Le concept de comportement non éthique est plus large que celui de délit puisque la norme de
référence permettant de repérer s’il y a violation, à savoir la notion de bien ou de mal, est plus
exigeante que les règles légales.
Le concept de délit offre l’avantage d’être plus opérationnel car les normes juridiques
présentent un caractère moins équivoque, que les normes et valeurs éthiques qui se fondent en
grande partie sur une conviction intime susceptible de varier en fonction des individus.
Néanmoins, la loi ne permet pas toujours de rendre compte de l’ensemble des actes déviants
commis par les délinquants en col blanc car ces derniers sont généralement des individus très
bien socialisés qui savent jouer avec les règles du système et donner l’apparence de la légalité
à leurs actes illégitimes. Par exemple, dans le cas de la corruption, la loi ne condamne que les
formes les plus évidentes où la contrepartie de la transaction apparaît clairement, tandis que
les échanges de faveurs plus subtiles et dématérialisées échappent aux poursuites (Lowenstein
1989, Padioleau 1982, Mény 1992).
Dans le domaine du droit social, nombreuses sont les situations où la frontière entre le
comportement non éthique et le délit est ténue, comme l’illustre le marchandage et le prêt de
main d’œuvre.
Si la meilleure utilisation du cadre réglementaire (« effet d’aubaine ») n’est pas illicite, le
détournement du cadre réglementaire dans le seul but d’abaisser le coût de la main d’œuvre
pose problème. Le détournement direct étant risqué du fait de la législation sur le travail
dissimulé, le recours à la sous-traitance se généralise, en dépit de la responsabilité solidaire
du donneur d’ordre et du sous-traitant.
Le cadre légal de la sous-traitance peut devenir une opération illégitime et prohibée de prêt de
main d'oeuvre à but lucratif.
Il peut sembler opportun, dans un cadre légal de sous-traitance, de faire supporter par le sous
traitant le travail dissimulé comme le montre le cas suivant. Une société
Dome X’Pats, met à la disposition de la société Ameco, un salarié qu'elle a engagé à cet effet
pour la durée déterminée d'un chantier en Arabie Saoudite. Non réglée, Dome X'Pats assigne
la société Ameco en paiement de factures relatives à la "sous-traitance" de ce salarié. Ameco,
qui a bénéficié de la main d'oeuvre invoque l'illicéité de l'opération de sous-traitance dont elle
était bénéficiaire pour ne pas régler le sous-traitant.
Pour la cour d'appel, il s'agit d'un prêt de main d'œuvre prohibé, d'une sous-traitance illicite,
puisque le salarié obéissait aux ordres de l'entreprise utilisatrice.
Les juges relèvent en premier lieu que l’opération a un but lucratif : les prix facturés à Ameco
étaient fonction des jours de présence sur le chantier et la comparaison entre facture et
bulletins de paie faisait apparaître une marge bénéficiaire au profit de la société prêteuse.
En deuxième lieu, le salarié était sous l’autorité de la société constructrice, la société prêteuse
étant absente du chantier sans pouvoir de contrôle ou de direction sur le salarié.
L’opération étant interdite, Ameco n’avait pas à régler ces prestations ! : « Mais attendu que
la cour d'appel a d'abord relevé que le prix facturé par la société Dome X'Pats à la société
Ameco était fonction des jours de présence du salarié sur le chantier et que la comparaison
entre les facture et les bulletins de paie faisait apparaître, au profit de la société prêteuse, une
marge bénéficiaire ; qu'elle a ensuite constaté que le personnel de la société Dome X'Pats
était placé sous l'autorité de la société constructrice Mitsubischi, ou d'autres entreprises, et
que, n'étant ni présente ni représentée sur le chantier, la société prêteuse n'avait aucun
pouvoir de contrôle et de direction sur le salarié qu'elle avait embauché, qu'étant ainsi établi
que le contrat litigieux avait pour unique objet la mise à disposition, à but lucratif, d'un
salarié pour une durée déterminée, la cour d'appel en a exactement déduit que cette
opération, interdite par l'article L. 122-3 du Code du travail, était illicite ; que le moyen n'est
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