Le DRH face à la pression non éthique de son employeur : se soumettre ou se démettre ? Anne Sachet-Milliat Professeur de GRH et Ethique des Affaires, Institut Supérieur du Commerce de Paris Chercheur associé au Service Central de Prévention de la Corruption (SCPC) Yvan Loufrani Professeur de droit social, Institut Supérieur du Commerce de Paris Consultant en stratégie sociale – Président fondateur de TRiPALiUM 1 Introduction Les entreprises occidentales sont de plus en plus nombreuses à communiquer sur leurs initiatives éthiques à grand renfort de codes d’éthique et de rapports de responsabilité sociale, pour répondre à la pression croissante de la société civile. Néanmoins, se pose la question du réel engagement des firmes capitalistes en matière de RSE, à savoir l’adoption véritable d’actions volontaristes dans les domaines social et environnemental, allant au-delà des exigences légales, conformément à la définition que donne livre vert de l’Union Européenne de la RSE (2001). En effet, les organisations, soumises à des attentes contradictoires de la part de leur environnement institutionnel, avec d’un côté des citoyens de plus en plus sensibilisés aux dérives de la mondialisation et des législations plus sévères, de l’autre des actionnaires aux fortes exigences de rentabilité à court terme, sont souvent ambivalentes face aux enjeux éthiques (Sachet-Milliat 2003). Certaines entreprises peuvent être tentées d’alléger ou de contourner la contrainte légale1, voire d’enfreindre la législation pour atteindre leurs objectifs de rentabilité, du moins à court terme. Elles font alors peser leur propre ambivalence sur leurs cadres en les conduisant à se comporter de façon non éthique pour le compte de l’organisation. Plusieurs études empiriques, menées à différentes époques et dans des zones géographiques variées, mettent en évidence le fait que l’adoption de comportements non éthiques par les salariés sous la contrainte est loin d’être un phénomène marginal dans les organisations. Ainsi, 73% des 6000 managers interrogés par Posner et Schmidt (1984), estiment que les pressions émanant de l’organisation pour se conformer à ses standards de comportement sont fortes. 20% des hauts dirigeants, 27% des cadres intermédiaires et 41% des exécutifs reconnaissent avoir été amenés à parfois compromettre leurs propres principes éthiques pour répondre aux attentes de leur organisation. Plus le manager est situé bas dans la chaîne hiérarchique plus il subit les contraintes organisationnelles. Selon une étude intitulée « Sources and consequence of workplace pressures : increasing the risk of unethical and illegal business practice » menée en avril 1997 par la American Society of chartered life underwriters & Chartered Financial consultant et l’Ethics Officer Association, 48 % des salariés admettent avoir commis au moins un acte non éthique ou illégal au cours de la dernière année, et 56 % affirment avoir subi des pressions pour se comporter de cette façon (Greengard 1997). Enfin, d’après le baromètre stress mis en place par la CFE-CGC (Confédération Française de l’Encadrement -Confédération Générale des Cadres) en septembre 2003, à la question posée à un échantillon de 539 cadres français « vous arrive-il d’avoir à exécuter des actions qui ne correspondent à votre éthique ? », 7% répondent « souvent », 23 % « de temps en temps » et 31% « rarement », seuls 39% affirment ne pas avoir été confrontés à cette situation. Finalement, la perception qu’ont les salariés de ce phénomène reste relativement proche et constante dans les trois enquêtes. La fonction Ressources Humaines semble particulièrement exposée au risque de dérive non éthique car la législation sociale est complexe, son strict respect source de rigidité organisationnelle et les charges salariales et sociales représentent une part importante des coûts des entreprises occidentales, notamment européennes, de plus en plus exposées à la concurrence de firmes implantées dans des pays à législations sociales beaucoup plus souples et à coût de main d’œuvre très faible. 2 L’objectif de cette recherche est d’analyser, à la lumière des concepts de la psychologie sociale et de la législation française en droit social, les pressions auxquels le Responsable des Ressources Humaines (RRH) peut être soumis par son employeur pour se comporter de façon non éthique dans l’exercice de leur fonction. Cet article vise également, après avoir tenté de cerner les phénomènes de déviance en matière de droit social, à identifier les risques juridiques et psychologiques auxquels le RRH s’expose lorsqu’il viole la législation sociale pour le compte de son employeur. Enfin, il s’attache à apporter des pistes de réflexion sur la façon dont le RRH peut réagir et se protéger face à la pression non éthique. 1. Normes et déviances dans les pratiques de GRH 1.1 Les concepts de comportement non éthique et de délit L’étude des phénomènes de déviance au sein des organisations se heurte à la difficulté du choix de la norme à retenir pour déterminer s’il y a déviance. Deux principaux critères peuvent être retenus : la légalité et la légitimité d’une action (Verna 2002). La légalité est définie comme le « caractère de ce qui est légal, conforme au droit, à la loi », cette dernière étant elle-même une « règle ou un ensemble de règles obligatoires établies par l’autorité souveraine d’une société et sanctionnée par la force publique » (dictionnaire Robert). La légitimité, « qualité de ce qui est juste, équitable, raisonnable » (ibid.) fait référence au respect ou non des règles de la morale sociale (Lascoumes 1999). De façon très générale, l’éthique peut être définie comme un ensemble de principes moraux ou de valeurs qui guident les comportements en indiquant ce qu’il est juste d’accomplir audelà même des exigences légales (Steiner et Steiner 1980, Louks 1987). Les réflexions des philosophes sur l’éthique (Métayer 2003) permettent un questionnement sur nos actes dans les sphères privées et professionnelles et une meilleure compréhension de ce qu’est un comportement juste. L’approche déontologique, dans la lignée de la philosophie kantienne conduira le RRH à ne pas considérer les salariés comme de simples outils de production à optimiser mais comme des individus, fins en soi. L’approche téléologique encouragera la recherche du bonheur pour le plus grand nombre et fera donc émerger la conscience des conséquences de ses actes pour l’ensemble des parties prenantes, actionnaires, salariés, y compris ceux des sous-traitants, société civile…L’éthique des droits sensibilisera le praticien des RH à la défense des droits fondamentaux des salariés, se traduisant par le respect du principe de non-discrimination, de la vie privée, de l’équité en terme de rémunération…L’éthique de la responsabilité (Jonas) amènera le DRH à réfléchir à l’impact de ses actes passés et futurs sur les personnes se trouvant dans sa sphère d’influence et à prendre les mesures nécessaires pour faire face à ses responsabilités notamment dans le domaine de la sécurité et de la santé au travail et celui de l’employabilité des salariés. Les critères de légalité et de légitimité se recoupent partiellement mais ne se confondent pas, certains actes pouvant être légaux mais non légitimes, comme par exemple les délocalisations d’usines, l’exportation de déchets toxiques dans des pays en autorisant l’importation, le lobbying, tandis que d’autres, tels que la fraude fiscale ou le travail au noir, apparaissent légitimes bien qu’illégaux. Les premiers pourront être qualifiés de violence légale, les second d’activité informelle (Verna, op.cit.). 