurer la légitimité du chef de la République française, il faut donner à son corps
électoral une image aussi conforme que possible à ce qu'est la France politique. Pour assurer
la légitimité du chef futur de la Communauté, il faut assurer une participation raisonnable des
États membres à ce collège électoral. Le projet s'est attaché à répondre à cette double
préoccupation ; il n'aboutit donc pas, comme vous le voyez, à un mécanisme qui aurait été
inventé pour élire le général de Gaulle, lequel n'a pas besoin d'un tel mécanisme ! Le projet a
pour ambition d'établir l'élection du Président de la République sur des bases telles qu'il
réponde aux nécessités de notre siècle.
Conclusion
Réforme du régime parlementaire, effort pour construire une Communauté, enfin, et pour l'un
et pour l'autre, définition des nouvelles fonctions du Président de la République et désignation
précise de son corps électoral : ai-je besoin de vous dire en terminant que cette tâche a été
entreprise dans le respect des principes fixés d'un commun accord entre le Gouvernement du
général de Gaulle et les assemblées parlementaires, accord qui s'est manifesté par la loi du 3
juin dernier.
Seul le suffrage universel est la source du pouvoir.
Qu'il s'agisse du législatif et de l'exécutif, cette règle a été respectée. Le collège électoral, le
mode de scrutin pour l'élection du Président de la République ont été précisés dans la
Constitution même. En ce qui concerne les assemblées, nous sommes demeurés dans la
tradition républicaine : la loi électorale de l'une et de l'autre est extérieure à la Constitution. Il
est simplement entendu que les députés sont élus au suffrage universel direct et que le Sénat
assure la représentation des collectivités territoriales. Les règles fondamentales de la
démocratie française sont donc maintenues.
Le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif doivent être effectivement séparés.
De bons esprits ont fait remarquer que la séparation des pouvoirs était un dogme caduc. S'il
s'agit de nous apprendre qu'il n'y a pas séparation absolue des pouvoirs, mais qu'en fait
comme en droit le pouvoir est « un », je n'ai pas attendu ces bons esprits pour le savoir et l'ai
même écrit avant eux. Mais ce que ces bons esprits ne disent pas, c'est que faute de séparation
dans la nomination et l'organisation des différentes fonctions, suivies d'un partage dans les
tâches, le régime vire à la dictature ; tout caduc qu'est le dogme de la séparation des pouvoirs,
il faut cependant que les fonctions essentielles du pouvoir soient divisées, si l'on veut éviter
l'arbitraire et tenter d'associer à la fois autorité et liberté. Le texte qui vous est présenté établit,
pour la première fois dans notre histoire constitutionnelle d'une manière aussi nette, la
séparation des autorités à l'origine de leur pouvoir et leur collaboration pour réaliser l'unité de
pensée et d'action.
Le Gouvernement doit être responsable devant le Parlement.
Ce principe est la ligne directrice du régime parlementaire que le projet a l'ambition
d'instituer. Ce principe ne signifie pas que la responsabilité doit être égale devant les deux
chambres. Le Parlement de la République comprend comme il se doit, selon notre tradition,
une Assemblée nationale et un Sénat, mais cette seconde chambre (qui reprend son nom
ancien) ne doit pas sortir du rôle éminent qui est le sien : rôle législatif, rôle budgétaire ; les
attributions politiques sont le fait de l'Assemblée nationale, et ce n'est qu'à titre exceptionnel
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que le Sénat peut, à la demande du Gouvernement, sortir de son rôle normal. La responsabilité
du Gouvernement ne signifie pas davantage qu'elle soit mise en cause d'une manière
quotidienne et illimitée ; sur ce point, les meilleurs raisonnements ne valent rien et c'est
l'expérience qui l'emporte. La responsabilité du Gouvernement est établie selon des
procédures qui doivent éviter le risque d'instabilité.
L'autorité judiciaire doit demeurer indépendante.
Un titre spécial affirme l'indépendance de la justice, maintient l'inamovibilité des magistrats
du siège, reconstitue un Conseil supérieur de la magistrature et fait du Président de la
République le garant des qualités éminentes du pouvoir judiciaire. Des lois organiques vous
seront prochainement soumises qui appliqueront, d'une manière plus claire et plus nette qu'il
ne le fut jamais, ces principes nécessaires à l'équilibre du pouvoir démocratique.
