LA FAUTE MEDICALE : Responsabilité Hôpitaux – Cliniques – Laboratoires– UIA Sofia 2014 HOPITAUX Le système français se caractérise par la place du secteur public et des établissements de santé publics. La responsabilité de l’établissement public hospitalier couvre la responsabilité du médecin hospitalier pour les fautes commises dans son activité médicale En cas de faute commise par le médecin, c’est la responsabilité de l’hôpital est engagée sauf en cas de faute personnelle détachable du service – compétence : juge administratif. Le fondement de cette responsabilité renvoie à la notion de fonctionnement normal du service public (niveau d’efficacité et de qualité suffisant) En cas de faute personnelle détachable du service, la responsabilité personnelle du médecin ou de l’agent hospitalier doit être recherchée devant le juge judiciaire. Cette faute est rare en matière médicale (ex: refus de se rendre au chevet d’un malade malgré des appels des agents du service). 2 Le régime de responsabilité du service public hospitalier -un droit longtemps jurisprudentiel (prescription quadriennale) -la loi du 4 mars 2002 a introduit des règles de droit écrit (prescription décennale) -le principe est la responsabilité pour faute – pas de définition dans la loi Le juge administratif distinguait la faute lourde exigée en matière médicale de la faute simple exigée pour les activités administratives. -Des évolutions 1/ abandon de l’exigence de la faute lourde (CE 10/04/92 – Epoux V.) – Faute « simple » qui doit être prouvée (par tout moyen -recours à l’expertise) pour un lien de causalité direct et certain avec le dommage 2/ admission dans un certain nombre de cas d’une responsabilité sans faute (CE 09/04/93 Bianchi) (dommage imputable à l’acte de soins, d’une particulière gravité sans rapport avec l’état de santé et son évolution prévisible) 3 Le régime de responsabilité du service public hospitalier 3/ des cas de fautes présumées : la présomption jouera si le juge ne sait pas ou ne peut savoir ce qui s’est exactement passé, tout en ayant la certitude que le dommage est imputable à l’hôpital (vaccinations obligatoires – matériels défectueux- suites d’actes de soins courants ou bénins - infections nosocomiales – en matière de contamination par le VHC [article 102 loi 4 mars 2002] présomption devenue légale]. 4/ Le mécanisme de la perte de chance : méthode d’appréciation particulière du lien de causalité entre un acte et le dommage invoqué. Adaptée à certains agissements (défaut d’information – erreur de diagnostic) mais s’agissant d’une distorsion du lien de causalité, les juges l’appliquent avec discernement. 5/ l’appréciation souple de la causalité : vaccination contre l’hépatite B et certaines maladies auto-immunes (SEP) malgré l’absence de certitude scientifique 4 TYPES DE FAUTES 1/ DANS L’ORGANISATION ET LE FONCTIONNEMENT DU SERVICE A) les fautes dans les actes de soins courants (le dommage révèle l’existence d’une faute – ex : administration erronée d’un médicament – ex : fracture d’un nouveau-né au cours d’une manipulation) B) le faute de surveillance (suivi médical des patients – surveillance des patients et des locaux : suicides) C) le mauvais entretien des locaux et du matériel D) le mauvais fonctionnement du service public (défaillances administratives : défaut de coordination entre le services ; ex : transfusion d’un sang de groupe différent ; insuffisance de personnels - Défaut d’hospitalisation d’un patient, même en surnombre, dans le service spécialisé que nécessite son état - retard dans l’appel du médecin de garde) E) le défaut d’information 5 La faute 2/ LA FAUTE MEDICALE A) l’erreur de diagnostic – Le cas particulier du diagnostic prénatal : nécessité d’une faute caractérisée B) le choix thérapeutique erroné C) la faute technique et la mauvaise exécution de l’acte médical (ex : oubli de compresses) 3/ LA RESPONSABILITE SANS FAUTE A) prise en compte de l’aléa thérapeutique B) vaccination contre l’hépatite B (présomption d’imputabilité) C) la responsabilité à raison des produits et appareils de santé 6 ETABLISSEMENTS PRIVES : CLINIQUES… 1/ RESPONSABILITE DES ETABLISSEMENTS DU FAIT DE LEURS PREPOSES SALARIES -obligation légale depuis 2002 de couverture assurantielle de ses salariés par le contrat d’assurances de l’établissement quelle que soit l’indépendance dont dispose le salarié dans l’exercice de son art. -Cass. 9/11/2004 : le médecin salarié qui agit sans excéder les limites de la mission qui lui est impartie par l’établissement de santé, n’engage pas sa responsabilité vis-à-vis du patient. Mais l’assureur de l’établissement qui a indemnisé la victime peut exercer un recours subrogatoire contre l’assureur du professionnel de santé fautif. 