208 J.H.M. BERDEN ET COLL.
des cibles pour une réponse auto-immune. Nos observations récentes illustrent
l’impact des modifications induites par l’apoptose dans la pathogenèse du LED
[19]. En effectuant, avec des anticorps monoclonaux anti-chromatine dérivés de
lupus, le criblage d’une bibliothèque de présentation de peptides à la surface de
phage, nous avons découvert qu’un de ces anticorps monoclonaux, appelé
KM2, reconnaissait un peptide fortement homologue à l’histone H4 (résidus 5-
18). Cependant, le peptide de phage KM2 ne contient pas les résidus lysine en
position 8, 12 et 16, qui sont normalement présents dans H4 natif. Il doit être
noté que ces positions lysine peuvent être acétylées. En effet, KM2 se lie
10 fois plus à un peptide synthétique H4 1-20 acétylé à ces positions qu’au
même peptide non acétylé. Nous avons pu démontrer par la suite que cette
acétylation de H4 se produit durant l’apoptose. Cette hyperacétylation résulte
d’une augmentation significative de l’activité histone acétyl-transférase et
d’une diminution significative de la désacétylation d’histone durant l’apoptose.
La validité in vivo de cette hyperacétylation de H4 induite par l’apoptose est
étayée par plusieurs observations :
– des sérums de souris MRL/lpr lupiques et de patients LED fixent plus forte-
ment H4 acétylé que le peptide H4 non acétylé ;
– l’hypersensibilité retardée, qui est une mesure de la réactivité des lympho-
cytes T, est plus élevée pour H4 acétylé que pour H4 non acétylé chez des sou-
ris MRL/lpr, et est absente chez des souris témoins de CMH correspondant ;
– l’administration de H4 acétylé à de jeunes souris MRL/lpr accélère la pro-
gression de la maladie, traduite par une aggravation des lésions cutanées, une pro-
téinurie plus élevée, des dépôts glomérulaires d’Ig plus importants et une
mortalité plus élevée. Ceci n’a pas été observé après administration de H4 non
acétylé.
Par conséquent, des vésicules dérivées de cellules apoptotiques remplies
d’auto-antigènes modifiés représentent un signal de danger potentiel pour le
système immunitaire. En effet, des résultats récents, non publiés, de notre labo-
ratoire indiquent que les vésicules apoptotiques sont préférentiellement absor-
bées par les cellules dendritiques immatures. Cette absorption conduit à une
activation des cellules dendritiques, mesurée par une augmentation de l’expres-
sion de CD40, CD86 et du CMH de classe II et une augmentation de la produc-
tion d’IL-6 et de TNF-α. Sur le plan fonctionnel, ces cellules dendritiques,
après absorption de vésicules apoptotiques peuvent, dans un système allo-
génique, activer des lymphocytes T (prolifération et production d’IL-2). Des
observations similaires ont été effectuées dans un système syngénique avec des
cellules dendritiques de souris MRL/lpr exposées à des nucléosomes hyper-
acétylés, tandis que des nucléosomes dérivés de cellules normales sont moins
efficaces. Ces observations, parmi d’autres [20], démontrent que les signaux
danger, ainsi que d’autres, peuvent faire passer des cellules dendritiques d’un
état tolérogénique à un état immunogène.
Une fois que les lymphocytes T sont activés, ils peuvent stimuler non seule-
ment des lymphocytes B avec un récepteur de nucléosomes, mais également des
lymphocytes B avec des récepteurs d’ADNdb et d’histone. L’ensemble des anti-
corps anti-chromatine peuvent être induits par epitope spreading [21]. La
séquence de ces événements est représentée sur la fig. 2.
Pour conclure cette partie, l’ADNdb n’est pas lui-même directement immuno-
gène dans le lupus. Le nucléosome est l’auto-antigène déclencheur dans le LED.