De la gestion Coût – Délai – Qualité au pilotage par la valeur de la

De la gestion Coût – Délai – Qualité
au pilotage par la valeur de la
performance organisationnelle
Michel Pendaries
Enseignant chercheur
Kedge Business School,
Campus de la grande Tourrache,BP 261, 83078 Toulon Cedex, France
Cret-log d’Aix en Provence, France.
michel.pendaries@wanadoo.fr
Michel Pendaries 156
Dossiers de Recherches en Economie et Gestion : Numéro spécial : Décembre 2014
Résumé :
Aujourd’hui, il ne sert à rien de vouloir optimiser individuellement les
composantes « coût délai qualité » dans une gestion globale de la
performance de l’entreprise, car, la somme des optimums ne fait pas l’optimum
de la somme. Chacune de ces trois composantes est étroitement imbriquée avec
les autres. Face aux limites conceptuelles et pratiques des méthodes actuellement
utilisées en Contrôle de gestion (Target costing, ABC/ABM, Time Driven ABC, UVA,
etc.), nous recherchons un système de pilotage pertinent qui faciliterait le
développement de l’entreprise grâce à un processus d’optimisation de sa
performance globale organisationnelle. Cette recherche tend à démontrer que
l’avenir du pilotage de la performance des organisations repose sur un
changement de logiciel, en passant d’une logique de coût à une logique de valeur
dans les outils de pilotage de la performance de la relation organisation-activités.
La phase empirique de la recherche s’appuie sur une étude de cas longitudinale
réalisée dans une entreprise industrielle française.
Mots clés : Développement d’entreprise, Performance organisationnelle,
Pilotage par la valeur, Valeur ajoutéehoraire.
Abstract: Today, to optimize the individual componentof the “cost – delay –
quality” management system as a performance management control of the
enterpriseis not relevant, because, the sum of the optimums does not mean the
optimum of the sum. All components are interlinked. Faced to conceptual and
practical limits of methods using today in Management control (Target costing,
ABC/ABM, Time-driven ABC, UVA, etc.), we are researching a relevant
management system able to make easy the development of the enterprise within
a global organizational performance process. This research tries to prove that the
future of the performance management control of the organizations is founded
on a reasoning change, from a logical cost to a logical value approach, in the
performance management tools of the organization-activities relationship. The
empirical phase of the research is realized as a longitudinal case study in aFrench
industrial firm.
Key words: Business development, Organizational performance, Value
based management, Time-driven value added.
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Introduction
Le triptyque coût délai qualité pour piloter la performance globale de
l’organisation doit reposer sur un processus d’optimisation globale de ses
composantes et pas de manière individuelle, car la somme des optimums n’égale
jamais l’optimum de la somme.
En effet, chercher l’optimisation des délais (Traitement des commandes,
Conception des produits, Approvisionnement des matières premières, Fabrication
et Distribution des produits finis, etc.) mobilise les activités de l’entreprise. Il y a
donc une relation étroite entre le délai et le niveau des ressources mises en jeu et
donc consommées.Si ces activités (au sens de l’Activity based costing - ABC) sont à
valeur ajoutée nulle et non nécessaires, elles doivent disparaître car ce sont des
opérations à coûts inutiles qui allongent les délais. Si ces activités sont à valeur
ajoutée nulle, mais nécessaires au fonctionnement de l’entreprise (ex : la
manutention), elles doivent consommer le minimum de temps et de ressources.
Par contre, les activités à valeur ajoutée faible, moyenne ou forte doivent être
pilotées à partir de leur rapport valeur-coût, c’est à dire assurer le degré de
satisfaction attendu au moindre coût. Quels que soient ces critères, fonctionnels,
processuels et spatiaux, le délai est lié à la notion de temps qui lui-même est
étroitement associé à la notion de consommation de ressources.
Rechercher l’optimisation dela qualité, qu’elle soit totale (extrapolation
des relations de type clients-fournisseurs à toutes les relations de l’entreprise ou
de l’organisation), ou intégrale (embrasser l’intégralité des dimensions de
l’entreprise ou de l’organisation à travers l’intégration de l’économique, du social
et de l’environnemental), c’est satisfaire aux attributs de valeur (Normes,
Fonctions, Prix, etc.) imposés par les marchés. D’ailleurs, de ce point de vue, les
délais ne font-ils pas partie des normes imposées par le marché ? A ce titre, ils
sont aussi un attribut de valeur. La qualité est aussi une affaire de jugement à la
fois externe (Clients, Prescripteurs, etc.) et interne (Actionnaires, Salariés, etc.) à
l’organisation. L’optimisation de la qualité est associéeà la représentation de la
performance globale mesurée en termes d’efficacité (capacités à atteindre les
objectifs), d’efficience (capacité à utiliser au mieux les ressources) et d’effectivité
(capacité à satisfaire les parties prenantes).