3 Le concept de comportement non éthique est plus large que celui de délit puisque la norme de référence permettant de repérer s’il y a violation, à savoir la notion de bien ou de mal, est plus exigeante que les règles légales. Le concept de délit offre l’avantage d’être plus opérationnel car les normes juridiques présentent un caractère moins équivoque, que les normes et valeurs éthiques qui se fondent en grande partie sur une conviction intime susceptible de varier en fonction des individus. Néanmoins, la loi ne permet pas toujours de rendre compte de l’ensemble des actes déviants commis par les délinquants en col blanc car ces derniers sont généralement des individus très bien socialisés qui savent jouer avec les règles du système et donner l’apparence de la légalité à leurs actes illégitimes. Par exemple, dans le cas de la corruption, la loi ne condamne que les formes les plus évidentes où la contrepartie de la transaction apparaît clairement, tandis que les échanges de faveurs plus subtiles et dématérialisées échappent aux poursuites (Lowenstein 1989, Padioleau 1982, Mény 1992). Dans le domaine du droit social, nombreuses sont les situations où la frontière entre le comportement non éthique et le délit est ténue, comme l’illustre le marchandage et le prêt de main d’œuvre. Si la meilleure utilisation du cadre réglementaire (« effet d’aubaine ») n’est pas illicite, le détournement du cadre réglementaire dans le seul but d’abaisser le coût de la main d’œuvre pose problème. Le détournement direct étant risqué du fait de la législation sur le travail dissimulé, le recours à la sous-traitance se généralise, en dépit de la responsabilité solidaire du donneur d’ordre et du sous-traitant. Le cadre légal de la sous-traitance peut devenir une opération illégitime et prohibée de prêt de main d'oeuvre à but lucratif. Il peut sembler opportun, dans un cadre légal de sous-traitance, de faire supporter par le sous traitant le travail dissimulé comme le montre le cas suivant. Une société Dome X’Pats, met à la disposition de la société Ameco, un salarié qu'elle a engagé à cet effet pour la durée déterminée d'un chantier en Arabie Saoudite. Non réglée, Dome X'Pats assigne la société Ameco en paiement de factures relatives à la "sous-traitance" de ce salarié. Ameco, qui a bénéficié de la main d'oeuvre invoque l'illicéité de l'opération de sous-traitance dont elle était bénéficiaire pour ne pas régler le sous-traitant. Pour la cour d'appel, il s'agit d'un prêt de main d'œuvre prohibé, d'une sous-traitance illicite, puisque le salarié obéissait aux ordres de l'entreprise utilisatrice. Les juges relèvent en premier lieu que l’opération a un but lucratif : les prix facturés à Ameco étaient fonction des jours de présence sur le chantier et la comparaison entre facture et bulletins de paie faisait apparaître une marge bénéficiaire au profit de la société prêteuse. En deuxième lieu, le salarié était sous l’autorité de la société constructrice, la société prêteuse étant absente du chantier sans pouvoir de contrôle ou de direction sur le salarié. L’opération étant interdite, Ameco n’avait pas à régler ces prestations ! : « Mais attendu que la cour d'appel a d'abord relevé que le prix facturé par la société Dome X'Pats à la société Ameco était fonction des jours de présence du salarié sur le chantier et que la comparaison entre les facture et les bulletins de paie faisait apparaître, au profit de la société prêteuse, une marge bénéficiaire ; qu'elle a ensuite constaté que le personnel de la société Dome X'Pats était placé sous l'autorité de la société constructrice Mitsubischi, ou d'autres entreprises, et que, n'étant ni présente ni représentée sur le chantier, la société prêteuse n'avait aucun pouvoir de contrôle et de direction sur le salarié qu'elle avait embauché, qu'étant ainsi établi que le contrat litigieux avait pour unique objet la mise à disposition, à but lucratif, d'un salarié pour une durée déterminée, la cour d'appel en a exactement déduit que cette opération, interdite par l'article L. 122-3 du Code du travail, était illicite ; que le moyen n'est 4 pas fondé ». ( Cass.soc., 17 juin 2005 N° 03-13707 ). Pour échapper à la norme, des pratiques illicites de sous-traitance se sont développées. Il suffit de se rappeler les ouvriers polonais de St Nazaire qui ont défrayé la chronique de l’été 2005. Prêtés par Kliper (entreprise polonaise ) à Gestal ( entreprise française ) sous traitante des Chantiers de l’Atlantique, leur « employeur » était défaillant dans le paiement des salaires. Que penser de la pratique d’une grande surface, qui, afin d’optimiser le coût du personnel affecté à l’achalandage des rayons, n’hésite pas à en faire supporter le coût par les fournisseurs ? La technique est connue, pour placer en tête de gondole ses produits, le fournisseur « détache » du personnel qui assure ce travail. Rien que de très normal. Dans le cadre de la promotion d’un produit, la présence de représentants des fournisseurs (merchandiser) n’est-elle pas admise dans un magasin ? Là où la dérive commence, c’est lorsque que l’on demande à ce personnel de placer outre les produits de son employeurs d’autres produits au seul bénéfice de la grande surface qui profite ainsi d’une main d’œuvre gratuite sur la base d’un rapport de force commercial. La pratique peut être délibérée et donc délictueuse, comme le montre le cas suivant. Le 18 juin 2001, un inspecteur du travail dénonce au procureur de la République les pratiques du Carrefour de perpignan en citant le cas d’une femme employée de 1983 à 2002 et payée par 32 sociétés prestataires de service pour des contrats d’une demi-heure hebdomadaire … Pour l’Inspection du travail, l’écart de rémunération pour des fonctions égales entre un salarié « Carrefour » et un merchandiser est de 37% entre 1999 et 2001 … Pour le juge d’instruction, ce système était centralisé au siège parisien de Carrefour et de sa centrale d’achats Interdis. « Interdis fixait aux fournisseurs le montant de la contrepartie exigée pour que leurs produits soient bien présentés. A charge pour eux, ensuite, de se mettre en contact avec les magasins Carrefour et de faire sous-traiter par des sociétés prestataires de service la gestion de ce personnel »2 Bien entendu, des formes moins sophistiquées de travail dissimulé existent, l’auto exonération de toutes déclarations du sous-traitant suffit. Après avoir montré la pertinence des concepts de comportements non éthique et de délit pour saisir les phénomènes de déviance dans le domaine social, il convient maintenant de délimiter plus précisément le type de comportements déviants qui feront l’objet de notre étude. 1.2 Délinquance personnelle et organisationnelle Les travaux pionniers de Sutherland (1940, 1983) et ceux de ses disciples Cressey (1986) et Baucus (1989) sur les activités illégales mettent en évidence le fait que les actes répréhensibles peuvent être perpétrés pour le bénéfice personnel du délinquant d’affaire (personal crimes), au détriment de l’organisation dont il est membre (détournement de fonds, vente d’informations confidentielles), mais également au profit de l’organisation (illegal corporate behavior). Clinard et Yeager (1980) proposent une typologie plus fine de ce dernier type de comportements en distinguant trois formes principales de délits commis pour le compte de l’organisation : les violations administratives (falsification de comptes, fausses factures…), les violations concernant la production ou l’environnement (non-respect des normes de sécurité en matière de pollution, dumping, corruption…) et les violations dans le domaine social (discrimination, licenciement abusif…). 