L’Encéphale (2010) 36, 397—407 Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com journal homepage: www.em-consulte.com/produit/ENCEP ÉPIDÉMIOLOGIE Évolution de l’autonomie sociale chez des patients schizophrènes selon les prises en charge. L’étude ESPASS Evolution of the social autonomy scale (EAS) in schizophrenic patients depending on their management D. Leguay a,∗, F. Rouillon b, J.-M. Azorin c, I. Gasquet d, J.-Y. Loze e, R. Arnaud f, A. Dillenschneider f a Secteur 4 de psychiatrie générale, CE.SA.ME., 7, rue des Buttes de Pigeon, 49000 Angers, France Service de psychiatrie, hôpital Sainte-Anne, 7, rue Cabanis, 75014 Paris, France c Service de psychiatrie, hôpital Sainte-Marguerite, 13009 Marseille, France d Maison des adolescents, Inserm U669, université Paris XI, hôpital Cochin, AP—HP, 75014 Paris, France e Otsuka, 92500 Rueil-Malmaison, France f Bristol-Myers Squibb, 92506 Rueil-Malmaison, France b Reçu le 27 avril 2009 ; accepté le 7 décembre 2009 Disponible sur Internet le 11 mars 2010 MOTS CLÉS Schizophrénie ; Autonomie sociale ; Antipsychotiques ; Réhabilitation KEYWORDS Schizophrenia; Social autonomy; ∗ Résumé L’enquête ESPASS a organisé le suivi sur six mois d’une cohorte de près de 6000 patients schizophrènes, bénéficiant de stratégies de soins médicamenteuses et non médicamenteuses dans des conditions naturalistes. Les données recueillies ont permis de mettre en rapport les caractéristiques diagnostiques, symptomatiques et sociodémographiques des patients, la nature des stratégies de prise en charge, leur évolution clinique, et la satisfaction des patients. L’intérêt de cette étude est d’avoir pu rassembler, sur une durée de six mois des données sur autant de patients, en prenant en considération autant de variables. Elle a montré qu’une meilleure évolution de l’autonomie sociale était corrélée de façon significative avec les antipsychotiques de seconde génération et les stratégies actives de réhabilitation. © L’Encéphale, Paris, 2010. Summary It is becoming clear to clinicians that functional prognosis is the issue that should be guiding their choice of therapeutic strategy offered to people with schizophrenic disorders. An individual’s degree of social autonomy is one of the principal factors determining functional prognosis, and it has become essential to identify the variables that influence it. The ESPASS survey was set up to follow a cohort of 6000 schizophrenic patients in a naturalistic setting, and Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (D. Leguay). 0013-7006/$ — see front matter © L’Encéphale, Paris, 2010. doi:10.1016/j.encep.2010.01.004 398 Antipsychotics; Psychosocial rehabilitation D. Leguay et al. was conducted over six months by 1170 psychiatrists. Patients were required to meet DSM-IV TR criteria for schizophrenia, with the exception of those suffering from an acute psychotic episode, and to either need a change in their antipsychotic treatment or its initiation. Data collected included patients’ sociodemographical characteristics, types of treatment (pharmacological and non-pharmacological), illness characteristics (as determined by the DSM-IV TR criteria), degree of social autonomy (EAS), effectiveness (IAQ scale), overall severity of the illness (CGI — S scale) and patient satisfaction with medical treatment (PASAP self-questionnaire). Concerning the non-pharmacological aspects of treatment that offer patients programmes to increase their autonomy, the survey made it possible to collect data describing real practices and to measure the actual availability of rehabilitation services. It has been verified that the sample of psychiatrists included in this survey, as well as the schizophrenic patients under evaluation, were representative of the French psychiatrist and patient populations. Most importantly, the survey made it possible to objectively evaluate the healthcare services available in France. It seems that the vast majority of public-service psychiatrists have access to hospital and ambulatory facilities for treatment (medical-psychological centers, day-care hospitals and rest centers), as well as access to facilities providing simulated real-life activities. Psychiatrists who are private practitioners have less access to such arrangements for their patients. The vast majority of psychiatrists in both categories are unable to offer their patients active rehabilitation techniques: training in social skills (25%), cognitive remediation (16%), cognitivebehavioral therapies (20%), even though psychoeducation is quite widespread (44%). However, the survey demonstrated that the actual use of these methods was much lower still (2%, 1% and 2%, respectively), although the use of alternative facilities to hospitalization was quite high (day-care hospitals 9%, rest-centers 8%). In total, at the end of the study, the proportion of patients benefiting from some kind of programme to increase their level of autonomy was 41%. These results have demonstrated a link between the evolution of patients’ clinical symptoms and their social autonomy. Within the findings, the items that varied most were patient’s level of personal care and relations with others, whereas the ability to manage resources seems difficult to influence. Moreover, the results have shown that better development of social autonomy is significantly correlated with the prescription of second-generation antipsychotics. Regarding non-pharmacological treatment, better development of social autonomy is significantly correlated with setting up programmes to