UE 2 .6 .S5: Processus Psychopathologiques Vendredi 2 octobre 2015 Urgences Psychiatriques Risque Suicidaire de l’adulte Le dispositif de sectorisation Pr. Charles-Siegfried PERETTI Service de Psychiatrie des Adulte Hôpital Saint-Antoine UPMC, Sorbonne Universités, Paris Urgences psychiatriques Urgences psychiatriques: 20% des consultations d’urgences en médecine. Définition: « une demande dont la réponse ne peut être différée : il y a urgence à partir du moment où quelqu’un se pose la question, qu’il s’agisse du patient, de l’entourage, ou du médecin. Elle nécessite une réponse rapide et adéquate de l’équipe soignante afin d’atténuer le caractère aigu de la souffrance psychique » Commission des Maladies mentales (1991) Principe: Toujours penser à une affection organique L’urgence psychiatrique ne peut être abordée isolement: importance contexte psychopathologique, familial et social Pr C-S Peretti 02_10_15 2 Démarche diagnostique L’entretien du patient et /ou de l’entourage pour préciser : les antécédents psychiatriques et médicaux, personnels et familiaux du patient Les circonstances de survenue du trouble, les facteurs déclenchant (traumatisme physique, psychique, intoxication) L’existence d’une prise de toxiques, d’alcool ou de médicaments, aiguë ou chronique Pr C-S Peretti 02_10_15 3 Examen Psychiatrique Infirmier La présentation : tenue négligée, mouvements désordonnés, agressivité, logorrhée l’état de conscience du patient : vigilance, orientation temporo-spatiale, perplexité anxieuse. Troubles du contenu et du cours de la pensée : délire, hallucinations…. Humeur : euphorie, mélancolie Troubles des affects : anxiété, peur… Pr C-S Peretti 02_10_15 4 Ferreri F, Agbokou C: Psychiatrie et développement. Maturation et vulnérabilité. Paris: Med-Line, 2006 Examen clinique médical Examen clinique médical systématique d’une étiologie organique est indispensable signes généraux signes neurologiques, signes d’intoxication aigue… Pr C-S Peretti 02_10_15 5 Examens paracliniques En fonction du tableau clinique des examens biologiques et/d’imagerie seront prescrit Intérêt++ pour éliminer un origine organique Pr C-S Peretti 02_10_15 6 Les principales situations cliniques (1) Les urgences intriquées, médico-psychiatriques Tout malade nécessite un bilan somatique minimum éliminer en premier lieu une affection organique sous-jacente confusion mentale, agitation ou angoisse dans une affection organique surveillance somatique d’une intoxication alcoolique aigue, d’une prise de toxiques, d’une tentative de suicide Pr C-S Peretti 02_10_15 7 Les principales situations cliniques (2) Les urgences psychiatriques pures décompensation aigue d’une affection psychiatrique : épisode dépressif majeur, épisode maniaque crise d’angoisse aigue, nosophobie, hypocondrie, anxiété avec manifestations physiques prédominantes bouffée délirante aigue, schizophrénie délirante, exacerbation d’une psychose chronique Pr C-S Peretti 02_10_15 8 Les principales situations cliniques (3) Les situations de crise ou de détresse psycho-sociale Il s’agit d’un trouble de l’adaptation d’ordre réactionnel: deuil, une perte, des problèmes financiers, professionnels ou familiaux d’ordre relationnel (conflit conjugal, familial) : ivresse et tentatives de suicide sans trouble organique ni psychiatrique constitué, trouble du comportement sur la voie publique, état post-traumatique immédiat après agression ou accident. Pr C-S Peretti 02_10_15 9 En fonction de la présentation 1- Agitation La présentation bruyante: urgence est évidente Pathologies organiques et mixtes Alcoolisations : ivresse aigue excito-motrice, délire confuso-onirique (délire subaigu, delirium tremens), syndrome de Korsakoff, plus rarement encéphalopathies Intoxications : LSD, amphétamines, cannabis, stimulants, CO, corticoïdes, certains