La catalyse en France : une Aventure Juillet 2007 1 / 19
Pierre Gallezot
Institut de recherches sur la catalyse et l’environnement de Lyon,
UMR 5256 CNRS/Université Lyon1
2 avenue Albert Einstein, 69626 Villeurbanne cedex
pierre.gallezot@ircelyon.univ-lyon1.fr
1. - Introduction
La catalyse par les métaux représente près de 70% de tous les procédés
catalytiques car elle intervient dans la chimie de synthèse (chimie de base,trochimie,
chimie de spécialité et chimie fine), dans la production d’énergie (conversion des C1,
production et conversion d’hydrogène, conversion de la biomasse) et dans les procédés
de protection de l’environnement (traitements de dépollution de l’air et de l’eau). Les
catalyseurs métalliques traditionnels sont à base de métaux des groupes 8 à11 (Fe, Ru,
Co, Rh, Ir, Ni, Pd, Pt, Cu, Ag). Ces métaux, supportés ou non, seuls ou alliés à d’autres
métaux promoteurs, ont fait l’objet d’un très grand nombre d’études sur leur
préparation, caractérisation, mécanismes d’action et applications dans tous les domaines
cités plus haut. En raison de l’étendue du sujet, il est impossible de couvrir ici l’ensemble
de la catalyse par les métaux; ce chapitre vise donc essentiellement à faire un bref
historique des avancées de la discipline en France dans le contexte des années 1960-
1990.
L’autre but de ce chapitre est de rendre compte des progrès réalisés en France
depuis une dizaine d’années sur la catalyse par l’or. Ce métal, longtemps considéré
comme inactif, possède des propriétés catalytiques remarquables lorsqu’il est préparé
sous forme de particules de 1 à 5 nm. Les résultats les plus récents obtenus sur la
préparation et la caractérisation des catalyseurs à l’or et sur leur application dans des
réactions catalytiques seront exposés.
Catalyse par les métaux
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2. - Résultats marquants des années 1960-1990
2.1 -
Préparation des catalyseurs métalliques
Les méthodes de préparation des catalyseurs métalliques ont fait l'objet
d'études approfondies par les équipes de l'Institut Français du Pétrole dans les années
1960-1970, le but étant d'optimiser la dispersion des phases métalliques sur les
supports 1,2. Un résultat marquant fut d'établir les bases des méthodes d'imprégnation
des supports par échange cationique ou adsorption anionique sur des supports oxydes,
notamment les alumines et les silices, permettant d'obtenir de très petites particules
de taille homogène et de distribution contrôlée sur la surface des catalyseurs 3. Ces
travaux pionniers ont ensuite servi de référence pour les préparations de catalyseurs
métalliques sur d’autres supports tels que zéolithes ou charbons actifs. Dans le cas des
zéolithes, des traitements très précis d’activation et de réduction des précurseurs
métalliques ont été établis pour contrôler la taille et la localisation des agrégats
métalliques dans les cavités des zéolithes 4.
Les bases scientifiques de la préparation de catalyseurs métalliques par réaction
d'oxydo-réduction de surface ont été établies par le laboratoire de Poitiers 5. Ces
méthodes d'application très générales permettent de faire grossir des particules de
manière homogène et de préparer des catalyseurs bimétalliques de composition
contrôlée.
Des agrégats bimétalliques ont été préparés par voie organométallique soit par
décomposition de clusters organométalliques hétéronucléaires, soit par greffage sur la
surface d'un premier métal de complexe d'un second métal 6, cette dernière méthode
permettant d'obtenir une composition superficielle bien contrôlée.
Les formulations de catalyseurs nickel Raney multimétalliques ont été optimisées par P.
Fouilloux 7 (prix Grace-Davison 1994) et par le laboratoire mixte CNRS-Rhône Poulenc
de 1987 à 1994 et ces catalyseurs ont été mis en œuvre dans des réactions industrielles
d’hydrogénation sélective.
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2.2 -
Caractérisation des catalyseurs métalliques et des espèces adsorbées
Des méthodes physiques (diffusion centrale des rayons X, élargissement des
raies de diffraction X, granulométrie magnétique et microscopie électronique) ont été
perfectionnées et adaptées à l'étude des catalyseurs à l'IRC au début des années 1970
pour déterminer les surfaces métalliques et les distributions de taille de particule dans
les catalyseurs métalliques. Ce travail collectif a conduit à des accords remarquables
entre différentes méthodes8 permettant une interprétation plus rigoureuse des effets
de taille de particule dans les réactions catalytiques.
Des modifications structurales se traduisant par des dilatations ou contractions
des distances métal-métal sous l’effet des molécules de réactifs adsorbées sur la
surface d'agrégats de 1 nm ont été mises en évidence au cours de réactions catalytiques
par distribution radiale des atomes 9. La structure d'agrégats a également été
caractérisée par EXAFS en fonction des conditions de préparations 10. La spectroscopie
RMN du 129Xe a permis d'évaluer la nucléarité des agrégats de platine encagés dans les
zéolithes11.
Dès 1973 il a été montré que la spectroscopie IR du CO adsorbé permettait de
sonder les propriétés électroniques des métaux mettant ainsi en évidence les effets des
supports et des adsorbats 12. La sonde CO a permis de démontrer l'influence de l'acidité
des supports sur les propriétés des agrégats de palladium de platine dans les zéolites 13.