achieve this objective, including the use of active rehabilitation techniques. Overall, the survey confirmed the results of earlier work to validate the scale of social autonomy (EAS), and confirmed the robustness of its objective measurements. © L’Encéphale, Paris, 2010. Introduction Les interventions thérapeutiques dans la schizophrénie [15] ont pour but d’améliorer la symptomatologie clinique de la maladie ainsi que le pronostic fonctionnel dont dépendra l’autonomie sociale des patients [16,20,26]. Une meilleure compréhension des déterminants de ces dimensions pourrait permettre de cibler certaines interventions, qu’elles soient médicamenteuses ou non, et d’améliorer ainsi le fonctionnement psychosocial des patients schizophrènes [9,12,13]. De très nombreuses publications ont, en effet, établi l’intérêt des antipsychotiques atypiques [2,4,27], des programmes de réhabilitation psychosociale [1,7,16,21,23,25,28], ainsi que de leur combinaison [3,8,17,22]. Si l’utilisation en France des antipsychotiques de seconde génération est désormais largement développée [19], il n’en est pas encore de même des thérapeutiques fondées sur des démarches actives de réadaptation, qui ne sont pas encore disponibles partout [11,14]. Ces démarches, qui se répartissent entre des méthodes de mises en situation, en milieu ordinaire, ou en structures de réadaptation, et des méthodes d’apprentissage (entraînement aux habiletés sociales, psychoéducation, remédiation cognitive. . .), peuvent être distinguées de la seule fréquentation de structures alternatives à l’hospitalisation, où la prise en charge ne comprend pas la mise en œuvre de programmes poursuivant un objectif défini, selon des méthodes précises, et où l’action de soins est essentiellement représentée par le partage de l’expérience subjective, dans l’écoute et l’accueil. À l’instar de la recherche conduite par comparaison des politiques de soins du Maine et du Vermont [5,6] dans les années 1970 à 1990, il nous a paru intéressant de tenter d’objectiver, s’il existe, le gain apporté par une politique volontariste de mise à disposition des patients de démarches actives de programmes de réhabilitation psychosociale. Le schéma de notre enquête, la multiplicité des paramètres à prendre en compte dans cette étude observationnelle, et la rareté de mise en œuvre de certaines techniques, ne permettaient pas de faire apparaître des différences entre chacune de ces démarches, dont les conditions réelles d’application dans chacun des centres n’étaient pas documentées. Il s’est donc seulement agi, pour ce qui concerne les thérapeutiques non médicamenteuses, de comparer globalement des méthodes actives de Évolution de l’autonomie sociale chez des patients schizophrènes réhabilitation psychosociale à des formes traditionnelles de prise en charge dans les dispositifs de soins. L’objectif de l’étude pharmacoépidémiologique ESPASS fut donc d’évaluer l’impact à six mois du changement ou de l’instauration du traitement antipsychotique principal sur l’autonomie sociale de patients souffrant de troubles schizophréniques en fonction du parcours d’autonomisation sociale et des stratégies de réhabilitation éventuellement mis en place. ESPASS est une étude observationnelle, descriptive, longitudinale, prospective, se déroulant en France (métropolitaine et DOM), qui a été mise en place auprès de psychiatres travaillant en milieu institutionnel et portant sur plus de 6000 patients ; la période de suivi des patients était de six mois. Les patients devaient présenter les critères DSM-IV TR de schizophrénie et nécessitaient le changement du traitement antipsychotique, quel qu’en soit le motif, ou son instauration. Ils ne devaient ni présenter les critères d’un épisode psychotique aigu, ni nécessiter un normothymique. Les psychiatres enquêteurs (PE) devaient recruter six patients. L’un d’entre eux devait être sous neuroleptique et un autre devait nécessiter l’instauration d’un traitement antipsychotique afin de garantir un nombre suffisant de patients dans les sous-groupes les moins fréquents, tout en ne surdimensionnant pas les sous-groupes les plus fréquents. Tous les patients recrutés devaient nécessiter un changement de leur traitement antipsychotique. Les données recueillies par le psychiatre traitant dans un formulaire préétabli, à la visite de sélection (M0), à un mois (M1), à trois mois (M3) et à six mois (M6) de traitement, étaient les caractéristiques sociodémographiques, le type de prise en charge (médicamenteuse et non médicamenteuse), les caractéristiques de la maladie (typologie selon le DSM-IV TR), le niveau d’autonomie sociale (échelle EAS), l’efficience (échelle IAQ) [24], la sévérité globale (échelle CGI-S) et la satisfaction vis-à-vis des soins (autoquestionnaire PASAP, complété par le patient lui-même de façon confidentielle et remis au psychiatre enquêteur sous enveloppe scellée). S’agissant des prises en charge non médicamenteuses, l’enquête a permis de recueillir des éléments descriptifs des pratiques réelles et de mesurer la disponibilité effective des techniques actives de réhabilitation. L’échelle d’autonomie sociale EAS, remplie par le psychiatre, est composée de 17 items regroupés en cinq dimensions et cotés de 0 à 6 (score total variant de 0 à 102, qui a été normalisé de 0 à 100 — un score bas indiquant une meilleure autonomie sociale). Les domaines explorés sont les soins personnels, la gestion de la vie quotidienne, la gestion des ressources, les relations avec l’extérieur, la vie affective et les relations sociales. Cette échelle, de conception française, s’attache, selon les auteurs, à évaluer l’autonomie en respectant les particularités socioculturelles de notre pays. L’étude ESPASS a permis de reproduire et de compléter les premiers travaux de validation, effectués à sa parution [10]. Caractéristiques des psychiatres enquêteurs Sur 1170 PE recrutés, 1015 eurent leurs patients analysés et 995 répondirent au questionnaire les concernant. 