La Constitution doit permettre d'organiser les rapports de la République avec les peuples qui
lui sont associés.
De cet immense effort vous avez eu, au moins du point de vue juridique, un aperçu ; et la
politique du Gouvernement, représentée avant toute chose par l'action du général de Gaulle,
manifeste l'orientation donnée à cet effort d'association.
Après ce rappel des principes de la loi du 3 juin, et avant de conclure, j'évoquerai trois articles
du projet qui, du point de vue de la liberté, présentent un intérêt majeur : l'article sur les partis
politiques, l'article sur la liberté de questionner le Gouvernement reconnue à l'opposition,
l'article sur l'autorité du pouvoir judiciaire au regard de la liberté individuelle.
On a voulu voir dans l'article qui traite des partis politiques une dangereuse machine de
guerre. Où en sommes-nous arrivés qu'une affirmation telle que « les partis doivent respecter
le principe de la souveraineté nationale et la démocratie » fasse crier à l'arbitraire ? Nous
vivons dans un monde où la fourberie est reine. De quel droit ceux qui ont pour mission de
fortifier la France et de consolider la République pourraient-ils accepter d'ouvrir à deux
battants les institutions de l'État à des formations qui ne respecteraient point le principe sans
lequel il n'y a ni France ni République ? Le silence de la Constitution eût été grave et les
critiques alors auraient été justifiées !
Il n'a pas été assez dit que cette affirmation est la conséquence d'une autre. Le projet déclare :
« Les partis et groupements politiques concourent à l'expression du suffrage. Ils se forment et
exercent leur activité librement ». Ces deux phrases sont capitales. Elles sont, du point de vue
constitutionnel, la négation de tout système totalitaire qui postule un seul parti. De la manière
la plus catégorique, et en même temps la plus solennelle, notre future Constitution proclame
sa foi démocratique et fonde les institutions sur cette expression fondamentale de la liberté
politique qui est la pluralité des partis.
Un article du projet, après avoir, par un premier paragraphe, donné au Gouvernement une
responsabilité majeure dans la fixation de l'ordre du jour des assemblées, précise ensuite :
« Une séance par semaine est réservée, par priorité, aux questions des membres du Parlement
et aux réponses du Gouvernement. » Cette disposition est la marque décisive du régime
parlementaire et des droits reconnus, dans ce régime, à l'opposition. Le Gouvernement
responsable de l'État, donc de la législation, est normalement maître de l'ordre du jour des
assemblées. Aucun retard ne doit être toléré à l'examen d'un texte gouvernemental, si ce n'est
celui qui résulte de son étude. La loi, le budget et toutes les affaires qui sont de la compétence
du Parlement ne sont pas, pour le Parlement, un monopole. L'intervention des assemblées est
un contrôle et une garantie. Il ne faut pas, cependant, qu'un gouvernement accapare les
travaux des assemblées au point que l'opposition ne puisse plus manifester sa présence. Si elle
ne doit pas pouvoir faire obstruction, elle doit pouvoir interroger. C'est l'objet de ce « jour par
100
semaine » réservé aux questions. Il est bien entendu que ces questions ne peuvent, à la volonté
de l'interpellateur, se terminer par une motion de confiance ni de censure. Seul le
Gouvernement peut poser la question de confiance et la motion de censure est soumise à une
procédure pour laquelle le nouveau texte constitutionnel s'inspire des projets qui étaient en
cours d'approbation devant l'Assemblée nationale. Mais l'existence constitutionnelle du droit
d'interpeller est une pierre de touche de la liberté parlementaire.
