Convention collective des Groupements d’Employeurs : Risques ? Opportunités ? Eléments de synthèse du débat organisé à l’occasion de l’AG du CRGE Poitou-Charentes le 12 avril 2012 à Poitiers Eléments complémentaires pour resituer le débat dans le contexte national Introduction : Par Cyrielle Berger, Déléguée Régionale du CRGE Poitou-Charentes « A l’heure où le débat est relancé au niveau national sur une convention collective des groupements d’employeurs, nous avons choisi au CRGE Poitou-Charentes de profiter de l’Assemblée Générale pour vous proposer un échange autour de ce thème. Le CRGE en 2007 s’était positionné en faveur de l’intégration des GE dans les branches professionnelles plutôt que pour une convention collective des GE. Nous sommes en 2012. L’objectif du débat qui va suivre est de nous permettre les uns et les autres de disposer de tous les éléments pour nous forger une opinion et d’être en mesure d’argumenter une position plutôt en faveur ou en défaveur d’une convention collective des GE avant d’adopter peut-être ultérieurement une position commune sur le sujet. Pour animer ce débat, nous avons sollicité M. Jean-Paul JACQUIER ancien Secrétaire national de la CFDT, à ce titre négociateur de plusieurs accords nationaux et aujourd’hui intervenant à l’Université de sciences sociales de Toulouse et M. JeanYves KERBOURC'H, Professeur de Droit Social à l’Université de Nantes. » 1 Eléments préalables pour resituer le débat dans le contexte national : Extrait de la CONFERENCE de Lise Casaux Labrunée, Professeur à l’Université Toulouse Capitole le 26 janvier à Lille lors de la journée organisée par l’UGEF. « L’enjeu des groupements d’employeurs : de la loi du 25 juillet 1985 à la loi du 28 juillet 2011 » « […] Qu’est ce qui se joue, aujourd’hui, pour les groupements d’employeurs ? Qu’est-ce que les GE ont à gagner ou à perdre dans les évolutions du moment ? L’enjeu, c’est ce que l’on peut gagner ou perdre dans une compétition, dans une entreprise, dans une réforme. Nous sommes à la croisée des chemins, sans trop savoir où vont les GE… La Loi Cherpion a marqué une détermination forte vis à vis des GE qu’elle veut promouvoir en tant qu’instrument décisif de la politique de l’emploi. Elle a « bousculé » les groupements d’employeurs et ce réveil suscite le débat : pour les uns il s’agit d’une loi salutaire, pour d’autres d’une loi incomplète… Jusqu’alors, les groupements d’employeurs faisaient consensus. L’arrivée de cette loi en a fait un sujet de débats, voire de discordes. Elle pose la question du sens à donner aux groupements d’employeurs, et des moyens pour y parvenir. Elle pousse chacun à s’interroger […] L’insuffisant développement des groupements d’employeurs tient, à mon sens, à […] une absence d’unité des groupements d’employeurs : la « famille » n’a pas réussi à se structurer pour peser et devenir une force de négociation en tant que telle. En conséquence, le « cœur de métier » des groupements d’employeurs n’a pas suffisamment été valorisé. […] Si l’avenir des GE est plein de promesses, deux pistes doivent impérativement être évoquées pour assurer leur succès. A) La négociation collective. Sujet délicat mais incontournable. L’entrée en vigueur de la loi ne devait se faire qu’à défaut d’un accord collectif avec les partenaires sociaux. Marché de dupes ? Quels sont les représentants de GE aujourd’hui au plan national ? L’activité de sécurisation de l’emploi a-t-elle des représentants habilités à négocier avec les représentants syndicaux des salariés ? Il faudrait d’urgence qu’il y ait des représentants de GE structurés afin de permettre un accord national interprofessionnel ou une convention de branche (si l’on souhaite mieux faire reconnaître le cœur de métier des GE : la stabilisation/sécurisation d’emplois). 2 De telles négociations nationales paraissent aujourd’hui incontournables si les GE veulent véritablement se développer (les négociations contribuent à la structuration des secteurs d’activité). Les salariés des GE sont suffisamment nombreux aujourd’hui, et ils sont à bien des égards dans une situation particulière (travail au service de plusieurs entreprises, polyvalence, répartition des temps…) pour mériter un accord national spécifique (ce qui n’exclut pas des accords particuliers par secteurs : agricole, etc…). Ce chantier doit être mis en réflexion dès aujourd’hui. Cela permettrait une meilleure structuration institutionnelle du secteur. Cela permettrait de renouer le dialogue social avec les syndicats de salariés. Cela permettrait d’éviter les difficultés actuelles relatives à la détermination des conventions collectives à appliquer au