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Introduction
Avec une dette publique brute qui dépassait 185 % du PIB à la fin de l’année 2003,
l’Etat libanais se trouvait dans une situation extrêmement rare, sinon unique dans le monde.
Entre 1999 et 2003, la dette publique a progressé régulièrement sans que cela conduise à une
sévère crise d’endettement analogue à celles qu’ont connues des pays qui avaient un niveau
d’endettement bien plus faible. En 2000, par exemple, la dette publique turque ne dépassait
pas 69 % du PIB et son niveau maximal (en 2001) était inférieur à 119 % du PIB.
Face à cette menace potentielle, les gouvernements libanais ne sont pas restés inactifs.
Depuis quelques années, une ambitieuse réforme fiscalo-douanière a été entamée. Afin
d’anticiper la baisse des recettes douanières liée à la libéralisation du commerce extérieur et à
l’accord d’association avec l’Union européenne (UE), il s’agissait d’introduire la TVA et de
faire avancer le dossier des privatisations. L’UE a fourni un appui à ces réformes sous forme
d’une subvention à l’ajustement structurel. L’introduction de la TVA est généralement
considérée comme un grand succès, alors que le programme de privatisation a pris un retard
très important, ainsi que l’introduction d’un impôt général sur les revenus. La réforme
entreprise a permis d’accroître la pression fiscale et de dégager un surplus primaire.
Malgré l’amélioration de l’équilibre des finances publiques, la république libanaise se
trouve confrontée à un problème délicat. Il lui faut rembourser une dette publique qui reste
très importante (en partie libellée en devises), tout en maintenant une parité fixe avec le dollar
(pour asseoir sa crédibilité) et des taux d’intérêts élevés (pour attirer les capitaux). De plus, ni
la fiscalité ni l’allocation des dépenses publiques ne doivent remettre en cause le très fragile
équilibre socio-politique (qui se reflète dans la répartition tripartite du pouvoir). De plus,
l’Etat a largement mis le secteur bancaire à contribution pour absorber des montants élevés de
titres publics, et un retrait peut contribuer à fragiliser le secteur bancaire.
Cet article se propose de contribuer à l’analyse de cette situation. La première section
présente une analyse de la dette publique de l’Etat libanais. Dans la seconde section des
simulations seront entreprises pour évaluer la soutenabilité de la dette libanaise dans divers
scénarios budgétaires et de taux de change.
Evolution de la dette publique au Liban : une dynamique difficile à
maîtriser
Au début des années quatre-vingt dix, les libanais ont opté pour la paix et pour la
reconstruction de leur pays. Ce choix a nécessité des efforts diplomatiques, économiques et
politiques pour faire face aux besoins financiers qui dépassent largement les ressources du
pays. Labakis (1991)
1
note « qu’après avoir vécu depuis deux ans dans l’attente des aides
extérieures érigées en chemin obligé de la reconstruction, les Libanais se rendent de plus en
plus compte qu’ils doivent compter avant tout sur eux-mêmes ».
Le contexte régional ne favorise pas l’obtention des aides et des prêts financiers
nécessaires à la reconstruction. Lewis (1993)
2
souligne que la Banque mondiale a défini des
projets destinés aussi bien à rétablir la paix régionale qu’à aider à financer la reconstruction
1
Cité par Bittar (1991)
2
Cité par Samir Sobh (1993).