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LANGUE FRANÇAISE 141
Les catégories aspectuelles à expression périphrastique : une interprétation des apparen-
peuvent devenir des expressions d’aspect syntaxique, et que des expressions
d’aspect syntaxique peuvent passer à exprimer la localisation temporelle. Les
processus en question, sans être nécessaires, sont orientés dans une direction parti-
culière. Ils tendent à produire des expressions à caractéristiques mixtes, dans la
mesure où la grammaticalisation n’efface pas nécessairement les étapes anté-
rieures.
1.2. La notion de « périphrase verbale »
, traditionnelle en linguistique
romane, est aussi traditionnellement mal définie (voir Olbertz 1998, parmi bien
d’autres). Nous comprendrons par « périphrase verbale » une construction consti-
tuée de deux formes verbales dont l’une, plus enchâssée, apparaît toujours à une
forme non personnelle (infinitif, gérondif, participe). C’est cette forme qui déter-
mine la structure argumentale et les restrictions de sélection de la construction
dans son ensemble, raison pour laquelle elle est à considérer comme le prédicat
principal de la construction. Ainsi, le verbe
plaire
sélectionne deux arguments avec
les rôles thématiques d’Expérient et de Stimulus, respectivement, le premier étant
associé au COI et le deuxième au Sujet, et cette constellation est héritée par la cons-
truction périphrastique, cf.
Les films d’Almodovar commençaient à plaire à tout le
monde
. Le tour existentiel
il y a
… présente un sujet non reférentiel, explétif, et cette
caractéristique se transmet à la construction périphrastique dans
Il vient d’y avoir un
problème.
Enfin, le prédicat
avoir lieu
exige un sujet dénotant un événement, et les
constructions périphrastiques exhibent la même restriction de sélection, cf.
Les bals/
*Les films ont cessé d’avoir lieu le samedi
.
La deuxième propriété qui sert à distinguer les périphrases des constructions
contenant des propositions non finies, d’un côté, et des constructions à auxiliaire, de
l’autre, est leur comportement par rapport à l’anaphore. En effet, les types possibles
d’anaphore pour le prédicat principal et ses arguments et ajouts sont très variables,
et ils ne coïncident pas exactement ni avec ceux des propositions non finies ni avec
ceux des verbes auxiliés. L’anaphore avec des pronoms qui peuvent reprendre des
propositions, comme
le
invariable ou
cela
, est toujours exclue (2a-b), et l’anaphore de
complément nul, inexistante pour les propositions non finies et pour les verbes auxi-
liés, est possible sous certains conditions (3a-c). Enfin, bien que très marginalement,
certaines périphrases sont compatibles avec l’anaphore adverbiale
y
(4) :
(2) a. Il voulait travailler pour vous. Il a toujours aspiré à cela.
b.
Il voulait travailler pour vous. *Et voilà qu’il commence/ va/ se met à cela
.
(3) a. Il devait parler, mais il ne souhaitait pas *(parler).
b. Il devait parler, mais il n’avait pas encore *(parlé).
c. Il devait parler, mais il n’avait pas encore commencé (à parler).
(4) Il devait travailler, et il s’y est mis de bonne heure.
Dans les langues romanes autres que le français, une troisième propriété de nature
syntaxique caractérise les périphrases verbales. Il s’agit des « effets de
restructuration », qui témoignent de la création d’un seul domaine argumental,
dans lequel le verbe enchâssant hérite des propriétés argumentales du verbe
enchâssé. Dans le cas de la montée des clitiques (5a), l’objet du verbe enchâssé est
attaché au verbe enchâssant, dans les constructions à passif réfléchi (5b), l’objet du