plus marqués, plus hardis, le musicien vous transporte dans les airs. Là, il vous peint à la fois le bruit des vents et
du tonnerre, ou bien, par une harmonie voluptueuse ou pleine de majesté, il vous inspire le plaisir de l’amour, il
calme vos sens ou vous annonce la présence des dieux ».
Le prologue peint le chaos où se démêlent tour-à-tour les quatre Éléments (l’air, l’eau, le feu et la terre) pour
former l’univers (« Éveillez-vous, troupe immortelle ! », scène 1). Oromazès, le roi des Génies, ordonne au soleil
d’éclairer le monde (« Astre éclatant, répands la clarté la plus pure », scène 2). L’Amour, entouré des Plaisirs,
descend sur la terre et chante sa puissance « sur tout ce qui respire » (« Connaissez le dieu du bonheur », scène 3).
Au premier acte, le théâtre représente une avenue champêtre avec au fond le temple de l’Amour. Zaïs, déguisé en
berger, malgré la mise en garde par son confident Cindor de ne pas céder aux sentiments des humains, avoue être
épris de la bergère Zélidie (« Tout se change en plaisir près de l’objet aimé », scène 1). Celle-ci vient et partage ses
vœux avec Zaïs (« Que mon cœur est touché de cet heureux retour », scène 2). Rejoint par une troupe de bergers,
le couple célèbre l’Amour dans une fête champêtre (« Accourons tous, que tout s’empresse », scène 3). Le dieu
paraît (« Ma puissance prépare à l’empire amoureux », scène 5), mais, tout en bénissant cette union, il suggère à
Zaïs d’éprouver l’objet de ses feux.
Le deuxième acte se déroule dans le palais aérien de Zaïs, entouré de nuages brillants et de vapeurs légères. Zaïs
craint de ne pas être aimé comme il aime lui-même (« Charme des cœurs ambitieux », scène 1), et pour s’assurer
de la fidélité de Zélidie à son égard, il donne ses pouvoirs à Cindor pour séduire son amante (« À tes yeux elle va
s’offrir », scène 2), tout en espérant qu’elle ne lui cédera pas. Celui-ci s’exécute (« Venez aimable Zélidie », scène
3) en surprenant Zélidie par un ballet où des statues s’animent, puis lui promet la félicité éternelle si elle quitte
Zaïs. La bergère résiste pourtant (« Hélas ! Est-ce à moi de vous plaire ? », scène 4). Pour la faire vaciller, Cindor
déclenche un orage terrible (« De ma puissance souveraine », scène 4) suivi d’une douce accalmie (« Vous craignez,
c’est assez et vos vœux sont ma loi », scène 4), puis lui offre alors un bouquet enchanté destiné à combler tous ses
souhaits (« À qui se pare de ces fleurs », scène 5). C’est alors que paraît Zaïs (« Ciel est-ce vous ? En croirai-je mes
yeux ? », scène 7). Zélidie l’implore de quitter les cieux pour la rejoindre sur la terre et lui confie les fleurs que lui
avait données Cindor pour mieux le protéger de ce rival dangereux.
Au troisième acte, dans son palais, Zaïs se réjouit de ce que Cindor n’ait pas réussi à séduire sa bien-aimée (« Vole,
enchante mon cœur, espoir délicieux », scène 1). Mais il ne souhaite pas en rester là et veut personnellement
tester son amante (« Je veux voir Zélidie, et l’éprouver moi-même », scène 1). Zélidie, enfermée dans un jardin
enchanté, se lamente (« Coulez mes pleurs », scène 2), tandis qu’un chœur célèbre les nouvelles amours de Zaïs
et qu’un ballet dépeint la légèreté et l’inconstance (« Célébrons la victoire », scène 3). La bergère se désespère en
voyant paraître Zaïs déguisé sous les traits de Cindor (« C’est Cindor... quel nouveau supplice ! », scène 6). Celui-
ci lui propose, pour l’éprouver une nouvelle fois, de se venger du perfide qui l’abandonne (« Cessez de soupirer
quand vous pouvez punir », scène 6). Elle refuse. Se sentant toutefois inexplicablement attirée par le faux Cindor
(« Mais quel charme m’entraîne », scène 6), elle s’enfuit pour ne pas céder à son penchant et sauver son honneur.
Zaïs jubile face à la constance de son aimée (« Amour, elle triomphe, et tes vœux sont remplis », scène 7).
Au quatrième acte, au seuil de son palais, Zaïs révèle enfin son identité mais Zélidie, impressionnée par tant de
grandeur, en ressent une immense tristesse car elle le préférait à l’état de berger (« Je ne voulais que le cœur
de Zaïs », scène 1). Zaïs se débarrasse alors de ses pouvoirs magiques pour devenir un simple mortel comme elle
(« Appui de mon pouvoir suprême », scène 1). Les amants sont transportés dans un désert aride (« Je vois ici tout
ce que j’aime. Rochers affreux, tristes déserts », scène 2). Oromazès paraît (« Ô ciel ! Oromazès », scène 3) et, en
récompense, confère à Zélidie l’immortalité (« La terre vous admire, et les dieux sont pour vous », scène 3), rend à
Zaïs ses pouvoirs et reconstruit un nouveau palais où il bénit l’heureux couple. Les Éléments célèbrent cette union
par une fête brillante (« De nos concerts que les airs retentissent », scène 3) et Zaïs laisse éclater sa joie auprès de
son amante (« Règne Amour, lance tes traits », scène 4).
En dépit des critiques envers le livret de Cahusac pourtant fort ingénieux, Zaïs contient des scènes agréables, et
l’action dans son déroulement périlleux laisse la place à de purs moments de spectacles dansés et de musique
instrumentale que Rameau a bien su rendre descriptifs et évocateurs comme le souhaitait le librettiste. L’émotion
dramatique reste constamment présente en dépit de la légèreté de l’intrigue. Outre l’ouverture novatrice déjà
expliquée plus haut, on peut citer la scène 6 du troisième acte entre Zélidie et Zaïs déguisé en Cindor, l’air
mélancolique de Zélidie « Coulez mes pleurs », et surtout les magnifiques épisodes chorégraphiques (« ballets
figurés ») intervenant dans chaque acte avec à l’appui une musique délicieuse et, selon les spectateurs de
l’époque, aérienne. En guise de conclusion, l’expression du musicologue Masson tirée de son ouvrage L’opéra de
Rameau (1930), résume parfaitement l’impression qui résulte de l’écoute de cet opéra encore méconnu : « c’est
ce mélange de grandiose, de gracieux et de touchant, dans une œuvre de demi-caractère, qui fait encore pour
nous le charme particulier de Zaïs ».
Patrick Florentin, président de la société Jean-Philippe Rameau
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