5 Cependant, la distinction entre délit personnel et organisationnel n’est pas toujours évidente à opérer car le salarié qui commet une fraude pour le compte de son organisation peut également en tirer un bénéfice en terme, par exemple, de promotion, d’augmentation de salaire, de prélèvement occulte sur une caisse noire ou plus simplement de préservation de son emploi. Les organisations vont justement jouer sur cette confusion pour inciter les cadres à collaborer à la délinquance d’affaires. L’article 121-2 du nouveau code pénal qui rend pénalement responsable depuis 2000 les personnes morales “ des infractions commises, pour leur compte, par leurs organes ou représentants ” témoigne de la prise en compte par le législateur français de la dimension organisationnelle de la délinquance d’affaire, au-delà des responsabilités individuelles : “ la responsabilité pénale des personnes morales n’exclut pas celle des personnes physiques auteur ou complices des mêmes faits ” (alinéa 3). Nous pouvons à présent mieux délimiter notre objet de recherche : la déviance, par rapport à des normes éthiques ou juridiques, dans le domaine social, commise par le RRH pour le compte de l’organisation. 1.3 La dérive sociale réglementaire du praticien des ressources humaines Pour assurer sa pérennité, l’entreprise doit en permanence optimiser le cadre réglementaire de l’exercice de son activité. Or, la législation sociale est complexe, dynamique, sédimentaire ! Que l’on y songe, en deux ans, une des éditions du code du travail a augmenté de 250 pages, deux lois Aubry , une loi de suspension de la loi de modernisation sociale suivie d’une lettre rectificative du projet de loi de cohésion sociale, des lois de diverses mesures d’ordre social corrigeant des décisions judiciaires ( sans attendre un revirement ), des ordonnances créant de nouveaux contrats publiées au mois d’août et opérationnelles immédiatement… Les pratiques des ressources humaines sont encadrées par un entrelacs3 de dispositions législatives, réglementaires, conventionnelles, jurisprudentielles, par des usages professionnels et des normes atypiques, qui apparaissent souvent au professionnel des ressources humaines, confronté aux contingences de sa pratique opérationnelle, comme un maelström4 échappant à toute rationalité. Cette rationalité existe néanmoins, mais elle échappe souvent à la perception du non juriste. La loi, le règlement, l’accord collectif sont interdépendants, leurs relations sont dynamiques. Ainsi, face à un conflit de normes sociales, le juriste privilégiera toujours la norme sociale la plus avantageuse5 en vérifiant qu’elle ne contredise pas une norme d’ordre public qui lui serait supérieure. Ainsi, à un moment « X », la loi sera plus favorable que l’accord collectif, à un autre moment « Y », l’inverse se produira. La loi peut ainsi fixer la durée du travail à 39h, l’accord collectif à 38 h. Les 38 h s’appliquent alors dans la mesure où travailler moins pour le même salaire est favorable au salarié. Si la loi passe à 35 h, l’accord de 38h devient plus défavorable, la loi l’emporte à nouveau. Dans ce même contexte, au même moment : la cour de cassation a pu opérer un revirement de jurisprudence qui peut être rétroactif6, un accord collectif a pu être étendu et une clause contractuelle a pu devenir nulle du fait d’un revirement de jurisprudence. Un contrat de travail a pu être signé avec une clause de non concurrence respectant les normes en vigueur au moment de la négociation contractuelle. La clause est ainsi limitée dans le temps, dans l’espace, pour un intérêt légitime de l’entreprise et un emploi qualifié du salarié. 6 Des milliers de clauses ont ainsi été insérées dans les contrats de travail. Revirement de la cour de cassation qui impose la conjonction impérative de tous les critères précédents et d’un nouveau critère : l’indemnité de non concurrence7 pour valider une clause de non concurrence. Toutes les clauses précédemment insérées dans les contrats deviennent donc nulles. Que se passe t-il, dans ce contexte dynamique, quand la loi change en même temps que l’accord collectif et qu’un revirement de jurisprudence est opéré ? Le Responsable des Ressources Humaines n’ayant pu assurer, du fait de ses contingences professionnelles, la veille nécessaire pour anticiper et accompagner ces changements législatifs, jurisprudentiels ou conventionnels se trouve en porte à faux dans ses prises de décisions opérationnelles et dans une situation d’application non conforme des normes sociales légales et réglementaires. Une dérive réglementaire sociale commence. La mauvaise application (ou l’ignorance) des nouvelles normes induite par la non prise en compte de l’évolution sociale réglementaire et conventionnelle conduit à une fuite non maîtrisée des responsabilités. Plus grave encore est le cas où la déviance par rapport au cadre légal est opérée par le RRH non par ignorance mais de façon délibérée sous la pression plus ou moins directe de son employeur. 2. INFLUENCE SOCIALE ET PRESSION NON ETHIQUE EXERCEE SUR LE RESPONSABLE DES RESSOURCES HUMAINES Des différents concepts de la psychologie sociale, celui d’influence sociale nous semble le plus fertile pour comprendre l’adoption de comportements non éthiques par les cadres au sein des organisations. Bédard et al. définissent l’influence sociale comme “ une modification du comportement ou des croyances d’un individu sous l’effet d’une pression réelle ou imaginaire, volontaire ou involontaire, exercée par une personne ou un groupe de personnes ” (1999, p.164). Les différentes modalités d’expression de l’influence sociale, pression normative des pairs, incitation, manipulation, pouvoir de l’autorité, vont se combiner pour modifier les perceptions, jugements, attitudes ou comportements d’un individu. 2.1. Le contrôle informel des comportements non éthiques par l’entourage professionnel Les travaux de Hollinger et Clark (1982) sur les comportements déviants au travail mettent en évidence l’existence de pressions sociales visant la conformité qui se matérialisent par deux formes de contrôle, formel et informel, se renforçant mutuellement. Le contrôle formel réside essentiellement dans des règles et procédures et un système de sanctions, tandis que le contrôle informel repose sur les positions et réactions de l’entourage professionnel. Les résultats de l’enquête qu’ils ont menée auprès d’employés de différents niveaux hiérarchiques démontrent la supériorité du contrôle informel, exercé par les pairs, sur le contrôle formel dans la diminution des pratiques abusives, quelle que soit leur nature, et ceci indépendamment de l’âge, du sexe ou du statut marital des employés. Les sanctions formelles ont néanmoins un impact sur les comportements déviants de façon indirecte en influençant la structure normative informelle. La perception qu’ont les employés 7 des règles et sanctions formelles peut les amener à faire évoluer leur propre façon d’évaluer les comportements de leurs pairs. Posner et Schmidt (1984) révèlent, grâce à une enquête menée auprès de 6000 managers, que l’influence exercée par l’environnement professionnel est très forte pour cette catégorie de personnel. En effet, les managers confrontés à un dilemme éthique, se tournent en priorité vers leur supérieur hiérarchique pour lui demander conseil (25% des réponses) et leurs collègues de travail (19%). L’étude souligne par ailleurs le rôle, rarement mis en évidence, de l’entourage familial dans la prise de décision éthique, puisque 24 % des managers consultent habituellement leur conjoint sur ce type de choix. Enfin, la façon dont se comportent leurs supérieurs et leurs collègues est considérée par les managers comme le facteur le plus déterminant pour expliquer leur conduite non éthique. 