Santé animale et économie au Mali

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Bull. Off. int. Epiz., 1981, 93 (5-6), 849-854.
XLIX Session Générale, Rapport n° 1.8.
e
Santé animale et économie au Mali
par
Samba
SIDIBÉ
(*)
INTRODUCTION
2
Avec une superficie de 1.200.000 km , entre 10° et 24° de latitude
Nord, le Mali est un pays sahélien enclavé au milieu de l'Afrique de
l'Ouest. Le Sahel malien est compris entre 14° et 18° de latitude
Nord.
Le cheptel malien est estimé à 4.500.000 bovins et 9.533.000
ovins-caprins ; 60% de ce cheptel vivent dans le Sahel. Le secteur
des ressources animales a toujours été primordial dans l'économie
nationale. L'élevage représentait avant la sécheresse (1969) 26% du
P.I.B, et plus de 50% des exportations. Du fait de la sécheresse qui
frappe depuis lors périodiquement le Sahel, le secteur élevage ne
représente plus que 20% du P.I.B. et 30% des exportations du pays
(2 rang après le coton).
e
On peut se poser la question suivante : pourquoi l'État, dont
l'économie repose essentiellement sur le secteur primaire et particulièrement sur les ressources animales, ne développe-t-il pas ce secteur ? Il faut dire tout de suite qu'il existe une stratégie de développement du secteur agropastoral, mais dans une conjoncture économique mondiale préoccupante, caractérisée par la montée des prix
des produits importés, dans un milieu continuellement frappé par la
sécheresse, l'État, malgré ses choix, est obligé de parer au plus
pressé. Le problème du choix budgétaire se pose. Quel est le secteur
de l'État qui recevra la plus grande attribution de ses maigres ressources ? L'éleveur, compte tenu de ce que le bétail lui rapporte, est(*) Directeur Général de l'Élevage, Ministère de l'Élevage et des Eaux et Forêts,
Bamako.
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i! prêt à assumer les charges nouvelles qui lui incomberont après
l'achèvement des projets ? Acceptera-t-il d'acheter le vaccin et les
produits vétérinaires nécessaires pour que son bétail soit protégé ?
Les organismes de financement, de plus en plus sollicités,
accepteront-ils de financer des projets de santé animale sans être
convaincus du bien-fondé des arguments que nous, techniciens des
pays en développement, sommes amenés à leur fournir ?
C'est en se plaçant à ce triple point de vue : l'État, l'éleveur et les
bailleurs de fonds, que la problématique « Santé animale et Économie » sera abordée.
En se référant au plan proposé par la dernière Session Générale de
l'O.I.E. sur ce thème, le point sera fait quant aux méthodes utilisées
au Mali, et probablement aussi dans les autres pays du Sahel.
I. PLANIFICATION, STANDARDISATION ET ÉVALUATION
DES PROGRAMMES DE LUTTE ET D'ÉRADICATION DES
MALADIES INFECTIEUSES ET PARASITAIRES
La santé animale reste dominée au Mali par le problème des grandes épizooties bovines, la peste et la péripneumonie contagieuse des
bovidés. La situation y est en effet compliquée par :
— l'absence de ressources locales suffisantes en dehors des financements extérieurs ;
— les mouvements du bétail à travers les frontières ;
— la concentration d'animaux étrangers chaque année plus nombreux dans le delta intérieur du Niger ;
— l'absence de coordination régionale des efforts de vaccination
et de contrôle des maladies.
Concernant la planification, l'action du Gouvernement du Mali
repose sur un plan national (le plan en cours est quinquennal). Dans
le plan se trouve définie la politique du secteur de l'élevage et les
projets, notamment de santé animale, retenus par la commission du
secteur agricole y sont inscrits. Évidemment, le Gouvernement
malien intervient sur ressources propres. L'essentiel est cependant
demandé à l'aide extérieure, ce qui représente un obstacle important
à la planification de la santé animale. En effet, lors du dernier plan,
moins de 40% des investissements destinés au secteur élevage ont été
réalisés.
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Dans le domaine de la santé animale, la planification des programmes de lutte est du ressort du Service de l'Élevage. Or, cette
planification a souffert du manque d'informations fiables permettant de mener des actions conséquentes. Ainsi, au Mali comme dans
la plupart des pays du Sahel, on ne connaît pas exactement les effectifs du cheptel, ni les facteurs sociologiques qu'il serait important de
prendre en compte dans la planification. En outre, les facteurs climatiques ou matériels contrarient parfois la mise en œuvre du plan
de campagne établi.