399 Figure 1 Source des revenus. Population d’analyse globale (n = 6007). Leur répartition régionale sur le territoire fut conforme à la répartition de la démographie nationale existante, à l’exception de la région parisienne, qui fut sous-représentée (21 % de PE actifs pour une proportion de 30 % dans la démographie nationale) et des régions Est et Méditerranée qui furent sur-représentées (10 % versus 6 %, et 18 % versus 14 %). Parmi, 35 % des PE actifs étaient des femmes (43 % France entière), 65 % des hommes. Leur âge moyen était de 45 ans (± 8 ans) (51 ans France entière). Parmi, 47 % exerçaient en CHS, 21 % en hôpital public non CHS, 7 % en PSPH, 25 % avaient un autre mode d’exercice (libéral, clinique, CHU. . .). Un tiers des PE actifs prenaient en charge de manière prévalente des patients ambulatoires, un tiers des patients hospitalisés, et un tiers des patients tantôt ambulatoires et tantôt hospitalisés. Au total, plus de la moitié des secteurs de psychiatrie générale existant en France étaient représentés dans l’enquête (476 sur 815). Caractéristiques des patients suivis Parmi les 6165 patients inclus à M0, les données purent être analysées pour 6007 patients. Ainsi, 4898 patients furent suivis pendant six mois et purent être évalués à M0 et M6. Les caractéristiques des patients suivis étaient : • la sociodémographie à M0 (n = 6007) ; ◦ 62 % d’hommes, 38 % de femmes, ◦ l’âge moyen : 37 ans ±12 ans, ◦ les célibataires 72 %, mariés/pacsés/vivant maritalement 18 %, divorcés 9 %, ◦ le travail, ressources (Fig. 1) ; • les caractéristiques cliniques et caractéristiques de prise en charge à M0 (n = 6007) ; ◦ la forme clinique : paranoïde 47 %, indifférenciée 19 %, désorganisée 17 %, résiduelle 15 %, ◦ le poids moyen : 75 ± 16 kg ; IMC moyen 26 ± 5 kg ; 16 % des patients présentent une obésité à M0. (IMC ≥ 30 kg/m2 , 12,4 % en population générale des plus de 15 ans) [18]. Parmi eux, la population présentant l’IMC le plus élevé est celle traitée par APA, ◦ l’âge au début de la maladie (prise en charge) : 27 ± 9 ans, 400 ◦ l’ancienneté de la prise en charge en psychiatrie : 9 ± 9 ans, 37 % depuis moins de cinq ans, ◦ l’ancienneté du suivi par le psychiatre : 3 ± 4 ans, 42 % depuis moins d’un an, ◦ 61 % sont vus en ambulatoire, 33 % en hospitalisation temps plein et 6 % en hôpital de jour, ◦ 52 % bénéficient d’un traitement antipsychotique atypique (APA) à M0, 25 % d’un traitement neuroleptique (NL), 23 % sont sans traitement antipsychotique lors de l’inclusion, et parmi ceux-ci 34 % (8 % du total) n’ont jamais eu de traitement médicamenteux antipsychotique ; ces derniers constituent la population dénommée plus loin « naïfs », ◦ 95 % des patients se sont vu prescrire un APA à l’issue de la consultation de M0 : 4 % de l’amisulpride, 8 % de l’olanzapine, 16 % de la rispéridone et 67 % de l’aripiprazole. L’ensemble de ces informations porte sur les 6007 patients dont les données ont pu être analysées, réalisant ainsi une photographie épidémiologique d’une population ayant demandé des soins au début de l’étude. Les mêmes paramètres ont été explorés sur les 4898 patients présents à M0 et M6 et les résultats en sont très proches. Sur aucune de ces caractéristiques on ne constate une différence excédant 1 %, hormis pour le pourcentage de patients vus en ambulatoire, supérieur de 2 % chez les patients vus à M0 et M6, à celui de l’ensemble des patients vus à M0 (63 % versus 61 %). Caractéristiques de l’offre de soins Moyens à disposition Compte tenu de la très large représentativité de la population des PE en termes de modalités d’exercice, de répartition géographique, de proportion de secteurs participants, il avait paru intéressant au comité scientifique de l’étude d’explorer avec eux l’offre de soins existante en France dans le domaine de la prise en charge des patients présentant des troubles schizophréniques, tant en termes de structures disponibles, sanitaires ou médicosociales, que de techniques de soins. L’offre de soins décrite par les PE comme étant à disposition de leurs patients montre une excellente couverture en termes de structures de soins, mais déjà une relative pauvreté en termes de possibilités d’utiliser les techniques de réhabilitation. Sur la globalité des PE, les trois quarts ou plus peuvent proposer des prises en charge en centre médicopsychologique, en accueil d’urgence, en hôpital de jour, en centre d’accueil thérapeutique à temps partiel, en atelier thérapeutique et des visites de personnel soignant à domicile. La proportion est plus faible pour l’hôpital de nuit (66 %), et très minoritaire pour l’hospitalisation à domicile (11 %). Les PE les moins en capacité d’offrir cette accessibilité à leurs patients sont les psychiatres libéraux et ceux qui exercent en clinique, qui semblent ne pouvoir s’en tenir qu’à des modalités univoques de soins. Sur le plan D. Leguay et al. régional1 , le Nord se distingue par une forte proportion de structures alternatives à l’hospitalisation tandis que le Sud-Ouest semble pour beaucoup de structures la région la plus démunie (95 % de CMP dans le Nord par exemple, contre 67 % dans le Sud-Ouest, ce