2.2 La pression à la délinquance exercée par la hiérarchie Les travaux dans le domaine de l’éthique des affaires et de la psychosociologie mettent en évidence que les pressions exercées par l’équipe dirigeante pour obtenir la collaboration des cadres à la délinquance d’affaires reposent simultanément sur l’incitation, la manipulation, et le management par la peur. - L’incitation Le système de sanctions/récompenses constitue un instrument puissant d’incitation à se conformer aux objectifs (éthiques ou non éthiques) de l’organisation. Les behaviouristes ont souligné l’importance du contexte de renforcement pour orienter la conduite d’un individu, que ce soit au cours de l’enfance ou à l’âge adulte. Différentes études empiriques réalisées avec des étudiants en laboratoire (Hegarty et Sims 1978, Stead et al. 1987) ont montré que les individus pouvaient être conditionnés pour se comporter de façon éthique ou non. Ainsi, lorsque l’expérimentateur récompensait la corruption active pour obtenir un marché, le recours à ce type de pratiques s’intensifiait alors que la menace de sanction décourageait ce comportement. Un autre enseignement de ces études réside dans la mise en évidence de l’existence d’une inertie de la politique de renforcement car les choix passés en matière de sanction/récompense de la corruption active continuent à produire des effets sur les périodes suivantes ce qui rend difficile la modification des comportements à court et moyen terme malgré le changement de système d’incitation. La politique de rémunération adoptée au sein d’une organisation revêt donc une importance particulière dans l’encouragement ou au contraire la prévention des comportements non éthiques. Les critères d’évaluation sur lesquels se basent la politique de rémunération permettent de clairement informer les salariés sur les comportements qui sont valorisés par l’organisation. Une focalisation trop forte sur l’obtention de résultats à court terme, sans intégrer des critères prenant en compte les moyens employés, est considérée par Cooke (1991) comme un facteur de risque éthique. En outre, le recours à certaines méthodes d’évaluation des performances des salariés est de nature à développer un climat de peur chez les salariés qui se sentent constamment soumis à la pression de réussite (Aubert et Gaulejac 1991) et au risque de licenciement en cas de baisse de leurs résultats. Par exemple, le forced ranking qui consiste à noter et classer les salariés dans des catégories allant du plus performant au plus médiocre selon des quotas prédéterminés, a sans doute contribué, dans une entreprise comme Enron, à obtenir la 8 collaboration aveugle des salariés, les élus du système étant très généreusement récompensés tandis que les salariés en queue du peloton étaient licenciés sans état d’âme. - La manipulation La manipulation consiste à utiliser des moyens pour obtenir d’une personne qu’elle change d’opinion ou de comportement sans exercer de pression directe sur elle. L’individu manipulé a le sentiment de se comporter librement, ce que Beauvois et Joule (1987) nomment la soumission librement consentie. La manipulation dont peuvent faire l’objet les cadres pour les amener à adopter des comportements non éthiques au profit de leur organisation sera étudiée sous l’angle des travaux en psychodynamique du travail de Dejours (1998), sur la banalisation de l’injustice sociale et ceux de Anquetil (2003) en sciences cognitives, sur les dilemmes éthiques. Dejours étudie le processus qui permet d’obtenir la complicité active ou passive de la majorité des membres d’une organisation, qui font pourtant preuve d’un sens moral dans les circonstances de la vie ordinaire, pour commettre des violations dans le domaine social (licenciements abusifs, travail au noir, conditions de travail dégradées et dangereuses, non déclaration des accidents de travail…). L’un des principaux mécanismes qui rend acceptable par les salariés l’injustice sociale, alors même qu’elle entraîne la souffrance des personnes qui en sont victimes, est la stratégie de distorsion communicationnelle. Dejours emprunte à Habermas le concept de distorsion communicationnelle pour expliquer l’écart entre le discours officiel gestionnaire sur l’organisation du travail et le réel du travail, c’est-à-dire tel qu’il est vécu par les travailleurs avec ses difficultés, ses échecs et la souffrance induite. La distorsion communicationnelle peut être provoquée par des composantes involontaires et inconscientes mais également par une stratégie délibérée qui repose sur le déni généralisé du réel du travail et de la souffrance au travail. Les arguments gestionnaires et commerciaux, initialement destinés à la propagande vis-à-vis de l’extérieur, sont également mobilisés en interne au nom de l’efficacité et de la création de valeur pour l’actionnaire et le client. Des médias spécifiques sont utilisés pour diffuser des messages stéréotypés et simplificateurs qui se substituent aux débats collectifs et ne suscitent pas de questionnements dérangeants. Afin que ce “ mensonge institutionnalisé ” résiste à la critique, il s’agit parallèlement de se débarrasser des témoins gênants par mise au placard, licenciement, mutation et ainsi “ effacer les traces ”. Les anciens sont particulièrement visés car ils constituent la mémoire des usages du passé. Les réflexions de Pesqueux et Biéfnot (2002) sur la nouvelle vocation idéologique de l’entreprise à universaliser la logique gestionnaire de l’efficience au détriment des valeurs collectives rejoignent l’analyse de Dejours. Les recherches d’Anquetil (op.cit.) sur des cadres qui sont amenés à adopter des comportements illicites contraires à leurs valeurs, mettent en évidence que l’autorité dont ces derniers dépendaient, supérieur hiérarchique ou actionnaire principal, a joué un rôle majeur dans leur passage à l’acte. Les relations avec l’autorité, telles qu’elles sont décrites par les cadres interviewés, apparaissent très ambiguës. En effet, les cadres ont des difficultés à caractériser leur supérieur “ du fait du caractère difficilement conciliable de ses caractéristiques comportementales manifestes ” (op.cit. p. 69). Par exemple un des cadres décrit son patron simultanément comme “ corrompu ”, “ privilégiant son intérêt personnel ” mais “ homme de parole ” et “ évitant tout conflit ” (op.cit. p. 69). 