LA PREVENTION ALGOLOGIQUE ET ANESTHESIQUE DES DOULEURS CHRONIQUES POST-OPERATOIRES EN CHIRURGIE PELVIENNE ( incontinence et prolapsus ) Dr Christian BAUDE Unité de traitement de la douleur Hôpital Edouard Herriot LYON FRANCE LA CHIRURGIE DU PROLAPSUS ET DE L’INCONTINENCE EN QUELQUES CHIFFRES -25 à 30% des femmes entre 45 et 85 ans présentent un prolapsus avec un pic maximum entre 60 et 80 ans ( 42%). -L’incontinence urinaire frappe 10 à 57% de la population féminine et augmente avec l’âge .En France 3 millions de personnes souffrent d’incontinence urinaire et 16% des hommes présentent une incontinence urinaire après prostatectomie radicale . -L’incontinence fécale est retrouvée entre 7,3% et 16% de la population générale ( étude américaine ). -La chirurgie de l’incontinence et du prolapsus représente 20% de l’ensemble de la chirurgie gynécologique et 17% des femmes auront besoin d’une chirurgie du prolapsus au cours de leur vie . LES TRAITEMENTS CHIRURGICAUX DE L’INCONTINENCE URINAIRE : -Bandelette sous –urétrale ( TVT , TOT …) -Injection sphinctérienne ( collagéne … ) DU PROLAPSUS : -Voie basse : hystérectomie avec perinée ant , post -Voie coelioscopique : promontofixation ( prothèse ) -Voie haute : promontofixation ( prothèse ) LES CARACTERISTIQUES ET LES ENJEUX DE LA CHIRURGIE DU PROLAPSUS ET DE L’INCONTINENCE L’intensité et la durée de la douleur post opératoire est variable selon la chirurgie Durée inférieure à 48 heures Durée supérieure à 48 heures Douleur forte Cholécystectomie (laparotomie) Adénomectomie prostatique (voie haute) Hystérectomie (voie abdominale) Césarienne Chirurgie abdominale sus- et sousmésocolique Oesophagectomie Hémorroïdectomie Thoracotomie Chirurgie vasculaire Chirurgie rénale Chirurgie articulaire (sauf hanche) Rachis (fixation) Amygdalectomie Douleur modérée Appendicectomie Hernie inguinale Vidéo-chirurgie thoracique Hystérectomie vaginale Chirurgie gynécologique mineure Çœlioscopie gynécologique Mastectomie Hernie discale Thyroidectomie Neurochirurgie Chirurgie cardiaque Hanche Chirurgie ORL (larynx, pharynx) Douleur faible Cholécystectomie cœlioscopique Prostate (résection transurétrale) Chirurgie urologique mineure Circoncision IVG/curetage Chirurgie ophtalmologique QUELLE EST LA FREQUENCE DES DOULEURS CHRONIQUES APRES LA CHIRURGIE PELVIENNE ? -5 à 32% de douleurs chroniques 4 mois après une hystérectomie ( KEHLET 06 , BRANDSBORG O9) facteurs prédictifs : douleur préopératoire +++ douleur postopératoire +++ chirurgie ± -0,9% de dyspareunie après une colposuspension -Jusqu’à 22% de douleurs chroniques une chirurgie pour prolapsus ( 12% en moyenne ) -1% de douleurs chroniques aprés TVT -2 à 17% de douleurs lombaires et pelviennes après chirurgie gynécologique LA DOULEUR CHRONIQUE FAIT SON LIT A PARTIR DE LA DOULEUR AIGUE LA SOUPE PERIPHERIQUE INFLAMMATION NEUROGENE AU FINAL STIMULATION NOCICEPTIVE POST-TRAUMATIQUE POST-INFECTIEUSE DOULEUR CHRONIQUE HYPERALGESIE ALLODYNIE QUELS SONT LES RISQUES DE DOULEUR POSTOPERATOIRE LORS DE LA CHIRURGIE DU PROLAPSUS ET DE L’INCONTINENCE ? Il existe des risques neurologiques directs neurologiques indirects non neurologiques liés au terrain et aux traitements des patients liés à la technique d’anesthésie liés au protocole de gestion de la douleur post-opératoire LES RISQUES NEUROLOGIQUES