La mise en place de l`UEM a-t-elle conduit à la disparition des

La mise en place de l’UEM a-t-elle conduit à la disparition des politiques économiques nationales ?
« UEM » : Union économique et monétaire.
Le traité de Maastricht (1992) ou traité sur l’Union européenne (TUE) fonde l’UE et prévoit la
création d’une UEM, c’est-à-dire l’adoption d’une monnaie unique, l’euro, à l’horizon 2000. Seuls 19
Etats-membres à ce jour ont effectivement décidé de renoncer à leur monnaie nationale et de passer
à l’euro, c’est-à-dire de renoncer également à leur souveraineté en matière de politique monétaire.
Stricto sensu, l’UEM est donc un sous-ensemble de l’UE, ce qui signifie qu’elle reprend toutes les
caractéristiques de l’UE et y ajoute l’euro (ainsi que tout ce qui y touche).
Or l’UE est avant tout une vaste zone de libre-échange : c’est donc un espace géographique à
l’intérieur duquel les Etats acceptent de renoncer à toute forme de protectionnisme, les uns
vis-à-vis des autres.
Mais l’UE est plus que cela, c’est aussi un marché unique (depuis l’Acte unique de 1986) qui
prévoit également, outre la libre-circulation des marchandises, celle des hommes (Shengen)
et des capitaux (1990).
Et l’UE est aussi une union économique, au sens où un certain nombre de politiques
économiques sont mises en commun : selon un principe de subsidiarité, la responsabilité de
certains compétences économiques est transférée l’échelon communautaire, jugé le plus
pertinent pour leur mise en œuvre. C’est ainsi le cas de la politique de la concurrence ou de
la célèbre politique agricole commune. En tant qu’union économique, l’UE possède donc un
réel pouvoir législatif et exécutif, entre autres entre les mains de la commission européenne :
cette dernière met donc en œuvre une politique économique et ses décisions (directives)
s’imposent aux Etats-membres.
Enfin, l’UEM ajoute à tout cela une monnaie unique, pour devenir une union économique et
monétaire. L’euro est géré par une banque centrale européenne indépendante des Etats-
membres certes, mais aussi de la commission européenne ; cette BCE a également en charge
la politique de change de l’UEM, et pour clore ce panorama, un certain nombre de
contraintes sont imposées aux Etats-membres en matière de politique budgétaire. Ces
contraintes portent sur le niveau maximal des déficits (3 % du PIB) et des dettes publics (60
%) et sont précisées dans le pacte de stabilité et de croissance de 1997, mais aussi dans le
TSCG (mars 2012).
Au terme de ce parcours, il semble bien que la mise en place de L’UEM ait considérablement
réduit les marges de manœuvre de ses Etats-membres en matière de politique économique.
Certaines ont totalement disparues, d’autres sont encadrées, d’autres encore sont imposées.
Mais poursuivons l’analyse.
« Disparition des politiques économiques nationales » (PEN)
Il faut d’abord comprendre ce qu’on entend par PEN : l’ensemble des moyens d’actions à la
disposition des gouvernements pour atteindre certains objectifs économiques et sociaux donnés (cf
cours).
« Ensemble des moyens d’actions » ?
- Politique économique conjoncturelle : pour agir sur la conjoncture à court terme, ie
stabiliser cette conjoncture, ie encore, relancer ou ralentir l’activité ; stimuler certaines
composantes de la demande globale. Donc essentiellement PM et PB, mais aussi politique
fiscale (qu’on peut assimiler à la PB en première approche puisqu’il s’agit d’agir sur la
composante « recette » du budget de l’Etat). La politique de change également.
- Politique économique structurelle : pour modifier la structure de l’économie nationale, et
donc chercher à agir sur le cadre réglementaire et les comportements des acteurs
économiques. Ce genre de politique passe par des mesures plus complexes et variés : lois et
autres textes juridiques, incitations, coercition, taxes et subventions…
Reformulons : la mise en place de l’UEM a-t-elle conduit à la disparition des PEN, ie de l’ensemble
des moyens d’actions, ie encore, de toutes les politiques conjoncturelles ET structurelles que
peuvent mettre en place les Etats pour atteindre leurs objectifs économiques ?