A la fin du titre réservé à l'autorité judiciaire, un article est demeuré à l'abri de la critique
comme de l'éloge. Il paraît ne pas avoir été compris. C'est celui qui dit : « Nul ne peut être
arbitrairement détenu. L'autorité judiciaire, gardienne de la liberté individuelle, assure le
respect de ce principe dans les conditions prévues par la loi. » On sait que la disposition du
droit anglo-saxon dite habeas corpus est souvent citée en modèle. C'est se rendre coupable
d'injure à la justice de ne pas déférer un citoyen dans le jour qui suit son arrestation. La
garantie est grande et elle est la clef de voûte de tout régime qui prétend respecter la liberté
individuelle. La souplesse des règles constitutionnelles anglaises permet de combiner cet
impératif avec un autre impératif, celui de la sécurité de l'État. En temps de guerre, en cas de
troubles, un acte du Parlement suspend l'application de l'habeas corpus. Notre système rigide
empêche une si heureuse combinaison. Affirmer dans un article le principe de la compétence
judiciaire immédiate et totale, puis donner au Gouvernement le droit, par décret, fût-il soumis
à ratification, ce n'est pas, ce ne peut être d'un heureux effet. Cependant le Gouvernement du
général de Gaulle a voulu, pour affirmer la légitimité libérale de la France, aller plus loin
qu'on ne l'a fait jusqu'à présent. Après le rappel du principe - nul ne peut être arbitrairement
détenu -, il donne compétence à la seule justice pour l'appliquer, et renvoie à la loi. Cette loi
sera préparée et promulguée en des termes qui essaieront de combiner les exigences
fondamentales des droits individuels et les droits de l'État et d'assurer la sécurité de la nation
comme celle des citoyens. Nous pourrons, à cet égard, faire mieux encore que le droit anglosaxon.
Liberté des partis politiques (liberté essentielle de la démocratie), liberté d'interpeller le
Gouvernement (liberté essentielle du régime parlementaire), liberté de chaque citoyen
garantie par le pouvoir judiciaire (liberté essentielle de l'individu) : le projet de Constitution
est inspiré par le plus généreux respect de la liberté. Cette réforme constitutionnelle est la
dernière chance donnée aux hommes et aux partis qui pensent que la France peut à la fois
demeurer une des fortes nations du monde et une démocratie. « La dernière chance » : c'est le
général de Gaulle qui a prononcé ces mots et il avait le droit de les prononcer, lui sans qui
cette chance ne pourrait être saisie, lui sans qui notre État et notre liberté courraient
présentement les plus graves périls.
Naturellement, les textes sont les textes et ils ne sont que cela. Que seront, demain, les
mouvements du monde ? Que seront, demain, les forces politiques intérieures ? Nul ne peut
avec assurance répondre à ces questions qui dominent notre destin. Notre tâche cependant doit
être influencée par ce fait que ces mouvements seront profonds et brutaux, que ces forces
politiques seront passionnées. Notre tâche doit également être influencée par cet autre fait que
nous sommes déjà arrivés aux échéances de mille difficultés. Notre époque est celle du
déséquilibre, de l'instabilité, des problèmes sans cesse remis en cause.
Si nous ne voulons pas que la France dérive, si nous ne voulons pas que la France soit
condamnée, une première condition est nécessaire : un pouvoir. Nous voulons donner un
pouvoir à la République. Nous voulons donner un pouvoir à la Communauté.
Notre ambition ne peut aller plus loin. Une Constitution ne peut rien faire d'autre que
d'apporter des chances aux hommes politiques de bonne foi qui, pour la nation et la liberté,
veulent un État, c'est-à-dire, avant toute autre chose, un Gouvernement. »
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Document 4 : Discours prononcé place de la République à Paris, 4 septembre 1958
« Le jour anniversaire de la proclamation de la République en 1870, le général de Gaulle
présente au peuple français le projet de Constitution que le gouvernement vient d'adopter, et
qui sera soumis au référendum du 28 septembre.
C'est en un temps où il lui fallait se réformer ou se briser que notre peuple, pour la première
fois, recourut à la République. Jusqu'alors, au long des siècles, l'Ancien régime avait réalisé
l'unité et maintenu l'intégrité de la France. Mais, tandis qu'une immense vague de fond se
formait dans les profondeurs, il se montrait hors d'état de s'adapter à un monde nouveau. C'est
alors, qu'au milieu de la tourmente nationale et de la guerre étrangère, apparut la République.
Elle était la souveraineté du peuple, l'appel de la liberté, l'espérance de la justice. Elle devait
rester cela à travers les péripéties agitées de son histoire. Aujourd'hui, autant que jamais, nous
voulons qu'elle le demeure.
Certes, la République a revêtu des formes diverses au cours de ses règnes successifs. En 1792,
on la vit révolutionnaire et guerrière, renverser trônes et privilèges, pour succomber, huit ans
plus tard, dans les abus et les troubles qu'elle n'avait pu maîtriser. En 1848, on la vit s'élever
au-dessus des barricades, se refuser à l'anarchie, se montrer sociale au-dedans et fraternelle
au-dehors, mais bientôt s'effacer encore faute d'avoir accordé l'ordre avec l'élan du renouveau.