9 Le thème de la manipulation est celui qui est le plus cité par les cadres parmi les autres thèmes liés à la situation à laquelle ils ont été confrontés. Visiblement les supérieurs ont eu recours, pour obtenir la collaboration de leurs subordonnés, à une stratégie de manipulation reposant sur la création d’une certaine forme de confiance et sur la diffusion d’informations ambiguës rendant difficile l’interprétation du contexte du dilemme éthique. L’acceptation par les cadres de compromettre leurs principes éthiques s’explique notamment par la conformité sociale à des normes d’efficacité et d’engagement par rapport à l’entreprise (on retrouve l’importance de l’influence de l’idéologie de l’efficacité mise en évidence par Dejours) et le respect de la hiérarchie, compte tenu du lien de subordination. - La soumission à l’autorité La pression à la délinquance exercée par la hiérarchie sur les cadres peut prendre une forme beaucoup plus directe qui est celle du recours à l’autorité pour obtenir l’obéissance. Les célèbres expériences de Milgram (1965) sur la soumission des individus à un ordre qui leur est imposé, de faire gratuitement du mal à autrui, montrent que les facteurs liés à la situation (prestige, légitimité, proximité de l’autorité, proximité de la victime…) importent bien plus que la personnalité de la personne qui se soumet. D’autres expériences récentes viennent confirmer ces résultats (Fischer 1997). Deux principales explications permettent de comprendre pourquoi la majorité des personnes se soumet aveuglément aux ordres, mêmes destructeurs pour autrui : l’obéissance à l’autorité est une norme sociale puissante internalisée au cours du processus de socialisation et la personne qui se soumet se retrouve dans une situation passive face à l’autorité reconnue, à laquelle elle délègue sa responsabilité (Bédard et al., op. cit.) Dejours (op. cit.) prend appui sur le concept de banalité de Hannah Arendt8, pour comprendre comment une organisation parvient à faire accepter au salarié le“ sale boulot ”. Selon lui, un des ressorts majeurs du processus de banalisation de la violence sociale, outre la distorsion communicationnelle, est le maniement par les managers de la menace pour obtenir la complicité des salariés. L’absence de mobilisation collective des salariés contre les pressions qui sont exercées sur eux provient de l’apparition de la peur, essentiellement liée à la précarisation de l’emploi, y compris pour les cadres. Les salariés adoptent une stratégie défensive qui peut être passive : silence, rempli sur soi, déni de la souffrance d’autrui, ou active : soumission à l’autorité par peur de passer pour incompétent et “ cynisme viril ” qui transforme l’obéissance en acte de courage (“ il faut du courage pour faire le sale boulot ”). La menace est entretenue en “ éliminant ” les opposants au système, notamment les représentants du personnel et les délégués syndicaux qui peuvent faire l’objet de pratiques discriminantes, de harcèlement, voire de licenciements abusifs ce qui a pour conséquence de dissuader toute velléité de résistance. L’enquête de Wahn (1993), menée auprès de 565 professionnels des Ressources Humaines, concernant les pratiques déviantes commises pour le compte de l’organisation, met en évidence que plus la dépendance d’un salarié vis-à-vis de l’organisation est forte, plus il risque de commettre des actes non éthiques sous la pression de l’organisation. La dépendance correspond à la perception qu’a un employé de sa capacité à retrouver un emploi s’il quitte son organisation. Le pouvoir de résister au management de la peur et la liberté de choix du salarié semblent donc reposer en partie sur son employabilité. 10 2.3 La Souffrance éthique Les stratégies de défense mises en œuvre par les salariés soumis à la pression non éthique rencontrent des limites car elles engendrent elles-mêmes des souffrances. Le fait pour les cadres d’être impliqués dans le malheur d’autres salariés, en raison de leur passivité, voire de leur collaboration active, provoque chez eux un malaise psychologique qui peut mener à un risque de décompensation psychopathologique (dépression, alcoolisme, mouvement réactionnel de révolte désespérée…). Cette souffrance éthique générée par les pratiques de management de pression non éthique doit être distinguée de la souffrance au travail qui est provoquée par l’injustice sociale (Dejours, op.cit.). Le concept de souffrance éthique se retrouve dans d’autres travaux sur l’éthique des affaires même s’il est désigné différemment. Sims et Keon (2000), expliquent que s’il existe un décalage entre les exigences de l’organisation et la morale individuelle, le salarié subit un stress moral et est victime d’un conflit intrapersonnel qui accroît la probabilité d’une conduite non éthique. Le concept de dissonance cognitive défini par Festinger (1957) comme “ un état inconfortable résultant du fait qu’un individu maintient dans son esprit deux éléments de connaissance (attitudes, croyance, observations de ses comportements) dont l’un devrait normalement produire le contraire de l’autre ” permet de bien rendre compte du malaise intérieur ressenti par un salarié contraint d’adopter un comportement non conforme à ses valeurs éthiques. Festinger explique que lorsque les valeurs et attitudes ne sont pas concordantes avec le comportement d'une personne, cette dernière va rétablir l’équilibre en modifiant soit ses convictions, soit son comportement, la deuxième solution n’étant pas aisée à choisir lorsque l’individu est très dépendant de l’organisation. Festinger remarque que la pression de la dissonance cognitive sur l’individu est moins forte si le comportement est dicté par un supérieur hiérarchique plutôt que adopté volontairement. Ainsi, l’influence de l’organisation peut être très néfaste sur la conduite des individus puisqu’elle entraîne une certaine déresponsabilisation de ces derniers lorsqu’ils commettent des actes immoraux par obéissance à leur hiérarchie. Les travaux de Anquetil (op.cit.) mettent également en évidence la souffrance éthique ressentie par certains cadres qui ont compromis leurs valeurs en commettant des actes non éthiques au profit de l’organisation. Ces derniers peuvent être en proie à la rumination, processus psychologique comprenant des pensées conscientes récurrentes et envahissantes qui surviennent de manière inopinée, et traverser une période difficile caractérisée par le doute, le sentiment d’isolement et de menace qui conduit souvent à la rupture de leur collaboration avec l’entreprise soit de leur propre fait, soit par licenciement. Au-delà de la perturbation de son équilibre psychique, le RRH soumis à la pression non éthique s’expose au risque de sanctions judiciaires en cas de passage à l’acte délictueux. 3. LE RISQUE PENAL ENCOURU PAR LE RRH L’employeur qui souhaite conduire son RRH à adopter des comportements non éthiques, voire délictueux s’appuiera simultanément sur deux mécanismes : la délégation de sa responsabilité et le lien de subordination. 