Attention : ce n’est pas une problématique encore, c’est la reformulation du sujet de façon à le
rendre plus explicite encore
NB : on peut également discuter des objectifs : dans le cadre de l’UEM, 19 pays adoptent une
monnaie commune car ils partagent un certain nombre d’objectifs, particulièrement la maitrise
de l’inflation et une monnaie forte (ces deux objectifs sont liés, l’inflation ne peut être maîtrisée
si la monnaie est faible), mais pas uniquement :
- intensification des échanges commerciaux et des flux de capitaux : objectifs visés par la
création de l’UE (et donc pas seulement de l’UEM). Ce qui signifie qu’en matière de politique
commerciale, les Etats s’accordent sur les bienfaits du libre-échange, et s’interdisent le
recours au protectionnisme. Ce n’est donc pas l’UEM stricto sensu qui réduit les marges de
manœuvre des Etats en la matière, c’est l’UE ; mais tout pays de l’UEM se doit donc a fortiori
de s’insérer dans la logique libre-échangiste du marché unique.
- Les traités européens (particulièrement après le sommet de Lisbonne en 2000) prévoient de
faire de l’union l’économie de la connaissance la plus innovante et la plus dynamique. Ici
encore, l’objectif est commun mais les moyens ne sont pas précisés et les politiques
économiques nécessaires sont laissées à la discrétion des Etats-membres.
A ce stade, il apparaît clairement qu’il faut distinguer objectifs et moyens :
- certains objectifs sont communs et les outils sont transférés au niveau le plus pertinent pour
les atteindre : c’est le cas de la PM (et de son corollaire, la politique de change). C’est aussi le
cas de la politique commerciale, au moins en termes de libre-échange (le choix de la
spécialisation est en revanche laissé entièrement à la discrétion des Etats-membres).
- Certains objectifs sont communs, mais les outils sont laissés aux Etats-membres, charge à
eux de déterminer et mettre en œuvre les politiques qu’ils jugent pertinentes pour les
atteindre (politique de la concurrence par exemple). Donc ici, la politique économique
nationale n’a pas disparu, mais elle est très sérieusement encadrée, au moins dans le choix
des objectifs à atteindre.
- Certains objectifs sont propres aux Etats-membres et les outils de politique économique sont
évidemment hors du champ d’action de l’UEM. Ce peut être le cas par exemple de la
réduction des inégalités et de la redistribution, ou encore de la stabilisation conjoncturelle
par la politique budgétaire. Cependant, on voit bien que les politiques qui peuvent en
découler auront fatalement recours aux dépenses publiques, que l’UEM a choisi d’encadrer.
La question est pourquoi ?
Reformulons et commençons à répondre à la question : la mise en place de l’UEM n’a pas
mené à la disparition des politiques économiques nationales. En effet, s’il est vrai que l’UEM a
entraîné le transfert à l’échelon communautaire de certains prérogatives en matière de politique
économique, chaque Etat-membre dispose encore, en vertu du principe de subsidiarité, de
nombreuses prérogatives, mais certains d’entre elles sont encadrées (la PB), tandis que pour
d’autres, ce sont les objectifs qui sont imposés (ouverture à la concurrence).
NB - 1 : on a choisi ici de faire apparaître une problématique sous la forme d’une affirmation,
d’une thèse qu’on va ensuite s’attacher à démontrer dans le corps du plan. Mais on pouvait procéder
autrement bien évidemment.
NB - 2 : Dans tout ce qui précède, il faut garder en tête que l’UE et l’UEM ne sont pas des
entités étrangères, extérieures à nos pays, qui tenteraient par tous les moyens de nuire à
l’autonomie nationale. Ce genre de vision « complotiste » est encore beaucoup trop présent, à des
degrés divers certes, dans les copies des étudiants. L’UE est une institution créée par des Etats
autonomes et indépendants, et qui ont choisi, par traité (ie : volontairement) de lui transférer un
certain nombre de responsabilités en matière économique notamment (Il s’agit d’une vue très
proche du mécanisme exposé par Hobbes dans son Leviathan, auquel on renvoie par ailleurs). Donc,
pour un juriste, le seul point de vue pertinent à adopter est que l’UE est une institution au service de
ses Etats-membres, qui imposent certes des contraintes, mais dans l’intérêt de tous ses membres et
surtout, des contraintes définies et acceptées par les Etats eux-mêmes.
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