Ensuite, dans ces pays du Sahel caractérisés par la transhumance
qui ne connaît pas de frontières, la planification doit être faite en
collaboration avec les pays voisins. C'est ainsi que la Campagne
contre la peste bovine organisée grâce à l'O.I.E. donne l'occasion de
renforcer cette coopération. Signalons que, dans notre sous-région,
la C.E.A.O. organise cette planification dans le cadre de la réunion
des Directeurs des Services vétérinaires.
La planification ainsi que la standardisation des programmes
dépendent :
— de l'élaboration et de la mise en œuvre d'un système d'informations pour tout le secteur ;
— de la constitution et du renforcement des équipes chargées de
recueillir et d'analyser les données ;
— de la mise au point de systèmes améliorés pour l'élaboration
des projets.
La standardisation des méthodes de lutte ou d'éradication est fortement souhaitée tant par les organismes de financement que par les
pays de la région. En effet, la mise au point du passeport du bétail
au niveau de la C.E.A.O. et de la C.E.B.V., l'établissement de certificats de vaccination, le marquage aux pinces à trèfle permettent,
lors des transhumances et des transactions commerciales, de vérifier
si les animaux ont été vaccinés contre les principales maladies, et
aussi de connaître le circuit commercial emprunté par le bétail. On
s'achemine de plus en plus vers la préparation de vaccins de même
type et l'utilisation d'un même matériel de protection sanitaire. En
tenant compte de la conjoncture économique défavorable pour les
pays du Sahel, on comprend aisément les économies qui sont possibles.
L'évaluation des programmes de lutte ou d'éradication doit prendre en compte, d'abord, l'évaluation permanente du système
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d'information qui a permis de mettre au point le projet. En outre,
l'évaluation devra être faite par un organisme différent de celui qui
exécute le projet au niveau gouvernemental.
L'évaluation des projets de santé animale tient compte de la fréquence des foyers de maladies avant et après le projet, des pertes
qu'entraînerait la non-réalisation du projet. Cette évaluation tient
compte aussi de la productivité et de la production du cheptel auquel
s'applique le projet.
Une expérience significative, réalisée au Mali sur financement
USAID, a été la comparaison des effets de deux trypanocides, le
Bérénil et le Trypamidium, sur des zébus maures maintenus en zone
d'endémicité trypanosomienne. Ces animaux, considérés comme les
meilleurs laitiers, vivent difficilement sur les pâturages des zones sud
à cause des glossines. L'expérience a consisté à protéger un premier
troupeau par le Bérénil et un deuxième troupeau par le Trypamidium. Le troupeau sous Bérénil a enregistré des mortalités. Le troupeau sous Trypamidium n'a pas enregistré de mortalités ; les adultes et les veaux de ce troupeau ont présenté un meilleur croît que
ceux du premier troupeau. L'expérience a duré un an. Par le calcul
des différences de gain de poids, et l'estimation des valeurs correspondant aux pertes d'animaux, les auteurs estiment qu'il est préférable d'utiliser le Trypamidium. Ceci est donc un exemple d'évaluation des programmes de lutte contre une maladie parasitaire.
Les organismes de financement préfèrent de plus en plus une planification et une standardisation des moyens de lutte à l'échelle
d'une région, ou d'une zone écologique. Les évaluations des programmes de lutte sont d'un intérêt certain pour ces organismes de
financement, pour l'État et aussi pour l'éleveur.
II. DÉTERMINATION DES MÉTHODES ET NORMES
D'ÉVALUATION DES PERTES CAUSÉES
PAR LES MALADIES ANIMALES,
AINSI QUE DES BÉNÉFICES DÉCOULANT
DES PROGRAMMES D'ACTION VÉTÉRINAIRE
Cet aspect du problème intéresse au premier chef l'éleveur et
l'économie nationale. Nous ne connaissons pas ici beaucoup de
méthodes d'évaluation ou de calcul des pertes causées par les maladies animales. D'une façon générale, les pertes concernent la mortalité, la baisse de production ou de productivité du troupeau.
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Ainsi, pour la mortalité, en 1979 on a enregistré 29 foyers de
péripneumonie avec 282 malades et 97 morts. Si les pertes directes
peuvent se chiffrer à 15 millions de FM, il faut tenir compte de la
baisse de productivité de ces animaux avant l'abattage. Les pertes
directes causées par la peste sont estimées pour 1980 à plus de 66
millions de FM.