11 3.1 L’utilisation déviante de la délégation de sa responsabilité par l’employeur Le management de l’entreprise peut conduire, sciemment, des salariés à assumer la responsabilité de l’entreprise, par le jeu de la délégation de pouvoirs, pour certaines infractions commises. Si, généralement, l’employeur est présenté comme le représentant légal de la personne juridique, investi de l’autorité, la notion d’employeur en droit du travail peut être déléguée. Cette délégation ne suppose pas de délégation expresse dans la mesure où le délégataire est investi de l’autorité, qu’il a la compétence et qu’il dispose des moyens. Nul besoin donc, de déléguer par écrit ses pouvoirs et sa responsabilité, le salarié qui a la compétence, les moyens et l’autorité assume de fait et de droit la responsabilité de l’employeur. En est-il seulement conscient ? En s’entourant de personnes compétentes (ayant une formation leur permettant d’appréhender les conséquences juridiques de leurs actes), en leur donnant tous les moyens financiers (permettant d’engager l’entreprise), en leur donnant une fonction d’autorité, l’employeur délègue sa responsabilité. Dictée par la jurisprudence dans un souci de protection du salarié délégataire pour éviter que l’employeur ne se décharge de toute responsabilité par le jeu de délégations expresses, cette approche de la responsabilité du salarié délégataire peut se retourner contre ce dernier en cas d’utilisation perverse de cette délégation. En effet, la délégation on va permettre à l’employeur de s’exonérer de sa responsabilité pénale. L'infraction pénale ne disparaît pas pour autant. La responsabilité est reportée sur le tiers que le chef d'entreprise s'est substitué. Ce tiers assume donc la responsabilité de l’infraction au lieu et place du chef d’entreprise qui l’a investi. L’exemple suivant illustre les possibles effets pervers de la délégation des pouvoirs : un cabinet comptable, à l’éthique douteuse, demande à un de ses salariés qui dispose, à n’en pas douter, de la compétence par la formation nécessaire (DECF) pour la tenue du poste, des moyens financiers ( engagement de l’entreprise par la signature de contrats) de l’autorité par son statut de cadre de signer des faux contrats de qualification . Le comptable auteur des faux estime que les infractions qui lui sont reprochées résultent uniquement de l’exécution des instructions reçues et s’inscrivent dans la mission impartie par l’employeur seul bénéficiaire des infractions commises. Il n’a pas, en outre, bénéficié du produit de l’infraction. Condamné pénalement, il le sera aussi au civil « mais attendu que le préposé condamné pénalement pour avoir intentionnellement commis, fut ce sur l’ordre du commettant, une infraction ayant porté préjudice à un tiers engage sa responsabilité civile à l’égard de celuici » 9 Le salarié a assumé la responsabilité de l’employeur sans avoir été bénéficiaire de l’infraction. L’entreprise a produit d’autant plus facilement de la délinquance que le salarié avait une faible éthique personnelle. Le DRH est particulièrement exposé au risque pénal, car il dispose de par sa fonction (conclusion du contrat de travail, pouvoir disciplinaire, présidence du CE ou du CHSCT) de l’autorité, de la compétence et des moyens et pourra ainsi être conduit devant le tribunal correctionnel si l’entreprise ne verse pas la subvention de fonctionnement de 0,2% au CE10 ou s’il est incapable de justifier des horaires de cadres bénéficiaires d’un forfait 11 … Un DRH peut être ainsi condamné - en 2003 - pour entrave au fonctionnement régulier du comité d’établissement devant la chambre criminelle au lieu et place du chef d’entreprise pour 12 s’être abstenu de consulter le comité sur la modification intervenue concernant les horaires de travail applicables au personnel de l’entreprise ( 1 mois d’emprisonnement avec sursis et 25 000 francs d’amendes )12. La responsabilité pénale de l’employeur et donc du délégataire portera sur les délits et contraventions (délit de marchandage de main d’œuvre, délits pour manquements aux règles d’hygiène et de sécurité, pour recours au travail clandestin …) Que l’on y songe : ne pas respecter le principe de non discrimination quant au contenu des offres d’emploi, coûte une amende de 45 000€ et/ou un emprisonnement de 3 ans (art. L 3114 du code du travail), l’emploi d’un étranger démuni d’autorisation de travail : 15 000 € par salariés concernés et 5 ans de prison (Art.L342-6 du code du travail ) … De nombreuses amendes sont prévues pour des centaines d’infractions, ainsi, en matière de durée du travail, ne pas respecter la législation sur les heures supplémentaires est punie des amendes de 4ème classe (750€ art. R.261-4 ) par infraction de salariés indûment employés. Cette pénalisation de la fonction RH par le jeu de la délégation de pouvoirs avait amené Sylvain Niel, directeur du département GRH de Fidal à rédiger une fiche conseil : « enquête de police, quels sont les droits d’un DRH ». Dans un encadré ironique, il donnait quelques conseils sur la garde à vue : « Convoqué par la police pour « une affaire vous concernant », habillez vous d’un jogging, enlevez votre cravate et prenez des chaussures sans lacet, cela vous évitera l’humiliation d’un retrait d’office, revêtez un pull chaud, les cellules ne sont pas chauffées … »13 Le DRH confronté à la pression non éthique se retrouve d’autant plus pris au piège qu’il est par la conclusion de son contrat de travail – en état de subordination. . 3.2 La subordination : cadre réglementaire de la relation de travail En droit du travail français, le travail n’est pas une marchandise. Le contrat de travail ne rentre donc pas dans la typologie des contrats commerciaux, ce n’est pas non plus un contrat d’entreprise. On n’échange pas du travail contre de l’argent, mais on définit des droits et des obligations dans le cadre d’une relation purement personnelle (intuitus personae) marquée par la confiance et qui définit un mode de relation, une personne dirigeant, l’autre étant dirigée dans le cadre du travail demandé. Le salarié a donc forcément une obligation de fidélité et de loyauté et l’employeur une obligation de sécurité de résultat et de protection sociale. L’organisation de cette relation personnelle de travail repose sur une notion définie par la cour de cassation au fil des ans : la subordination. Le concept de subordination par lequel le salarié accepte, en contractant, de se soumettre aux directives de son employeur, d’être dirigé et contrôlé dans son travail, peut mettre le salarié en porte à faux, quand l’employeur usant de son pouvoir de direction lui demande, dans le cadre de ses conditions de travail, d’agir de façon perçue comme non éthique mais dans un cadre contractuel. Le comptable salarié qui rédige, de façon consciente ou non, de faux contrats de qualification aurait-il pu refuser d’obéir à un ordre de l’employeur auquel il avait accepté d’obéir par avance en contractant ? 13 En refusant d’obéir à un ordre dans le domaine de ses conditions de travail, le salarié ne respecte plus son obligation contractuelle et rend impossible la poursuite du contrat de travail, la faute grave est caractérisée. Obéir à un ordre ne posera aucun problème majeur au salarié inconscient de l’illicéité de l’acte demandé. Il estimera, en toute conscience, faire le travail qui lui est demandé, même si certaines conséquences lui paraissent bizarres. Il ne saura pas qu’il assume la pleine responsabilité de l’illégalité de l’acte commis s’il a la compétence, les moyens et l’autorité. Le problème sera différent si le salarié est conscient de l’illicéité de l’acte demandé. Le caractère intentionnel du délit sera présent, les conséquences pénales seront proches. Conscient de l’illicéité de l’acte, le salarié n’a-t-il pas l’obligation de désobéir à l’ordre qu’il sait illégal ? Le veut-il ? Le peut-il ? Le comptable peut-il refuser de rédiger des contrats qu’il sait faux ? Quelle sera sa situation s’il refuse ? Il en va de l’intérêt de l’entreprise, l’ordre donné sera « toujours licite », conscient de l’illicéité de l’ordre donné, l’employeur ne donnera pas matière à preuve, le refus du salarié de « l’ordre » sera « forcément » une faute grave. Si le salarié accepte de se soumettre, il risque en revanche, nous l’avons vu, d’endosser la responsabilité pénale de son employeur et dans le cas où l’acte demandé n’est pas conforme à ses valeurs éthique de ressentir une souffrance psychique. De quelles issues le RRH dispose-t-il pour sortir de cette véritable impasse ? 