En combinaison avec d'autres méthodes elle a permis une description précise de la
composition superficielle de catalyseurs bimétalliques à base de nickel ou de cobalt 14 ou
de suivre la désagrégation des particules de palladium sous l'effet de NO ou de rhodium
sous l'effet de CO 15. Une application plus avancée de la spectroscopie IR au laboratoire
de Caen a permis de déterminer le pourcentage des faces (100), (111) et des
discontinuités sur la surface de catalyseurs au palladium 16.
La spectroscopie de neutrons, très sensible à l'hydrogène, a permis de décrire
les modes d'adsorption de l'hydrogène dans les catalyseurs nickel Raney et d'identifier
les espèces actives dans les réactions d'hydrogénation 17.
Les effets des poisons sur les catalyseurs métalliques utilisés dans divers types
de réaction ont été étudiés en détail par le laboratoire de Poitiers. Il a été démontré de
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façon remarquable que les poisons des catalyseurs métalliques sont sélectifs pour
différentes réactions 18. Les désactivations dues au soufre, aux dépôts de coke et aux
métaux ont été étudiées en détail et des échelles de toxicité relative ont été
établies 19. La résistance des catalyseurs métalliques à l'empoisonnement par le soufre a
été interprétée par des effets électroniques induits par les supports ou ligands de
surface 20.
2.3 -
Structure et réactivité des surfaces métalliques modèles.
Les équipes de Nancy, Strasbourg, Paris, Marseille, et Villeurbanne en science
des surfaces ont beaucoup contribué à décrire la structure superficielle des métaux et
des espèces adsorbées. Les premiers travaux au LRIGS de Nancy sur l’interaction de
petites molécules avec les faces du platine ont permis de généraliser la notion d’états
précurseurs à la chimisorption 21. Le laboratoire de Strasbourg a mis en évidence la
réactivité spécifique des sites d’arêtes et de coins par rapport aux faces denses du
platine dans l’hydrogénolyse/l’isomérisation des hydrocarbures saturés 22. Les états
d'adsorption du soufre sur métaux, et les conséquences sur les propriétés catalytiques,
ont été étudiés par l’équipe de J. Oudar 23
Un peu avant les années 1980, le développement de la spectrométrie
vibrationnelle HREELS à l’IRC a permis d'étudier l’activation du monoxyde de carbone et
des hydrocarbures insaturés (acétylène, éthylène, benzène) sur des monocristaux de Ni,
Pt, Pd et alliages 24. Plus récemment, il a été montré que dans l’alliage binaire
Pd8Ni92(110) la surface se reconstruit avec une forte ségrégation du palladium en
surface et montre alors une activité 20 à 30 fois plus grande qu'une face Pd(110) pur
dans l’hydrogénation du butadiène
et une sélectivité de 100% en butène 25. Les dépôts
de couches ultra-minces (1 à 4 monocouches) de palladium sur les faces Ni(110) ont
montré des propriétés très voisines 26.
2.4 -
Apport de la théorie à la catalyse sur métaux
L'apport des théoriciens français à la description des surfaces métalliques nues
ou des surfaces recouvertes d'adsorbats et plus récemment à la compréhension de la
sélectivité des réactions est considérable. Les études théoriques sur des surfaces nues
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de monocristaux ou d'agrégats ont d'abord été menées avec une approche de physicien
par l'école de J. Friedel 27. L'équipe de chimistes théoriciens d'Orsay 28 a obtenu des
résultats comparables avec la méthode de Hückel sur les densités d'occupation des
orbitales
d
en fonction de la géométrie des sites de surface. Le groupe de chimie
théorique de l'IRC/ENS Lyon s'est consacré à la description quantique des sites actifs
et de la réactivité moléculaire en liaison avec des expérimentateurs. Les méthodes de
type Hückel étendu permettent par exemple de comprendre la plus grande sélectivité en
butène du palladium par rapport au platine dans l'hydrogénation du butadiène 29. La
sélectivité en alcool insaturé dans l'hydrogénation des aldéhydes α, β-insaturés a été
interprétée à partir des modes d'adsorption des molécules et de la composition de la
surface30. Une description beaucoup plus fine des interactions des molécules sur les
surfaces métalliques, par exemple pour la chimisorption et dissociation de NO sur
rhodium et palladium 31, a été possible grâce au développement de la théorie de la
fonctionnelle de la densité.
2.5 -
Catalyse d'hydrogénation
Dans la continuation des travaux de Sabatier, les laboratoires et centres de
recherche français de catalyse ont beaucoup travaillé sur les aspects fondamentaux et
appliqués de la catalyse d'hydrogénation sur métaux. Dès 1957 à l'IFP, des lois
cinétiques furent établies pour analyser la sélectivité des réactions d'hydrogénation en
compétition d'hydrocarbures insaturés 32. Les effets du soufre 33, des tailles de
particule 34 et de différents additifs35 ont été mis en évidence par l'outil cinétique. Sur
le plan académique, Germain a grandement contribué à la connaissance des mécanismes
d'hydrogénation et d'échange36. L'influence des modes d'adsorption des réactifs sur les
surfaces et notamment les effets stériques a été mise en évidence 37. L'analyse
cinétique des réactions compétitives d'hydrogénation des hydrocarbures a été utilisée à
Poitiers et à l’IRC pour sonder les effets stériques 38 ou électroniques 39 sur la
sélectivité et l’activité des réactions en s'appuyant sur des travaux de chimie
théorique 40.
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