ment du cycle du samsâra. Pour y échapper,
les ascètes de l’époque essayaient de déjouer
la loi karmique en ne posant pas d’actes néga-
tifs. D’autres tentaient d’y échapper à travers
des pratiques méditatives destinées à les
amener à la pleine réalisation du fait que la
réalité intérieure (âtman) de chaque homme
– ce qui le fait exister comme être humain –
était identique à l’absolu situé au fond de
toute existence, à la réalité ultime et imper-
sonnelle de quoi tout chose procède et à quoi
tout retourne (brahman). Dans tous les cas, la
seule chose qui comptait était la délivrance
définitive du cycle du samsâra.
Le Bouddha, nous allons le voir, acceptait
cette vision des choses fondée sur les notions
de samsâra et de karma. Il partageait avec
beaucoup cette préoccupation de se libérer du
samsâra. Mais il rejetait complètement l’hégé-
monie de la caste brahmanique – et donc l’effi-
cacité des rites sacrificiels – et insistait sur le
fait que les autres méthodes en vigueur al-
laient, en réalité, à l’encontre du but recher-
ché. Selon lui, en effet, celui qui s’attache à sa
vie d’ascèse ne fait que poser une série d’actes
égoïstes, et donc négatifs, qui, finalement, l’en-
foncent encore plus profondément dans le
samsâra; quant à ceux qui passent leur temps
à chercher l’identité entre leur âtman et le
brahman, ils sont voués à l’échec car, dans
l’analyse bouddhiste, l’âtman n’est qu’une illu-
sion. Celui qui s’y attache se détourne donc de
la véritable voie qui mène à la libération
– c’est-à-dire celle que le Bouddha a découvert
au moment de son expérience de l’Éveil.
L’aventure spirituelle du Bouddha
Pour celui qui accepte la notion du samsâra,
il est évident que l’aventure spirituelle du
Bouddha n’avait pas commencé au cours de
ce qui, à cause de son Éveil, allait être sa der-
nière vie. Sa «carrière spirituelle » avait
commencé d’innombrables périodes cos-
miques auparavant, quand il était devenu un
Bodhisattva (un être [sattva] voué à l’Éveil
[bodhi]), et tout ce qui s’est passé dans les
vies antérieures de Bouddha se trouve dans
les récits incorporés au canon des écritures
saintes bouddhiques. (•) Bien que ce qui est
raconté là ne puisse en aucun cas faire l’objet
d’études historiques – et pour cause –, cela
n’en est pas moins important pour les boud-
dhistes. Car ils savent que la vérité de toute
cette longue « histoire » est d’ordre spirituel.
Même les sutras, qui parlent de la vie du
Bouddha historique, emploient davantage le
langage des légendes que celui des biogra-
phies. Dans cette brève introduction, nous ne
réfléchirons qu’à quelques scènes de la der-
nière vie du Bouddha, et surtout à celles qui
montrent comment les circonstances de la vie
l’ont mené vers son expérience d’Éveil. Ces
scènes sont importantes dans le sens qu’elles
font appel au vécu de tout homme qui se
trouve confronté aux dures réalités de la vie:
la vieillesse, la maladie et la mort.
Dans sa dernière vie, le Bodhisattva est
donc né prince du clan Shakya (d’où le nom
Shakyamuni – «l’ascète du clan Shakya »)
dans l’Inde du Nord. Son patronyme était
Gautama, et son prénom, Siddhartha. Les cir-
constances de sa naissance laissaient présa-
ger pour lui un avenir peu commun. Un des
sages présents a exprimé sa conviction que le
nouveau-né allait même devenir un Bouddha.
Le roi a alors demandé au sage ce qui allait in-
fluencer son fils dans sa décision. Le sage lui
a répondu que le prince verrait quatre signes
(•) Voir encadré
ci-dessous.
Il existe plusieurs canons d’« écritures saintes »
bouddhiques (en pâli, en chinois, en tibétain…).
Habituellement, chacun de ces canons est divisé en
trois parties appelées «corbeilles ». La première partie
de cette «Triple corbeille » s’appelle «la corbeille des
textes ». Elle contient les enseignements propres du
Bouddha, les sutras. La deuxième partie, «la corbeille
de la discipline », contient les textes concernant la vie
monastique. La troisième partie est «la corbeille de la
doctrine suprême », un regroupement de textes qui
reprennent l’enseignement du Bouddha de manière
beaucoup plus systématique afin de faire ressortir le
sens le plus profond.
Les canons des écritures bouddhiques sont beaucoup
plus volumineux que notre canon des Livres saints, la
Bible. Le canon sino-japonais, par exemple, consiste
en une centaine de volumes de mille pages chacun.
Celui qui contient les textes écrits ou traduits en
tibétain est d’une longueur comparable. La longueur
du canon pâli, le plus ancien, est moins
impressionnante, mais sa partie le plus importante
fait quand même plusieurs fois la taille de la Bible.
LE CANON DES ÉCRITURES BOUDDHIQUES
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