antituberculeux Métaboliques et Endocriniennes : hypoglycémie, acidocétose diabétique, hyperthyroïdie, plus rarement hypo et hypercorticisme , déshydratation, hypoxémie, hypercapnie, hypercalcémie Neurologiques : hémorragie méningée, hématomes cérébraux, tumeur, encéphalite, épilepsie Pr C-S Peretti 02_10_15 10 En fonction de la présentation 1- Agitation (suite) Pathologies psychiatriques Etats délirants: Bouffée délirante aigue Schizophrénie en phase de réactivation aigue Réactivation aigue d’une psychose chronique (psychose hallucinatoire chronique, paranoïa, paraphrénie) Troubles de l’humeur: Accès maniaque : exaltation de l’humeur avec excitation psychomotrice Dépression anxieuse Pr C-S Peretti 02_10_15 11 En fonction de la présentation 1- Agitation (suite’) Trouble de la personnalité: psychopathie (antécédents de comportements antisociaux, impulsivité) personnalité état-limite, personnalité histrionique (théâtralisme) Troubles Anxieux: Attaque de panique, trouble panique Pr C-S Peretti 02_10_15 12 En fonction de la présentation 2- ralentissement Dépression, mélancolie stuporeuse Forme négative de schizophrénie : hébéphrénie Pr C-S Peretti 02_10_15 13 SUICIDE: Définitions (1) Urgence psychiatrique Suicide : « meurtre de soi-même » (Durkheim) Tentative de suicide : Acte par lequel un individu met consciemment sa vie en jeu, soit de manière objective, soit de manière symbolique et n’aboutissant pas à la mort Suicidaire : sujet manifestant l’intention de se suicider, soit verbalement soit par son comportement Suicidant : sujet qui a survécu à une tentative de suicide Suicidé : sujet décédé lors de sa tentative de suicide Pr C-S Peretti 02_10_15 15 SUICIDE: Définitions (2) Conduite suicidaire : conduites par lesquelles le sujet tente de se donner la mort Équivalent suicidaire : comportement qui risque d’aboutir à la mort du sujet sans qu’il en ait forcément conscience (ex : conduite à grande vitesse, alcoolisation brutale, toxicomanie, refus de soins dans une maladie chronique, refus alimentaire…) Pr C-S Peretti 02_10_15 16 La crise suicidaire Rupture par rapport au comportement habituel Signes manifestes : Expression de la crise psychique Désintérêt ou l'abandon des centres d'intérêt habituels Visage triste, douloureux ou inexpressif Anxiété, irritabilité Consommation et un recours inhabituel ou excessifs aux médicaments, à l'alcool, aux drogues Distorsions cognitives de la personne Perception et analyse pessimiste généralisée de soi et du monde Impuissance à surmonter ses émotions Manifestations explicites d'idées et d'intentions suicidaires Pr C-S Peretti 02_10_15 17 Equivalents suicidaires conduite à grande vitesse alcoolisation brutale toxicomanie refus de soins dans les maladies chroniques (asthme, diabète, cancer) refus alimentaire chez l’enfant: certains “accidents” (intoxication accidentelle, traverser la rue sans regarder) Pr C-S Peretti 02_10_15 18 Données épidémiologiques (1) Enjeux majeur de Santé publique 120 000 TS par an 12 000 décès par suicide par an (10% des TS) 9e cause de décès en France (toute population confondue) 2e cause de décès chez les 15-24 ans 1ère cause de décès chez les 24-35 ans Pr C-S Peretti 02_10_15 19 Données épidémiologiques (2) Disparités régionales de la mortalité par suicide 2000-2002 Pr C-S Peretti 02_10_15 20 Moyens Modes de tentative de suicide les plus courants : - - IMV (en général aux anxiolytiques) : 70% des TS en milieu urbain Phlébotomie Pendaison, défenestration, armes à feu moins courantes… Modes de suicides accomplis les plus fréquents : - Pendaison (43% des cas, surtout en milieu rural) Arme à feu (surtout chez l’homme, 23% des cas) Noyade (surtout chez la femme) Défenestration - - Pr C-S Peretti 02_10_15 21 Comparaison entre TS et suicide