Méthodes de projection à long terme de l`offre et de la

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méthodes de projection
à long terme
de l'offre et de la d e m a n d e
de main d'oeuvre qualifiée
par Harold Goldstein,
Assistant Commissioner,
Manpower and Employment Statistics,
Bureau of Labor Statistics,
United States Department of Labor,
et Sol Swerdloff,
Chief of the Division of Manpower
and Occupational Outlook,
Bureau of Labor Statistics,
United States Department of Labor
unesco
Achevé d'imprimer en 1967 dans les Ateliers
de l'Organisation des Nations Unies pour l'éducation, la science et la culture.
Place de Fontenoy, Paris'7e, France
ST/S/12
COM/SS.67.XVI.12F
© Unesco 1968
AVANT-PROPOS
L'intérêt croissant qui se manifeste dans le monde entier pour les méthodes
d'évaluation des besoins et de planification des ressources en personnel scientifique et technique a amené le Secrétariat de l'Unesco à encourager des auteurs
qualifiés à écrire sur cette question, telle qu'elle se présente dans différentes
régions du monde, afin de donner aux lecteurs une idée de la diversité des points
de vue adoptés. En effet, si ce problème est dans une large mesure universel,
les méthodes employées pour le résoudre varient suivant les conceptions régionales et nationales.
La publication de ces écrits dans la collection "Rapports et études statistiques"
a commencé en 1960 avec "Besoins et ressources de dix pays d'Asie en personnel
scientifique et technique" (Unesco/ST/S/6). Le deuxième rapport de la série a
paru en 1964 sous le titre "Méthodes d'évaluation des besoins en spécialistes et de
planification de la formation spécialisée en URSS" (Unesco/ST/S/9).
Dans la présente étude les auteurs, qui sont tous deux attachés au Bureau des
statistiques de la main-d'oeuvre au Département de la main-d'oeuvre des EtatsUnis d'Amérique, expriment leurs opinions personnelles, et non pas nécessairement celles de l'organisme où ils travaillent.
De m ê m e , l'Unesco, en publiant cette étude, dégage toute responsabilité quant
aux points de vue adoptés par les auteurs, aux faits exposés et aux opinions exprimées au sujet de ces faits.
T A B L E DES MATIERES
Introduction
5
Projection des besoins
11
A . Etude des prévisions des employeurs
11
B . Extrapolation simple des tendances passées de l'emploi
12
C . Méthodes analytiques
12
1. Prévisions de la demande globale pour l'ensemble de l'économie . .
15
2. Prévisions de l'emploi global par branche d'activité ou par secteur
économique
17
3. Prévisions de l'emploi par profession
23
4. Projections des besoins de main-d'oeuvre par région et par zone . .
25
D . Synthèse de méthodes
27
Analyse de l'offre de main-d'oeuvre
31
A . Projections de l'offre de main-d'oeuvre dans certaines catégories
professionnelles
31
1. Offre existante
32
2. Entrées
33
3. Pertes de main-d'oeuvre
36
B . Projections de l'offre totale de main-d'oeuvre
38
1. Projections démographiques
38
2. Taux d'activité de la population
41
3. Effets comparés de l'accroissement démographique et des variations
du taux d'activité sur l'effectif de la main-d'oeuvre
45
4. Taux d'activité et possibilités d'emploi
5. Croissance relative de la population active d'un pays à l'autre
45
. .
46
Comparaison des projections de l'offre et de la demande
47
Bibliographie
49
I. INTRODUCTION
Pour différentes raisons, les projections relatives
aux besoins de personnel - surtout de personnel
scientifique, technique et spécialisé - suscitent
depuis vingt ans dans le monde entier un intérêt
croissant, qui se manifeste aussi bien dans les
pays hautement développés que dans ceux qui c o m mencent seulement à appliquer des programmes de
dé velopp em ent.
Dans les pays très évolués, cet intérêt a été
motivé en partie par l'obligation qui s'est imposée
aux gouvernements de procéder à des investissements dans le développement du système d'enseignement, obligation rendue dans certains cas particulièrement impérieuse par la vague de natalité
d'après-guerre. En m ê m e temps, la pénurie de
personnel scientifique et technique s'est aggravée
du fait que les besoins avaient augmenté dans des
proportions énormes en raison de la place croissante prise par la science et la technologie dans
l'industrie. D'autre part, l'importance de plus en
plus grande accordée, dans le domaine militaire,
au progrès scientifique a entraîné, plutôt que l'accumulation d'une vaste quantité d'armements sujets
à se démoder rapidement, une course fiévreuse au
développement des compétences technologiques.
Enfin, les efforts déployés dans chaque pays en
vue d'une planification, au moins partielle, du développement économique ont mis en évidence la
nécessité de s'intéresser aux besoins de maind'oeuvre et d'établir également des plans visant à
les satisfaire. Telles sont les raisons, plus ou
moins puissantes, qui ont conduit les divers pays
à se préoccuper davantage de leurs ressources en
personnel hautement qualifié et qui ont donné un
large retentissement à un problème qui n'intéressait autrefois que les universités et les services
administratifs de l'enseignement.
Quant aux pays en voie de développement, s'ils
s'intéressent aux projections relatives à la maind'oeuvre c'est parce qu'ils se rendent compte que
l'approvisionnement du marché du travail en personnel qualifié doit aller de pair avec l'introduction
de branches d'activité nouvelles ou de procédés industriels nouveaux, que les services médicaux et
les administrations publiques ont besoin désormais
d'un personnel d'une haute compétence professionnelle, et que pour faire progresser l'éducation,
éliminer ainsi l'analphabétisme et former des
citoyens aptes à jouer convenablement leur rôle
dans un monde complexe, il faut d'abord disposer
d'un nombre suffisant d'enseignants et d'administrateurs de l'enseignement.
Dans tous les pays, le rythme m ê m e du progrès
s'est accéléré et l'on veut aujourd'hui obtenir en
deux, trois ou dix ans des résultats que l'on aurait
autrefois attendu d'une lente évolution s'étendant
sur plusieurs générations, voire plusieurs siècles.
Mais des progrès aussi rapides nécessitent l'intervention des autorités centrales, la mise en oeuvre
de ressources importantes et la planification du
développement harmonieux des secteurs interdépendants, de telle sorte que le personnel spécialisé soit prêt dès que l'industrie, l'enseignement
ou les services de santé auront besoin de lui, et
que le corps enseignant auquel il appartiendra de
former ce personnel soit constitué bien avant le
moment où ce personnel deviendra lui-même nécessaire. Tels sont les facteurs qui rendent impérieux
l'établissement de projections de l'offre et de la
demande de main-d'oeuvre.