DIRECTS Nerf ilio-inguinal ,ilio-hypogastrique et génito-fémoral Gestes à risque : trocards latéraux de coelioscopie , TVT Nerf obturateur Gestes à risque : TOT, TVT passage trans-obturateur Tronc lombo-sacral et sciatique Gestes à risque : coelioscopie LES RISQUES NEUROLOGIQUES DIRECTS Nerf pudendal Gestes à risque : sacrospinofixation et passage prothétique postérieur Plexus hypogastrique supérieur Gestes à risque : promontofixation Plexus hypogastrique inférieur et au delà Gestes à risque : dissection de la fosse ischio-rectale , du muscle élévateur de l’anus et du Ligament sacro utérin LES RISQUES NEUROLOGIQUES INDIRECTS DE LA CHIRURGIE DU PROLAPSUS ET DE L’INCONTINENCE Ce sont les neuropathies d’étirement chroniques préalables à la chirurgie lors des cystocèles , des rectocèles , de l’enterocèle et des prolapsus internes du rectum en autre . LES RISQUES NON NEUROLOGIQUES DE LA CHIRURGIE DU PROLAPSUS ET DE L’INCONTINENCE Ce sont les problèmes infectieux post-opératoires à type d’ostéite pubienne par exemple ( sphincter artificiel , Maesling … ) et le syndrome myofascial périnéal post-chirurgical ( fréquent et d’étiologie mixte ) LES AUTRES FACTEURS INFLUANTS LES DOULEURS CHRONIQUES POST-OPERATOIRES -Age des patients : plus le patient est âgé plus elles sont fréquentes et les fréquentes douleurs osseuses et rhumatismales s’intriquent avec les douleurs post-opératoires. -Le sexe féminin serait un facteur aggravant ( BISGAARD 2005 ) -Anxiété , dépression et catastrophisme préopératoire: ce sont des facteurs classiques prédictifs aggravant les douleurs postopératoires et favorisant leur chronicité ( FLETCHER 2009 ). -La douleur chronique préopératoire : bon nombre de ces patients présentent déjà une douleur chronique préopératoire soit nociceptive ( douleur rhumatismale , lombalgie chronique ..) soit neuropathique ou mixte ( douleur pelvienne chronique , névralgie … ) avec un traitement médical pas toujours efficace. C’est un facteur prédictif de douleur chronique postopératoire ( FLETCHER 2009 ). LES AUTRES FACTEURS INFLUANTS LES DOULEURS CHRONIQUES POST-OPERATOIRES -La technique anesthésique : AG ou ALR ? C’est une question largement débattue sans réponse formelle. Certaines études retrouvent un effet bénéfique de l’ALR préopératoire en chirurgie gynécologique majeure ( KATZ 2004 ) d’autre études ne retrouvent aucune différence. Ce n’est sans doute pas un facteur prédictif majeur. -Par contre l’allodynie pericicatricielle est un facteur prédictif majeur . Plus elle est importante plus le risque de douleurs chroniques post-opératoires est important (EISENACH 2006 ).Le mécanisme est la lésion nerveuse périphérique entraînant une sensibilisation centrale. Cette notion assez récente à permis de développer les techniques de prévention par infiltration cicatricielle unique ou par cathéter continue . LA PREVENTION ALGOLOGIQUE ET ANESTHESIQUE DES DOULEURS CHRONIQUES POST-OPERATOIRES EN CHIRURGIE PELVIENNE C’est une chirurgie à haut risque de douleur chronique post-opératoire. La prévention algologique et anesthésique va concerner le médecin traitant , le chirurgien , l’anesthésiste et l’algologue. Elle va se situer au cours de: -la période préopératoire -la période opératoire -la période post-opératoire LA PREVENTION ALGOLOGIQUE ET ANESTHESIQUE : LA PERIODE PREOPERATOIRE Elle va impliquer le médecin traitant , le chirurgien et l’anesthésiste. 