qui pourrait être corrélé aux réalités de modes d’exercice par région, même si les chiffres ne permettent pas d’obtenir une significativité). En termes de dispositifs médicosociaux accessibles, si les réseaux de soins sont cités dans deux tiers des cas environ (68 %), comme la possibilité de s’articuler avec des organismes de réinsertion sociale et professionnelle (71 %), l’accès à un ESAT (ex-CAT) (55 %), à un accueil familial thérapeutique (45 %), à un appartement thérapeutique (51 %), à un CHRS (45 %) est globalement possible dans la moitié des cas environ, tandis que l’admission dans un foyer n’est envisageable que dans un quart des cas (24 %). Les praticiens exerçant en libéral et en clinique sont ici encore ceux qui disposent du plus faible pourcentage de possibilité de travail en commun avec ce type de structures. Sur le plan régional, l’Ouest et la région parisienne semblent disposer de la meilleure accessibilité aux structures médicosociales tandis que la région méditerranée semble plus démunie et que le Nord (hormis pour les équipes de réinsertion) semble se focaliser plus volontiers sur les pratiques ancrées dans le champ sanitaire. L’interprétation des chiffres, compte tenu des faibles effectifs par région, doit cependant rester prudente. Si l’accès aux structures, qu’elles soient sanitaires ou médicosociales, semble grossièrement garanti, tel n’est pas le cas pour les programmes de soin de réhabilitation psychosociale. Les PE annoncent, en effet, pour la plupart de ces derniers de faibles pourcentages d’accessibilité. Les prises en charge à visée informative sont annoncées comme possibles par 64 % des PE, mais les programmes structurés de psychoéducation sont déjà moins répandus (44 % des PE), tandis que l’entraînement aux habiletés sociales (25 %), les thérapies cognitivocomportementales, (type « gestion des hallucinations ») (20 %), la remédiation cognitive (16 %) ne sont plus déclarés disponibles que par une minorité de PE. Sur le plan régional, il semble que la région la mieux pourvue soit le Nord de la France, tandis que la région parisienne se montre la moins favorisée. Techniques de soins mises en œuvre Durant le suivi, le pourcentage des patients (n = 4898 ayant réalisé M0 et M6) suivis en ambulatoire augmente de façon continue (de 63 à 82 %), cependant que celui des patients hospitalisés à temps plein diminue (de 31 à 12 %). Sur la population globale de l’étude (n = 6007), un quart est déjà inscrit dans un parcours d’autonomisation (n = 1580) à M0. Par convention pour l’interprétation des résultats, on appelle « parcours d’autonomisation » (PA) toute prise en charge non médicamenteuse se traduisant par la participation à un programme formalisé de réhabilitation, ou la fréquentation régulière d’une structure 1 Par Zones économiques d’activité territoriale (= « grande région ») (ZEAT). Évolution de l’autonomie sociale chez des patients schizophrènes Tableau 1 401 Parcours d’autonomisation suivis par les patients avant M0. Population d’analyse globale (n = 6007). Population générale (%) (n = 6007) Parcours d’autonomisation (PA) de type 1 Fréquentation d’un hôpital de jour Fréquentation d’un CATTP 16 9 8 Parcours d’autonomisation (PA) de type 2 Programme d’entraînement aux habiletés sociales Programme de remédiation cognitive Programme structuré de psychoéducation Programme de thérapie cognitivocomportementale Fréquentation d’un ESAT (CAT) Engagement dans un parcours de réinsertion directe formalisé ou suivi par une équipe spécialisée pour réinsertion en milieu ordinaire de travail Prise en charge informative et à visée de dédramatisation pour famille et entourage proche 15 2 1 7 2 3 6 sanitaire alternative à l’hospitalisation, ou médicosociale, dans l’objectif d’améliorer l’autonomie sociale. En moyenne, cette participation a une ancienneté de 3 ± 4 ans. Cette participation est moins fréquente chez les patients naïfs, objectivant là, dans les conditions naturalistes, la congruence de l’accès aux soins médicamenteux et non médicamenteux. Avant la visite M0, l’utilisation des moyens non médicamenteux est très faible pour les programmes « actifs » de réhabilitation. La fréquentation de structures alternatives à l’hospitalisation de la psychiatrie de secteur est notablement plus répandue (Tableau 1 ci-dessous). Sur l’ensemble du suivi de six mois, la participation à un parcours d’autonomisation varie, avec des patients entrant dans un PA et d’autres en sortant, tout en augmentant globalement de 26 % (M0) à 41 % (M6) de la cohorte (n = 4898). Pour permettre une interprétation sélective des données recueillies, une distinction a été opérée entre deux types de parcours d’autonomisation : les PA consistant en la fréquentation d’une structure alternative à l’hospitalisation des secteurs de psychiatrie (hospitalisation de jour, CATTP), en outre (PA de type 1), et les PA consistant en la mise en œuvre d’une technique de réhabilitation par le biais du recours à un programme (EHS, psychoéducation, remédiation), ou à une action directe d’insertion (PA de type 2). Sur l’ensemble des patients ayant été suivis sur six mois (n = 4898), les sujets bénéficiant d’une prise en charge en structure alternative à l’hospitalisation, de type 1, sont légèrement plus nombreux que les sujets bénéficiant d’un PA de type 2 (24 % versus 23 % à M6). Les programmes les plus fréquemment appliqués dans les PA de type 2 sont la psychoéducation (10 % à M6) ou les démarches de réinsertion directe (9 % à M6), alors que les programmes d’entraînement aux habiletés sociales type Liberman (4 % à M6) et de remédiation cognitive (2 % à M6) objectivent leur caractère encore très peu disponible dans notre pays. Parallèlement, les prises en charge en hôpital de jour (13 % à M6) et en CATTP (13 %) sont beaucoup plus courantes. Pour apprécier l’impact des stratégies non médicamenteuses de prise en charge, une population ne bénéficiant pas de parcours d’autonomisation à M0, mais ayant bénéficié de la mise en place d’un tel parcours entre M0 et M3, et maintenu jusqu’à M6 a été isolée, comprenant 531 patients. 