Les problèmes que pose l'établissement de
telles projections ne sont pas exactement les m ê m e s
dans les pays très évolués et dans les pays en voie
de développement. Dans les premiers, l'économie
et l'enseignement sont déjà fortement structurés
et offrent des bases solides à la croissance économique, laquelle n'entraîne d'ailleurs que de faibles
modifications quantitatives et relativement peu
d'innovations par rapport aux structures en place.
Les tendances de l'économie y font habituellement
l'objet d'évaluations pour lesquelles on a recours
à des procédés statistiques très perfectionnés et
qui peuvent servir debase aux analyses nécessaires.
En revanche, dans les pays en voie de développement, l'évolution économique souhaitée exige souvent l'abandon des structures traditionnelles et une
très considérable modification quantitative de la
situation existante ; en outre, les données statistiques relatives à cette situation sont peu abondantes ou font complètement défaut. Du point de
vue analytique, prévoir les besoins de maind'oeuvre dans un pays hautement développé revient
essentiellement à extrapoler à partir de la situation présente ou passée ; mais, dans un pays en
voie de développement, une telle prévision implique
plutôt l'instauration de structures entièrement
5
neuves pour l'élaboration desquelles on s'inspirera
jusqu'à un certain point de l'expérience des pays
étrangers.
Nous nous proposons de décire ici certaines des
méthodes applicables à la projection de l'offre et
de la demande de main-d'oeuvre dans une économie évoluée échappant en grande partie à la planification centralisée. Ces méthodes sont faites de
procédés dont certains peuvent également être utilisés pour des projections relatives aux secteurs
planifiés de l'économie ; mais, l'absence de planification centralisée exigeant l'emploi de techniques
spéciales pour certains grands secteurs, c'est
essentiellement sur ces techniques que se fixera
notre attention. Pour ce qui est des ressources en
main-d'oeuvre, notre méthode de projection repose
sur le principe de la "liberté de choix" de l'individu
vis-à-vis des études qu'il entreprend ou du métier
qu'il adopte.
Les données d'expérience sur lesquelles se
fonde cette monographie proviennent surtout des
Etats-Unis et aussi d'autres pays occidentaux fortement industrialisés.
E M P L O I D E S PROJECTIONS
RELATIVES A L A M A I N - D ' O E U V R E
Si les projections de l'offre et de la demande de
main-d'oeuvre suscitent depuis quelques années
un vif intérêt dans de nombreux pays, c'est parce
qu'elles peuvent aider à la solution de divers grands
problèmes auxquels les gouvernements ont à faire
face.
Les divers secteurs de l'emploi ne sont pas tous
affectés de la m ê m e manière par l'évolution et la
croissance économiques. Certains se développent
plus rapidement que l'économie prise dans son ensemble, tandis que d'autres périclitent. Ces modifications sont particulièrement rapides dans les
sociétés où l'évolution technologique est elle-même
rapide. Or, la formation d'un personnel technique
ou spécialisé demande beaucoup de temps ; et quand
l'évolution économique s'accélère, la société ne
peut plus compter voir l'offre s'ajuster à la demande par le seul jeu des mécanismes habituels
qui permettent par exemple d'assurer, grâce à la
différenciation des traitements et salaires, une
bonne répartition de la main-d'oeuvre entre les
divers secteurs. Lee travailleurs peuvent donc
faire défaut dans certains secteurs et être en excédent dans d'autres. Une telle situation peut avoir
des répercussions défavorables sur la production
et sur le secteur tertiaire. Elle devient grave à
partir du moment où elle risque de nuire à la
croissance économique elle-même ou d'entraver
l'application de grands programmes gouvernementaux concernant par exemple les recherches spatiales ou la santé. Parmi les professions qui
exigent des compétences techniques ou spécialisées,
certaines sont essentielles à la sécurité et au bienêtre de la nation ; aussi, est-il légitime que le
6
gouvernement ne les laisse pas manquer de travailleurs. S'il veut à cet égard se mettre à m ê m e
de répondre à l'évolution prévisible de la demande,
il a le choix entre deux méthodes : (1) il peut recourir à l'orientation professionnelle et prendre
des mesures pour attirer des candidats vers les
professions en question, tout en veillant à leur
donner des moyens de formation adéquats (places
dans les établissements d'enseignement, maîtres,
services et installations) ; (2) il peut aussi, dans
le cadre d'une politique générale de la maind'oeuvre, adopter des mesures qui influeront par
exemple sur l'utilisation des travailleurs de l'industrie ou - par des modifications apportées aux
traitements et salaires - sur l'attrait relatif des
différentes professions.
Tout en s'intéressant à la santé publique, à la
sécurité nationale et à la croissance économique,
les gouvernements ont à se préoccuper d'éviter le
chômage. Par suite d'un mauvais ajustement entre
l'offre et la demande, certains travailleurs qualifiés risquent de se trouver sans emploi, alors
m ê m e que l'industrie manquera de spécialistes
d'un autre genre. L'un des moyens par lesquels
un gouvernement peut favoriser le plein emploi
consiste donc à planifier la formation du personnel
qualifié de telle sorte que l'offre soit constamment
adaptée à la demande. Dans la mesure où peuvent
être prévues les répercussions que l'automation
et divers autres phénomènes économiques auront
sur les besoins de main-d'oeuvre, les projections
relatives à ces besoins fournissent à tous ceux
qui s'occupent de la planification de l'enseignement
et de l'orientation professionnelle des "avertissements" qui devraient pouvoir faciliter l'ajustement
de l'offre à l'évolution de la demande.
Les gouvernements ont enfin à planifier l'éducation. Toute formation générale ou spécialisée
exige d'importants investissements, non seulement
de la part du gouvernement, mais aussi de la part
de ceux auxquels elle s'adresse. Les projections
des besoins de main-d'oeuvre permettent de prévoir en connaissance de cause les besoins à satisfaire en matière de formation. La nécessité de
tenir compte de l'évolution prévisible des besoins
de main-d'oeuvre pour l'établissement des programmes de formation est officiellement reconnue
dans la Loi sur l'enseignement professionnel adoptée en 1963 aux Etats-Unis. Pour remédier à un
certain décalage de l'enseignement en raison duquel trop de gens se trouvaient préparés à des professions dans lesquelles les débouchés étaient en
train de se raréfier, le Congrès a spécifié qu'il
faudrait, pour l'élaboration des programmes d'enseignement professionnel, tenir compte des renseignements disponibles sur les besoins de maind'oeuvre des divers secteurs professionnels.