7 Les para-médicaux -La place des para-médicaux (auxiliaires médicaux infirmiers, infirmiers anesthésistes ou de salles d’opérations, manipulateurs d’électroradiologie médicale, laborantins…) : ils peuvent être salariés du médecin opérateur ou de la clinique : celui qui salarie l’auxiliaire devient garant de sa compétence et de la validité de ses diplômes = couvert par le contrat d’assurance de celui-ci (lien de préposition occasionnel : ex infirmière sous surveillance médicale directe du chirurgien). 8 RESPONSABILITE DES ETABLISSEMENTS DU FAIT DES FAUTES COMMISES PAR LUI-MEME DANS L’ORGANISATION Vérification par le juge que compte tenu des moyens techniques et du personnel médical dont dispose l’établissement, le malade a reçu tous les soins qui pouvaient être pratiqués et a été suivi par des médecins qualifiés. -les défauts d’organisation (planning salles d’opérations – mise à disposition d’un personnel qualifié, de médecins pouvant intervenir dans les délais) -les défauts de surveillance (due pendant toute la durée de l’hospitalisation) – – – Défaut de surveillance dans un service psychiatrique (suicide) Les chutes (ex : liée à un défaut d’alimentation par le personnel après une anesthésie générale suite à enlèvement dents de sagesse ; ex pas de faute pour ne pas avoir soutenu le patient qui a chuté lors d’un exercice qui visait à le faire marcher seul) – Les prestations liées à l’hébergement, l’hôtellerie 9 Les fautes Cass.civ. 1ère 13/11/2008, n°07-15049 : « qu'en vertu du contrat d'hospitalisation et de soins le liant à son patient, un établissement de santé privé est tenu de lui procurer des soins qualifiés en mettant notamment à son service des médecins pouvant intervenir dans les délais imposés par son état […] qu'ensuite, la circonstance que les médecins exercent à titre libéral et engagent leur seule responsabilité au titre du contrat de soins n'était pas de nature à exonérer l'établissement de santé privé de la responsabilité née de cette faute » (médecin 50%-médecin de garde 30%-clinique 20% : RI imprécis – aucune garantie de la continuité des soins) -Cass. Civ.1ère 11/06/2009 n°08-10642 : condamnation in solidum médecin et clinique tenue d’une obligation de procurer au patient des soins qualifiés et de mettre à disposition un personnel compétent -Cass. civ.1 13/12/2012 n°11-27.347 (visa 1315 et 1147) : faute d’enregistrement du rythme fœtal pendant plusieurs minutes, il incombe à la clinique d’apporter la preuve qu’au cours de cette période n’était survenu aucun événement nécessitant l’intervention du médecin obstétricien : vers la faute présumée ? 10 LES INFECTIONS NOSOCOMIALES AVANT LA LOI du 4 MARS 2002 -Hôpitaux : faute présumée (révélée) : le fait qu’une telle infection ait pu se produire révèle une faute dans l’organisation ou le fonctionnement du service hospitalier (CE 9/12/1988 Cohen) . -Cliniques : Evolution de la jurisprudence de l’obligation de moyens vers l’obligation de sécurité résultat Cass. Civ.1ère 29 juin 1999 (3 arrêts au visa de 1147) : « Attendu qu'un médecin est tenu, vis-à-vis de son patient, en matière d'infection nosocomiale, d'une obligation de sécurité de résultat, dont il ne peut se libérer qu'en rapportant la preuve d'une cause étrangère » (n°97-21903) + «Attendu que le contrat d'hospitalisation et de soins conclu entre un patient et un établissement de santé met à la charge de ce dernier, en matière d'infection nosocomiale, une obligation de sécurité de résultat dont il ne peut se libérer qu'en rapportant la preuve d'une cause étrangère ; » (n°97-14254) établissements ET médecins tenus d’une obligation de sécurité de résultat en matière d’infection nosocomiale. 