sein des GE. Cela permettrait de rapprocher les statuts des salariés des différents GE en définissant un socle commun de droits négociés… Les avantages sont multiples. A défaut pour les acteurs des GE de lancer ce chantier de négociation, et de réussir à s’organiser pour ce faire (régler les questions de représentation/représentativité, créer un syndicat des GE ?), on peut craindre que cette négociation leur échappe et qu’elle soit confiée, si le gouvernement en décide ainsi, par exemple à l’intérim (« branche dont l’activité est la plus proche des GE »… comme ce fut le cas pour le portage salarial en 2008-2010, avec le fiasco que l’on sait). Dans tous les cas, c’est aux groupements d’employeurs de prendre en main leur destin. […] ». Eléments mis au débat et synthèse des échanges : Trois questions posées par les animateurs : 1/Une convention collective : pourquoi et pour négocier quoi ? 2/A quel niveau la mettre en place ? 3/Comment la mettre en place ? Ne pas inverser l’ordre des questions : l’aspect politique doit primer sur les questions juridiques. 3 1/ Pourquoi et pour négocier quoi ? Pourquoi ? - Faut-il se soumettre à la « pression » du Code du travail ? (C. trav., art. L. 1253-11) Depuis la loi du 28 juillet 2011 « les organisations professionnelles représentant les groupements d'employeurs et les organisations syndicales de salariés représentatives peuvent conclure des accords collectifs de travail ». C’est une simple possibilité et non une injonction du législateur. - Se faire reconnaître par « l’extérieur » Les raisons qui amènent syndicats et organisations d’employeurs à négocier sont extrêmement diverses. Parfois il s’agit de se faire reconnaître comme un secteur économique à part entière. La négociation d’une convention nationale propre à l’ensemble des groupements d’employeurs permettrait de faire reconnaître l’existence d’une branche. La question est de savoir si cette reconnaissance est opportune ou pas. Les avis sont très tranchés. Ceux qui sont opposés avancent les arguments suivants : - la spécificité des groupements est de gérer l’organisation de l’emploi sans avoir d’activité productive directe et ne nécessite donc pas d’avoir une politique de branche ; - une telle politique unificatrice ne permettrait plus la gestion fine et le maillage des différents statuts d’emploi ; - au plan technique une convention nationale de branche ne parviendrait pas à tenir compte de toutes les spécificités des conventions déjà appliquées par les groupements d’employeurs. Ceux qui militent en faveur d’une telle convention ont des arguments plutôt institutionnels : - meilleure visibilité des groupements d’employeurs car la branche pourrait être reconnue comme un interlocuteur des ministères sociaux ; - accès à tous les avantages qu’offre une branche : constitution d’observatoires, présence dans les organisations paritaires (formation notamment), accès aux financements du paritarisme. Dans d’autres secteurs la négociation d’une convention a permis de légitimer l’activité. Tel fut le cas des entreprises de travail temporaire au début des années 1980 et des structures de portage salarial à la fin des années 2000. La légitimité et surtout la légalité de l’activité de mise à disposition des groupements d’employeurs ne nécessite pas de recourir à la négociation pour cette seule raison. Mais elle permettrait d’assoir la reconnaissance de l’utilité sociale des groupements d’employeurs qui est mal connue encore aujourd’hui. 4 - Structurer une politique « professionnelle » partagée par tous En revanche la négociation d’une convention nationale de branche permettrait de fédérer l’ensemble des groupements d’employeurs autour d’une politique professionnelle partagée par tous les groupements. Mais la difficulté est très grande car il n’existe pas de modèle uniforme de groupement d’employeurs. Certains sont de grosses structures regroupant des dizaines d’adhérents et des centaines de salariés alors que d’autres sont de toutes petites associations locales. Les secteurs économiques sont très disparates (le secteur agricole, le sport, l’hôtellerierestauration…). Certains sont monosectoriels, d’autres multisectoriels. La négociation de la convention collective de branche pourrait se faire sur la base d’un socle de valeurs communes (le dénominateur commun qu’il reste à trouver) et la volonté de faire évoluer ce socle (par exemple la formation professionnelle des permanents). - Lisser les coûts du travail (concurrence) Historiquement nombre de branches se sont constituées pour unifier les conditions d’emploi entre entreprises pour éviter que des disparités de coûts ne nuisent à la