1ére étape :Détecter les patients avec des facteurs de risque et les prendre en compte: -rechercher la dépression et le catastrosphisme et proposer une prise en charge adaptée ( psychoéducation TTC…). -détecter une douleur neuropathique préopératoire (échelle DN4 …) et la traiter dés que possible ( antidépresseurs , antiépileptiques ). -détecter et traiter les douleurs nociceptives avec des antalgiques. -mesurer l’intérêt de la chirurgie en fonction de l’état du patient. LA PREVENTION ALGOLOGIQUE ET ANESTHESIQUE: LA PERIODE PREOPERATOIRE Elle va impliquer le chirurgien et l’anesthésiste. 2éme étape :La consultation avec le chirurgien -Évaluation du bénéfique/risque pour le patient. -Explication des différentes possibilités chirurgicales et obtention de l’accord du patient. -choix de la voie d’abord la moins traumatisante et permettant la réhabilitation la plus précoce possible ( coelioscopie , voie haute , voie basse ) La coelioscopie serait moins traumatisante pour la chirurgie de la hernie inguinale (MAC CORMICK 2003 ) -Envisager la préservation nerveuse lors la chirurgie -Collaboration avec l’anesthésiste ,le médecin traitant et l’algologue si nécessaire. Cette étape bien menée participe à la préparation psychologique du patient et c’est un facteur de risque en moins. LA PREVENTION ALGOLOGIQUE ET ANESTHESIQUE : LA PERIODE PREOPERATOIRE Elle va impliquer l’anesthésiste. 3éme étape :La consultation pré-anesthésique -Examen du patient et vérification de l’absence de douleur préopératoire ou de l’existence d’un traitement antalgique adaptée et adaptation si nécessaire ( DN4 ajustement de posologie … ). -Continuer tous les traitements antalgiques jusqu’à l’intervention. -Expliquer et proposer la technique d’anesthésie (AG ou ALR ). -Expliquer et proposer les modalités de l’analgésie post-opératoire ( surveillance par EVA , pompe PCA et cathéter pericicatriciel éventuel ). Cette étape bien menée participe à la préparation du patient et ce sont des facteurs de risque en moins. LA PREVENTION ALGOLOGIQUE ET ANESTHESIQUE : LA PERIODE PEROPERATOIRE Elle pourra s’effectuer au niveau de la prémédication , de la technique anesthésique et de l’analgésie per et post-opératoire La prémédication :Elle sera adaptée au patient avec en plus des agents favorisant l’analgésie préventive . -AINS : non concluant (DUALE 2009 ) -Gabapentine :600 mg 2h ( PM ) puis 200 mg 3 fois par jour pendant 48 h Réduction des antalgiques de 35% en post-opératoire Efficacité pour l’hystérectomie (FASSOULAKI 2006 ) Réduction de 50% de la posologie après 70 ans -Pregabaline :75 à 150 mg (PM ) puis 75 mg 2 fois par jour pendant 48 h ( PANDEY 2005 ) -Autre molécules : Tetracycline ( RAGHAVENDRA 2003 ) Paracetamol+oxycontin+pregabaline LA PREVENTION ALGOLOGIQUE ET ANESTHESIQUE : LA PERIODE PEROPERATOIRE La technique anesthésique : AG ou ALR ? Études contradictoires Pour la chirurgie gynécologique majeure ,une péridurale avec Fentanyl et AL faite avant la chirurgie en association avec une AG réduit la fréquence des douleurs post-opératoires par rapport à une péridurale faite après ( KATZ 2004 ) Que cela soit une AG ou une ALR , la Kétamine à la posologie de 0,5 mg/Kg faite à l’induction anesthésique puis à