La transplantation pancréatique

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FORUM DE RANGUEIL
LA TRANSPLANTATION PANCREATIQUE
Dr Jean-Pierre Duffas (Praticien-Hospitalier)
Service de Chirurgie viscérale, digestive et transplantation
CHU de Rangueil - Toulouse
INTRODUCTION :
La prévalence du diabète est en augmentation. Environ 30 % des diabétiques insulino-dépendants
développeront une néphropathie clinique et on évalue en France à plus de 10% par an, le nombre
de diabétiques de type I arrivés au stade de la dialyse. Le contrôle strict de la glycémie chez les
diabétiques peut réduire significativement l’incidence des complications secondaires, mais elles
ne peuvent être évitées à long terme.
La transplantation pancréatique réalisée pour la première fois en 1966, avec les premiers résultats
publiés en 1991, apparaît comme le seul traitement capable de normaliser l’hémoglobine
glycosylée et de stabiliser ou d’améliorer les complications du diabète.
Actuellement, plus de 23000 transplantations pancréatiques ont été réalisées dans le monde
(environ 800 en France), en additionnant les transplantations combinées rein-pancréas et les
transplantations pancréatiques seules.
Dans les années 90, un certain nombre de services de chirurgie en France s’étaient lancés dans
cette nouvelle activité de greffe pancréatique. Malheureusement les premiers résultats ont été
décevants et devant l’espoir nouveau de la greffe d’îlots pancréatiques, l’activité a été
interrompue dans plusieurs villes de France.
De 1991 à 2001, les progrès des techniques chirurgicales, de prélèvement et de greffe
pancréatique, et surtout l’amélioration des protocoles d’immuno-suppression et du traitement des
rejets ont permis une amélioration considérable des résultats de la transplantation pancréatique.
Depuis la publication de ces résultats, on observe une réouverture du programme de greffe
pancréatique dans les centres qui l’avaient interrompue dans les années 90.
INDICATION DE LA TRANSPLANTATION PANCREATIQUE :
Les indications doivent prendre en considération les contraintes et les risques inhérents à la
maladie diabétique, les risques d’une intervention chirurgicale lourde et la nécessité absolue d’un
traitement immuno-suppresseur à long terme. L’âge optimum du patient candidat à la
transplantation pancréatique se situe entre 20 et 50 ans. Au delà de 50 ans, le bénéfice sur les
complications secondaires du diabète et sur la survie est moins important.
Les transplantations combinées rein-pancréas représentent 80 à 90 % des transplantations
pancréatiques et sont les plus fréquentes ; 10 à 20 % des transplantations pancréatiques sont
« isolées » (5 à 14 % de greffes pancréatiques après une greffe rénale et 3 à 6 % de
transplantations pancréatiques « seules » sans greffe rénale).
Il existe plusieurs arguments chez le sujet diabétique, en faveur de la greffe combinée, lorsque
l’indication d’une greffe rénale est déjà posée :
1. l’intervention chirurgicale et l’immuno-suppression sont de toute façon inévitables et la
greffe combinée ne constitue pas un risque chirurgical beaucoup plus important ;
2. la survie après greffe combinée est semblable à la survie après greffe rénale isolée chez
les sujets non diabétiques ;
3. l’arrêt de l’insulinothérapie est rendu possible, et les complications du diabète peuvent
être améliorées ou, pour certaines, évitées (comme la récidive de la néphropathie sur
greffon).
Néanmoins, pour obtenir les meilleurs résultats, l’indication de greffe combinée doit être
portée de préférence avant le stade d’insuffisance rénale chronique terminale, dès que le débit
de filtration glomérulaire devient inférieur à 40 ml/mn.
RESULTAT DE LA TRANSPLANTATION PANCREATIQUE :
Les résultats des survies à un an du patient, du greffon rénal et du greffon pancréatique ont
nettement progressé, respectivement de 95 %, 92 % et 85 % pour l’ensemble des greffes
combinées rein-pancréas. La survie des patients à 5 ans excède 80 %. La survie à 10 ans des
patients après double greffe rein-pancréas est similaire à la survie après greffe rénale isolée à
partir d’un donneur vivant (67 % versus 65 %) ; supérieure à la greffe rénale isolée à partir d’un
donneur cadavérique (46%). D’après une étude comparative rétrospective de l’IPTR réalisée en
2004 : sur 12500 greffes combinées rein-pancréas, la comparaison de la survie des patients
greffés à 4 ans est supérieure à la survie des patients en liste d’attente (90% versus 59%).
RESULTATS METABOLIQUES ET EFFETS DE LA TRANSPLANTATION
PANCREATIQUE SUR LES COMPLICATIONS DEGENERATIVES DU DIABETE :
- La revascularisation du pancréas greffé s’accompagne d’une sécrétion immédiate d’hormones
pancréatiques permettant la normalisation de l’hémoglobine glycosylée. Le patient est alors
protégé des risques de coma que l’on rencontre sous insulinothérapie exogène.