Le 4 septembre 1870, au lendemain de Sedan, on la vit s'offrir au pays pour réparer le
désastre.
De fait, la République sut relever la France, reconstituer les armées, recréer un vaste empire,
renouer des alliances solides, faire de bonnes lois sociales, développer l'instruction. Si bien
qu'elle eut la gloire d'assurer, pendant la Première Guerre mondiale, notre salut et notre
victoire. Le 11 novembre, quand le peuple s'assemble et que les drapeaux s'inclinent pour la
commémoration, l'hommage que la patrie décerne à ceux qui l'ont bien servie s'adresse aussi à
la République.
Cependant, le régime comportait des vices de fonctionnement qui avaient pu sembler
supportables à une époque assez statique, mais qui n'étaient plus compatibles avec les
mouvements humains, les changements économiques, les périls extérieurs, qui précédaient la
Deuxième Guerre mondiale. Faute qu'on y eût remédié, les événements terribles de 1940
emportèrent tout. Mais quand, le 18 juin, commença le combat pour la libération de la France,
il fut aussitôt proclamé que la République à refaire serait une République nouvelle. La
résistance tout entière ne cessa pas de l'affirmer.
On sait, on ne sait que trop, ce qu'il advint de ces espoirs. On sait, on ne sait que trop, qu'une
fois le péril passé, tout fut livré et confondu à la discrétion des partis. On sait, on ne sait que
trop, quelles en furent les conséquences. A force d'inconsistance et d'instabilité et quelles que
pussent être les intentions, souvent la valeur, des hommes, le régime se trouva privé de
l'autorité intérieure et de l'assurance extérieure sans lesquelles il ne pouvait agir. Il était
inévitable que la paralysie de l'État amenât une grave crise nationale et qu'aussitôt la
République fût menacée d'effondrement.
Le nécessaire a été fait pour obvier à l'irrémédiable à l'instant même où il était sur le point de
se produire. Le déchirement de la nation fut, de justesse, empêché. On a pu sauvegarder la
chance ultime de la République. C'est dans la légalité que moi-même et mon gouvernement
avons assumé le mandat exceptionnel d'établir un projet de nouvelle Constitution et de le
soumettre à la décision du peuple.
Nous l'avons fait sur la base des principes posés lors de notre investiture. Nous l'avons fait
avec la collaboration du Conseil consultatif institué par la loi. Nous l'avons fait compte tenu
de l'avis solennel du Conseil d'État. Nous l'avons fait après délibérations très libres et très
approfondies de nos propres Conseils de ministres ; ceux-ci formés d'hommes aussi divers
que possible d'origines et, de tendances, mais résolument solidaires. Nous l'avons fait, sans
avoir, entre-temps, attenté à aucun droit du peuple, ni à aucune liberté publique. La nation, qui
seule juge, approuvera ou repoussera notre oeuvre. Mais c'est en toute conscience que nous la
lui proposons.
Ce qui, pour les pouvoirs publics, est désormais primordial, c'est leur efficacité et leur
continuité. Nous vivons en un temps où des forces gigantesques sont en train de transformer
le monde. Sous peine de devenir un peuple périmé et dédaigné, il nous faut, dans les
domaines scientifique, économique, social, évoluer rapidement. D'ailleurs à cet impératif
répondent le goût du progrès et la passion des réussites techniques qui se font jour parmi les
Français et, d'abord, dans notre jeunesse. Il y a là des faits qui dominent notre existence
nationale et doivent, par conséquent, commander nos institutions.
La nécessité de rénover l'agriculture et l'industrie, de procurer les moyens de vivre, de
travailler, de s'instruire, de se loger, à notre population rajeunie, d'associer les travailleurs à la
marche des entreprises, nous pousse à être, dans les affaires publiques, dynamiques et
expéditifs. Le devoir de ramener la paix en Algérie, ensuite celui de la mettre en valeur, enfin
celui de régler la question de son statut et de sa place dans notre ensemble, nous imposent des
efforts difficiles et prolongés. Les perspectives que nous ouvrent les ressources du Sahara sont
magnifiques, certes, mais complexes. Les rapports entre la métropole et les territoires d'outremer exigent une profonde adaptation. L'univers est traversé de courants qui mettent en cause
l'avenir de l'espèce humaine et portent la France à se garder, tout en jouant le rôle de mesure,
de paix, de fraternité, que lui dicte sa vocation. Bref, la nation française refleurira ou périra
suivant que l'État aura ou n'aura pas assez de force, de constance, de prestige, pour la conduire
là où elle doit aller.
