
Actu SES © Hatier – Joëlle Bails
Fiche d’exploitation pédagogique
1
La zone euro scelle l’union bancaire
Jean Quatremer, Libération, 17 décembre 2013.
Avec le projet d’union bancaire, la résolution des crises relèvera, à terme, des
institutions européennes, et non plus des États.
C’est une révolution qui s’annonce : la création d’une union bancaire au sein de la zone euro
qui fera sortir les banques du giron des États. Dès le 1er novembre 2014, la surveillance des
6 000 banques de la zone sera confiée à la Banque centrale européenne (BCE) et, en 2016 au
plus tard, la résolution des crises bancaires reviendra aussi aux autorités communautaires. Il
s’agit du plus grand saut fédéral depuis la création de la monnaie unique, un partage de
souveraineté qui était encore inimaginable il y a deux ans. […]
Pourquoi une union bancaire ?
La zone euro poursuit plusieurs objectifs. D’abord, briser le cercle vicieux entre dette bancaire
et dette publique, l’intervention des États pour sauver leurs banques mal surveillées par leur
autorité nationale (les banques centrales dans la plupart des cas) s’étant traduit par un apport
massif de fonds publics et, donc, par un accroissement insupportable de l’endettement.
Ensuite, rétablir la stabilité financière, et donc la confiance entre les banques afin qu’elles se
prêtent à nouveau entre elles. Et ce, en les assurant que la supervision sera vraiment efficace
et permettra de débusquer les canards boiteux. Enfin, lutter contre la fragmentation du marché
bancaire consécutif à la crise. Actuellement, lorsqu’une PME demande un crédit
en Allemagne, elle obtient satisfaction dans 85 % des cas, en Italie et en Espagne, dans 45 %
des cas, et en Grèce, dans 21 %. Surtout, les taux d’intérêt sont nettement plus lourds dans les
pays en difficulté financière, ce qui accroît les déséquilibres internes à la zone euro.
Comment fonctionnera l’union bancaire ?
Elle comportera deux piliers : un mécanisme de supervision unique (présidé pour cinq ans par
la Française Danièle Nouy), placé sous l’autorité de la BCE, chargé de surveiller directement
les 250 principaux établissements représentant 85 % des actifs bancaires. Ce principe de la
surveillance unique a été acté en décembre 2012 et entrera en vigueur le 1er novembre 2014,
lorsque la BCE aura achevé de recruter les quelque 1 000 « surveillants ». Le second pilier, la
résolution des crises bancaires, est en cours de négociation. En effet, même si la vigilance est
fortement renforcée, un problème pourra toujours surgir. La Commission propose que ce soit
elle-même qui décide « d’appuyer sur le bouton » qui déclenchera la restructuration, celle-ci
étant préparée en amont par un « conseil de résolution » composé d’experts et de
représentants des autorités nationales concernées. Ensuite, le coût de la résolution ne serait
supporté par les contribuables qu’en dernier ressort. À l’avenir, la hiérarchie de ceux qui se
prendront une taule sera la suivante : dans l’ordre, les actionnaires, les créanciers obligataires
des banques et, éventuellement, les déposants détenant des comptes de plus de 100 000 euros.
Enfin, si tout cela ne suffit pas, un fonds de résolution bancaire, alimenté par des taxes sur les
banques, d’environ 50 ou 60 milliards d’euros, interviendra pour aider à la restructuration.
Enfin, en cas de gros pépin, le Mécanisme européen de stabilité (MES), doté de 750 milliards
d’euros, pourrait être appelé en renfort, ce qu’on appelle un backstop (« filet de sécurité »).
C’est lui qui garantira la crédibilité de l’ensemble du mécanisme de résolution, à l’image de
ce qui se passe aux États-Unis où c’est le budget américain qui sert de garantie.