concurrence, plus exactement pour éviter que la concurrence se fasse par le coût du travail. Les groupements d’employeurs ne sont pas dans cette logique puisqu’ils ne se font pas concurrence entre eux. En revanche il y a peut-être matière à régler des problèmes spécifiques aux groupements d’employeurs : l’égalité de traitement entre salariés du groupement et salariés de l’adhérent, l’égalité de traitement entre salariés à l’intérieur du groupement, problématique de la pénibilité au travail, des seniors, de l’égalité entre les femmes et les hommes, de l’intégration des personnes handicapées etc. Ces questions sont intimement liées aux politiques salariales et entraînent des disparités qu’une convention collective permettrait peut-être de lisser. - Se protéger de menaces concurrentes Une convention collective peut être conclue pour renforcer la cohésion de l’ensemble de la profession face à une menace extérieure. Il peut s’agir d’une autre branche professionnelle qui peut avoir intérêt à absorber une activité qui lui est proche en lui imposant ses règles. En France les règles compliquées qui gouvernent certains secteurs d’activité donnent un avantage concurrentiel indéniable à ceux qui les maîtrisent. 5 - Prévenir des interventions indésirables du législateur en négociant en « amont » La négociation d’une convention de branche permet enfin d’anticiper des interventions indésirables du législateur en adoptant les règles que souhaite la profession ou en réglant une difficulté avant que le législateur n’intervienne. Les stipulations de l’accord peuvent être légales (accorder un avantage quelconque aux salariés mais dont les modalités sont différentes de celles que le législateur souhaitait adopter). Il arrive aussi que les stipulations soient illégales. Elles sont alors inapplicables et l’accord ou la convention ne peut être étendu. Il s’agit d’un accord de « préfiguration » : le législateur peut modifier la loi dans le sens souhaité par la profession. Eléments de synthèse des échanges : Intérêt d’aller vers une convention collective des GE ou au moins d’engager une négociation sur les GE à quelque niveau que ce soit : -Eviter de se faire appliquer des règles dont n’a pas décidé. Et les anticiper dans un accord propre aux GE. -Avoir voix au chapitre dans les OPCA, … conformément aux règles du paritarisme. -Eviter que la convention collective de l’intérim ne soit élargie aux GE. L’élargissement est une procédure intervenant lorsque la conclusion d'une convention ou un accord collectif est impossible de manière persistante dans une branche d'activité ou un secteur territorial déterminé. Le ministre du Travail peut rendre obligatoire : - dans le secteur territorial considéré une convention ou un accord de branche déjà étendu à un secteur territorial différent (élargissement territorial) - dans le secteur professionnel considéré une convention ou un accord professionnel déjà étendu à un autre secteur professionnel (élargissement professionnel) - dans une ou plusieurs branches d'activité non comprises dans son champ d'application un accord interprofessionnel étendu. Le secteur visé par l'élargissement doit présenter des conditions similaires à celles du secteur dans lequel l'extension est intervenue. Pour quoi ? … c’est-à-dire pour négocier quoi ? Si la décision est prise de négocier il faut déterminer le contenu de cette négociation. Faut-il être ambitieux et conclure une convention ou faut-il en rester à un accord ? 6 La convention collective a vocation à traiter de l'ensemble des conditions d'emploi des travailleurs, de formation professionnelle et de travail ainsi que de leurs garanties sociales. L'accord collectif traite un ou plusieurs sujets déterminés dans cet ensemble. Peut-être vaut-il mieux commencer par un accord. - Distinction à faire entre permanents et salariés mis à disposition ? Cet accord devra nécessairement faire une distinction entre les salariés permanents des groupements d’employeurs et les salariés mis à disposition qui sont placés dans des situations très différentes. Il est sans doute plus facile de conclure la négociation par un accord portant sur les conditions de travail des permanents. Mais l’un n’empêche pas l’autre évidemment. - Contrat de travail La négociation peut porter (permanents et/ou salariés mis à disposition) sur les cas de recours au CDD (contrat d’usage, par exemple), les clauses particulières du contrat de travail (formation, non-concurrence, exclusivité), sur le recours au temps partiel, le licenciement pour motif personnel, les accords de méthode (licenciement pour motif économique), l’essai etc. - Conditions de travail