4.
financement de l'équipement (crédits d'investissement) a toujours été privilégié par rapport à celui de la
production de programmes (crédits annuels de fonctionnement). L'assistance technique apportée aux pays
en développement a par ailleurs été souvent insuffisante, certains pays en développement estimant même
parfois que celle-ci n'était pas indispensable à la mise en place de projets innovateurs.
De même, l'évaluation et le contrôle n'ont pas toujours fait l'objet d’une attention suffisante. On a voulu
trop souvent mesurer les résultats trop partiellement et sur des périodes de temps trop courtes alors que les
effets d’une réforme éducative ne peuvent être mesurés que de façon longitudinale sur des périodes de
temps significatives. L'une des raisons principales de l’échec au moins apparent de ces projets provient de
ce qu'ils ont été souvent conçus d'une façon insuffisamment évolutive en général à cause de la complexité
qu'appelait leur organisation ; ils ont eu parfois une grande difficulté à s'adapter aux circonstances, à
l'évolution des besoins ou des techniques. C'est ainsi que des projets de radio et de télévision qui
cherchaient à pallier rapidement certaines déficiences éducatives passagères ont voulu continuer à
fonctionner alors même que leur action efficace avait contribué à éliminer les problèmes qui avaient
provoqué leur création. Tels ont été les cas de la Telescuola italienne et d'autres projets de radio-télévisions
visant à l'élimination de l'analphabétisme dans une région donnée.
Mais l'évolution de la technologie éducative et son avenir n'ont de sens que si on les interprète par
rapport aux profonds bouleversements qu'ont connu depuis vingt ans l'éducation, les technologies de
communication et le concept même de développement.
En effet, dans les pays industrialisés, le développement depuis 1960 d'une forte critique interne de
l'éducation (contestation étudiante, thèse de la déscolarisation) a fortement ébranlé les modèles mécanistes
et producturistes de l'éducation qui avaient souvent inspiré les projets de technologie éducative. L'aspiration
à une éducation renouvelée qui serait fondée sur les échanges individuels, le travail de groupe, la convivialité
s'est révélée difficilement compatible avec une communication industrialisée. La crise économique de 1973 a
souligné l'importance pour l'éducation d'épouser le mouvement technologique et industriel et de former des
producteurs autant que des citoyens mais n'a pas réussi à proposer de nouveaux rôles pour la technologie
éducative. Certains promoteurs ont cherché alors à faire de certains pays producteurs de pétrole une vitrine
de démonstration pour la technologie éducative en les poussant à des investissements considérables qui
utilisaient des modèles occidentaux surdimensionnés par rapport aux besoins réels du pays, contribuant ainsi
à éloigner plus encore les pays en développement d'un usage approprié de la technologie éducative. De leur
côté, les techniques de communication ont subi pendant la même période des modifications profondes : sur
le plan technique, les grands moyens de communication ont accéléré la sophistication de leur matériel, la
massification de la communication s'est brusquement accrue avec le recours aux satellites, la diversification
des médias s'est affirmée avec l'apparition des petits médias (vidéo), puis les médias interactifs
(vidéodisque). Parallèlement, les institutions de communication traditionnelles ont été remises en cause :
revendication du libre accès aux médias, de professionnalisation de la communication, diversification des
publics, etc.
Enfin et surtout, les modèles de développement se sont eux-mêmes modifiés : dans les années 70, la
révolution industrielle n'apparaît plus dans les pays de civilisation agraire comme le vecteur inévitable de la
démocratisation et de l'égalité, la notion de rattrapage technique des pays industriels soit par les voies du
modèle libéral, soit par celles du modèle socialiste est abandonnée, les inégalités paraissant s'accentuer
malgré les progrès réels accomplis ça et là. On s'attache donc à explorer des formes de développement
spécifiques endogènes et autochtones et, par conséquent, divergentes et différenciées selon les situations
économiques géographiques, sociales, culturelles, plutôt qu'à chercher à rejoindre à tout prix un modèle
universel jugé désormais inauthentique autant qu'inaccessible.