CORRÉLATION RADIO-CYTO-HISTOLOGIQUE DES NODULES THYROÏDIENS K. SALHI, A. DJIBO, S. ZEMMIRI Service d’ORL/CCF – Hôpital Central de l’Armée INTRODUCTION Moins de 5% des nodules thyroïdiens sont cancéreux, toutefois, ils posent un véritable problème de santé publique de par leur prévalence échographique qui est de 15 à 50% selon les classes d’âge; Seul l’examen anatomopathologique de la pièce opératoire permet de donner avec certitude la nature histologique d’un nodule thyroïdien; Savoir dépister les nodules susceptibles d’être malin et qui relèvent d’une prise en charge chirurgicale, tel est le défi qui se pose au praticien ORL; INTRODUCTION Grâce à l’affinement des techniques, l’échographie et la cytoponction à l’aiguille fine ont acquis une grande valeur et occupent une place centrale dans le dépistage des nodules thyroïdiens malins; Notre travail est une analyse rétrospective sur deux ans, 20122013, menée au sein du service d’ORL/CCF de l’Hôpital Mohamed Seghir Nekkache, qui vise à évaluer la corrélation entre d’une part le diagnostic à l’échographie et à la cytoponction à l’aiguille fine et d’autre part le diagnostic définitif posé par l’examen histopathologique de la pièce opératoire quant à la nature maligne ou bénigne des nodules thyroïdiens. RAPPELS Anatomie de la glande thyroïde L. Perlemuter J. Waligora Siège: basicervical antérieur, superficielle, très accessible à l’échographie et à la cytoponction, sauf pour les goitres et nodules « plongeants »; 2 lobes + 1 isthme; Volume: inférieur à 20 cc; Poids: environ 30 g. Histologie de la glande thyroïde Gilles VAN CAMP Physiologie de la glande thyroïde C’est la principale glande métabolique chez le mammifère; Sécrétions: • Cellules folliculaires: tri-iodo-thyronine (T3) et tétra-iodotyronine (T4), sous le contrôle de la TSH hypophysaire, par iodation de la thyroglobuline; ces hormones stimulent la quasi-totalité des réactions métabolique de l’organisme; • Cellules para-folliculaires (cellules C): la calcitonine, qui est une hormone hypocalcémiante. Pathologie nodulaire de la glande thyroïde Un nodule thyroïdien se défini comme une hypertrophie localisée du parenchyme, se traduisant cliniquement par une différence de consistance et/ou une déformation de la glande; Nodules bénins: principalement: • Adénomes vésiculaires; • Adénomes trabéculaires; • Nodules kystiques; • Pseudo nodules des thyroïdites subaigües et chroniques. Nodules malins: principalement: • Carcinome papillaire; • Carcinome vésiculaire; • Carcinome médullaire; • Carcinome indifférencié ou anaplasique; • Lymphomes; • Métastases. Pathologie nodulaire de la glande thyroïde Facteurs favorisants: • Âge: augmente avec la décade; 50% à 50ans; • Sexe: 4 fois plus fréquent chez la femme; • Parité: 3 fois moins fréquent chez la nullipare; • Surcharge pondérale; • Carence iodée; • Tabac; • Irradiation accidentelle où à visée thérapeutique, surtout lorsqu’elle survient pendant l’enfance ; • Facteurs génétiques; • L’acromégalie… MATERIEL ET METHODE Nous vous proposons une étude rétrospective sur deux ans (2012 – 2013); Basée sur l’analyse des d’hospitalisation des patients; dossiers médicaux Une fiche synoptique préalablement établie a permis le recueil des données; 64 dossiers ont été retenus et concernent les patients ayant bénéficié à la fois d’une échographie cervicale, d’une cytoponction et d’une thyroïdectomie avec disponibilité du résultat de l’examen anatomopathologique de la pièce opératoire; MATERIEL ET METHODE Une partie des échographies et des cytoponctions a été pratiquée dans le privé; Certains patients ont bénéficié de plusieurs échographies et/ou plusieurs cytoponctions; Aucun résultat d’échographie n’a été exprimé en score TIRADS; Certaines cytoponctions classification Bethesda; étaient basées sur la L’examen anatomopathologique des pièces opératoires a été fait exclusivement à l’Hôpital Central de l’Armée. RESULTATS Répartition des patients selon le sexe 33% Masculin=21 67% Très nette prédominance féminine. Féminin=43 RESULTATS Répartition des patients selon l'âge 60 % 51 50 40 33 30 20 10 8 8 0 ≤ 30 ans (5) [31-50 ans] (21) [51-70 ans] (33) > 70 ans (5) • Aucun patient n’avait moins de 20 ans; • La grande majorité avait un âge compris entre 51 et 70 ans! RESULTATS Circonstances de découverte 5% 3% 3% Masse basi-cervicale=45 Dysphagie=6 1% 2% 3% Echographie (incidentalome)=4 6% Thyrotoxicose=3 9% Dypnée=2 68% Examen systématique=2 Douleur=1 Adénopathie=1 Autres=2 RESULTATS Nombre, localisations et nature des nodules: Multiples Unique droit Unique gauche Unique isthmique 49 (77,56%) 5 (7,81%) 7 (10,93%) 3 (4,68%) Bénin 43 87,45% Malin 6 12,24% Bénin 4 80% Malin 1 20% Bénin 3 42,85% Malin 4 57,14% Bénin 2 66,66% Malin 1 33,33% Dans 77% des cas il s’agissait de thyroïdes multi nodulaires; 40% des nodules isolées étaient malins, contre 12% dans le cadre de nodules multiples! 