EMPLOI DES PROJECTIONS RELATIVES A L A
MAIN-D'OEUVRE DANS LA PLANIFICATION D E
L'ENSEIGNEMENT ET DE LA FORMATION
E M P L O I DES PROJECTIONS R E L A T I V E S A L A
M A I N - D ' O E U V R E D A N S L'ORIENTATION
PROFESSIONNELLE
Dans un pays où beaucoup d'établissements d'enseignement supérieur appartiennent au secteur pri-
L'action menée pour donner aux individus des raisons de choisir certaines professions constitue
un élément important du processus d'ajustement
de l'offre et de la demande de main-d'oeuvre dans
une société démocratique. On comprendra aisément l'importance de l'orientation professionnelle
si l'on songe que plus de 30 % des personnes dont
se composera dans dix ans la population active
des Etats-Unis sont aujourd'hui à l'école.
Les projections de la demande de main-d'oeuvre
servent tout particulièrement à l'orientation professionnelle des écoliers. Ceux-ci doivent être informés de l'évolution probable de l'emploi dans
chaque profession afin de pouvoir choisir leur carrière sur la base de renseignements aussi complets
que possible concernant les futurs débouchés. A cet
égard, les projections n'ont pas besoin d'être quantitativement précises ; il suffit qu'elles donnent une
idée générale du rythme de développement de
chaque secteur professionnel et des débouchés
correspondants.
Une telle utilisation des projections de la demande
de main-d'oeuvre pose un dilemme. L'éthique
de l'orientation professionnelle veut en effet que
l'orienteur soit "au service de son client", autrement dit qu'il se préoccupe essentiellement des
intérêts de la personne à laquelle s'adressent ses
conseils. Mais comment cette attitude peut-elle
se concilier avec l'obligation de tenir compte des
besoins de la société en spécialistes de divers
types ? L'orienteur va-t-il diriger ceux qui lui
sont confiés vers les métiers pour lesquels on
manque le plus de personnel qualifié, et renoncer
ainsi à tenir d'abord compte de leurs propres
intérêts ?
Il s'agit en fait d'un faux dilemme. M ê m e s'il
disposait de données quantitatives sur le nombre
total de travailleurs qualifiés nécessaires dans
chaque profession, l'orienteur n'aurait aucun moyen
d'assurer une complète coïncidence entre ce nombre
et celui des élèves qui choisiront cette profession
ou le programme de formation qui y conduit. Il ne
pourrait donc pas, m ê m e s'il le voulait, fonder
ses avis sur des considérations relatives aux
besoins de main-d'oeuvre. En réalité, l'orientation se fait en fonction d'éléments particuliers à
chaque individu - aptitudes, goûts et possibilités la perception des besoins de main-d'oeuvre n'exerçant qu'une influence très générale sur l'orienteur
et sur l'orienté.
La société a d'ailleurs certains moyens d'agir sur
le nombre des travailleurs qui embrasseront telle
vé, il n'est pas facile d'obtenir d'eux qu'ils tiennent
compte, dans leurs plans individuels, des projections relatives aux besoins de main-d'oeuvre. C'est
aux institutions du secteur public qu'il incombe de
faire le nécessaire à cet égard ; elles doivent alors
disposer de projections portant sur les besoins de
main-d'oeuvre, les effectifs à former dans chaque
profession et les effectifs de diplômés qui sortiront des établissements privés pour décider de
l'expansion à donner aux divers secteurs de l'enseignement public.
Pour mieux comprendre la nature des projections et autres données analytiques à faire intervenir dans la planification des activités d'éducation
ou de formation, on peut se reporter à la documentation qui a servi en Suède à la planification de
l'enseignement supérieur'. Cette documentation
comprenait : (1) des estimations, par secteur professionnel, du nombre de diplômés de l'enseignement supérieur suédois que la population active
comprenait en 1960 et comprendrait en 1965, 197 0
et 1975 ; (2) des renseignements sur le nombre
exact d'inscriptions nouvelles reçues annuellement
dans les facultés et instituts, ainsi que des prévisions relatives à l'évolution de ce nombre ; (3) des
indications sur les variations du nombre des diplôm e s délivrés (à chaque niveau et dans chaque domaine d'études) ; (4) des indications sur l'évolution
des effectifs du corps enseignant (nombre de
maîtres professant dans les différentes facultés,
par année et par discipline) ; (5) des chiffres indiquant, pour chaque discipline, le nombre moyen
d'étudiants par professeur ; (6) des évaluations du
coût unitaire moyen de la formation supérieure
(par discipline).
Lorsqu'on planifie l'enseignement en fonction
des besoins de main-d'oeuvre, on peut se demander parfois si chaque établissement doit se borner
à former uniquement le personnel qui sera nécessaire dans sa propre zone géographique. En fait,
pour les cadres et la main-d'oeuvre technique, le
marché de l'emploi est un marché essentiellement
national, et les diplômés qui ont fait leurs études
dans telle ou telle région ne cherchent pas nécessairement à s'employer dans cette m ê m e région ;
il n'est donc pas souhaitable que les institutions
en cause planifient leur développement en fonction
des seuls besoins locaux ; il vaut mieux que les
efforts déployés en faveur de l'enseignement dans
les différentes parties du pays soient tous orientés
vers la satisfaction générale des besoin s de la
nation.
1.
Education Policy and Planning in Sweden.
A Swedish Contribution to the O E C D Programme
on Educational Investment and Planning (EIP).
Swedish Ministry of Education. Provisional
draft. January, 1964.
7
ou telle profession. Elle peut en effet influer sur
le nombre des personnes que pourront accueillir
les établissements de formation professionnelle.
Si les ressources sont très limitées, on aura tendance à ne prévoir dans ces établissements que le
nombre de places strictement nécessaire (compte
tenu des déperditions normales probables et autres
facteurs analogues). En général, cependant, on applique une politique plus libérale qui permet à la
concurrence de jouer entre les individus qui aspirent à une m ê m e profession. De toute façon, les
projections sont loin d'être assez précises pour
pouvoir servir de base à des limitations rigides.
T Y P E S D E PROJECTIONS NECESSAIRES
A U X FINS S U S M E N T I O N N E E S
Le caractère d'une projection dépend nécessairement de l'usage que l'on se propose d'en faire.
Nous examinerons ici certaines des conclusions à
tirer de cette remarque en ce qui concerne les
projections de la demande de main-d'oeuvre (concepts de base, distinction plus ou moins poussée
entre les divers emplois, durée de la période à
considérer).
