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I. Contexte et problématique
Depuis deux décennies, la question du développement des pays par les territoires préoccupe
les pouvoirs publics en Afrique. Afin de placer le territoire au cœur du développement, les
Etats élaborent des lois de décentralisation, d’orientation, d’aménagement et de
développement durable. De la conceptualisation administrative, au découpage foncier, en
passant par l’aménagement, ou encore la création de zones spéciales de développement,
l’intérêt manifesté pour les territoires, espaces nouveaux d’accueil de projets, s’accentue.
D’ailleurs, Pesqueux (2009) soutient que le territoire est « (…) le lieu de formulation d’un
projet (les attentes) et de la réalisation de ces attentes en termes économique, social et
politique avec la référence à des activités, des emplois et des liens sociaux ».
Mais, dans le contexte actuel de crise, cette dynamique se traduit-elle – pour les Etats et
gouvernements africains – « (…) par une prise de responsabilité, par des efforts particuliers,
par l’allocation de ressources » (Divay, 2014), susceptibles de libérer le potentiel
productif ou assure-t-elle insidieusement la création de nouveaux canaux d’évaporation de
moyens financiers ?
La pertinence de cette question intéresse les milieux académiques au vu des résultats
mitigés enregistrés. En effet, force est de constater que l’accès aux ressources, la gestion
optimale de la biodiversité, l’aménagement des territoires, la sécurité alimentaire, la
maîtrise de l’énergie sont des défis difficiles à relever et des enjeux pénibles à emporter. Ce
constat ausculte la complexité du territoire, vu comme organisation en proie aux
contradictions suivantes :
les choix institutionnels, contestés par les parties prenantes, renforcent les
particularismes et accentuent les inégalités ;
les alliances stratégiques Organisation marchande/Collectivité territoriale sont
faibles ;
Ethnicité et identification au territoire ;
la spéculation foncière est forte ;
la transformation agricole est rudimentaire ;
la contradiction est criante entre adhésion au développement territorial des pouvoirs
publics et réalités de paupérisation des zones extra-urbaines ;
les pratiques des entreprises influencent les écosystèmes à travers l’usage massif des
pesticides, le rejet de gaz à effets de serre, l’exploitation exagérée des milieux
halieutiques et forestiers.
Face à toutes ces tensions, les pouvoirs publics et les chercheurs– intéressés par les
dynamiques territoriales – agissent en vue d’apporter des réponses. En ce qui concerne les
politiques, ils prônent la gouvernance en édifiant la décentralisation comme modus operandi
susceptible de booster un développement local harmonieux.
Pour ce qui est de la communauté scientifique, elle considère le territoire comme un champ
de recherche fécond. Le territoire, espace local commun, confronté à de nombreux conflits
d’exploitation, constitue un écheveau à démêler en prenant en compte ses différentes
composantes. En effet, le territoire apparaît parfois « composante identitaire », c’est à dire
entité sociale et propriété culturelle ; parfois « pool technologique », c'est-à-dire avantage
concurrentiel géographique (Porter et Sölvell, 1998 ; Porter, 1999) ; « organisation sociale »,
lorsque les acteurs (Levy, Lussault, 2003) structurent la société par un maillage juridique,
politique et administratif et par un réseautage associatif. Le territoire est donc un enjeu
organisationnel parce que espace de nouvelle gouvernance, et un défi de développement
parce que source potentielle de création de richesses.