L`esprit des institutions. Le problème de la médiation institutionnelle

L’ESPRIT DES INSTITUTIONS
LE PROBLÈME DE LA MÉDIATION INSTITUTIONNELLE
DANS LA THÉORIE CRITIQUE CONTEMPORAINE
Eric Martin
Thèse soumise à la
Faculté des études supérieures et postdoctorales
dans le cadre des exigences
du programme de doctorat en science politique
École d’études politiques
Faculté des sciences sociales
Université d’Ottawa
© Eric Martin, Ottawa, Canada, 2013
ii
À Michel Freitag, à son émerveillement
complice devant la beauté de l’Être, à l’amour
du monde dont il faisait si généreusement
cadeau, et à la tâche qu’il laisse : transmettre à
d’autres ce souci, pour penser et assurer, avec
eux et elles, la suite du monde.
iii
Ce que la terre dans l'alchimie de ses règnes
abandonne et transmue en noueuses genèses
de même je l'accomplis en homme concret
dans l'arborescence de l'espèce humaine
et le destin qui me lie à toi et aux nôtres
-Gaston Miron
iv
RÉSUMÉ
Hegel réinscrit l’idée d’autonomie kantienne au sein d’une totalité organisée par des
médiations qui constituent le sujet et lui livrent un contenu normatif venant mettre en forme
sa pratique et lui assigner sa signification et sa place au sein du processus de reproduction de
la société. La philosophie substitue à la morale abstraite une éthicité concrète (Sittlichkeit)
objectivée au sein de médiation institutionnelle (l’esprit objectif). Cette conception incarnée
de la moralité, exprimée par Hegel dans la Philosophie du droit sera l’objet d’une critique
sévère par le marxisme au nom de l’émancipation de la puissance instituante de la société
civile et des sujets, si bien que bon nombre d’interprètes contemporains de Marx le
présentent comme un individualiste, un naturaliste et un économiciste. La théorie critique
contemporaine, chez Axel Honneth, s’est-elle aussi repliée sur une conception naturaliste et
intersubjectiviste de la théorie de la reconnaissance, puisée chez le jeune Hegel, l’amour,
l’amitié et la reconnaissance réciproque sont présentés comme des préalables à
l’établissement d’une relation de communication, et servent de modèle pour penser
l’ensemble du lien social. À l’encontre de ces approches, notamment à l’aide des travaux de
Vincent Descombes et du sociologue québécois Michel Freitag, je cherche à revaloriser
l’institutionnalisme hégélien et son concept d’esprit objectif. J’illustre aussi, avec Moishe
Postone, comment toute théorie critique contemporaine doit, si elle espère réellement
développer une critique des sociétés capitalistes avancées, pouvoir retrouver en Marx un
penseur de la totalité et des médiations aliénées ou fétichisées (la forme-valeur) et articuler à
la critique de la médiation des rapports sociaux par le travail abstrait une revalorisation de
des médiations symboliques et politico-institutionnelles, de l’esprit objectif, en tant que seule
la transcendance d’une dimension de sens objectivée peut suppléer à la régulation des
rapports sociaux par la forme aliénée propre à la valeur abstraite. La revalorisation du
concept d’esprit objectif hégélien, c’est-à-dire du pôle d’objectivité normative instituée,
m’apparaît l’une des conditions sine qua non pour réorienter la théorie critique vers la
dialectique qui, seule, lui évitera les écueils de l’intersubjectivisme, du dualisme et du
nominalisme.
v
TABLES DES MATIÈRES
REMERCIEMENTS .............................................................................................................. vii
INTRODUCTION ..................................................................................................................... 1
PARTIE I L’ESPRIT OBJECTIF HÉGÉLIEN : L’INSTITUTIONNALISATION DE LA
VIE ÉTHIQUE ........................................................................................................................ 21
CHAPITRE I LIBERTÉ ET ESPRIT OBJECTIF .................................................................. 21
1. 1 Le principe d’autonomie et l’unité de la société .......................................................... 22
1.2 Kant : l’autonomie, la morale et la politique ................................................................. 27
1.4 Liberté et différenciation dans l’histoire : vers un nouvel institutionnalisme ............... 45
CHAPITRE II HÉGÉLIANISME ET INSTITUTIONNALISME ......................................... 56
2.1 Hégélianisme et institutionnalisme ............................................................................... 56
2.2 L’effectif et le rationnel : un malentendu durable ......................................................... 60
2.4 La critique du devoir-être abstrait ................................................................................. 64
2.5 Ce qui est réel est-il rationnel? ...................................................................................... 69
CHAPITRE III LE DÉVELOPPEMENT DE LA DOCTRINE DE L’ESPRIT OBJECTIF
DANS LA PHILOSOPHIE DU DROIT ................................................................................. 76
3.1 La structure de la Philosophie du droit ......................................................................... 78
3.2 La volonté et le droit abstrait ........................................................................................ 79
3.3 La moralité subjective ................................................................................................... 83
3.4 La moralité objective ..................................................................................................... 86
3.5 Le sens de la Philosophie du droit ............................................................................... 102
CHAPITRE IV ESPRIT OBJECTIF ET SYSTÈME HÉGÉLIEN ....................................... 109
4.1 Introduction au survol de la Phénoménologie et de la Philosophie de l’Esprit .......... 109
4. 2 L’esprit objectif dans la Phénoménologie de L’Esprit ............................................... 111
4.2.1 L’immédiateté éthique : l’amour contre la mort. ................................................. 114
4.2.2 De la religion à l’esprit absolu ............................................................................. 120
4.3 L’éveil de la conscience dans la Philosophie de l’Esprit ............................................ 134
CONCLUSION DE LA PARTIE I ....................................................................................... 149
PARTIE II LA CRITIQUE MARXISTE DES FORMES SOCIALES: UN
INDIVIDUALISME ET UN NATURALISME INDÉPASSABLES? ................................. 158
5.1 Introduction ................................................................................................................. 158
5.2 Marx selon Henry : une métaphysique de l’individu .................................................. 162
5.3 Les apories de l’interprétation d’Henry ...................................................................... 176
CHAPITRE VI MARX PENSEUR DE LA PERTE DE L’OBJECTIVITÉ ........................ 194
6.1 Marx spinoziste ? ........................................................................................................ 194
6.2 Marx naturaliste ? ........................................................................................................ 196
CHAPITRE VII MARX L’ÉCONOMICISTE? ................................................................... 228
7.1 Marx, un économiciste? .............................................................................................. 228
7.2 Le holisme sociologique de Louis Dumont ................................................................ 230
7.3 Marx ricardien? ........................................................................................................... 234
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