1.
Notions de besoin et d'offre de main-d'oeuvre
applicables aux projections'
Pour la planification de l'éducation, il est généralement admis qu'il faut se fonder sur une estimation du nombre des travailleurs à former pour
chaque profession, autrement dit sur une "variable"
qui ne saurait être chiffrée que par projection de
la demande. La demande sera elle-même déterminée par deux séries de facteurs : d'une part, l'effectif net de la main-d'oeuvre supplémentaire requise entre l'année de base et une année future du
fait de la croissance et de l'évolution de l'économie ; d'autre part, la nécessité de combler les
vides qui résulteront des décès, des mises à la
retraite ou de la mobilité professionnelle nette.
L'effectif net de la main-d'oeuvre supplémentaire
requise devrait, semble-t-il, refléter à la fois les
fluctuations de la demande des biens et services
fournis par les membres de chaque profession, et
les variations de l'effectif du personnel nécessaire
pour produire une quantité déterminée de biens ou
de services. Mais accepter cette théorie, c'est
tenir pour acquis que le nombre des travailleurs à
former sera fixé en fonction de la demande.
Or, c'est là une façon par trop simpliste de poser le problème ; car la formation ne constitue pas,
en réalité, le seul moyen d'ajuster l'offre à la
demande. L'employeur jouit en pratique d'une certaine liberté de manoeuvre dans l'utilisation des
ressources - notamment des diverses catégories
de personnel - dont il dispose. Il peut mécaniser
ou modifier certains procédés. Il peut aussi décider de se contenter pour certains travaux d'un personnel semi-qualifié : par exemple, remédier à la
8
rareté des ingénieurs en faisant appel à un plus
grand nombre de techniciens, faire effectuer par
de simples aides soignantes des travaux qui devraient normalement incomber à des infirmières,
ou confier à de simples opérateurs de machines
aux compétences limitées des tâches qui seraient
plutôt du ressort d'un technicien familiarisé avec
tous les aspects de la mécanique.
Si donc il ressort d'une projection préliminaire faite sur la base du mode d'utilisation actuelle du
personnel - que la quantité de main-d'oeuvre à
former pour une profession déterminée dépasse
de beaucoup les moyens de formation existants,
les employeurs et le gouvernement ont le choix
entre plusieurs solutions. Ils peuvent, par exemple,
développer ces moyens de formation de façon à
ajuster l'offre à la demande. Mais il est possible
que cette solution ne soit pas la meilleure, et cela
pour plusieurs raisons : la formation envisagée
peut, par exemple, être trop coûteuse ; on risque
aussi, en attirant trop de sujets bien doués vers
une profession déterminée, de nuire à d'autres
professions importantes en les privant de la maind'oeuvre nécessaire ; plus simplement encore, la
profession en cause peut être inapte à attirer autant de gens qu'il serait souhaitable, en raison
d'un certain déséquilibre entre le niveau des salaires et les prix que sa clientèle est prête à payer
le bien ou le service produit. Ainsi qu'il a été indiqué plus haut, les employeurs peuvent, dans de
tels cas, recourir à d'autres solutions : mécanisation de la production ou remplacement de certaines catégories de personnel. La demande de
main-d'oeuvre baissera alors dans le secteur considéré, mais pourra augmenter dans d'autres.
Pour favoriser le choix de décisions aussi judicieuses que possible, il est bon de faire les projections en plusieurs étapes. On pourra, par
exemple, commencer par établir des projections
de la demande indépendamment de toute considération touchant l'offre, puis en faire d'autres pour
lesquelles on partira d'hypothèses de plus en plus
réalistes en ce qui concerne l'évolution de l'offre
et les modifications susceptibles d'être apportées
aux méthodes de production, à l'utilisation du personnel et à différentes autres variables.
Dans bien des cas - planification de l'enseignement général ou spécialisé, élaboration d'une politique de la main-d'oeuvre, évaluation des possibilités de réalisation de certains programmes
d'après le marché du travail, etc. - ce qui importe, c'est d'avoir un "modèle" qui énonce l'objectif social à atteindre (croissance économique
non entravée par la pénurie de main-d'oeuvre qualifiée par exemple) et qui spécifie quels sont les
1. Pour plus amples détails sur les problèmes relatifs aux concepts à faire intervenir dans les
projections, voir : Sol. Swerdloff, Manpower
Projections : Some Conceptual Problems and
Research Needs, Monthly Labor Review, Feb.
1966.
besoins demain-d'oeuvre à satisfairepour atteindre
cet objectif, ce qu'il en coûtera et quelles mesures
il faudra prendre pour former cette main-d'oeuvre;
ainsi, les responsables pourront-ils évaluer et comparer les coûts et les bénéfices, et prendre les décisions qui s'imposent.
Mais, dans le cas del'orientationprofessionnelle,
où il s'agit de faire prendre à chaque individu, au
sujet de sa future carrière, une décision qui n'aura pratiquement pas d'effet sur l'ensemble du système ou sur les choix des autres individus, ce qu'il
faut c'est pouvoir apprécier l'ampleur des débouchés qu'offriront les différentes professions, autrement dit prévoir l'évolution la plus probable de
l'offre et de la demande de main-d'oeuvre.
2. Définition des professions
Dans une économie fortement industrialisée, où la
division du travail a été poussée très loin, on peut
déceler un très grand nombre de professions différentes. Aux Etats-Unis, par exemple, le "Dictionary of Occupational Titles" (dictionnaire des m é tiers), publié par le US Employment Service, définit plus de 20. 000 professions distinctes. A propos
des méthodes applicables à l'établissement de prévisions relatives à la main-d'oeuvre, on est amené
à se poser les questions suivantes : faut-il faire
des projections pour toutes les professions ou seulement pour certaines d'entre elles ? Jusqu'à quel
point convient-il de pousser la distinction entre
les différentes professions ? Si l'on se reporte à
un système de classification des professions, à
quel degré de subdivision faut-il s'arrêter dans
l'établissement des projections ?