57% des nodules isolés du lobe gauche étaient malins! RESULTATS Types de thyroïdectomie réalisés 5% Thyroïdectomie totale=61 95% Loboisthmectomie=3 La lobo-isthmectomie a été réalisée dans seulement 3 cas, et dans 2 cas sur les 3, le résultat de l’examen anatomopathologique était revenu en faveur d’une lésion maligne, ce qui a nécessité une reprise chirurgicale pour totalisation. RESULTATS Nombre et types de curage ganglionnaire realisés 31% 69% Central=9 Central+latéral=4 • 9 curages ganglionnaires ont été pratiqués; • Il y avait un envahissement ganglionnaire dans 2 cas. RESULTATS Récapitulatif des résultats de l’examen anatomopathologique des pièces opératoires Proportions bénins / malins Histologie des nodules malins 8% 8% 9% 19% 50% 25% 81% Bénin=52 Malin=12 Papillaire classique=6 Papillaire/forme vésiculaire=3 Papillaire à cell. Cylind.=1 Papillaire/sclérosant occulte=1 Micro-carcinome papillaire=1 RESULTATS Corrélation Échographie / Examen histologique Diagnostic histologique Suspect N=12 Diagnostic échographique Bénin N=52 Malin N=12 Bénin N=52 05 (Vrais Positifs: VP) 07 (Faux Positifs: FP) 07 (Faux négatifs: FN) 45 (Vrais Négatifs: VN) Sur les 12 nodules classés malins par l’examen histologique de la pièce opératoire, l’échographie en a dépisté 5, soit une sensibilité de 41,66%; ( x 100) Sur les 52 nodules bénins à l’examen histologique, 45 l’étaient à l’échographie, soit une spécificité de 86,53%. ( x 100) RESULTATS Corrélation Cytoponction / Examen histologique Diagnostic histologique Diagnostic cytologique Malin N=12 Bénin N=52 Malin ou Suspect N=11 07 (VP) 04 (FP) Bénin N=51 05 (FN) 46 (VN) 00 02 Non contributive N=2 La cytoponction a dépisté 7 nodules malins sur 12, soit une sensibilité de 58,33%; Sur les 52 nodules bénins à l’examen histologique, 46 l’étaient à la cytoponction soit une spécificité de 88,46%. RESULTATS Corrélation Échographie+Cytoponction / Examen histologique Diagnostic histologique Suspect N=18 Diagnostics (suspects à l’un et/ou échographique l’autre) et cytologique Bénin N=46 (Bénins aux 2 examens) Malin N=12 Bénin N=52 09 (VP) 09 (FP) 03 (FN) 43 (VN) La combinaison des deux examens a dépisté 9 nodules malins sur 12, soit une sensibilité de 75%; Sur les 52 nodules bénins à l’examen histologique, 43 l’étaient aux deux examens soit une spécificité de 82,69%. DISCUSSIONS Les signes échographiques évocateurs de la bénignité pour un nodule thyroïdien* • Nodules liquidiens; • Vascularisation périnodulaire; • Nodules hyperéchogènes ou microkystiques; • Absence d’antécédent personnel ou familial; • Halo périnodulaire fin et complet; • Absence d’adénopathie satellite; • Calcification périnodulaire complète; • Absence de dureté à l’élastographie. Ces différents signes sont décrits dans les compterendus d’échographie de nos patients, sauf pour les antécédents familiaux, la calcification périnodulaire et les donnés de l’élastographie qui n’est pas pratiquée. * Tramalloni J, Wémeau JL. Consensus français sur la prise en charge du nodule thyroïdien: ce que le radiologue doit connaître. EMC - Radiologie et imagerie médicale - cardiovasculaire - thoracique cervicale 2012;0(0):1-18 [Article 32-705-A-10]. Les signes échographiques de suspicion de malignité retrouvés à travers les grandes études publiées entre 2002 et 2012*: • • • • • • • • • • • • • Nodule solide hypoéchogène; Microcalcifications; Limites floues, festonnées, spiculées; Nodule plus épais que large; Effraction capsulaire; Envahissement des structures adjacentes; Disparition de la mobilité à la déglutition Vascularisation intranodulaire prédominante; Forme quadrangulaire; Macrocalcifications périphériques discontinues; Index de résistance (au centre du nodule) > 0,80; Index de dureté élevé en élastographie; Adénopathie satellite; * Tramalloni J, Wémeau JL. Consensus français sur la prise en charge du