8 Cette étude de grande ampleur a été permise par l’indiscutable représentativité des PE sur les pratiques de prise en charge existant aujourd’hui en France pour les patients schizophrènes, la longueur inhabituelle du suivi, les conditions naturalistes, et l’attention portée, au-delà des thérapeutiques médicamenteuses, aux prises en charge non médicamenteuses. Évolution clinique : sévérité des symptômes (CGI + IAQ) L’évolution de la population globale de l’enquête, évaluée sur la CGI-S, montre une diminution progressive et régulière des pourcentages de patients les plus malades, et une augmentation concomitante des pourcentages de patients les moins malades entre M0 et M6 (Fig. 2 ci-dessous). Cette évolution est encore plus marquée pour les patients naïfs (n = 365 patients à M0 et M6) : score CGI pour les patients manifestement, gravement ou parmi les plus malades à 67 % à M0 et à 23 % à M6. Cette évolution a également été évaluée sur l’échelle IAQ qui associe la prise en compte de paramètres cliniques et d’effets indésirables. La Fig. 3 ci-dessous représente l’évolution du score moyen entre M0 et M6 de la population globale, une diminution du score étant signe d’amélioration. Étude de l’autonomie sociale Évolution du score de l’EAS entre M0 et M6 La Fig. 4 ci-après objective l’évolution moyenne des scores à chaque item de l’EAS sur la population globale, une diminution du score étant signe d’amélioration. Elle objective la nette amélioration obtenue dans le registre de l’autonomie sociale chez les patients suivis et pris en charge pendant les six mois de l’étude. On constate que les dimensions qui évoluent le plus significativement sont les « soins personnels » et les « relations avec l’extérieur ». La « gestion des ressources » semble être une variable moins (rapidement ?) évolutive (Tableau 2). 402 D. Leguay et al. Figure 2 Évolution du score CGI-S. Population avec suivi à six mois (n = 4898). Évolution du score de l’EAS, selon le traitement médicamenteux prescrit Figure 3 Évolution des scores à l’IAQ de la population présente à M0 et M6 (n = 4898). L’amélioration est également davantage apparente chez les patients ne bénéficiant pas déjà d’un traitement antipsychotique à leur entrée dans l’étude (Tableau 3). Cette évolution se montre liée aux stratégies thérapeutiques (médicamenteuses et non médicamenteuses). Tableau 2 Le Tableau 4 ci-dessous objective les liens entre l’évolution du score total à l’EAS et les traitements médicamenteux retenus. Une distinction est faite entre les scores obtenus par les patients ayant persisté dans le traitement choisi et ceux l’ayant interrompu au cours du suivi. On peut constater que lorsque le patient ne persiste pas dans le traitement prescrit les résultats thérapeutiques sont globalement significativement moins bons. Plusieurs explications pourraient rendre compte de cette différence, qui ne pourraient à ce stade être évoquées qu’au titre d’hypothèses. Le fait que cette dernière varie suivant les molécules pourrait donner matière à des recherches complémentaires pour les vérifier. On voit que l’évolution du score à l’EAS objective des différences significatives entre les groupes de patients définis par le produit prescrit à la VS (discussion à suivre). Les résultats à l’EAS des patients caractérisés par la prise d’halopéridol ne sont pas significatifs. Entre les trois antipsychotiques atypiques, ces différences ont été explorées selon chacun des registres de l’autonomie, tels que définis par l’EAS. Il est légitime de se demander si les résultats apparaissant dans le Tableau 5 ci-dessous peuvent permettre d’ébaucher un profil d’impact des différents APA dans le registre de l’autonomie sociale. Scores normalisés aux dimensions de l’échelle EAS à M0 et à M6. Population présente à M0 et à M6 (n = 4898). Population d’analyse avec suivi à six mois Changement relatif entre M0 et M6 (%) (n = 4898) Moyenne ± Écart-type Score EAS normalisé −12,8 ± 56,5 Score Score Score Score Score −18,9 −8,8 −1,9 −12,8 −8,1 ± ± ± ± ± 81,1 76,5 80,7 78,0 64,8 dimension dimension dimension dimension dimension Soins personnels Gestion de la vie quotidienne Gestion des ressources Relations avec l’extérieur Vie affective et relations sociales Évolution de l’autonomie sociale chez des patients schizophrènes Figure 4 403 Évolution des scores à l’échelle EAS de la population présente à M0 et M6 (n = 4898). Tableau 3 Évolution relative (%) et écart-type du score EAS normalisé entre M0 et M6 par dimension, selon que l’on ait ou non reçu un antipsychotique avant M0 (n = 4841). Score Score Score Score Score dimension dimension dimension dimension dimension Soins personnels Gestion de la vie quotidienne Gestion des ressources Relations avec l’extérieur Vie affective et relations sociales Population des « non naïfs » (n = 4476) Population des « naïfs » (n = 365) −18,3 −7,9 −1,2 −11,8 −7,5 −31,2 −21,9 −11,0 −25,2 −13,9 (±80,7) (±77,1) (± 82,3) (±79,8) (±65,8) −12,0 (±58,0) Score EAS normalisé (±71,3) (±64,8) (±60,2) (±54,3) (±54,7) −23,2 (±35,1) Tableau 4 Évolution relative (%) du score EAS normalisé entre M0 et M6 selon la persistance à la molécule prescrite à l’issue de M0. Population d’analyse avec suivi à six mois (n = 4898). Molécule à l’issue de M0 Persistance Olanzapine Non Oui 88 334 −7,7 −13,6 33,5 41,6 0,009 (S) Rispéridone Non Oui 118 645 15,0 −13,3 206,5 34,8 < 0,001 (S) Aripiprazole Non Oui 609 2589 8,2 −17,9 68,7 41,8 < 0,001 (S) Halopéridol Non Oui 21 83 −2,2 −6,4 20,0 49,2 Total Non Oui 918 3923 −6,6 −16,0 93,8 40,7 * Test de Wilcoxon-Mann-Whitney. n Moyenne Écart-type p 0,065 (NS) < 0,001 (S) 404 D. Leguay et al. Tableau 5 Évolutions relatives (%) du score EAS selon la prise en charge médicamenteuse par sous-ensemble de l’EAS, pour les patients persistants de M0 à M6 (n = 4898) en médiane. Olanzapine (334) Rispéridone (645) Aripiprazole (2589) Halopéridol (83) Total (3923) Soins personnels Gestion de la vie quotidienne Gestion des ressources Relations avec l’extérieur Vie affective et relations sociales −25,0 −16,7 −5,7 −18,8 −14,3 −25,0 −11,1 0,0 −16,7 −11,1 −25,0 −18,2 −7,1 −22,2 −15,4 −20,0 −5,9 0,0 −12,5 −5,6 −25,0 −15,8 −6,2 −20,0 −14,3 Total −16,0 −13,3 −18,9 −12,8 −16,9 Tableau 6 Évolution relative (%) du score EAS normalisé entre M0 et M6 par dimension (médiane). Patients avec suivi à six mois hors arrêt de parcours (n = 4879). Initiation d’un PA après M0 mais avant M3 et parcours jusqu’à M6 (n = 531) Parcours commencé avant M0 ou à M0 et prolongé jusqu’à M6 (n = 1283) Aucun parcours de M0 à M6 (n = 3065) p-value* Soins personnels Gestion de la vie quotidienne Gestion des ressources Relations avec l’extérieur Vie affective et relations sociales −34,5 −25,0 −8,3 −28,6 −19,4 −20,0 −12,5 0,0 −16,7 −10,0 −20,0 −11,1 0,0 −16,7 −11,1 < 0,001(S) < 0,001(S) 0,002(S) < 0,001(S) < 0,001(S) Total −22,5 −13,3 −13,6 < 0,001(S) * Test de Kruskal-Wallis. Évolution du score de l’EAS, selon la prise en charge non médicamenteuse De façon complémentaire aux thérapeutiques médicamenteuses, les stratégies de prise en charge institutionnelle, ou de réhabilitation, ont été explorées dans leur lien à l’évolution des scores à l’EAS. Comme il a été dit plus haut, 1283 patients (26 %) ont bénéficié d’une prise en charge non médicamenteuse et se sont engagés dans un parcours d’autonomisation. Parmi eux, une population de 531 patients (11 %) ayant initié ce parcours entre M0 et M3, et qui s’est poursuivi jusqu’à M6, a fait l’objet d’une analyse complémentaire. Il a d’abord été vérifié et validé que ce groupe de patients ne différait pas significativement de la population globale en termes de thérapeutiques médicamenteuses. Les patients ne bénéficiant pas d’un PA ont vu s’améliorer leur score normalisé (médiane) à l’EAS de −14 %, significativement moins que les patients ayant initié ce PA entre M0 et M3 (−23 %). Si l’on décline par sous-ensemble, on constate que certains registres de l’autonomie sont plus évolutifs que d’autres corrélativement avec ces stratégies non médicamenteuses. Les soins personnels sont par exemple beaucoup plus significativement améliorés au décours de la mise en œuvre d’un parcours d’autonomisation (Tableau 6). Tableau 7 Évolution relative (%) du score EAS normalisé entre l’instauration du parcours et M6 par dimension (médiane). Patients avec initiation avant M3 et parcours jusqu’à M6 (n = 531). Prise en charge informative (< 4 entretiens sur six mois) (n = 53) Soins personnels −8,3 Gestion vie quotidienne −9,1 Gestion des ressources −11,1 Relations avec l’extérieur −5,7 Vie affective et relations sociales −9,5 Score EAS normalisé −12,5 * Test de Kruskal-Wallis. Techniques de réhabilitation PA2 (n = 178) Fréquentation d’une structure de secteur PA1 (n = 212) Technique et fréquentation de structure (n = 88) p-value* −25 −16,7 −5,9 −16,7 −9,5 −14,7 0 0 0 −7,7 0 −5,9 0 −10 0 −6,7 −7,7 −11 0,002(S) 0,019(S) 0,001(S) 0,029(S) 0,081(NS) 0,005(S) Évolution de l’autonomie sociale chez des patients schizophrènes Tableau 8 405 ACP (avec rotation varimax) sur les 17 items de l’EAS à M0 (patients avec suivi à six mois [n = 4898]). % de variance expliquée Toilette corporelle Entretien effets personnels Capacité de s’alimenter Logement Entretien du logement Complexité du transport personnel et utilisation Courses Gestion du budget quotidien Conduite du patrimoine Capacité à gagner l’argent Capacité de se déplacer d’un lieu à un autre Capacité à organiser des sorties ou de voyager Capacité à utiliser des outils de communication Capacité à organiser une journée Relations familiales Relations sociales Relations intimes Facteur 1 Facteur 2 Facteur 3 Facteur 4 Facteur 5 42,1 0,33 0,16 0,25 0,28 0,19 0,66 0,51 0,35 0,15 0,04 0,78 0,51 0,73 0,45 0,23 0,15 −0,08 12,5 0,02 0,28 0,07 0,07 0,29 0,34 0,43 0,67 0,82 0,77 0,00 0,37 0,12 0,36 0,05 0,26 0,20 6,3 0,75 0,68 0,84 0,14 0,28 0,17 0,25 0,24 0,09 −0,03 0,36 0,07 0,25 0,23 0,36 0,02 −0,11 5,6 0,04 0,15 0,03 0,09 0,18 0,07 0,12 0,10 0,19 0,33 0,02 0,49 0,24 0,47 0,63 0,79 0,75 4,6 0,31 0,41 0,01 0,83 0,73 0,24 0,38 0,24 0,15 0,04 0,20 −0,03 0,18 0,15 0,04 0,01 0,30 Pour approfondir l’analyse des corrélations de l’évolution de l’autonomie sociale avec les stratégies non médicamenteuses de prise en charge, une distinction a été effectuée entre les populations de patients selon le type de parcours d’autonomisation. Au sein des parcours de type 2 (parcours avec programmes de réhabilitation), nous avons distingué une population se caractérisant par la mise en œuvre d’une prise en charge informative de faible fréquence, qui nous paraissait susceptible