La négociation peut également porter sur les conditions de travail comme la durée du travail (annualisation, forfait-jours, heures supplémentaires), les congés etc… - Garanties sociales Les négociateurs peuvent aussi prévoir un accord ne portant que sur la prévoyance, la retraite, la mise en place d’un FAF-GE. - Statut collectif La négociation peut enfin porter sur le statut collectif, c’est-à-dire le droit syndical, la protection des représentants du personnel, les heures de délégation, la mise en place et le fonctionnement des institutions représentatives du personnel. Eléments de synthèse des échanges : Ouvrir des négociations autour des GE à quelque niveau que ce soit pourrait ne porter que sur un thème précis, du type GPEC territoriale et transfert de compétences, ou les cas de recours au CDD. Il n’est pas nécessaire ou indispensable d’engager des négociations sur tous les sujets. Quouqu’il en soit, le fait d’engager une négociation, peu important le niveau et le thème, constituerait un signal fort et limiterait donc le risque de récupération éventuelle par l’intérim. 7 2/ A quel niveau négocier et par où commencer ? Au niveau des groupements d’employeurs eux-mêmes ? L’article L. 1253-11 du Code du travail prévoit que les organisations professionnelles représentant les groupements d'employeurs et les organisations syndicales de salariés représentatives peuvent conclure des accords collectifs de travail semblant ainsi ne légaliser que les accords de branche. On peut toutefois penser que des accords d’entreprise sont autorisés, et peuvent être négociés selon les règles du droit commun des accords d’entreprise que le Code du travail n’exclut pas. Il est beaucoup plus aisé de les mettre en place que les accords de branche. Côté entreprise une organisation d’employeurs n’a pas intervenir puisque l’employeur négocie lui-même. Côté salarié toute organisation syndicale représentative dans l’entreprise selon les règles de droit commun issues de la loi du 20 août 2008 peut négocier. Il faut toutefois veiller à ce que le contenu de la négociation soit articulé avec la convention collective du champ du GE ou de la convention choisie par lui. Rappelons que « Les salariés du groupement bénéficient de la convention collective dans le champ d'application de laquelle le groupement a été constitué » (C. trav., art. L. 1253-10) et que pour les groupements multisectoriels « Des personnes n'entrant pas dans le champ d'application de la même convention collective peuvent constituer un groupement d'employeurs à condition de déterminer la convention collective applicable à ce groupement » (C. trav., art. L. 1253-17). Au niveau de la branche Au niveau de la branche nous avons vu que le Code du travail avait prévu puis facilité (loi du 28 juillet 2011) la conclusion d’accords de branche des groupements d’employeurs. Mais l’article L. 1253-11 du Code du travail précise bien que c’est « Sans préjudice des conventions de branche ou des accords professionnels applicables aux groupements d'employeurs » que les organisations professionnelles représentant les groupements d'employeurs et les organisations syndicales de salariés représentatives pouvaient conclure des accords collectifs de travail. Ceci signifie : - d’une part qu’il faut articuler cette négociation avec les conventions, notamment de branche, qui sont applicables aux groupements d’employeurs ; - et d’autre part qu’il faut articuler cette négociation avec les dispositions de d’accords ou de convention qui prévoiraient des dispositions spécifiques applicables aux salariés de groupements d’employeurs mis à disposition. Il y a là une difficulté technique importante même si en pratique peu de conventions prévoient de telles dispositions. 8 Au niveau territorial Plutôt qu’une convention de branche nationale il peut être opportun de négocier une convention régionale. Faute d’organisation patronale de branche représentative l’accord pourrait être signé par une organisation patronale représentative déjà existante. Les CRGE pourraient jouer un rôle d’appui technique dans la négociation. Eléments de synthèse des échanges : Plusieurs niveaux de négociation possibles : -au niveau des GE -au niveau régional -au niveau national Au niveau régional, il pourrait s’agir d’œuvrer en faveur de l’intégration des GE dans les branches professionnelles « régionales », à savoir la métallurgie, le BTP, l’agriculture, le sport… La négociation relative aux GE pourrait porter sur un thème précis, au moins dans un premier temps, par exemple « GPEC et formation professionnelle ». 