Paris, le 18 avril 2012 Armelle Danet Elles Aussi 98 rue de l’Université 75007 Paris Madame la Présidente, Je vous remercie tout d’abord pour votre courrier et l’ensemble de vos questions qui montre la pluralité des leviers à actionner pour atteindre une parité effective dans les lieux de décisions politiques, économiques et sociaux. Mes réponses s’inscrivent dans mon projet de VIe République pour plus de transparence et de justice : une République exemplaire. Comme l’indique mon projet présidentiel, je tiens à vous assurer de ma détermination à créer un Ministère de l’égalité entre les femmes et les hommes. Ce ministère aura la charge de garantir et coordonner l’action transversale du gouvernement pour la mise en place d’un nouveau contrat social fondé sur l’égalité femmes-hommes et la fin des stéréotypes de genre. Bien entendu, ce ministère devra avoir les moyens de fonctionner, notamment via la systématisation d’études d’impact des politiques publiques en matière d’égalité ou le renforcement des équipes en charge des droits des femmes et de l’égalité dans les préfectures régionales et départementales. Pour ce qui est de l’application de la parité au sein du gouvernement lui-même, cela me paraît une évidence. A Europe Ecologie-les Verts, vous le savez, notre objectif est d’atteindre une parité de résultats dans tous les domaines. Sur un plan politique, nous avons déjà atteint cette parité au Sénat et bientôt à l’Assemblée nationale. Et les militantes et militants écologistes n’hésitent pas à élire des femmes pour les représenter, que ce soit comme secrétaire nationale ou comme candidate à l’élection présidentielle ! Vous m’interrogez également sur les modes de scrutins. Les écologistes ont toujours soutenu la généralisation de la proportionnelle, à toutes les élections : c’est à la fois un gage de parité via le scrutin de liste, plus simple d’utilisation dans un cadre proportionnel, et de meilleure représentation de la diversité politique. Pour les élections législatives en particulier, je souhaite que les député-e-s soient élu-e-s pour moitié dans des circonscriptions au scrutin uninominal majoritaire à deux tours et pour la moitié restante sur une liste nationale compensatoire permettant de rétablir la proportionnelle sur la base des résultats du premier tour de la liste nationale. Au-delà, il faut renforcer les sanctions applicables aux partis politiques n’atteignant pas la parité en suspendant les financements publics aux partis politiques qui ne respecteraient pas la parité des candidatures. Mais je souhaite aller plus loin pour garantir la parité effective des élu-e-s. Pour cela, tout parti qui n'aura pas a minima 40 % de femmes parmi ses représentant-e-s élu-e-s verra son financement public diminué. Ces pénalités seront proportionnelles au manquement à l'obligation légale. Beaucoup avancent que la parité est impossible à prévoir pour mieux cacher l’organisation dans certains partis politiques de la non-parité… Les mécanismes simples que je propose permettront d’enrayer cette tendance. Nous savons que la limite du cumul des mandats entrave aujourd’hui l’égal accès des femmes et des hommes aux responsabilités électives comme le prévoit pourtant notre actuelle Constitution. Ma position sur cet enjeu est claire. Dans la VIe République que je souhaite proposer aux citoyennes et citoyens français, les parlementaires nationaux et européens ainsi que les président-e-s d’exécutifs locaux (sauf les maires des communes de moins de 3 500 habitants) ne pourront détenir qu’un seul mandat. Par ailleurs, il ne sera plus possible pour les adjoints au maire et les vice président-e-s d’exécutifs locaux de siéger dans deux exécutifs différents. Enfin, les membres du gouvernement devront abandonner le cas échéant leur mandat local durant l’exercice de leurs fonctions ministérielles. Je limiterai également dans le temps de l’occupation d’un mandat afin d’obliger à une véritable rotation des responsabilités. Depuis la réforme constitutionnelle de 2008, le Président de la République « ne peut exercer plus de deux mandats consécutifs ». Il en sera de même pour les parlementaires et les membres des exécutifs locaux. Afin de fluidifier les entrées et sorties de la représentation politique favorable à la diversité et la parité des élu-e-s, je suis également favorable à la définition d’un statut des élu-e-s. Dans le cadre de la lutte contre les stéréotypes de genre qui constitue un des piliers centraux de la politique que je souhaite mettre en œuvre, je financerai des programmes de recherche et de formation afin de conduire le changement au delà de la parité. En effet, si la parité est nécessaire et essentielle, elle n'est pas synonyme d'égalité pour autant, et tant que nous n'aurons pas déconstruit les modèles qui nous structurent dans la dualité et atteint l’émancipation des individus des rôles qui leur ont été assignés, nous ne pourrons poser les fondations d'une égalité réelle. J’espère que ces réponses vous auront convaincu de mon entière détermination à atteindre une parité effective dans l’ensemble de nos instances démocratiques. Je tiens à souligner une nouvelle fois que c’est bien dans la perspective d’une réforme d’ensemble de notre République que je souhaite porter ces réformes. Elles devront permettre une meilleure représentativité et une meilleure légitimité de nos institutions. Mais sur la question de la parité, il me semble essentiel de ne pas s’arrêter aux assemblées de la démocratie politique mais également de s’attacher à ce que la représentation des femmes et des hommes soient égalitaires dans les organisations socio-professionnelles, syndicats d’employeurs et d’employeuses et syndicats ainsi que dans les associations. Ma vision de la démocratie ne s’arrête en effet pas aux portes de la démocratie politique et je crois que la parité doit être effective également au sein de la représentation de la société civile organisée. Enfin, je ne reviendrai pas longuement sur mon expérience personnelle mais je tiens à souligner à quelle point je comprends, je vis cette dureté, voire cette violence, à l’encontre des femmes en politique. Meilleures salutations, Eva Joly