Il faut, pour pouvoir répondre à ces questions,
commencer par se demander à quoi serviront les
projections envisagées. Si leur but est de faciliter
l'élaboration de programmes d'enseignement et de
formation pour des métiers qui exigent un long apprentissage, le premier point à régler est le suivant : pour combien de personnes chaque type de
formation doit-il être assuré ? En effet, les projections sont superflues pour les professions -qui
n'exigent qu'un très court apprentissage. Il suffit
dans ce cas de prévoir les besoins pour de grandes
catégories telles que "manoeuvres" ou "ouvriers
à la production rapidement formés sur place". En
revanche, les projections sont très nécessaires
dans le cas des professions ou groupes de professions qui exigent un type de formation bien déterminé. Elles seront d'autant plus détaillées que la
formation sera plus spécialisée. Si l'on admet par
exemple que les futurs médecins et ingénieurs reçoivent le m ê m e enseignement jusqu'à l'âge de 18
ans, puis suivent pendant 4 à 8 ans des filières
distinctes, il faut faire des projections séparées
pour les deux professions, au moins pour ces 4 à
8 années, et des projections à plus long terme concernant l'enseignement primaire et l'enseignement
secondaire général qui leur sont communs. Si,
d'autre part, les études sont les mêmes pour tous
les médecins, et que la spécialisation s'apprenne
par la pratique, il n'est pas nécessaire d'établir
de projections distinctes pour chaque spécialité :
pédiatrie, chirurgie, psychiatrie, etc.
Les projections des besoins de main-d'oeuvre
peuvent aussi être utilisées par les services
d'orientation professionnelle. Dans la mesure où
ces services ont à aider les jeunes à choisir entre
des études menant à des professions diverses, tous
les principes qui viennent d'être exposés demeurent
valables.
On est conduit, si l'on veut appliquer ces principes, à établir des projections à long terme pour
chacune des professions qui, en raison du degré
de compétence et de spécialisation requis, exigent
une longue formation. Dans les autres cas, on se
contente habituellement de projections intéressant
tout un groupe de métiers connexes et l'on fait des
projections à court terme pour mettre au point des
programmes de formation menant à des professions
dans lesquelles des débouchés s'offriront, le m o ment venu, à ceux qui les auront suivis.
A la question de la distinction plus ou moins
poussée entre les différentes professions est liée
celle du parti à tirer des projections pour apprécier les besoins d'éducation et de formation à satisfaire aux divers niveaux. Quand on entreprend
de planifier l'éducation, c o m m e cela a été fait
dans le cadre du Projet régional méditerranéen
de l ' O C D E 1 , il faut essayer de déterminer, en
fonction des besoins de main-d'oeuvre, les effectifs à prévoir pour les divers degrés d'enseignement (primaire, secondaire, supérieur), ou les
divers types de formation à offrir aux élèves de
m ê m e âge (la préférence pouvant, par exemple,
être donnée par les élèves du secondaire à un enseignement préprofessionnel plutôt qu'à un enseignement préparant aux études supérieures, ou
vice versa). On s'est efforcé d'obtenir des divers
secteurs de l'emploi des renseignements portant,
non seulement sur les besoins prévisibles de personnel dans chaque profession, mais aussi sur la
répartition de ce personnel par niveau d'instruction.
L'un des moyens de résoudre le problème consisterait à déterminer le niveau d'instruction requis pour chaque profession. Dans la mesure où
l'on sait que pour accéder à telle profession il faut
avoir fait telles études et pouvoir justifier de telles
connaissances générales 'et spécialisées ou de telle
formation pratique, il est relativement facile d'évaluer, d'après les prévisions des besoins de maind'oeuvre, le nombre des personnes auxquelles devrait être donné le moyen de pousser leurs études
jusqu'à tel ou tel niveau ou de bénéficier de tel ou
1. Voir : P a m e s , H . S. , Besoins scolaires et développement économique et social, Projet régional méditerranéen, O C D E , Paris, 1962.
9
tel type de formation'.
Mais il y a souvent
plusieurs moyens de se préparer à une m ê m e profession ; les gens qui accèdent à cette profession
le font alors par des filières diverses, et les proportions selon lesquelles se combinent chez eux la
culture générale, l'instruction préprofessionnelle,
la formation pratique et l'expérience sont très variables. Si l'on pouvait définir, pour chaque profession, une méthode "optimale" de formation et
rendre son application obligatoire dans tous les
cas, la planification de l'enseignement en fonction
des besoins de main-d'oeuvre ne poserait plus de
problème. Dans l'intérêt de la collectivité, mieux
vaut peut-être cependant (sauf dans les secteurs
de la santé publique et de la sécurité) éviter d'exiger pour chaque emploi un type déterminé de formation et appliquer, dans la mesure du possible,
le principe de la "carrière ouverte à tous les talents", afin de ménager le m a x i m u m de liberté
individuelle et le m a x i m u m de souplesse dans la
vie économique. Mais, à partir du m o m e n t où l'on
peut, pour accéder à certaines professions, choisir entre plusieurs voies, il faut tenir compte,
dans les prévisions de l'emploi, du n o m b r e des
travailleurs qui en profiteront pour entrer dans
ces professions sans être passés par la filière
normale ou sans avoir reçu la formation "optimale".
Cela dépendra d'ailleurs beaucoup de l'empressement que mettront les employeurs à faire appel
aux services de tels travailleurs (empressement
qui dépendra lui-même de la situation du marché
du travail) et de l'aisance avec laquelle les intéressés réussiront, sans formation spéciale, à
acquérir les compétences nécessaires (aisance
qui pourra être conditionnée par la qualité et le
niveau de leur instruction générale, ainsi que par
l'efficacité des méthodes de recyclage ou de formation en cours d'emploi.
3.
Période sur laquelle doit porter la projection
Ainsi qu'il a déjà été indiqué, l'usage auquel est
destinée une projection influe également sur la
durée de la période pour laquelle elle est établie.
Il s'agit de savoir si l'on entend faire des prévisions pour les deux, cinq, dix ou vingt années à
10
venir. Tout se ramène à la question suivante :
"Combien de temps faut-il pour former le type de
personnel auquel on songe et pour mettre au point
les programmes et créer les services de f o r m a tion nécessaires ?". A supposer que l'on veuille,
par exemple, déterminer les dimensions à donner
à une future école d'ingénieurs il est évident que,
s'il faut quatre ans pour former un ingénieur et
trois ans pour construire cette école, toute projection portant sur une période inférieure à sept
ans serait inadéquate ; et s'il s'agit de planifier
tout le système d'enseignement d'un pays (écoles
primaires comprises) en fonction des futurs b e soins de main-d'oeuvre très qualifiée, la projection devra porter sur une période beaucoup plus
longue encore.
Il convient cependant de noter que les prévisions
ont tendance à devenir d'autant moins exactes
qu'elles se rapportent à un avenir plus lointain.
Leur degré d'exactitude dépendra du rythme de
l'évolution économique, de la stabilisation des
taux de croissance, et de l'expérience plus ou
moins grande sur laquelle sont fondées les statistiques et autres données de base utilisées.