C'est donc pour le peuple que nous sommes, au siècle et dans le monde où nous sommes, qu'a
été établi le projet de Constitution. Que le pays puisse être effectivement dirigé par ceux qu'il
mandate et leur accorde la confiance qui anime la légitimité. Qu'il existe, au-dessus des luttes
politiques, un arbitre national, élu par les citoyens qui détiennent un mandat public, chargé
d'assurer le fonctionnement régulier des institutions, ayant le droit de recourir au jugement du
peuple souverain, répondant, en cas d'extrême péril, de l'indépendance, de l'honneur, de
l'intégrité de la France et du salut de la République. Qu'il existe un gouvernement qui soit fait
pour gouverner, à qui on en laisse le temps et la possibilité, qui ne se détourne pas vers autre
chose que sa tâche, et qui, par là, mérite l'adhésion du pays. Qu'il existe un parlement destiné
à représenter la volonté politique de la nation, à voter les lois, à contrôler l'exécutif, sans
prétendre sortir de son rôle. Que gouvernement et parlement collaborent mais demeurent
séparés quant à leurs responsabilités et qu'aucun membre de l'un ne puisse, en même temps,
être membre de l'autre. Telle est la structure équilibrée que doit revêtir le pouvoir. Le reste
dépendra des hommes.
Qu'un conseil économique et social, désigné en dehors de la politique par les organisations
professionnelles et syndicales du pays et de l'outre-mer, fournisse ses avis au parlement et au
gouvernement. Qu'un comité constitutionnel, dégagé de toute attache, ait qualité pour
apprécier si les lois votées sont conformes à la Constitution et si les élections diverses ont eu
lieu régulièrement. Que l'autorité judiciaire soit assurée de son indépendance et demeure la
gardienne de la liberté de chacun. La compétence, la dignité, l'impartialité de l'État en seront
mieux garanties.
Qu'entre la nation française et ceux des territoires d'outremer qui le veulent, soit formée une
Communauté, au sein de laquelle chaque territoire va devenir un État qui se gouvernera luimême, tandis que la politique étrangère, la défense, la monnaie, la politique économique et
103
financière, celle des matières premières, le contrôle de la justice, l'enseignement supérieur, les
communications lointaines, constitueront un domaine commun dont auront à connaître les
organes de la Communauté : Président, Conseil exécutif, Sénat, Cour d'arbitrage. Ainsi, cette
vaste organisation rénovera-t-elle l'ensemble humain groupé autour de la France. Ce sera fait
en vertu de la libre détermination de tous. En effet, chaque territoire aura la faculté, soit
d'accepter par son vote au référendum la proposition de la France, soit de la refuser et, par là
même, de rompre avec elle tout lien. Devenu membre de la Communauté, il pourra dans
l'avenir, après s'être mis d'accord avec les organes communs, assumer son propre destin
indépendamment des autres.
Qu'enfin, pendant les quatre mois qui suivront le référendum, le gouvernement ait la charge
des affaires du pays et fixe, en particulier, le régime électoral. De cette façon, pourront être
prises, sur mandat donné par le peuple, les dispositions nécessaires à la mise en place des
nouvelles institutions.
Voilà, Françaises, Français, de quoi s'inspire et en quoi consiste la Constitution qui sera, le 28
septembre, soumise à vos suffrages. De tout mon coeur, au nom de la France, je vous
demande de répondre : OUI !
Si vous ne le faites pas, nous en reviendrons, le jour même, aux errements que vous savez. Si
vous le faites, le résultat sera de rendre la République forte et efficace, pourvu que les
responsables sachent, désormais, le vouloir ! Mais il y aura aussi, dans cette manifestation
positive de la volonté nationale, la preuve que notre pays retrouve son unité et, du coup, les
chances de sa grandeur. Le monde, qui discerne fort bien quelle importance notre décision va
revêtir pour lui-même, en tirera la conclusion. Peut-être l'a-t-il, dès à présent, tirée ! Un grand
espoir se lèvera sur la France. Je crois qu'il est déjà levé !
Vive la République !
Vive la France ! »
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