- La transplantation rénale chez un diabétique n’empêche pas la survenue d’une néphropathie sur
le rein greffé. La transplantation combinée rein-pancréas semble protéger le greffon rénal de la
récidive de néphropathie au-delà de 10 ans. Réalisée à un stade plus précoce que le stade
d’insuffisance rénale terminale, la greffe pancréatique semble prévenir, stabiliser et améliorer la
néphropathie diabétique.
- A court terme, il ne semble pas exister d’amélioration significative de la rétinopathie mais les
patients encore indemnes de la maladie semblent protégés. A plus long terme, on observe une
stabilisation de l’acuité visuelle avec une diminution du nombre d’accidents rétiniens.
- Grâce à la transplantation pancréatique, le taux de mortalité de la neuropathie autonome, durant
les 5 premières années d’évolution, passe de 50% à 10%. Lorsque la greffe est faite tôt, la
neuropathie peut être évitée.
- La transplantation pancréatique aurait un effet bénéfique indirect à long terme sur les
complications macrovasculaires, améliorant les paramètres métaboliques et fonctionnels associés
aux risques de l’athérosclérose.
DONNEES DE L’AGENCE BIOMÉDICALE 2005 :
Le taux de patients greffés par million d’habitants est inférieur à 1 en France, alors qu’il est
d’environ 3 en Europe et plus de 5,5 aux USA. L’activité de greffe pancréatique se répartit
essentiellement dans 3 villes : Lyon, Nantes, Paris. 33 % des malades en liste d’attente dans ces
villes sont domiciliés dans une autre région. La durée d’attente médiane (12 mois en 2005) est en
augmentation constante depuis 1992 avec une moyenne de 100 nouveaux malades inscrits en liste
d’attente chaque année. La liste d’attente compte environ 170 malades inscrits et on réalise une
centaine de greffes par an.
TECHNIQUES CHIRURGICALES DE LA TRANSPLANTATION PANCREATIQUE (Cf
schéma ci-dessous) :
Il s’agit d’une greffe de pancréas totale, emportant avec le pancréas le duodénum. 3 artères
vascularisent le pancréas (l’artère gastro-duodénale, l’artère mésentérique supérieure et l’artère
splénique). La revascularisation du greffon pancréatique nécessite la revascularisation d’au moins
2 de ces artères, le plus souvent par l’intermédiaire d’un greffon artériel en « Y ».
En pratique, on autorise une durée d’ischémie froide de 15 heures.
La revascularisation artérielle se fait par l’intermédiaire du greffon en « Y » sur l’axe iliaque
droit (artère commune ou artère iliaque externe). La reconstruction veineuse peut se faire soit sur
l’axe veineux cave soit par l’intermédiaire d’un drainage veineux portal plus physiologique. Les
sécrétions exocrines se drainent dans l’intestin par l’intermédiaire d’une anastomose entre le
duodénum et l’intestin grêle. Le drainage vésical étant maintenant réservé à la transplantation
pancréatique isolée.
La thrombose vasculaire est la complication chirurgicale la plus fréquente et survient
habituellement dans les 12 à 24 premières heures. Le rejet aigu représente le risque le plus
important de perte du greffon pancréatique et la plus fréquente cause d’échec à long terme. Le
diagnostic de rejet est souvent difficile en l’absence de marqueurs précoces spécifiques et dans la
transplantation combinée rein-pancréas, le meilleurs marqueur est en fait la créatininémie dont
l’élévation fait porter l’indication d’une biopsie du greffon rénal et du traitement du rejet
pancréatique éventuellement associé.
CONCLUSION :
Lorsque l’indication est bien posée, la transplantation pancréatique guérit le diabète, autorise la
suppression du régime diabétique sévère, de l’insulinothérapie et de ses contraintes, supprime les
variations glycémiques imprévisibles et agit favorablement sur la majorité des complications
secondaires. La qualité de vie des malades s’en trouve incontestablement améliorée.
Les résultats à long terme de la greffe d’îlots restent à l’heure actuelle moins bons que les
résultats de la transplantation de pancréas total. Actuellement réalisée à partir de plusieurs
donneurs, on peut espérer dans l’avenir, la possibilité d’allogreffes d’îlots à partir d’un seul
donneur. L’espoir thérapeutique réside probablement, dans l’apport illimité de cellules béta
obtenues par thérapie génique et par xénogreffe de lignées cellulaires humaines.
REFERENCES :
La transplantation pancréatique : Indications et résultats. JP Duffas, J Chir 2004, 141, N°3.
La transplantation pancréatique : La chirurgie et ses complications post-opératoires. JP Duffas, J
Chir 2004, 141, N°4.
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