Il est difficile d'énoncer une règle générale qui
permette de concilier ces considérations contradictoires. E n tout cas, il importe que les projections ne soient pas établies pour une seule année,
mais pour plusieurs (séparées par exemple par
des intervalles de cinq ans) ; et il importe aussi
d'indiquer d'emblée le degré probable d'erreur
qu'elles comportent à mesure qu'elles se rapportent à un avenir plus lointain. Il convient également de les réexaminer fréquemment et, au b e soin, de les réviser.
1. La détermination des niveaux et types d'instruction requis pour les différentes professions
a fait, en Suède, l'objet d'une étude méthodique.
Voir : "Les prévisions à long terme de l ' e m ploi : quelques aspects de l'organisation et des
méthodes en vigueur en Suède", rapport établi
par Sten-Olof Döös et présenté à la Session
d'études internationale de l ' O C D E sur les techniques de prévision de l'emploi. In : Prévisions
de l'emploi, O C D E , 196 2.
II.
P R O J E C T I O N D E S BESOINS
Trois méthodes générales ont été appliquées à diverses époques et dans divers pays pour évaluer
les besoins futurs de main-d'oeuvre qualifiée et
spécialisée. L'une d'elles consiste à faire des
enquêtes auprès des employeurs, en leur demandant de préciser combien de travailleurs ils pensent
devoir employer dans chaque spécialité à telle ou
telle date. La seconde consiste à établir des projections quantitatives par simple extrapolation à
partir d'une tendance qui se dégage de l'expérience
passée. La troisième consiste à analyser les facteurs économiques et autres qui influent sur l'emploi dans chaque profession et à estimer l'effet futur de chaque facteur de façon à obtenir une évaluation quantitative des besoins futurs pour la profession considérée.
A.
E T U D E D E S PREVISIONS
DES E M P L O Y E U R S
Les enquêtes faites auprès des employeurs ont été
utilisées dans un certain nombre de pays, et notamment, à diverses époques, au Royaume-Uni,
aux Etats-Unis d'Amérique, dans la République
fédérale d'Allemagne et en Suède1. Ces enquêtes
peuvent porter sur un seul secteur, sur toutes les
branches d'activité qui emploient des travailleurs
d'une m ê m e profession (tels les ingénieurs), ou
sur toutes les branches d'activité d'une communauté si l'on veut prévoir les besoins de main-d'oeuvre
pour toutes les professions. Les questionnaires demandent généralement le chiffre global des personnes que l'établissement emploie dans chacune
des professions pour lesquelles on désire faire des
prévisions, ainsi que les besoins correspondants
prévus pour des périodes déterminées allant de
deux ans à cinq ans ou plus. En outre, les e m ployeurs sont parfois priés de préciser combien
de remplacements il faudra assurer, en évaluant
les pertes dues aux décès, aux mises à la retraite
ou aux départs de membres du personnel.
Les réponses peuvent être recueillies par correspondance ou grâce à des entrevues, ou par une
combinaison de ces méthodes : une enquête initiale
par correspondance suivie d'entrevues dans les
établissements qui n'ont pas répondu aux questionnaires. Il est également souhaitable que les
enquêteurs aient des entrevues avec la direction
de certains établissements qui ont répondu par
correspondance, afin de déceler quelles considérations motivent les prévisions des employeurs,
et d'évaluer le soin apporté à l'établissement de
ces prévisions et la mesure dans laquelle les questions posées ont été comprises.
On résume alors les résultats et l'on évalue
l'effectif global de la main-d'oeuvre employée à
la date de l'enquête et les besoins future pour
chaque profession. Cette phase d'évaluation est
nécessaire quand la liste originale des employeurs
est un échantillon de tous les employeurs de l'Univers statistique à considérer. Il faut également
tenir compte du fait que certains employeurs ne
répondent pas au questionnaire ou ne font pas de
prévisions ; en règle générale, on affecte aux établissements qui ne répondent pas le taux d'accroissement des besoins de ceux qui ont répondu.
Les enquêtes auprès des employeurs présentent
certains avantages. Elles sont relativement faciles
à mener et à utiliser pour prévoir rapidement les
besoins dans un grand nombre de professions. En
principe, elles font appel à la connaissance concrète et personnelle que chaque employeur a de la
situation. Elles tiennent compte, pour chaque entreprise, des plans d'extension ou de transformation des activités, de mise en oeuvre de nouveaux
procédés ou d'abandon de méthodes anciennes.
Elles offrent aussi l'avantage - et ce n'est pas le
moindre - de répartir la responsabilité de la
1. Etats-Unis, Department of Labor, Bureau of
Employment Security, "Handbook on Employment Security Job Market Research Methods Area Skill Survey", Bulletin E-252, novembre
1965.
Royaume-Uni, Office of the Lord President of
the Council, Ministry of Labour and National
Service, "Scientific and Engineering Manpower
in Great Britain", 1956.
République fédérale d'Allemagne, Bayerischen
Staatministerium für Unterricht und Kultus,
"Erhebung über den Bestand an Ingenieuren und
den Bedarf an technischen Nachwuchs in der
Bundesrepublik", 8-16 février 1957.
Suède, Sveriges Industriforbunds Tekniker- ~
kommittee, "ingenjursbehovet j Sverige", 1957.
11
prévision des besoins futurs entre les employeurs
qui répondent aux enquêtes, ne laissant ainsi à
l'organisme qui les publie que le soin de rendre
compte des renseignements qui lui ont été fournis.
Cette méthode présente en revanche certains
inconvénients. Rares sont les entreprises qui consacrent du temps à l'établissement de projections
à long terme de leur activité ou de leurs besoins
de main-d'oeuvre ¡aussi, la plupart des employeurs
ont-ils tendance à donner sans mûre réflexion des
réponses hypothétiques quand on leur demande de
préciser le nombre de travailleurs dont ils auront
besoin au cours des années à venir. Quand bien
m ê m e les chiffres avancés par tousles employeurs
se révéleraient exacts, il n'existerait toujours aucun moyen d'obtenir des données sur les entreprises qui n'existent pas encore mais seront créées
à l'avenir. Aussi, la synthèse des réponses des
employeurs fournit-elle souvent des projections
des besoins de main-d'oeuvre qui semblent assez
fantaisistes. En outre, si les enquêtes de ce genre
portent sur un vaste échantillon d'entreprises et
entraînent des activités complémentaires étendues,
elles sont d'un coût relativement élevé.
