1. Allocution d’ouverture
Jacques MARCEAU, président d’Aromates, co-fondateur du Collectif Santé Numérique
Cela peut sembler paradoxal de se poser la question de la place de l’humain dans une discipline qui touche
l’humain au plus profond de lui-même : la médecine. Et pourtant, cette question nous est aujourd’hui posée,
tant par le progrès technologique que par l’accroissement des contraintes, notamment économiques, qui
pèsent sur notre système de santé et l’organisation des soins.
Va-t-on vers une médecine déshumanisée ? Une médecine de process ? Une médecine dans laquelle le
médecin sera devenu un exécutant aux ordres des protocoles et de la statistique ? Où le patient sera en
permanence contrôlé, contraint, « flicqué » par toutes sortes d’outils connectés et de capteurs qui
s’insinueront jusque dans sa propre chair ? Deviendrons-nous des objets connectés ? Des producteurs de
données au service d’un système régi par le big data ?
Nous avons pensé, avec nos partenaires de Deloitte et les membres du Collectif Santé Numérique, que le
moment était venu de débattre de cette question de la place de l’humain dans un système de santé de plus
en plus numérisé et du développement du numérique en santé au service de la médecine et de ses progrès,
du maintien de nos principes républicains de solidarité et d’égalité dans l’accès aux soins. Car le numérique
est, et doit rester, un outil au service de la médecine et du progrès thérapeutique : des diagnostics de plus
en plus précis et de moins en moins invasifs, des médicaments dont on verra l’accès au marché
considérablement accéléré tout en augmentant leur sécurité, des nouvelles formes d’évaluation et de prise
en charge rendues possibles par le suivi du patient dans sa vie de tous les jours avec ses outils de tous les
jours.
Le champ des possibles est immense et nous ne pouvons aujourd’hui qu’entrevoir les profondes mutations
que génère l’avènement du numérique en santé.
Parmi ces mutations, nous nous intéresserons ce matin tout particulièrement à celles qui sans doute
modifieront non seulement la pratique médicale, mais encore le rapport entretenu par chacun avec sa propre
santé, avec son propre corps. Une transformation qui s’opère au moment même où émergent de nouveaux
traitements plus ciblés et plus personnalisés… Cette conjonction historique entre les fruits de la recherche
scientifique et l’innovation technologique, entre le progrès médical et celui des sciences dures du numérique
et des mathématiques, aura très certainement des conséquences directes sur une pratique médicale jusqu’à
présent et principalement basée sur l’acte. Un acte dispensé par un professionnel de santé à un patient
passif. Aujourd’hui, ce même patient, et notamment sous l’effet des médias sociaux, se transforme en
« actient ». Il est éduqué, informé, responsabilisé, et sera donc de moins en moins le consommateur passif
d’un produit de santé prescrit par un docteur – celui qui sait – mais fera « l’expérience » d’une solution
thérapeutique personnalisée, accompagné par un médecin – celui qui soigne et qui accompagne.
• Organisation des Assises
C’est sur la base de cette approche et de cette vision que nous avons choisi d’organiser nos travaux de la
façon suivante.
En préambule, nous avons demandé à Michel Maffesoli, sociologue, auteur de nombreux ouvrages sur les
questions du lien social communautaire, de la prévalence de l'imaginaire et de la vie quotidienne dans les
sociétés contemporaines, et aussi contributeur majeur de l'approche du paradigme postmoderne, de nous
faire part de ses réflexions sur ce qu’il nomme « l’humanisme intégral ».
Le deuxième exposé liminaire vous sera proposé par Yves Jarlaud, associé conseil chez Deloitte en charge
du secteur santé, qui nous parlera de cette métamorphose du patient en « actient », et du rôle des médias
sociaux dans cette dernière.
La table ronde 1, animée par Hubert Méchin, dirigeant fondateur de Drugee, une start-up qui innove dans les
domaines des vigilances sanitaires, sera consacrée à la co-évolution entre les traitements et les
technologies numériques et ses impacts sur la pratique médicale, l’organisation des soins, leur évaluation et
leur prise en charge.
La table ronde 2, animée par Jean-Bernard Gervais, directeur d’Hospimedia, abordera la question des
impacts d’une fracture numérique sur l’accès aux soins et plus généralement sur l’accès aux services de
santé. En effet, la numérisation croissante du système de santé ne doit pas s’accompagner du
développement d’une nouvelle forme de médecine à deux vitesses seulement, mais à plusieurs vitesses,