Chapitre 22 - Mesurage des polluants par voie optique : turbidité et

Chapitre 22 : Mesurage des polluants par voie optique
CH22 - 09/01/2002 2:27
523
22. MESURAGE DES POLLUANTS PAR VOIE OPTIQUE :
TURBIDITE ET ABSORPTION DANS L’ULTRAVIOLET
22.1 INTRODUCTION
Le mesurage des polluants par analyses en laboratoire sur échantillons obtenus au
moyen de préleveurs (voir chapitre 21) nécessite un certain délai entre le prélèvement
de l’échantillon sur le terrain et l’obtention du résultat d’analyse en laboratoire. Le suivi
et la gestion en temps réel et l’automatisation des systèmes d’assainissement urbain
nécessitent le développement de méthodes de mesure en continu de la qualité des eaux
résiduaires. Par continu, il faut entendre d’une part avec une haute fréquence de mesure,
correspondant généralement à un pas de temps compris entre 1 minute et un quart
d’heure, voire une demi-heure, et d’autre part une disponibilité quasiment immédiate du
résultat de mesure.
Dans ce contexte, la possibilité de déterminer, par voie optique et sans ajout de réactifs,
les concentrations de quelques polluants significatifs apparaît intéressante. Les
paramètres polluants mesurés sont des paramètres globaux caractérisant les matières
organiques et les matières en suspension, ainsi que des paramètres spécifiques tels que
nitrates, phénols, détergents anioniques, chrome hexavalent et huiles minérales à l’état
de traces. Les recherches se poursuivent pour parvenir à détecter d’autres paramètres,
grâce à une analyse fine des spectres lumineux des eaux résiduaires.
Ce besoin métrologique coïncide avec la possibilité offerte, dans le cadre réglementaire
de l’autosurveillance des rejets des agglomérations (JO, 1995, voir annexe 1), de
remplacer le mesurage de certains polluants (MES, DCO) par le suivi en continu de
paramètres ou grandeurs optiques représentatifs de ces polluants.
Bien que limitée, en 1999, au mesurage de quelques paramètres polluants seulement, la
métrologie par voie optique offre, par son caractère continu et immédiat, la possibilité
de suivre à courts pas de temps le fonctionnement des systèmes d’assainissement, et en
conséquence de mieux comprendre l’origine des anomalies éventuelles, ce qui est plus
difficile avec des prélèvements d’échantillons ponctuels et/ou moyens.
De nombreuses expérimentations sont menées actuellement pour employer la
métrologie par voie optique. Les résultats obtenus sont satisfaisants dans la plupart des
cas. Mais les relations numériques établies entre paramètres polluants et paramètres
optiques restent le plus souvent spécifiques au site et au matériel considérés, ce qui rend
difficile toute généralisation. En outre, ces relations varient lorsque les caractéristiques
du milieu changent notablement, par exemple en passant du temps sec au temps de
pluie. Si les méthodes traditionnelles d’analyse sur échantillons sont définies dans des
normes, le manque de standardisation pour l’établissement des relations entre
Chapitre 22 : Mesurage des polluants par voie optique
CH22 - 09/01/2002 2:27 524
paramètres polluants et paramètres optiques pourrait expliquer certaines des disparités
observées. Nous essayerons d’en analyser les différents facteurs.
Ce chapitre traite de l’utilisation de matériels de terrain pour le mesurage par voie
optique, sans ajout de réactifs, des polluants présents dans les systèmes
d’assainissement. Nous nous limiterons aux effluents urbains à dominante domestique,
les effluents industriels nécessitant des spécificités métrologiques qui sortent du cadre
de cet ouvrage.
22.2 PARAMETRES POLLUANTS MESURABLES PAR VOIE OPTIQUE
Par convention et simplification, nous employons dans tout ce chapitre :
- le terme « paramètre polluant » pour désigner une grandeur relative à un polluant,
généralement sa concentration dans l’eau étudiée ;
- le terme « paramètre optique » pour désigner la grandeur mesurée par un capteur
optique.
Les paramètres polluants mesurables par voie optique sans ajout de réactif sont ceux
pour lesquels il est possible d’établir une relation entre la valeur de leur concentration et
la valeur d’un paramètre optique. Dans ce chapitre, nous présentons les deux
paramètres optiques les plus souvent utilisés :
- l’intensité lumineuse diffusée par un échantillon éclairé par un rayon lumineux de
caractéristiques connues ;
- la diminution d’intensité d’un rayon lumineux lors de la traversée d’un échantillon à
analyser.
Les deux principes de mesure utilisés pour déterminer ces paramètres optiques sont
l’absorption moléculaire et la turbidimétrie.
La turbidité est la réduction de transparence d’un liquide due aux matières non
dissoutes, c’est à dire colloïdales et en suspension. Il paraît donc a priori possible
d’établir une relation entre la turbidité et le paramètre MES (matières en suspension)
pour les eaux résiduaires ou le paramètre MS (matières sèches) pour les boues issues du
traitement de l’eau. La turbidité dépend non seulement de la concentration en matières
en suspension de l’échantillon, mais aussi des caractéristiques optiques et géométriques
des particules, notamment leur granulométrie. L’établissement d’une relation fiable
entre paramètre polluant et paramètre optique dépend soit de la constance des
caractéristiques des particules sur un site de mesure donné, aussi bien en réseau
d’assainissement qu’en station d’épuration, soit de la prise en compte de leur variabilité
en intégrant dans l’expression de cette relation des grandeurs corrélées
complémentaires, par exemple la vitesse d’écoulement pour les mesurages en réseau
d’assainissement pluvial.