Certains pays (la Suède, par exemple) ont a m é lioré cette technique en demandant aux employeurs
de fournir des prévisions relatives à la production
ou à l'activité de l'entreprise parallèlement aux
prévisions de l'emploi. De la sorte, il devient possible, d'une part, de comparer entre elles ces deux
catégories de prévisions fournies par le m ê m e
employeur et, d'autrepart, de comparer l'ensemble
des prévisions fournies par tous les employeurs
d'un m ê m e secteur avec une analyse indépendante
des tendances et perspectives de ce secteur en m a tière de production, ce qui aide à se faire une idée
de la justesse des prévisions de production associées aux prévisions d'emploi. Dans les pays où de
nombreux secteurs de l'économie sont planifiés y compris en France où l'on fait de la planification
"indicative" - on peut ainsi estimer la mesure dans
laquelle les projections relatives àlamain-d'oeuvre
sont conformes au plan économique. De m ê m e , la
justesse des prévisions de production peut se m e surer compte tenu de tous les facteurs qui pourraient entraver, par exemple, l'approvisionnement
en matières premières ou la vente. Une évaluation
indépendante de la demande globale de chaque produit permet ainsi de faire la part de l'optimisme
dont différents employeurs peuvent faire preuve
quand il s'agit de prévoir quelle proportion du m a r ché leur est assurée. Mais pour pouvoir utiliser
une évaluation indépendante de ce type, il faut
d'abord qu'elle existe ; aussi faut-il également
adopter une méthode analytique pour vérifier la
justesse des projections faites par les employeurs.
Dans le cadre de l'enquête menée au Royaume-Uni,
dont il a été question ci-dessus, les résultats d'une
évaluation analytique ont amené les autorités chargées de l'enquête à réduire considérablement les
prévisions globales des différents employeurs,
tout en conservant la répartition par profession
12
qu'ils avaient indiquée pour les besoins futurs de
personnel scientifique et technique.
Cette méthode a également d'autres effets positifs. En obligeant les employeurs à réfléchir à
leurs besoins futurs de main-d'oeuvre, elle stimule parfois la planification et la formation de
travailleurs qualifiés, et remplit ainsi un rôle
d'éducation, sinon un rôle statistique. Cet aspect
de la question sera décrit plus loin à propos des
projections par région.
B.
E X T R A P O L A T I O N SIMPLE D E S
T E N D A N C E S PASSEES D E L ' E M P L O I
La seconde méthode - projection dans l'avenir de
tendances quantitatives - ne se recommande guère
que par sa simplicité. Son fondement théorique, si
on veut lui en trouver un, est que la projection
dans l'avenir d'une tendance passée repose sur le
postulat que l'ensemble des facteurs qui ont déterminé l'emploi dans une spécialité donnée restera
le m ê m e .
Malheureusement, l'histoire économique abonde
en exemples de tendances inversées - de branches
d'activité et de professions dans lesquelles l'emploi a commencé par augmenter pour décliner ensuite. En outre, les problèmes de main-d'oeuvre
se posent surtout avec acuité dans les situations
nouvelles qui diffèrent de celles du passé. L'augmentation rapide de l'effectif du personnel scientifique et technique dans la plupart des pays, au
cours des dernières années, le prodigieux essor
des activités de recherche, les changements qu'entraîne un développement planifié et artificiellement
accéléré - tous ces facteurs ne correspondent plus
à ceux qui déterminaient précédemment l'expansion
à long terme. Dans certaines des disciplines scientifiques, par exemple, l'augmentation de l'emploi
a été si rapide ces derniers temps que certains
spécialistes qui étudient le problème ont été tentés
de l'exprimer par des fonctions exponentielles ;
or, les projections fondées sur ces fonctions indiquent que, dans le proche avenir, les h o m m e s
de science représenteraient une partie anormalement élevée de l'ensemble de la population économiquement active.
C.
M E T H O D E S ANALYTIQUES
La troisième méthode est beaucoup plus ardue ; il
s'agit d'analyser avec soin les facteurs qui influent
sur la demande de travailleurs dans chaque profession, d'évaleur leur action dans l'avenir et d'établir des projections fondées sur une appréciation
de leur influence combinée sur les besoins futurs.
Cette méthode exige de plus grandes ressources,
le rassemblement de données, le recrutement et
la formation d'analystes expérimentés et un long
travail. Elle ne donne pas de résultats rapides et
ne garantit pas non plus de résultats d'une
rigoureuse exactitude étant donné que l'appréciation humaine entre en jeu. Cette méthode a été
appliquée à des professions diverses aux EtatsUnis et dans d'autres pays, et les spécialistes ont
acquis, dans ce domaine, une expérience utile,
dont nous rendrons partiellement compte dans cet
exposé.
Le développement de chaque profession dépend
du jeu d'un ensemble de facteurs qui lui sont propres.
Le nombre d'enseignants requis, par exemple, est
fonction du nombre des élèves (que l'on peut luim ê m e prévoir d'après les taux de natalité et l'évolution probable de la proportion d'enfants scolarisés dans chaque groupe d'âge) et des tendances du
rapport enseignants-élèves, qui dépend des conditions et du financement de l'enseignement1.
Le
nombre requis de mécaniciens en automobile dépend de celui des véhicules en circulation (lequel
est lié à l'expansion démographique, aux revenus
des consommateurs et à l'activité commerciale),
de la fréquence des réparations, du coût relatif des
réparations et du remplacement des parties défectueuses, et de divers autres facteurs. Le nombre
de médecins requis peut être calculé d'après l'effectif de la population et son expansion probable,
compte tenu des changements qui peuvent intervenir dans l'organisation des services médicaux. (Si
l'on estime que le nombre de médecins par rapport
à la population de l'ensemble du pays est inférieur
aux normes souhaitables, on pourra utiliser un rapport plus élevé, correspondant, par exemple, à
celui de l'une des régions relativement bien dotées
en médecins, pour évaluer les besoins futurs du
pays). On voit donc qu'une étude approfondie des
facteurs qui influent sur l'emploi peut, pour un
grand nombre de professions, fournir la base nécessaire à l'évaluation directe des besoins futurs
en fonction de l'accroissement prévu de la
population.
Nous avons décrit jusqu'ici les méthodes d'analyse applicables à la prévision des besoins concernant une seule profession. Cette méthode est relativement simple, mais ne s'applique qu'à unnombre
limité de professions - celles pour lesquelles la
demande est directement liée à un facteur pouvant
faire l'objet de projections indépendantes, c o m m e
c'est le cas de l'expansion démographique. Pour la
plupart des autres professions, notamment celles
qui se retrouvent dans beaucoup de branches d'activité différentes (ingénieurs, mécaniciens et sténographes, par exemple), la prévision des besoins
doit comporter deux phases : premièrement, une
analyse des perspectives de la production et de
l'emploi dans chacun des grands secteurs qui font
appel à des travailleurs de la profession considérée ; deuxièmement, une analyse des tendances
qui caractérisent la profession dans chaque
secteur.