4. QUELLE PROTECTION DU RRH FACE A LA PRESSION NON ETHIQUE ? Dans l’état actuel de la législation française, les marges de manœuvre du DRH paraissent très réduites. Il semble en effet difficile de transposer le système d’alerte éthique, en vogue dans les pays anglo-saxons dans le contexte culturel français et de toute façon se pose le problème de sa réelle efficacité en matière de protection des salariés. Un autre recours, la prise d’acte semble délicate en l’absence d’une clause de conscience étendue aux managers. 4.1. Le rôle ambigu des alertes éthiques A la suite de la série de faillites frauduleuses qui a touché des fleurons de l’industrie américaine, a été votée aux Etats-Unis en juillet 2002 la loi Sarbanes-Oxley. Cette loi américaine s’étend en dehors des frontières des Etats-Unis car elle concerne toutes les entreprises cotées dans ce pays (entreprises, américaines ou non, cotée aux Etats-Unis et leurs filiales). Plus de 300 entreprises « européennes » sont ainsi concernées. Parmi ses principales mesures, cette loi « extraterritoriale » rend obligatoire, dans les sociétés cotées la mise en place généralisée d’un dispositif antifraude reposant en grande partie sur la dénonciation par les salariés des malversations dont ils pourraient être témoins sur leur lieu de travail. Cette dénonciation anonyme porte un nom : Whistleblowing14. La loi renforce la protection des salariés dénonçant des pratiques illicites en tirant les conséquences des affaires Enron et Worldcom : au centre des chacune de ces affaires, se trouvent des employés ou d’anciens salariés qui ont divulgués des renseignements cruciaux qu’il convient dorénavant de protéger. Ce procédé était déjà appliqué aux Etats-Unis avant la loi Sabannes-Oxley pour la prévention de la corruption. 60%15 des sociétés cotées aux USA ont d’ailleurs mis en place un système d’alerte à l’heure actuelle. En Grande Bretagne, ce système de dénonciation protège les 14 auteurs de bonne foi 16depuis 1999. En France, conformément aux dispositions en vigueur Outre-Atlantique, des filiales françaises de groupes américains ont ouvert des lignes téléphoniques et des adresses de courriels pour permettre à leurs salariés de dénoncer les mauvaises pratiques observées sur le lieu de travail. Cependant, la Commission nationale informatique et libertés (CNIL) dénonce les effets pervers d’un tel système à l’occasion d’une demande d’autorisation par Mc Donald pour la mise en œuvre d’un dispositif d’intégrité professionnelle17 et de la Compagnie européenne d’accumulateurs (CEAC) ou pour l’adoption d’un dispositif en ligne éthique. 18 Au cours de sa séance du 26 mai 2005, la CNIL a refusé d’autoriser ces deux projets de « lignes éthiques » en estimant que de tels dispositifs sont, dans leur principe même, contraires à la loi « informatique et libertés » parce qu’ils pourraient conduire à un système organisé de délation professionnelle. La CNIL craint surtout les risques liés à l’anonymat et à la dénonciation calomnieuse. Elle relève que les dispositifs présentés étaient disproportionnés au regard des objectifs poursuivis et des risques de dénonciations calomnieuses et de stigmatisation des employés objets d’une «alerte éthique». En effet, d’autres moyens prévus par la loi existent d’ores et déjà afin de garantir le respect des dispositions légales et des règles fixées par l’entreprise (actions de sensibilisation par l’information et la formation des personnels, rôle d’audit et d’alerte des commissaires aux comptes en matière financière et comptable, saisine de l’inspection du travail ou des juridictions compétentes). La prise de position de la CNIL relance le débat sur les alertes éthiques au plus haut niveau, puisque la CNIL a saisi la SEC à Washington. Une recommandation de la CNIL devrait être rendue publique en novembre 2005. Il semble d’ores et déjà acquis que la ligne d’alerte éthique retenue serait facultative en préservant la confidentialité du dénonciateur (et non son anonymat comme aux Etats-Unis, le dénonciateur serait moins protégé en France qu’aux USA…). En tout état de cause, il faudra sûrement, avant d’installer un système d’alerte éthique informer et consulter au préalable les représentants du personnel. La position de la CNIL rejoint celle défendue par le Service Central de Prévention de la Corruption dans son rapport 2003. Ce service interministériel, rattaché au ministère de la justice dénonce les effets pervers du Whistleblowing : « un tel processus d’ « alerte » peut répondre au souci du respect de la loi ou de l’éthique professionnelle, mais peut constituer aussi le support de l’arrière pensée de négocier, de discréditer, de nuire, de manipuler qui peut être le cadre d’une opération d’intelligence économique dévoyée. La dénonciation, potentiellement généralisée, comporte ainsi des limites et des risques certains (p.155). En particulier le salarié dénonciateur, loin de se protéger s’expose particulièrement à des représailles, menant souvent à la perte de l’emploi à court ou moyen terme d’après le même rapport du SCPC. Ce risque est d’autant plus grand si la hiérarchie encourage les comportements non éthiques au sein de l’organisation. Face à un fait de corruption porté à la connaissance du RRH quelle sera sa marge de manœuvre et l’étendue de sa responsabilité ? Ne faut-il pas alors laisser une porte de sortie au responsable des ressources humaines en dehors de la démission ? 4.2 : La prise d’acte face à un ordre non éthique 15 Faute de pouvoir exercer une clause de conscience à l’image des journalistes, le responsable des ressources humaines peut se trouver fort dépourvu face à un ordre non éthique mais légal. Une entreprise au comportement non éthique peut, par exemple, décider de filialiser ou d’externaliser dans le seul but d’économies sociales. Présentées comme des mesures de gestion sociale tout à fait licites, le gestionnaire des ressources humaines peut être ainsi amené à diriger une opération non éthique dans un cadre tout à fait légal. Contractuellement, il se doit d’effectuer cette tâche qui n’est qu’une condition de travail. Son refus est une faute grave pouvant mener à son licenciement. Démissionner lui ferait perdre le droit à toute protection sociale dans un contexte parfois difficile. Il lui resterait, en dernier recours, la prise d’acte. Longtemps appelée « autolicenciement » la prise d’acte permet à un salarié de prendre acte du non respect par l’employeur de ses obligations contractuelle pour cesser en contrepartie la sienne qui est de travailler. Son refus de travailler n’est donc que la conséquence du non respect par l’employeur de son obligation. Le salarié impute donc à son employeur son départ qu’il qualifie de licenciement lui donnant droit à la totalité de ses indemnités. Cependant, cette procédure n’est pas sans risque car il faudra prouver la faute de l’employeur. Ce qui sera ardu. Quel employeur accepterait de mettre par écrit un ordre non éthique ou illicite ? Le salarié risquerait à nouveau d’être qualifié de démissionnaire. C’est pour cela, à notre sens, qu’il est important d’introduire une clause de conscience pour les DRH. Seule cette clause leur permettrait d’exercer une prise d’acte avec succès ! 