TENTATIVE DE SUICIDE SUICIDE Nombre/an 120 000 12 000 Sexe Femme Homme Age Moins de 35 ans Plus de 60 ans État civil Marié Célibataire, divorcé, veuf Géographie Milieu urbain Milieu rural Pathologie psychiatrique Trouble de la personnalité Dépression, scz, alcoolisme Moyen Médicaments, phlébotomie… Armes à feu, pendaison… Pr C-S Peretti 02_10_15 22 Prévention Primaire sujets ne présentant sans risque suicidaire, mais avec des facteurs de risque stratégies de dépistage précoce et thérapeutique appropriées. limitation des facteurs de risque et des facteurs de décompensation Secondaire sujets ayant des idées suicidaires. éviter le passage à l’acte par un mode de prise en charge le plus adapté tertiaire éviter une récidive. Pr C-S Peretti 02_10_15 23 Évaluation d’une conduite suicidaire Ne pas banaliser, ne pas dramatiser Pas obligatoirement lié à une dépression ou à une maladie mentale Parfois seul moyen d’expression du patient devant une crise douloureuse (conjugale, sociale) : parfois autant une demande d’aide qu’un moyen d’en finir Pas toujours de relation entre la gravité de la situation et le moyen choisi Malgré tous les moyens d’évaluation clinique du risque suicidaire, le passage à l’acte reste un acte impulsif Pr C-S Peretti 02_10_15 24 Evaluation du patient suicidaire Risque (facteurs de risque) Urgence Danger Règle RUD Pr C-S Peretti 02_10_15 25 RUD 1- RISQUE (facteurs de risque) Individuels/personnels Antécédents suicidaires personnels et familiaux Diagnostic de trouble mental (troubles affectifs, troubles de la personnalité, psychose), abus ou dépendance à l’alcool ou aux drogues Estime de soi : faible ou fortement ébranlée Tempérament et style cognitif de l'individu (impulsivité, rigidité de la pensée, colère, agressivité) Santé physique : problèmes de santé physique qui affectent la qualité de vie Familiaux Violence, abus physique, psychologique ou sexuel dans la vie de l'individu..... Pr C-S Peretti 02_10_15 26 RUD (suite..) 1- RISQUE (facteurs de risque) Événements de vie Élément déclencheur : élément récent qui amène la personne en état de crise Situation économique : difficultés économiques Isolement social : réseau social inexistant ou pauvre, problèmes d’intégration Séparation ou perte récente qui affecte encore le patient Difficultés dans le développement : difficultés scolaires ou professionnelles, placement durant l’enfance/adolescence en foyer d’accueil, en détention Contagion suite à un suicide : la personne est affectée par un suicide récent Difficultés avec la loi (infractions, délits) Pertes, échecs ou événements humiliants Pr C-S Peretti 02_10_15 27 RUD 2- Urgence Quand : le passage à l’acte est imminent (48 ou 72 heures) Pr C-S Peretti 02_10_15 28 RUD 3- Danger Niveau de souffrance (désespoir ; repli sur soi, isolement relationnel, dévalorisation ou culpabilité) Degré d’intentionnalité (ruminations, plan, scénario) Eléments d’impulsivité (tension psychique, instabilité comportementale ; agitation, antécédent de passage à l’acte...) Eventuel élément précipitant : conflit, échec, rupture, perte, etc. Présence de moyens létaux à disposition : armes, médicaments, etc. Qualité du soutien de l’entourage proche Pr C-S Peretti 02_10_15 29 RUD Urgence faible Personne qui : Urgence moyenne désire parler et est à la recherche de communication ; cherche des solutions à ses problèmes ; pense au suicide mais n’a pas de scénario suicidaire précis ; pense encore à des moyens et à des stratégies pour faire face à la crise ; n’est pas anormalement troublée mais psychologiquement souffrante ; a établi un lien de confiance avec un praticien. a un équilibre émotionnel fragile ; envisage le suicide et son intention est claire ; a envisagé un scénario suicidaire mais dont l’exécution est reportée ; ne voit de recours