de tirer un moindre bénéfice d’une stratégie « active » de réhabilitation psychosociale. Nous avons par ailleurs identifié une population bénéficiant à la fois des techniques de réhabilitation et de la fréquentation des structures de secteur alternatives à l’hospitalisation. On voit dans le Tableau 7 ci-dessus que la population évoluant le plus significativement favorablement est celle qui bénéficie des parcours d’autonomisation de type 2, c’est-à-dire de la mise en œuvre de programmes de réhabilitation psychosociale, qu’elle consiste en une mise en situation, ou en une réhabilitation d’apprentissage (entraînement aux habiletés sociales, remédiation cognitive, psychoéducation. . .). Il est à noter que les chiffres rapportés ci-dessous sont relatifs aux écarts constatés entre l’instauration du parcours et M6 (et non entre M0 et M6). Validation de l’EAS Les données recueillies au cours de l’enquête ESPASS ont été utilisées pour explorer les caractéristiques métrologiques de l’EAS et confronter les résultats obtenus aux données établies lors de l’étude de validation originelle [8]. Une analyse en composantes principales a été réalisée sur les 17 items sur les données recueillies à M0 (Tableau 8). Les cinq facteurs identifiés se montrent globalement très homogènes aux sous-ensembles qui avaient, dans la phase de construction de l’échelle, regroupé les items a priori. Le facteur expliquant le pourcentage de variance le plus important (42,1 %) se centre sur l’autonomie de déplacement et de communication avec le monde. L’analyse faite sur les cinq sous-ensembles confirme les résultats recueillis en 1998 lors de la validation originelle. Trois facteurs rendent compte de la quasi-totalité de la variance : le premier facteur (61 % de la variance) regroupe les soins personnels, la gestion de la vie quotidienne, et les relations avec l’extérieur. Les deux autres facteurs, de poids quasi équivalent, sont représentés par la gestion des ressources (17 %) et la vie intime et sociale (10 %). La consistance interne est excellente (␣ de Cronbach à 0,91 [0,84 sur les cinq dimensions pour l’ACP sur les 17 items]). La sensibilité au changement, représentée par un effect size sur le score total à −0,353 est moyenne, ce qui peut s’expliquer par le caractère faiblement et progressivement évolutif de la variable « autonomie ». Parmi les sous-ensembles, c’est celui qui évalue la vie affective et les relations sociales (−0,371) qui est le plus sensible au changement, devant les relations avec l’extérieur (−0,334). En revanche, la capacité à gérer les ressources montre une grande inertie (−0,195). Par ailleurs, des analyses ont été effectuées pour déterminer, sur l’EAS, le seuil à partir duquel pourraient être qualifiés de « répondeurs » à une action de soins les patients qui en auraient significativement bénéficié. L’histogramme des différences de score entre M0 et M6 sur les 4898 patients et l’analyse des écarts-type des scores à M0 et M6 ont permis de distinguer deux groupes de personnes, dont la ligne de partage s’établit à moins 7,15. Il a donc été décidé que la qualité de « répondeur » pourrait être reconnue à un patient ayant connu une diminution de huit points de son score EAS. Dans cette enquête, l’EAS a donc montré sa grande acceptabilité, sa fiabilité, son caractère utilisable en pratique courante, ne nécessitant pas d’apprentissage particulier. Elle se montre adaptée au suivi courant des patients 406 présentant des troubles psychiatriques chroniques ayant un impact sur leur insertion sociale et leur autonomie personnelle. Sa sensibilité au changement, assez moyenne, pourrait justifier d’une version courte, davantage centrée sur les variables plus évolutives, et donc plus adaptée aux recherches thérapeutiques, pour peu qu’elle ne dénature pas son objectif de mesurer une dimension essentielle au pronostic des troubles psychiques. Discussion L’enquête ESPASS a permis d’effectuer une exploration inédite des pratiques de soins dispensées aux patients schizophrènes dans notre pays, et des évolutions cliniques qu’elles induisent. Les conclusions tirées de l’étude ont été permises par la très large représentativité des PE, mais aussi par son caractère naturaliste et la longueur du suivi. À côté des thérapeutiques médicamenteuses, mieux documentées, elle s’est intéressée à des dimensions aujourd’hui encore relativement peu explorées, comme les prises en charge non médicamenteuses réellement mises en œuvre, et à des variables cliniques significatives comme l’autonomie sociale et la satisfaction du patient à l’égard de ses soins, dont traiteront d’autres publications. Du schéma de l’étude découle sa limite principale : elle décrit des pratiques et établit des corrélations, mais ne peut prétendre établir des liens de causalité. Ainsi, peut-on seulement dire qu’il existe des liens entre une meilleure évolution clinique globale, ou dans le registre de l’autonomie, ou encore de celui de la satisfaction des soins et telle thérapeutique médicamenteuse, ou la participation à un parcours d’autonomisation. Ces corrélations sont toutefois suffisamment établies par les données recueillies pour qu’il soit légitime de penser qu’elles signifient qu’il existe un profil global du patient « répondeur » à la prise en charge : il bénéficie des thérapeutiques antipsychotiques de seconde génération, il est engagé dans un parcours d’autonomisation où les éléments de contenu actif sont présents, il est satisfait des soins qui lui sont dispensés. Si ces corrélations sont insuffisantes pour affirmer que ces