raison de 2 2 µg/Kg/min jusqu’à la fin de l’intervention provoque une épargne de morphine en per et post-opératoire de 40% environ. Un autre moyen de réduire la consommation de morphinique en peropératoire et par conséquent de lutter contre l’hyperalgésie à la morphine , source potentiel de douleur chronique est d’administrer aussi à l’induction anesthésique les antalgiques suivants : paracétamol 2 g , nefopam 20 mg et tramadol 50 mg. LA PREVENTION ALGOLOGIQUE ET ANESTHESIQUE : LA PERIODE PEROPERATOIRE L’analgésie peropératoire : Elle repose sur l’infiltration cicatricielle unique ou continue par cathéter en raison de l’importance de l’allodynie cicatricielle dans la genèse des douleurs chroniques post-opératoires. Infiltration cicatricielle unique :Elle est possible dans les indications suivantes : -chirurgie proctologique : 20 ml de ropivacaine 7,5 mg/ml ( VINSON-BONNET 2002 ) -hystérectomie : 40 ml de bupivaicaine 0,25% efficace pour certains auteurs ( HANNIBAL 1996 ) -trocards de coelioscopie : études contradictoires en chirurgie gynécologique avec 20 ml de ropivacaine 7,5 mg/ml ( LAM 2005 , ALLESANDRI 2006 ) Dans tous les cas aucuns effets secondaires. Aucun effet additif supplémentaire si l’on ajoute de la kétamine ou de la clonidine ( CLERC 2005 , BEAUSSIER 2005 ). LA PREVENTION ALGOLOGIQUE ET ANESTHESIQUE : LA PERIODE PEROPERATOIRE L’infiltration pericicatricielle continue par cathéter est indiquée dans les chirurgies ouvertes très algiques : Technique efficace en chirurgie gynécologique (ZOHAR 2001 ) avec réduction de la douleur épargne morphinique et réhabilitation précoce. Impératifs techniques : -Cathéter dans le plan pariétal profond et non en superficiel -débit minimum de 5 ml/h -cathéter multiperforé -ropivacaine plutot que bupivaicaine ou levo-bupivacaine ( ROSENBERG 2004 ) -ropivacaine 0,1% ou 0,2% identique ( ZOHAR 2004 ) Aucune complication locale ou générale LA PREVENTION ALGOLOGIQUE ET ANESTHESIQUE : LA PERIODE POST-OPERATOIRE C’est la période la moins contreversée: -soit analgésie médicamenteuse multimodale , soit mise en place d’une pompe PCA de morphine soit poursuite de l’analgésie par infiltration pericicatricielle continue. -suivi régulier des patients avec surveillance des traitements antalgiques. -détection de toute nouvelle douleur et traitement adapté. -suivi par une équipe d’algologie si nécessaire. CONCLUSION Les douleurs chroniques post-chirurgicales sont fréquentes après chirurgie pelvienne ( incontinence , prolapsus.. ) , invalidantes et difficiles à traiter. Les facteurs de risque sont nombreux et assez bien identifiés ( age , chirurgie très algique ,risque neurologique direct , douleur préopératoire non évaluée et sous-traitée…. ) Les axes de prévention « efficaces « sont les suivants: -évaluation du bénéfice/risque et évaluation des douleurs ( DN4.. ) -collaboration médicale étroite avec préparation psychologique -prémédication aux antiépileptiques -induction anesthésique « lourde » ( kétamine et antalgiques ) -technique anesthésique visant une épargne de morphine -analgésie per et post-opératoire efficace avec infiltration pericicatricielle unique ou continue Au total la prévention doit être multimodale et s’appuyer en autre sur la notion de lutte contre l’allodynie cicatricielle et l’hyperalgésie à la morphine.