Chercher l’optimisation des coûtsn’a de sens que dans sa relation avec les
autres composantes du triptyque (délai et qualité). Car, c’est la valeurqui tire les
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Dossiers de Recherches en Economie et Gestion : Numéro spécial : Décembre 2014
coûts et pas l’inverse. Si, selon Capron et Quairel-Lavoizelee (2006), l’objectif de la
performance finale est toujours économique, alors il ne sert à rien de vouloir
piloter la performance à partir d’un système de coûts. Car, comme le souligne
Mévellec (2000), « les systèmes de coût n’étant pas autonomes mais construits, ils
ne poursuivent aucune finalité propre… ». Cela implique nécessairement un
système de pilotage. Mévellec précise, « quecontrairement aux systèmes de
coût, les systèmes de pilotage, du fait de leur caractère téléologique, poursuivent
leur propre finalité ». Par conséquent, seul un système de pilotage est susceptible
d’intégrer, à la foiset dans un même corpus théorique, les dimensionscoût délai
– qualitédans une finalité économique de la performance des organisations.
Comment alors passer d’une logique de coût à une logique de valeur dans
un système de pilotage de la performance ?
Comme l’avait annoncé Johnson (1990), « pour maîtriser le couple valeur-
coût dans l’économie mondiale, les dirigeants doivent gouverner les personnes et
gérer les activités : ils doivent cesser de chercher à maîtriser les coûts en gérant la
production ». Mais comme l’a dit Malleret (2009), « il faut dissocier la valeur et le
coût si l’on veut que la problématique de la gestion coûts-valeur ait un intérêt
conceptuel et pratique ». Cette affirmation, induit qu’il n’y aurait aucune relation
entre la valeur perçue par le marché et la valeur construite par l’organisation. Ces
deux éléments seraient pilotés de manière disjointe. Ce n’est pas l’avis de certains
auteurs comme Bréchet et Desrumeaux (2001), et que nous partageons : « la
valeur, considérée du point de vue des organisations, est une réalité à la fois
donnée et construite et pour le moins autant construite par les acteurs, et
notamment par les organisations, que par le marché ». Il faut alors s’assurer de la
cohérence dans les actions que conduisent les acteurs.
En intégrant à la fois les dimensions interne et externe de l’entreprise et le
triptyque coût-délai-qualité,l’avenir du pilotage de la performance globale des
organisationsserait fondé sur un système de pilotage par la valeurdu
coupleorganisation-activitésde l’entreprise, facilitant ainsi son développement.
C’est ce que nous allons nous efforcer de montrer dans cette recherche,
dans une posture épistémologique de type constructiviste. Et, plus
particulièrement, comment le pilotage du couple organisation-activités peut être
mis en œuvre à travers le processus de fixation des prix des offres de l’entreprise
grâce au concept de valeur ajoutée horaire.
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1. Fondement d’un système de pilotage par la valeur
Afin de mieux appréhender l’enjeu de cette recherche, il nous a semblé
pertinent, dans un premier temps, de préciser les concepts de valeur et de
pilotage par la valeur.
1.1.La valeur : définition et source
Selon la définition de la valeur donnée par la norme AFNOR
1
EN 1325-1,
celle-ci se définit « comme la relation entre la satisfaction du besoin et les
ressources utilisées pour y parvenir ».
En sciences de gestion, nous n’allons pas chercher à arbitrer une définition
du concept polymorphe de la valeur, car elle semble floue face aux nombreuses
définitions données dans la littérature. Bourguignon (2005) s’y est essayé sans
pour autant avoir normé le concept. Mévellec (2005) considère par exemple, que
la source de la valeur réside dans les attributs lorsqu’il affirme : « La valeur est
le résultat d’un assemblage de fonctionnalités perçues par le client et chacune
porteuse d’une dimension utile » (p. 57). Trois conceptions de la valeur sont
présentes dans la littérature : la valeur d’échange (relative à un autre bien) qui est
associée au prix, la valeur d’usage (relative au besoin à satisfaire) et la valeur
d’estime (relative à l’image que l’on s’en fait).
La valeur est donc associée à la notion de besoin. Pour une entreprise, le
besoin doit être évalué dans toutes ses dimensions. Il y a une approche externe
du besoin mais aussi interne. L’externe fait référence aux attributs de valeur jugés
par les parties prenantes externes et en particulier les clients. Ce sont eux qui
achètent la solution qui va satisfaire leur besoin. Tandis que l’interne fait
référence aux besoins de l’organisation et des actionnaires. Ces besoins se
décomposent en besoins de service et en besoins techniques. Les premiers
expriment les usages, qui se réfèrent à des activités concrètes et mesurables, et
l’estime, qui se fonde sur des considérations subjectives, éthiques ou morales
quand les deuxièmes,font référence aux besoins de fonctionnement et à la
composition du système.
La valeur est également associée à la notion de fonction. L’analyse
fonctionnelle permet de déterminer les fonctions que doivent réaliser le produit
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AFNOR = Association Française de NORmalisation
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