Les effets des parasitoses entraînent la perte d'un tiers des veaux
de 1 à 2 ans dans le Sahel. En se référant à la composition-type d'un
troupeau du Sahel (100 têtes) et en fixant un prix forfaitaire de vente
du veau à cet âge, on peut déterminer aisément les pertes subies par
les éleveurs et la communauté nationale.
En fait, l'évaluation des pertes causées par les maladies animales
est liée à celle des bénéfices résultant des programmes d'action vétérinaire. Ce sont les deux justifications d'un projet.
Aujourd'hui, l'éleveur prend en charge les coûts du déparasitage
de ses veaux dans le Sahel parce qu'il a compris les effets bénéfiques
d'une telle action après les programmes de sauvetage des veaux qui
ont été exécutés dans presque tous ces pays. La réduction du taux de
mortalité et le gain de poids ont été les facteurs déterminants. On
constate aussi que l'éleveur redoute la peste et se montre souvent
disposé à faire vacciner ses animaux.
A propos des bénéfices résultant des programmes d'action vétérinaire, la lutte contre les glossines ou contre la trypanosomiase animale aura des effets bénéfiques certains pour l'économie de plus de
24 pays africains. Concernant le Mali, où plus de 500.000 km peuvent être ainsi libérés, le bénéfice consisterait dans la création de
zones de peuplement et de pâturages, autrement dit la mise en
valeur, selon un plan national, de terres fertiles pour la culture et la
pâture.
2
Cependant, les coûts exorbitants de la lutte contre ces vecteurs
freinent son financement par les bailleurs de fonds. Un programme
existe au niveau de la F.A.O., des commissions nationales ont été
mises sur pied mais les fonds nécessaires ne sont pas encore trouvés.
On se contente donc, pour le moment, d'une action de protection du
bétail par les trypanocides ou de multiplication des races trypanotolérantes comme les N'Dama. Certains organismes de financement
pensent que par-delà les coûts de la lutte, de l'éradication, ou du
contrôle des mouches tsé-tsé, l'efficacité de ces différentes méthodes
doit être discutée.
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III. ORGANISATION ET RESSOURCES NÉCESSAIRES
À L'EXÉCUTION DES PROGRAMMES DE SANTÉ ANIMALE
(INFRASTRUCTURE ET NIVEAU D'ENCADREMENT)
L'organisation des Services vétérinaires au Mali est identique à
celle de beaucoup de pays sahéliens. D'une façon générale, le Service
de l'Élevage est chargé de l'exécution des programmes de santé ani­
male. Au Mali, à chaque Région administrative correspond une
Région vétérinaire, à chaque Cercle correspond un Secteur et à cha­
que Arrondissement un poste vétérinaire. Le Service de l'Élevage est
responsable en outre de la législation sanitaire, du contrôle et du
conditionnement des produits d'origine animale.
Ainsi, au point de vue des infrastructures, il existe au Mali 7 cen­
tres principaux au niveau des chefs-lieux de Région, 52 Secteurs
vétérinaires, 124 postes vétérinaires et 280 parcs de vaccination, le
long des pistes de transhumance ou des circuits commerciaux. Signa­
lons aussi l'existence du Laboratoire Central Vétérinaire qui produit
les vaccins et de la Pharmacie vétérinaire.
Les populations rurales entretiennent ou construisent les postes
vétérinaires et les parcs de vaccination. Certaines régions comme le
Delta intérieur sont cependant dépourvues de parcs de vaccination.
La programmation des aides vise à construire de nouvelles infra­
structures et à rénover les anciennes.
Concernant les ressources humaines, le Mali dispose d'un person­
nel d'encadrement d'environ 1.060 agents, dont 69 Docteurs vétéri­
naires, 153 Ingénieurs des sciences appliquées, 308 techniciens supé­
rieurs et assistants d'élevage et 530 infirmiers vétérinaires. Des sour­
ces de financement comme la FAC ou l'USAID se proposent
d'apporter une assistance technique pour le suivi des projets et le
Laboratoire Central Vétérinaire.
En terminant ce chapitre, nous devons signaler le manque de per­
sonnel qualifié, d'infrastructures adéquates, et de moyens matériels
techniques et d'équipements vétérinaires conséquents.
CONCLUSION
La contribution que nous voulons apporter à ce débat souhaite
attirer l'attention sur les difficultés que rencontrent nos jeunes pays
dans la mise au point des plans de lutte contre les maladies animales
et aussi dans l'exécution et l'évaluation de ces projets.
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