11 La loi du 4 mars 2002 Article L. 1142-1 I alinéa 2 du CSP « Les établissements, services et organismes susmentionnés sont responsables des dommages résultant d’infections nosocomiales, sauf s'ils rapportent la preuve d'une cause étrangère ». LA LOI DU 30 DECEMBRE 2002 Relais de la solidarité nationale (ONIAM) pour les infections aux conséquences graves (décès –plus de 25%dfp) : article L.1142-1-1 CSP Applicable pour les infections contractées après le 1er/01/2003 (cass.civ.1ère 16/10/2008 – n°07.17605 – CE 13/07/2007-n°299693) Recours de l’ONIAM pour “faute établie” à l’origine du dommage, notamment le manquement caractérisé aux obligations posées par la règlementation en matière de lutte contre les infections nosocomiales (art. L. 1142-21 et L. 114215 CSP) 12 SYNTHESE Infections contractées avant le 5/09/2001 – Responsabilité de plein droit (obligation sécurité résultat- ou pour faute révélée des établissements de soins) des établissements de soins et des médecins - Cause exonératoire : preuve de la cause étrangère Infections contractées entre le 5 /09/2001 et le 31/12/2002 Responsabilité sans faute / Cause exonératoire : la cause étrangère (L.11421 I alinéa 2) Responsabilité pour faute des praticiens /absence de faute = application possible de L.1142-1 II (prise en charge au titre de la solidarité nationale) Infections contractées à compter du 1er janvier 2003 -Prise en charge par l’ONIAM de l’indemnisation des IN les plus graves (+ de 25% d’atteinte permanente physique ou psychique et décès) contractées dans un établissement de santé (L.L1142-1-1) + Recours de l’ONIAM contre l’établissement pour faute établie (L.1142-21), -Pour les infections à moins de 26% : responsabilité sans faute des établissements de santé sauf cause étrangère (L. 1142-1 I alinéa 2) -Pour les infections contractées en cabinet médical quel que soit le seuil de gravité : responsabilité pour faute des praticiens (CA Paris 1ère ch.B 3 avril 2009 n°07/00267 – Cass, 1ère 28 janvier 2010 08-20571) 13 LES GRANDES QUESTIONS 1. Preuve de l’infection : incombe au patient – peut être rapportée par tout moyen (expertise) 2. Définition de l’infection nosocomiale : pas de définition légale – critères spatio-temporels (survenue au cours ou au décours de la prise en charge, ni présente, ni en incubation au début de la prise en charge) article R. 6111-6 CSP "Les infections associées aux soins contractées dans un établissement de santé sont dites infections nosocomiales". 3. Cause étrangère : imprévisibilité (mais risque connu), irrésistibilité, extériorité – absence de faute non exonératoire è peu importe qu’il s’agisse d’un germe endogène ou endogène 4. Relais de l’ONIAM : + 25% déficit fonctionnel permanent et décès – recours contre les établissements pour faute établie à l’origine du dommage 5. Fautes retenues : sur les mesures d’asepsie pré-op – antibiothérapie – défaut de diagnostic – défaut d’information 14 LES PRODUITS DE SANTE (LABORATOIRES) -Sont concernés les produits à finalité sanitaire (article L.5311-1 CSP) (médicaments, dispositifs médicaux…). -Directive UE 85/374 du 25/7/1985 – loi de transposition en France 19/05/1988 (articles 1386-1 à 1386-18 du code civil) -Régime : nécessité de la preuve du dommage, du défaut, du lien de causalité entre le défaut et le dommage – (1386-9) responsabilité du producteur sauf à ce qu’il prouve une cause d’exonération (pas de mise en circulation–le défaut n’existait pas au moment où le produit a été mis en circulation par lui–produit n’était pas destiné à distribution ou vente– l’état des connaissances scientifiques–défaut dû à la conformité avec des règles impératives d’ordre législatif ou règlementaire) 15 Points principaux Défectueux : « un produit qui n’offre pas la sécurité à laquelle on peut légitimement s’attendre Producteur : le fabricant d’un produit fini, le producteur d’une matière première, le fabricant d’une partie composante Responsabilité subsidiaire des vendeur, loueur, ou fournisseur professionnel à moins qu’ils ne désignent leur propre fournisseur ou le producteur dans un délai de 3 mois à compter de la date à laquelle la demande de la victime lui a été notifiée Délais : Responsabilité producteur peut être engagée dans les 10 ans suivant la mise en circulation (1386-16) » Mais l’action du demandeur se prescrit dans un délai de 3 ans à compter du moment où il a eu ou aurait du avoir connaissance du dommage, du défaut et de l’identité du producteur (1386-17) 16 En matière médicale La créations jurisprudentielles au titre de l’obligation de sécurité-résultat en matière civile ou de la responsabilité sans faute en matière administrative de l’utilisateur du produit ou matériel qui a causé un dommage (cf article 13 directive = on ne peut invoquer aucun régime distinct de celui mis en place par la directive sauf deux cas de figure particuliers : des régimes généraux reposant sur des fondements différents (responsabilité au titre des vices cachés/responsabilité pour faute), des régimes spécifiques à un secteur déterminé de production et mis en place ultérieurement