LES PORTRAITS DE RAMEAU
DE SON VIVANT
Les portraits absolument sûrs de Rameau, et
réalisés de son vivant, sont peu nombreux et
datent tous de la fin de sa vie.
Le plus connu est certainement le magnifique
buste en terre cuite 1 de Jean-Jacques
Caffieri (1725-1792), donné par ce sculpteur
à l’Académie des sciences, arts et belles-lettres
de Dijon en 1775, en hommage à la ville qui
vit naître le musicien. Le buste, certainement
réalisé d’après nature, est rendu de manière
très vivante, avec une expression qui passe par
les yeux pétillants et la bouche un peu pincée.
Il fut exposé au Salon de 1761, où Diderot le
remarqua, puis fut remanié après la mort du
compositeur, comme l’atteste l’inscription
sur le buste qui fait référence à son décès.
Caffieri utilisa cette esquisse pour réaliser
un buste officiel en marbre, qui disparut
malheureusement dans l’incendie de l’Opéra de
Paris en 1781.
Le graveur Augustin de Saint-Aubin s’est inspiré
de Caffieri pour réaliser un portrait de Rameau
vu de profil en 1762 2 . Il est difficile de dire
si Saint-Aubin s’est inspiré du buste lui-même
ou s’il a gravé son œuvre d’après un dessin
préparatoire de Caffieri. Toujours est-il que
cette gravure connut une diffusion importante
et servit de base à de nombreuses figurations
du compositeur au XIXe siècle.
La dernière image certaine de Rameau de son
vivant est un dessin aquarellé de Carmontelle
(1717-1806), réalisé dans une série de
personnages célèbres de son époque 3 . Rameau,
caractérisé par ses longues jambes maigres,
écrit de la musique devant un clavecin. Ces
figurations datent des dernières années de
l’artiste, à un moment où celui-ci avait atteint
une renommée qui en faisait une gloire de la
musique française.
LES PORTRAITS DE RAMEAU
APRÈS SA MORT
Quelques portraits furent réalisés après sa mort :
une gravure en manière noire de Gautier d’Agoty
dans les années 1770, un portrait gravé d’après
Jean-Bernard Restout pour illustrer la Galerie
Françoise (recueil de biographies de Français
célèbres, publié en 1772), une caricature de Fayet,
et une Apothéose de Rameau peinte par Le Barbier
pour le salon de musique du prince de Conti avant
1779. Ces œuvres mises à part, aucun nouveau
portrait du compositeur ne fut réalisé : ceux qui
ont été exécutés ultérieurement ont recopié les
précédents, surtout la gravure de Saint-Aubin et
celle de la Galerie Françoise.
RAMEAU, PAS RAMEAU ?
Deux peintures, cependant, passèrent pour
représenter Rameau dès le début du XIXe siècle. Le
tableau connu sous le nom du Poète inspiré 4 apparaît
en 1820 dans la vente après décès de Quentin
Crawford, attribué à Jean Restout (1692-1768) :
« Portrait de Rameau, la tête couronnée de lauriers,
dans un moment d’inspiration ; il est assis près
d’une table, et tenant une plume. » Il réapparaît dans
une vente en 1850, sous une nouvelle attribution
à Claude-Guy Hallé (1651-1731), avant d’être
attribué à Greuze dans la collection d’Albert Joliet,
qui le lègue au musée de Dijon en 1928. Des critères
stylistiques amenèrent à prononcer à nouveau le nom
de Jean Restout dans les années 1970, puis de son ls
Jean-Bernard Restout (1732-1797) dont la période
d’activité correspond mieux au style Louis XVI du
fauteuil. Ce même élément a semblé incompatible avec
les dates de Rameau et une nouvelle identication au
poète Lebrun-Pindare fut proposée en 1980 ; c’est celle
qui est retenue actuellement, bien qu’aucun élément ne
puisse la corroborer de manière certaine.
Enn, le musée de Dijon conserve un portrait qui
a toujours passé pour représenter Jean-Philippe
Rameau 5 . Ce tableau t partie de l’un des premiers
envois du Louvre à Dijon, sous Napoléon Ier. Là encore,
on ne connaît pas l’historique ancien du tableau, mais
il semble s’agir d’un achat du musée du Louvre dans
les premières années de son existence. L’œuvre fut
longtemps attribuée à J.-B. Siméon Chardin (1699-
1779), puis à Jacques-André Aved (1702-1766),
attribution aujourd’hui contestée par de nombreux
spécialistes du portrait français du XVIIIe siècle.
Si l’auteur du tableau était incertain, l’identication du
musicien représenté semblait ne pas devoir être mise
en doute depuis le début du XIXe siècle. Cependant, si
ce tableau représente Rameau, il pose un problème
iconographique important. Celui-ci a écrit pour le
clavecin, l’opéra, l’orgue, et était surtout er de ses
écrits théoriques, qui l’amenèrent à participer à de
nombreuses polémiques au cours de son existence.
Or, le musicien représenté dans le tableau dijonnais
tient un violon. Selon les codes du portrait au XVIIIe
siècle, un musicien devait être portraituré avec
l’instrument pour lequel il était le plus connu et c’est
d’ailleurs devant un clavecin que Rameau est dessiné
par Carmontelle. Bien que l’identication à Rameau
ne puisse pas être exclue de manière absolue pour
le tableau de Dijon, il semble qu’elle soit cependant
relativement peu probable et qu’il s’agisse en fait
d’un violoniste ou d’un compositeur pour violon, dont
l’identité est, malheureusement, encore un mystère.
1 . Jean-Jacques Caferi, Buste de Jean-Philippe Rameau, terre cuite, 1760, Dijon, musée des beaux-arts
2 . Augustin de Saint-Aubin, d’après Jean-Jacques Caféri, Portrait de Jean-Philippe Rameau, eau-forte et burin, 1762, Dijon, Bibliothèque municipale, Rés. 2500 ©BM Dijon. Photo E. Juvin
3 . Carmontelle (dit) Carrogis, Louis, Monsieur Rameau, aquarelle, gouache, mine de plomb et sanguine, Chantilly, musée Condé ©RMN-Grand Palais (domaine de Chantilly) / René Gabriel Ojéda
4 . Attribué à Jean-Bernard Restout, Le Poète inspiré, huile sur toile, Dijon, musée des beaux-arts
5 . Attribué à Jacques-André Aved, Portrait présumé de Jean-Philippe Rameau, Dijon, musée des beaux-arts
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mise en page : Ctoutcomme - © Polymago - © musée des beaux-arts -Dijon - rédaction : Matthieu Gilles - photos : F. Jay sauf mentions contraires
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