4.3. Pour une clause éthique du RRH L’article L 122-12 a fait couler beaucoup d’encre ! Quel employeur ne connaît pas cet article du code du travail qui organise la continuité des contrats de travail des salariés entre les différents cessionnaires d’une entité économique ? Dans la continuité des directives communautaires et de leur transposition, les cessionnaires d’entités économiques doivent reprendre tous les salariés travaillant dans ces entités avec le bénéfice de leur contrat de travail d’origine. Le salarié est ainsi assuré de continuer à bénéficier de ses droits contractuels et de sa rémunération contractuelle en cas de changement d’employeur. Destiné à protéger le salarié en cas de cession d’entreprise, l’application de cet article peut lui poser quelques problèmes de conscience. En effet, si le cessionnaire doit reprendre le salarié avec ses avantages contractuels, ce dernier a l’obligation de travailler pour le cessionnaire quel qu’il soit ! D’ailleurs, l’accord du salarié n’est pas demandé, ce dernier est seulement informé du changement d’employeur. Un salarié fier de travailler pour IBM peut ainsi se retrouver, du jour au lendemain, travailler pour une entreprise d’informatique chinoise 19! Ayant intégré les valeurs d’IBM, imprégné de sa culture d’entreprise, il devra travailler pour un Etat dont les valeurs lui sont étrangères. Refuser, démissionner, c’est perdre tout droit à indemnité de rupture et ne pas être indemnisé au titre du chômage. Rester, c’est travailler pour une entreprise dont on ne partage pas forcément les valeurs … Le choix est cornélien, le salarié, contrairement au journaliste ne dispose pas d’une clause de conscience20 ! Pourtant, les contraintes sont semblables : Le RRH comme le journaliste se trouve confronté à une double contrainte. Il lui faut en effet respecter à la fois les règles fixées par sa direction (ses pairs pour le journaliste21 ) et les obligations légales. 16 Tenu à une obligation de fidélité et de loyauté vis-à-vis de son employeur, comment pourra til l’exercer sereinement dans ce contexte ? Inversement, l’entreprise a besoin de salariés qui adhèrent à ses valeurs, quel intérêt existe-t-il à garder un salarié qui travaille à contrecœur ? Ne faudrait-il pas élargir le bénéfice de la clause de conscience à d’autres salariés ? Certaines professions mènent une réflexion en ce sens ou ont déjà franchi le pas. Ainsi, La DFCG (Association Nationale des Directeurs financiers et de contrôle de Gestion) demande de bénéficier d’une « clause de conscience ». Concrètement elle propose d’intégrer un droit à la démission qui serait assimilée à un licenciement dans des cas inacceptables moralement. En contrepartie, les directeurs financiers pourraient « signer les comptes » pour engager leur responsabilité formellement. 22 Le code de déontologie des psychologues du travail prévoit une clause de conscience ainsi rédigée « dans toutes les circonstances où le psychologue estime ne pas pouvoir respecter ces principes, il est en droit de faire jouer sa clause de conscience ». Les cadres se mobilisent dans un manifeste pour la responsabilité des cadres appelé « citoyenneté dans l’entreprise » qui demande un droit e refus ou d’opposition sans encourir de sanctions (signé notamment par le CJD, la CFDT cadre, CJDES, Ecole de Paris du management, Fondation pour le progrès de l’homme, Ingénieurs sans frontières, UGIC-CGT). Le Responsable des Ressources Humaines confronté chaque jour au grand écart que lui impose sa fonction entre les objectifs de la direction, les attentes des salariés et son désir de bien faire ne doit pas avoir comme seul choix de démissionner sans indemnités et sans protection au titre du chômage lorsqu’il est en désaccord sur l’éthique de certaines pratiques dont il devra assumer la responsabilité. De nombreuses entreprises ont mis en place des codes de conduite, parfois contraignants pour les fournisseurs, ainsi la Charte achats et développement durable du code de bonne conduite d’Alcatel23 précise que tout document contractuel signé avec un fournisseur doit contenir la clause d’éthique suivante : « Le prestataire reconnaît être pleinement informé de la politique d’Alcatel en matière d’éthique et s’engage à se conformer aux principes énoncés dans le cadre de l’exécution du présent contrat, en particulier sur la non discrimination des salariés, la lutte contre la corruption des fonctionnaires nationaux ou étrangers, la protection des droits de l’homme et le respect de l’environnement. Le prestataire reconnaît que la violation de ces principes sera considérée comme un manquement aux obligations contractuelles ». Un responsable des ressources humaines pleinement informé de la politique de son entreprise en matière d’éthique, s’étant engagé à se conformer à ces principes, ne pourrait-il pas estimer que la violation de ces principes dans sa pratique quotidienne est un manquement à ses obligations contractuelles lui permettant de prendre acte d’une rupture qu’il pourrait imputer à son employeur ? ANQUETIL A., Dilemmes éthiques en entreprise : le rôle de la faiblesse de la volonté dans la décision des cadres, Thèse de Doctorat en Sciences cognitives, Ecole Polytechnique, Paris, juin 2003. AUBERT N. et DE GAULEJAC V., Le coût de l’excellence, Editions du Seuil, Paris, 1991. BAUCUS M. “Why firms do it and what happens to them : a re-examination of the theory of illegal corporate behaviour”, Research in Corporate Social Performance and Policy 11 (JAI Press, Greenwich, CT), pp.93-118, 1989. 17 BEAUVOIS J. 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Ainsi, dès lors que le départ du journaliste est motivé par l’une des trois circonstances suivantes : - cession du journal ou périodique - cessation de la publication du journal ou du périodique, pour quelque cause que ce soit ; - changement notable du caractère ou de l’orientation du journal ou périodique, si ce changement crée, pour la personne employée, une situation de nature à porter atteinte à son honneur, à sa réputation ou, d’une manière générale, à ses intérêts moraux. Le journaliste peut, essentiellement dans les cas 3 et 1, quitter avec indemnisation une entreprise qui a changé de propriétaire et, à plus forte raison d’orientation. En d’autres termes, si le journaliste démissionne pour une raison de conscience, « (…) tout se passe comme si la responsabilité de cette rupture de contrat incombait à l’employeur, du fait des changements apportés unilatéralement par ce dernier aux conditions existant lors de l’engagement ». Cette clause donne au journaliste la possibilité de refuser toute mission qu’il jugerait moralement incompatible avec l’orientation d’origine de la publication, sans que ce refus soit considéré comme une faute grave. 21 Alexandrine Civar-Racinais, La déontologie des journalistes principes et pratique. « Les directeurs financiers doivent-ils bénéficier d’une clause de conscience ? », DFCG 30 juin 2003 23 Toutes les chartes d’Alcatel sont disponibles sur le site Internet du groupe www.alcatel.com 22 20