à la notification faite le 30 juillet 1985 de la directive). CJUE 21/12/2011 - "La responsabilité d'un prestataire de services qui utilise, dans le cadre d'une prestation de services telle que des soins dispensés en milieu hospitalier, des appareils ou des produits défectueux dont il n'est pas le producteur au sens des dispositions de l'article 3 de la directive 85/374/CEE du Conseil, du 25 juillet 1985…, et cause, de ce fait, des dommages au bénéficiaire de la prestation, ne relève pas du champ d'application de cette directive. Cette dernière ne s'oppose dès lors pas à ce qu'un Etat membre institue un régime tel que celui en cause au principal, prévoyant la responsabilité d'un tel prestataire à l'égard des dommages ainsi occasionnés, même en l'absence de toute faute imputable à celui-ci, à condition, toutefois que soit préservée la faculté pour la victime et/ou ledit prestataire de mettre en cause la responsabilité du producteur sur le fondement de ladite directive lorsque se trouvent remplies les conditions prévues par celle-ci". 17 Les dualités de jurisprudence Jurisprudence administrative =survie de la jurisprudence Marzouk du CE 9/7/2003 n°220437 (la défaillance du respirateur artificiel engage, sans préjudice d’un éventuel recours en garantie contre le fabricant de cet appareil, la responsabilité de l’AP-HP, même en l’absence de faute de sa part, à réparer le préjudice qui en résulte). -Application par le CE 12 mars 2012 req. n°327449 (défaut du système de régulation de la température du matelas chauffant sur lequel le patient se trouvait installé) MAIS jurisprudence civile prend une autre direction 18 Jurisprudence judiciaire -Cass. civ.1 12 juillet 2012 n°11-17.510 : prothèse de testicule en silicone posée par le chirurgien La Cour d’appel a condamné le chirurgien in solidum avec le producteur Cassation visant les objectifs de la directive et l’interprétation de la CJUE : la responsabilité des prestataires de services de soins ne relève pas, hormis le cas où ils sont eux même producteurs, du champ d’application de la directive « et ne peut dès lors être recherchée que pour faute lorsqu'ils ont recours aux produits, matériels et dispositifs médicaux nécessaires à l'exercice de leur art ou à l'accomplissement d'un acte médical, pourvu que soit préservée leur faculté et/ou celle de la victime de mettre en cause la responsabilité du producteur sur le fondement de ladite directive lorsque se trouvent remplies les conditions prévues par celle-ci ». -Cass. 20 mars 2013 n°12-12300 chirurgien dentiste – la CA a justifié sa décision en constatant par des motifs exclusifs d’une faute que -les prestations comprenant la conception et la délivrance d’un appareillage étaient opportunes adaptées et nécessaires -les soins ont été dispensés dans les règles de l’art 19 EVOLUTION : sur l’exigence de la preuve du défaut En matière de vaccination Cass.1ère Civ, 26/09/2012 « en ce déterminant ainsi, par une considération générale sur le rapport bénéfice/risques de la vaccination, après avoir admis qu’il existait en l’espèce des présomptions graves, précises et concordantes tant au regard de la situation personnelle de l’intéressée que des circonstances particulières résultant notamment du nombre des injections pratiquées, de l’imputabilité de la sclérose en plaques, sans examiner si ces mêmes faits ne constituaient pas de présomptions graves, précises et concordantes du caractère défectueux des doses qui lui avaient été administrées, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision ». Cass.1ère civ. 29 mai 2013 , n°12-20.903 Simple implication dans la réalisation du dommage ne suffit pas à établir le défaut, ni le lien de causalité entre le défaut et le dommage 20 Le recours aux présomptions Cass . Civ. 1ère 10 juillet 2013 n°12-21.314 Vaccination hépatite B-sclérose en plaques -présomptions graves, précises et concordantes tant au regard de la situation personnelle de l’intéressée que des circonstances particulières résultant notamment du nombre des injections pratiquées, de l’imputabilité de la sclérose en plaques -extension du recours aux présomptions pour prouver le défaut du produit (le sort du défaut du produit semble désormais pour une grande partie lié à celui du lien de causalité entre le défaut du produit et le préjudice ) 21 Nom PRENOM Bureau de Paris Sylvie Welsch - Avocat Associé Email : [email protected] Site : www.uggc.com Tel : + 33 1 56 69 70 00 Fax : + 33 1 56 69 70 71 47 rue de Monceau 75008 Paris