3/ Branche : comment la mettre en place ? Négocier signifie trouver des négociateurs La mise en place d’un accord ou d’une convention nationale de branche propre aux groupements d’employeurs nécessite en premier lieu de trouver des négociateurs. Coté salariés il ne peut s’agir que de syndicats représentatifs au niveau de la branche (attention aux règles de la loi du 20 août 2008). Il faut ensuite trouver la majorité d’engagement et éviter l’exercice du droit d’opposition majoritaire. Un travail pédagogique est à faire auprès de ces organisations syndicales qui se méfient de toutes les formes de mise à disposition car elles les assimilent à de l’extériorisation de l’emploi similaires à l’intérim. Côté patronale il faut trouver une ou plusieurs organisations représentatives. L’idéal serait bien sûr d’avoir une organisation propre aux groupements d’employeurs et une organisation qui rassemble l’ensemble des groupements. Or les groupements sont encore loin de se reconnaître dans une telle organisation. 9 Négocier nécessite des moyens (financiers !) pour faire vivre et fonctionner la branche La branche professionnelle ne sert pas seulement de cadre de négociation à une convention de branche. Elle anime, coordonne ou s’articule à des institutions gérées paritairement (les observatoires de branche, la formation professionnelle, les certificats professionnels etc.). Les structures qui la font fonctionner (ne serait-ce qu’une organisation patronale spécifique) doivent être financées. Il faut donc prélever une cotisation sur les groupements d’employeurs, assise par exemple sur le chiffre d’affaires ou sur le montant des facturations des mises à disposition. Il faut donc que les groupements d’employeurs prennent suffisamment bien conscience des avantages à constituer puis à adhérer à un groupement patronal pour verser volontairement une cotisation qui ne sera jamais négligeable. Négocier suscite des tensions Toute négociation de branche suscite des tensions car le résultat de la négociation au niveau de la branche est le fruit d’un compromis non seulement entre les négociateurs de branche mais aussi indirectement avec les entreprises (groupements d’employeurs) qui la composent. Les tensions se constatent toujours entre la volonté d’homogénéiser les statuts au niveau de la branche et la volonté de décentraliser certains sujets au niveau des entreprises pour leur laisser des marges de manœuvre qu’impose leur grande diversité. Il faut donc trouver un équilibre qui sera sans doute différent d’un sujet de négociation à l’autre. D’où pour commencer, la nécessité de verser dans la négociation un objet qui fasse lui-même consensus. Faut-il commencer « petit » (un accord) ou bien imaginer un statut complet (une convention complète) ? Comme évoqué plus haut il peut être opportun de négocier un accord plutôt qu’une convention. Et il peut être également opportun de négocier sur un sujet très étroit qui fasse consensus et n’intéresse que les salariés permanents pas exemple. Nécessité de faire étendre la convention collective pour obtenir une CCN ? L’idéal est bien sûr que la convention ou l’accord de branche puisse être étendu. D’autres difficultés techniques se posent. Le Code du travail prévoit des conditions de fond et de forme très rigoureuses pour qu’un tel accord puisse faire l’objet d’un arrêté d’extension. Il faut y penser dès le stade de la négociation. 10 Eléments de synthèse des échanges : Qui négocie ? Côte salariés, les syndicats de salariés interprofessionnels représentatifs (attention les règles vont changer fin 2012) Côté employeurs : quid ? Modalités de négociation Dans le cadre d’une négociation régionale, il faudrait commencer par réunir tous les GE et demander qui veut participer aux négociations. On pourrait aussi réunir tous les partenaires sociaux de la région et engager un échange. La phase de négociation aurait lieu. Il faudrait ensuite gérer l’aval de la négociation, à a savoir faire vivre les éléments négociés (les accords). Modalités d’application d’une convention collective des GE Si l’UGEF devenait syndicat d’employeur et négociait une convention collective des GE, celle-ci serait d’abord applicable aux membres de l’UGEF. Ensuite, elle pourrait être étendue. Une convention collective étendue est une convention collective qui a force de loi et s'impose donc à toutes entreprises du secteur. Cela nécessite un arrêté d'extension, pris par le ministère du travail, après consultation des fédérations d'employeurs, qui parait au journal officiel de la République française. Ce principe est fixé par la loi qui organise les Accords collectifs en France. Lorsqu’une convention collective est étendue, son application est obligatoire dans toutes