nodule thyroïdien : ce que le radiologue doit connaître. EMC Radiologie et imagerie médicale cardiovasculaire thoracique - cervicale 2012;0(0):1-18 [Article 32-705-A-10]. DISCUSSIONS En 2002, le coréen, E.K. Kim définit 4 critères cardinaux de suspicion de malignité pour les nodules thyroïdiens, signes qui ont été confirmés par plusieurs études internationales: • Forte hypoéchogénicité ; • Contours irréguliers ; • Microcalcifications ; • Nodule plus épais que large. En 2009, la chilienne E. Horvath, s’inspirant du score BI-RADS qui s’applique aux nodules du sein, proposa un score TI-RADS pour les nodules thyroïdiens; En 2011, en France, G. Russ améliore le système TI-RADS en ajoutant un 5e critère à savoir « l’indice de rigidité élevée en élastographie » et en proposant une terminologie standard et un atlas des différents aspects échographiques rencontrés. DISCUSSIONS Le système TIRADS G. Russ, SCORE TI-RADS: Nouvelle version simplifiée avec…ou sans élastographie. Centre de Pathologie et d’Imagerie – Paris 14ème et Hôpital de la Pitié-Salpétrière. En ligne: Consulté le 28 septembre 2013. DISCUSSIONS Le système TIRADS G. Russ, SCORE TI-RADS: Nouvelle version simplifiée avec…ou sans élastographie. Centre de Pathologie et d’Imagerie – Paris 14ème et Hôpital de la Pitié-Salpétrière. En ligne: Consulté le 28 septembre 2013. DISCUSSIONS Le système TIRADS G. Russ, SCORE TI-RADS: Nouvelle version simplifiée avec…ou sans élastographie. Centre de Pathologie et d’Imagerie – Paris 14ème et Hôpital de la Pitié-Salpétrière. En ligne: Consulté le 28 septembre 2013. DISCUSSIONS Les signes de suspicion de malignité sont décrits dans les compte-rendus d’échographie de nos patients, sauf pour le rapport épaisseur/largeur du nodule et les données de l’élastographie qui n’est pas pratiquée; Cependant, aucun score n’est utilisé et la décision de déclarer un nodule suspect varie d’un opérateur à l’autre et peut être basée sur un ou deux critères; RESULTATS Efficacité diagnostique de l’échographie Sensibilité Spécificité E. Horvath (score TIRADS) 88% 49% G. Russ (score TIRADS) 95% 68% 41,66% 86,53% Notre étude (sans score) On constate que l’échographie, telle qu’elle est pratiquée pour nos patients, manque de sensibilité, et cela peut s’expliquer par: • L’expérience très variable des praticiens qui sont d’origines diverses (HCA, hôpitaux régionaux, privé…); • Certains critères sont rarement ou ne sont jamais étudiés: microcalcifications, rapport épaisseur/largeur, indice de rigidité. Par contre on trouve une spécificité plus élevée que dans ces études de référence, et cela aussi, certainement, parce que certains critères ne sont pas pris en compte. DISCUSSIONS Cytoponction à l’aiguille fine L’utilisation de cette classification dépend également des opérateurs. Russ G, et al., Le système TIRADS en échographie thyroïdienne. J radiologie 2011; 92: 701—713 DISCUSSIONS Efficacité diagnostique de la cytoponction Sensibilité Spécificité P. Boutin et al. (2003) 40% 100% M. Sellami et al. (2011) 100% 67% J-M. Prades et al (2013) 48% 99,1% 58,33% 88,46% Notre étude Classiquement, la cytoponction est réputée avoir une très bonne sensibilité pour le dépistage des cancers de la thyroïde, soit 95 à 99% et une spécificité plus faible, soit 55 à 75%*; La revue ci-dessus montre une variabilité selon les auteurs; Notre étude retrouve une bonne spécificité et une sensibilité médiocre, ce qui suppose un taux élevé de faux négatifs; Cela peut s’expliquer par la diversité des centres où nos patients font leur bilan cytologique et le manque de standardisation de la pratique. *B. Cochand-Priollet et al. Tumeurs de la thyroïde: corrélations cytologiques et histologiques ; apport des nouvelles technologies. Encyclopédie Médico-Chirurgicale (Elsevier Masson SAS, Paris), Oto-rhino-laryngologie, 20-878-A-10, 2004. CONCLUSION L’échographie et la cytoponction à l’aiguille fine, sans être totalement fiables, sont de bons outils pour le dépistage des nodules thyroïdiens malins et permettent d’éviter une indication chirurgicale abusive ; Nos résultats sont en deçà de ceux retrouvés dans certaines études de référence ; Ces résultats peuvent très certainement être améliorés par une concertation multidisciplinaires pour une harmonisation des pratiques et pourquoi pas l’utilisation systématique d’un score de malignité type TIRADS pour l’échographie.