Économie, sociologie et histoire du monde contemporain, 2e édition © Armand Colin, 2016.
Fiche concours : L’euro : une conséquence de l’effondrement
du système de Bretton Woods ? (Chapitre 9-II)
Introduction
C’est au moment où le système de Bretton Woods connaît d’importantes difficultés que les Européens s’interrogent sur la
nécessité de bâtir une union monétaire (1969, plan Barre, 1970, plan Werner). Le développement des échanges dans
l’Union ne peut se satisfaire d’une variation permanente des taux de changes notamment dans le domaine de la politique
agricole commune.
I. Les premières réponses des Européens à la fin du système de Bretton–Woods
L’idée d’unification monétaire européenne progresse à la fin des années 1960. Le dilemme de Triffin est à l’œuvre. Les
jours du système de Bretton Woods sont comptés. Déjà le Mark est flottant. On ignore encore ce que sera l’architecture
d’un prochain SMI. La dévaluation du franc de 1969 s’ajoute aux difficultés des changes dans la CEE. Chaque variation des
taux de change au sein de la CEE a des incidences sur la PAC où règne la règle du prix unique. À partir de 1969 on a mis
en place des montants compensatoires monétaires (MCM) pour éviter que les prix agricoles de la CEE exprimés en ECU
ne subissent les conséquences des fluctuations des différentes monnaies. Pour ramener les prix nationaux au niveau des
prix européens on instaure des MCM négatifs (une taxe à l’exportation) pour un pays avantagé par une monnaie dévaluée
et des MCM positifs (une subvention à l’exportation) pour aider un pays dont la monnaie a été réévaluée.
Avec la fin du SMI de Bretton-Woods, la CEE s’efforce avec le serpent monétaire européen(1972) puis avec le SME
(1979) d’instaurer une zone de stabilité monétaire dans un monde où la flexibilité des changes est de plus en plus
importante. C’est la condition
sine qua non
de l’approfondissement de l’intégration européenne.
II. Le passage aux changes flottants accélère la globalisation financière.
À partir de 1976, les changes sont devenus officiellement flottants. L’abondance monétaire internationale alimente les
crédits et prépare la libre circulation des capitaux qui va s’accomplir avec le développement d’une économie des marchés
financiers (les 3 D d’H. Bourguinat : désintermédiation, déréglementation, décloisonnement). Les politiques monétaires
ne sont plus mobilisées sur les objectifs du maintien de la parité de la monnaie comme dans le système de changes fixes
(règle de Mundell) mais peuvent être utilisées efficacement pour lutter contre des déséquilibres intérieurs (lutte contre
le chômage ou contre l’inflation). Ce sera effectivement le cas pour les États-Unis et le Royaume-Uni notamment. Les
changes fluctuent de manière importante. Les mécanismes du SME protègent l’Union de cette volatilité monétaire.
III. La globalisation financière et la libre circulation des capitaux nécessitent la mutualisation de la politique
monétaire européenne.
L’approfondissement de la construction européenne passe à partir des années 90 par la libre circulation des capitaux au
sein de l’Union. Pour les pays de l’UE, comme dans le système de Bretton Woods en fin de période, la politique monétaire
de chaque pays est mobilisée au service du maintien des parités dans le SME. Le triangle des incompatibilités de Mundell
nous montre que l’on ne peut avoir simultanément des changes fixes, une libre circulation des capitaux et une autonomie
de la politique monétaire. La réunification allemande va mettre à mal le SME qui ne devra son salut face à la montée de la
spéculation qu’à l’élargissement des marges de fluctuations. Ceci va se traduire par une hausse très importante des taux
d’intérêt dans l’UE. Les pays européens s’ils veulent poursuivre leur intégration doivent renoncer à l’autonomie de leur
politique monétaire. Le passage à la monnaie unique est la solution car elle réduit aussi les coûts de transactions liés aux
opérations de changes à l’intérieur et elle possède de surcroît une forte portée symbolique.
Conclusion
« Le dollar est notre monnaie, c’est votre problème », déclarait cyniquement à ses interlocuteurs étrangers, J. Connally
secrétaire d’État au Trésor des États-Unis (sous la présidence de R. Nixon) en pleine crise du système de Bretton-Woods.
Au vu de l’histoire on peut penser que l’euro a pu être la réponse des Européens à cette provocation. À eux aujourd’hui
d’adapter leurs institutions à ce projet audacieux pour ne pas que l’euro devienne aussi leur problème, comme semblent
souvent le considérer de nombreux économistes américains comme P. Krugman ou J. Stiglitz qui se sont toujours montrés
très sceptiques quant au devenir de la monnaie unique.