les entreprises et tous les organismes entrant dans son champ d’application. Ses dispositions Accords collectifs en France s’appliquent sans qu’il soit nécessaire que l’employeur adhère à la convention ou à un fédération patronale signataire de cette convention. La mention de la convention collective dans le contrat de travail et sur le bulletin de paye est alors obligatoire. Au contraire, une convention collective qui n'est pas étendue ne s'impose qu'aux seuls employeurs adhérents aux organisations patronales signataires. Une commission nationale de la négociation collective, formée par les ministres chargés de l’Emploi, de l’Agriculture et de l’Économie ainsi que par des représentants des syndicats nationaux a pour mission de donner un avis sur les arrêtés d’extension des conventions collectives. Alternatives à la négociation propre aux GE ? L’une des alternatives au moins à court terme à la négociation serait la valorisation au niveau national du bilan social des GE. 11 Deux orientations sont possibles : négocier des accords spécifiques aux GE ou intégrer les GE dans les accords de branches en prévoyant des règles spécifiques aux GE. Dans la mesure où il n’y a pas de représentants patronaux des GE, on pourrait s’orienter vers la signature d’un accord atypique au niveau des GE, au niveau régional ou au niveau national. L’accord atypique est un accord conclu entre l’employeur et les délégués du personnel ou les salariés sans respect des règles applicables à la négociation collective. Il se distingue de l’accord collectif (conclu dans le cadre de la négociation collective) et des usages (réglementés par le Code du travail). Les accords atypiques ne sont pas définis par le Code du travail mais ont été reconnus par la jurisprudence. L’accord atypique peut résulter de discussions informelles entre l’employeur et le CE, d’un procès-verbal de réunion du CE, ou encore d’un protocole d’accord de fin de conflit. Il est bien évident qu’un véritable accord signé par des syndicats représentatifs doit être prioritairement recherché. Conclusion des animateurs : Pour Jean-Paul JACQUIER, il faut agir en constituant au moins une structure patronale des GE et en engageant une négociation en priorité au niveau régional. Pour Jean-Yves KERBOURC'H, il ne faut pas rejeter l’idée de négocier, par principe. Il faut éviter à tout prix le repli sur soi. Il est important de se faire entendre, et d’être représenté pour pouvoir discuter. Conclusion du Président du CRGE, France Joubert : La question de la convention collective des GE pose celle du développement des GE et du développement du CRGE ainsi que celle de la représentation régionale et nationale des GE et des CRGE. Les apports et le débat ont bien montré les voies possibles : - La voie de la convention collective unique pour laquelle il faudrait formaliser une représentation patronale et syndicale, réunir les différentes fédérations, trouver les financements. Il faudrait se déclarer comme branche. Les positions des partenaires sociaux nationaux pèseraient fort dans le débat… en particulier s’il y a des normes à définir. L’unification serait indispensable. 12 - La voie de la contractualisation qui porterait sur des thématiques pour lesquelles les groupements d’employeurs ont prouvé leur opérationnalité : gestion prévisionnelle des emplois sur le territoire, accompagnement de la formation tout au long de la vie, gestion des ressources humaines, … - Il faut dans tous les cas éviter le dogmatisme et l’isolement ; une première rencontre régionale des partenaires sociaux (en Poitou-Charentes et/ou en Languedoc-Roussillon, par exemple), concluant un accord de développement des GE ou sur un thème précis, pourrait attester d’une première reconnaissance et rendre visible les acteurs. Le fait de signer quelque chose ensemble, un accord atypique, par exemple, n’aurait pas de valeur au sens du droit, mais constituerait une preuve qu’une démarche existe, ce qui laisserait moins de place à une récupération par l’intérim. Le débat sur le dialogue social au niveau national est en cours ; il est de plus en plus question de redéfinir la « démocratie sociale ». La dimension nationale des GE est à construire. C’est dans cette perspective que nous avons organisé le débat de l’AG. Le CRGE depuis le départ défend une conception, pas suffisamment écrite, d’une dynamique de contrat social dans laquelle nous n’opposons pas la loi et le contrat. Mais, comment maintenir la « tension » entre les deux ? Et comment cette « tension » peutelle être reconnue par les institutions, les politiques et le législateur ? Nous aurons à approfondir cette réflexion. - 13