caractéristiques sont déterminantes dans le résultat final, elles sont, selon nous, suffisantes pour inciter les patients à s’engager dans une démarche participative, et, peut-être, convaincre les thérapeutes que certains moyens doivent leur être proposés. Conclusion L’enquête ESPASS représente un travail inédit de description des pratiques de prise en charge des patients présentant des troubles schizophréniques en France aujourd’hui. Elle apporte de nombreux renseignements sur les réalités de prescription et de mise en œuvre des stratégies non médicamenteuses. Elle a pu objectiver la regrettable rareté des programmes de réhabilitation, mais aussi montrer leur intérêt, au regard de variables cliniques nouvelles qui doivent désormais être prises en considération, comme l’autonomie sociale et la satisfaction des soins dispensés. D. Leguay et al. Références [1] Bellack AS, Brown SA. Psychosocial treatments for schizophrenia. Curr Psychiatry Rep 2001;3(5):407—12. [2] Bond GR, Meyer PS. The role of medications in the employment of people with schizophrenia. J Rehabil 1999;65(4): 9—16. [3] Corrigan PW, Reinke RR, Landsberger SA, et al. The effects of atypical antipsychotic medications on psychosocial outcomes. Schizophr Res 2003;63(1—2):97—101. [4] Franz M, Lis S, Pluddemann K, et al. Conventional versus atypical neuroleptics: subjective quality of life in schizophrenia patients. Br J Psychiatry 1997;170:422—5. [5] DeSisto MJ, Harding CM, McCormick RV, et al. The Maine and Vermont three-decade studies of serious mental illness I. Matched comparison of cross-sectional outcome. Br J Psychiatry 1995;167(3):331—8. [6] DeSisto M, Harding CM, McCormick RV, et al. The Maine and Vermont three-decade studies of serious mental illness Longitudinal course comparisons. Br J Psychiatry 1995;167(3):338—42. [7] McGrath J, Hayes RL. Cognitive rehabilitation for people with schizophrenia and related conditions. Cochrane Database of Systematic Reviews 2000, Issue 3. Art. No.: CD000968. doi:10.1002/14651858.CD000968. [8] Lauriello J, Lenroot R, Bustillo JR. Maximizing the synergy between pharmacotherapy and psychosocial therapies for schizophrenia. Psychiatr Clin North Am 2003;26(1): 191—211. [9] Leclerc C. L’efficience des stratégies de réhabilitation. Informat Psychiatr 2008;84:903—6. [10] Leguay D, Cochet A, Matignon G, et al. L’échelle d’autonomie sociale : premiers éléments de validation. Encéphale 1998;24(2):108—19. [11] Leguay D, Giraud-Garo E, Lièvre B, et al. Le « Manifeste de Reh@b » : propositions pour une meilleure prise en charge des personnes présentant des troubles psychiatriques chroniques et invalidants. Informat Psychiatr 2008;84:885—93. [12] Lehman AF. Vocational rehabilitation in schizophrenia. Schizophr Bull 1995;21:645—56. [13] Marwaha S, Johnson S. Schizophrenia and employment. Soc Psychiatry Epidemiol 2004;39:337—49. [14] Mueser KT, Bond GR, Drake RE, et al. Models of community care for severe mental illness: a review of research on case management. Schizophr Bull 1998;24:37—74. [15] Mueser KT, McGurck SR. Schizophrenia. Lancet 2004;363(9426): 2063—72. [16] Mueser KT, Salyers MP, Mueser PR. A prospective analysis of work in schizophrenia. Schizophr Bull 2001;27:281—96. [17] Noordsy D, O’Keefe C. Effectiveness of combining atypical antipsychotics and psychosocial rehabilitation in a CMHC setting. J Clin Psychiatry 1999;60(Suppl. 19):47—51. [18] Observatoire régional de la santé des Pays-de-la-Loire, 2007 « La santé Observée » Surpoids et Obésité, p. 67. Source ObEpi. Inserm-institut Roche-Sofres. [19] Olie JP, Sechter D, Gerard A, et al. Determinants of treatment Switches with Atypical Antipsychotics Among Schizophrenic outpatients in France. Poster presented at the American Psychiatric Association Annual Meeting, New York, NY, May 1—6, 2004. [20] Penn DL, Mueser KT. Research update on the psychosocial treatment of schizophrenia. Am J Psychiatry 1996;153: 607—17. [21] Schade ML, Corrigan PW, Lieberman RP. Prescriptive rehabilitation for severely disabled psychiatric patients. New Dir Ment Health Serv 1990;45:3—7. [22] Schwarzkopf SB, Crilly JF, Silverstein SM. Therapeutic synergism: optimal pharmacotherapy and psychiatric rehabilitation Évolution de l’autonomie sociale chez des patients schizophrènes to enhance functional outcome in schizophrenia. Psychiatric Rehabil Skills 1999;3:124—47. [23] Singer L. Réinsertion professionnelle des schizophrènes et anomalies cognitives. Act Med Int Psychiatr 1999;16:16—8. [24] Tandon R, DeVellis RF, Han J, et al. Validation of Investigator’s Assessment Questionnaire, a new clinical tool for relative assessment of response to antipsychotics in patients with schizophrenia and schizoaffective disorder. Psychiatry Res 2005;136:211—21. Available online on http://www.sciencedirect.com. [25] Twamley EW, Jeste DV, Lehman AF. Vocational rehabilitation in schizophrenia and other psychotic disorders: a literature 407 review and meta-analysis of randomized controlled trials. J Nerv Ment Dis 2003;191(8):515—23. [26] Wallace C. Apprentissage de l’autonomie fonctionnelle. In: Lecomte T, Leclerc C, editors. Manuel de réadaptation psychiatrique. Presses de l’Université du Québec; 2004. [27] Weiss EM, Bilder RM, Fleischhacker WW. The effects of second-generation antipsychotics on cognitive functioning and psychosocial outcome in schizophrenia. Psychopharmacology 2002;162(1):11—7. [28] Wykes T, Reeder C, Corner J, et al. The effects of neurocognitive remediation on executive processing in patients with schizophrenia. Shizophr Bull 1999;25:291—307.