autre que le suicide pour cesser de souffrir ; a besoin d’aide et exprime directement ou indirectement son désarroi. Urgence élevée Personne qui : Personne : décidée : sa planification est claire et le passage à l’acte est prévu pour les jours qui viennent ; coupée de ses émotions: elle rationalise sa décision ou, au contraire, elle est très émotive, agitée ou troublée ; qui se sent complètement immobilisée par la dépression ou, au contraire, se trouve dans un état de grande agitation ; dont la douleur et l’expression de la souffrance sont omniprésentes ou complètement tues ; a un accès direct et immédiat à un moyen de se suicider : médicaments, armes à feu, etc. ; a le sentiment d’avoir tout fait et tout essayé ; est très isolée. Pr C-S Peretti 02_10_15 30 Principes de la sectorisation (1) Secteur psychiatrique adulte mis en place par la circulaire de mars 1960 [Ministère de la Santé publique, 1960] constitue l’unité de base de la délivrance de soins en psychiatrie publique Développer la prise en charge psychiatrique « hors des murs » équipe publique de santé mentale de proximité définie en fonction de l’adresse du patient (pas de libre choix du lieu de soins en cas d’hospitalisation sous contrainte) 815 secteurs de psychiatrie générale Population de 70 000 personnes Pr C-S Peretti 02_10_15 31 Principes de la sectorisation (2) plusieurs lieux de soins : Centre médico-psychologique (CMP) (consultations, orientation, ± visite à domicile) unités d’accueil et de coordination des soins. organisent les actions extrahospitalières des équipes soignantes en les articulant avec les unités d’hospitalisation hôpital de jour, centre d’accueil et de crise (CAC), unité d’hospitalisation Pr C-S Peretti 02_10_15 32 Principes de la sectorisation (3) centres les d’accueil thérapeutique à temps partiel: dispensent des activités thérapeutiques et occupationnelles But: reconstruction de l’autonomie et la réadaptation sociale ; ateliers thérapeutiques : activités thérapeutiques (ex. ergothérapie) et occupationnelles (activités artisanales, artistiques ou sportives) but : favoriser l’exercice d’une activité professionnelle ou sociale. Pr C-S Peretti 02_10_15 33 Situation Clinique Une patiente de 48 ans est amenée par les sapeurs pompiers aux Urgences. Manifestement en état d’ivresse elle déambule dans les urgences se mettant en danger et pouvant mettre en danger le personnel soignant. Pr C-S Peretti 02_10_15 34 Questions 1. 2. 3. 4. Quelle attitude adoptez aux urgences? Quelles informations essayez-vous de recueillir auprès de la patiente et de son entourage? Après plusieurs heures aux urgences, la patiente n’est plus alcoolisée. Elle reste désinhibée, joyeuse, formule de nombreux jeux de mots. Son mari est épuisée car elle ne dort plus depuis plus d’une semaine. Quelle maladie vous évoque cette situation L’hospitalisation est refusée par la patiente. La mari souhaite une hospitalisation sous contrainte mais veut choisir le lieu d’hospitalisation. Rappelez les principes de la sectorisation? Pr C-S Peretti 02_10_15 35 BIBLIOGRAPHIE 1. 2. 3. 4. Ferreri F, Agbokou C. Risque suicidaire de l’enfant et de l’adulte : identification et prise en charge. In : Psychiatrie et développement – Maturation et vulnérabilité. Paris: Med-Line Editions, 2006. Agbokou C, Ferreri F. Guide des urgences psychiatriques de l’adulte et de la personne âgée. Paris: Maloine Editions, 2009. Agence Nationale d'Accréditation et d'Evaluation en Santé (ANAES) : Prise en charge hospitalière des adolescents après une tentative de suicide. Recommandations pour la pratique. Novembre 1998. (www.anaes.fr) Agence Nationale d'Accréditation et d'Evaluation en Santé (ANAES) : La crise suicidaire : reconnaître et prendre en charge. Octobre 2000. (www.anaes.fr) Pr C-S Peretti 02_10_15 36