Les composés polluants dissous présentent des caractéristiques spécifiques d’absorption
de la lumière en fonction de leur structure moléculaire. Cette propriété permet de
déterminer leur concentration dans les eaux résiduaires. L’absorption varie notamment
en fonction de la longueur d’onde du rayon lumineux, ce qui permet de définir le
Chapitre 22 : Mesurage des polluants par voie optique
CH22 - 09/01/2002 2:27
525
spectre d’absorption du composé considéré. Par exemple, les nitrates présentent un
maximum d’absorption pour les longueurs d’onde voisines de 200 nm.
Outre les nitrates, de nombreuses molécules organiques comportant des groupements
fonctionnels possédant des liaisons chimiques insaturées présentent une absorption
marquée pour certaines longueurs d’onde du spectre ultraviolet (UV). Il est donc
possible d’établir des relations entre l’absorbance mesurée et la concentration des
paramètres carbonés globaux tels que la Demande Chimique en Oxygène (DCO), la
Demande Biochimique en Oxygène en cinq jours (DBO5) et le Carbone Organique
Total (COT) notamment. Toujours dans le domaine UV, Thomas (1995) mentionne la
possibilité de doser le chrome hexavalent, les phénols et les détergents anioniques. On
peut également mesurer des traces d’huiles minérales par fluorescence.
Notons qu’un certain nombre d’analyses spectrométriques d’absorption moléculaire
effectuées en laboratoire permettent de déterminer la concentration de diverses
substances à partir du dosage d’un complexe coloré formé par cette substance avec un
réactif spécifique. Ces analyses n’entrent pas dans le champ d’investigation du présent
chapitre.
Les eaux résiduaires contiennent de très nombreux composés présentant une absorption
à diverses longueurs d’ondes. Pour éviter les interférences, le mesurage d’un composé
donné doit donc tenir compte de la présence des autres composés, surtout s’ils sont
présents en concentrations non négligeables dans le milieu analysé. Cette difficulté peut
être résolue de deux manières :
- par le choix d’une longueur d’onde spécifique au composé mesuré ;
- par un traitement ultérieur du signal obtenu à différentes longueurs d’onde. Diverses
méthodes de traitement sont utilisées, allant des plus simples (régression linéaire) aux
plus élaborées (déconvolution déterministe). Des traitements du signal performants
permettront vraisemblablement d’augmenter encore à l’avenir le nombre de
paramètres polluants mesurables par voie optique.
22.3 PRINCIPES DE MESURE
Le principe de mesure par voie optique des polluants contenus dans les eaux repose sur
l’analyse des caractéristiques d’un rayon lumineux avant et après qu’il ait traversé
l’échantillon d’eau à étudier. Cependant, la variété des technologies proposées par les
fabricants et la diversité des eaux analysées rendent difficile la comparaison des
résultats issus de différentes expérimentations. D’autant plus que, selon que l’on
considère la fraction dissoute ou la fraction particulaire ou colloïdale des polluants, le
principe de mesure fait appel respectivement à l’absorption moléculaire ou à la
turbidimétrie.
La Figure 22.1 présente les ordres de grandeur des différents facteurs intervenant dans
les processus de mesure par voie optique : la forme du polluant (dissoute, colloïdale et
particulaire), les longueurs d’onde utilisées dans le spectre électromagnétique
(ultraviolet, visible ou infrarouge). Le rapport du diamètre dP des particules sur la
longueur d’onde λ joue un rôle important dans la manière dont la lumière est absorbée
ou diffusée lors de son passage à travers l’échantillon analysé.
Chapitre 22 : Mesurage des polluants par voie optique
CH22 - 09/01/2002 2:27 526
dissoute colloïdale suspension
forme des
polluants
formulation
en lumière
diffusée
Rayleigh
longueur
d'onde de la
lumière
éléments
minéraux
éléments
organiques
Mie Grosses particules
ultraviolet infrarouge
visible
argiles limons sables
virus
bactéries
pollen
plancton
0,0001 0,001 0,01 0,1 1 10 100 1000
(1 millimètre)microns(1 nanomètre)
Figure 22.1 : ordres de grandeur des différents facteurs intervenant dans
le mesurage des polluants par voie optique (limites approximatives)
22.3.1 Absorption moléculaire
L’absorption moléculaire est une technique utilisée pour le mesurage des composés
polluants présents sous forme dissoute dans les eaux.
22.3.1.1 Eléments théoriques
Quand un faisceau de lumière monochromatique de longueur d’onde λ traverse un
échantillon d’eau, il est partiellement absorbé par les composés dissous présents dans
l’eau. Ce phénomène résulte de la mise en vibration, sous l’effet de l’énergie lumineuse
reçue, soit des électrons (dans les domaines ultraviolet et visible), soit des atomes et des
groupes d’atomes (dans le domaine infrarouge) présents dans les composés. Chaque
composé possède ainsi un spectre d’absorption spécifique lié à la configuration de ses
différentes liaisons chimiques et à sa configuration électronique (Malingrey, 1987).
Pour quantifier ce phénomène, on procède au mesurage, pour une longueur d’onde
spécifique du composé étudié, de l’absorbance Ab définie par :
=L
L
bI
I
A0
log Eq. 22.1
avec IL0 intensité lumineuse avant traversée de l’échantillon (W.cm-2) ;
IL intensité lumineuse après traversée de l’échantillon (W.cm-2).
1 / 48 100%

Chapitre 22 - Mesurage des polluants par voie optique : turbidité et

La catégorie de ce document est-elle correcte?
Merci pour votre participation!

Faire une suggestion

Avez-vous trouvé des erreurs dans linterface ou les textes ? Ou savez-vous comment améliorer linterface utilisateur de StudyLib ? Nhésitez pas à envoyer vos suggestions. Cest très important pour nous !