Il est préférable d'envisager les besoins futurs
dans chaque profession en fonction de l'expansion
de l'ensemble de l'économie et de ses divers secteurs, ainsi que de l'accroissement de la demande
relative à d'autres professions, que d'étudier
chaque profession indépendamment. Cette méthode
permet de replacer les professions dans le contexte
des rapports économiques qui déterminent la demande, et réduit les risques d'erreur inhérents à
l'établissement de projections dans un avenir incertain. C o m m e le dit Jean Fourastié "la prévision de l'emploi ne saurait se faire en dehors d'un
cadre plus vaste de prévision économique"2. Tout
pays soucieux de faire des prévisions d'emploi relatives à plus d'une profession aura intérêt à les
placer dans un tel cadre afin d'assurer la cohérence de l'ensemble des projections.
Pour prévoir le niveau d'activité des divers
secteurs, il faut commencer par déterminer la
nature de la demande portant sur les produits ou
les services du secteur considéré, et la place de
ce secteur dans le contexte global de l'expansion
économique. Il est évident qu'une industrie qui
fournit directement ses produits aux consommateurs ne répond pas au m ê m e type de demande que
celle qui produit des matières premières destinées
à entrer dans la fabrication d'autres produits. Nous
nous proposons d'illustrer à l'aide d'exemples pris
dans différents secteurs les types d'analyse utilisés pour prévoir les niveaux d'activité.
Lorsqu'il s'agit de prévoir la production d'acier,
il faut tenir compte des perspectives de l'accroissement démographique et de la tendance de la production d'acier par habitant. Les besoins globaux
d'acier dépendent des besoins prévus pour chacune
des principales industries consommatrices d'acier
- industrie automobile, métallurgie, appareils électriques, machines-outils, etc. En pratique, il faut
évaluer ce que sera la production de chacune de
ces industries pour pouvoir déterminer les besoins
globaux d'acier. Il faut aussi tenir compte de la
mesure dans laquelle d'autres matériaux, tels que
l'aluminium ou les matières plastiques, font concurrence à l'acier. Enfin, il convient d'évaluer la
balance des exportations et des importations.
Pour ce qui est de l'industrie automobile, il est
préférable, en raison de la nature m ê m e du m a r ché, de calculer séparément la production de voitures particulières et celle de camions, puisque
la demande de véhicules de chacune de ces catégories dépend de toute évidence de facteurs différents. En outre, il faut tenir compte de la production de pièces et d'accessoires de rechange vendus
aux garagistes, ou directement aux propriétaires
1. Maxime G . Stewart, " A new Look at Manpower
Needs in Teaching", Occupational Outlook Quarterly, Mai 1964, p. 10-16, US Department of
Labor, Bureau of Labor statistics.
2. Jean Fourastié, "La prévision de l'emploi en
France", in "Prévisions de l'emploi - rapport
d'une session d'études internationales sur les
techniques de prévisions de l'emploi", convoquée par l'Organisation de coopération et de
développement économiques, Bruxelles, juin
1962, O C D E , Paris.
13
de voitures particulières et de camions, étant donné qu'une partie importante de la main-d'oeuvre
employée par l'industrie automobile est affectée
à cette fabrication. Il faut donc commencer par
délimiter approximativement ces trois grandes
branches de l'industrie automobile, dont le marché
a dans chaque cas une structure particulière, et
par établir des projections pour chacune d'elles.
La demande de voitures particulières dépendra de
facteurs tels que le niveau de l'activité économique,
le niveau des revenus et leur répartition dans la
population, l'accroissement démographique et la
composition des familles, le déplacement vers les
banlieues et l'augmentation du nombre des personnes possédant plusieurs automobiles. La demande de camions dépend de l'augmentation des
besoins de transport des agriculteurs, des commerçants et des industriels, et de la concurrence
d'autres moyens de transport. Un autre élément
important pour ce qui est de la demande de véhicules automobiles en général est le nombre global
des voitures, camions ou autobus en circulation,
étant donné qu'un certain pourcentage de véhicules
nouveaux doit servir chaque année à remplacer
ceux qui vont à la ferraille. Dans un pays très développé, ce facteur est peut-être d'ailleurs celui
qui influence le plus profondément la production
globale. Au cours d'une période d'expansion économique, ou d'innovation dans la conception des
véhicules automobiles, le nombre des véhicules
mis à la ferraille augmente le plus souvent proportionnellement au nombre global de véhicules en
circulation. La vente de pièces et d'accessoires
de rechange est également influencée par le nombre
et l'âge des véhicules en circulation.
mécaniciens 2. Des facteurs analogues peuvent
avoir leur importance pour la détermination des
besoins de main-d'oeuvre dans d'autres branches
des transports.
Les méthodes analytiques applicables à la prévision du niveau d'activité d'un secteur économique
varieront selon qu'il s'agit d'un secteur "planifié"
ou "non planifié".
Dans chaque pays, l'activité de certains secteurs économiques est directement déterminée
par des décisions concertées du gouvernement ou
d'autres organismes centraux. Dans la mesure où
ces décisions sont prises pour de nombreuses années à venir, elles peuvent servir de base à la
prévision des besoins de main-d'oeuvre qu'elles
suscitent. La "planification indicative" qui se fait
en France illustre bien cette méthode. O n peut également en trouver un exemple aux Etats-Unis dans
le programme de construction d'autoroutes, qui
porte sur plusieurs années. En revanche, une
grande partie des dépenses gouvernementales n'est
planifiée, aux Etats-Unis, que surune base annuelle,
étant donné que ce sont les organes législatifs fédéraux ou des Etats qui votent les ouvertures de
crédits.
Une autre illustration - il s'agit cette fois du
secteur "des services" ou secteur "tertiaire" - est
fournie par la banque1. On a étudié le volume de
l'activité bancaire en fonction de la population et du
volume des affaires, ainsi que l'évolution des types de
services assurés par les banques, et l'on a élaboré
des projections d'après les tendances décelées.
Les conséquences de l'utilisation de calculatrices
électroniques pour les opérations bancaires ont été
examinées à la lumière de l'expérience acquise ; il
est apparu que certains groupes d'employés de bureau seulement sont touchés par cette innovation.
O n procéda ensuite à l'établissement de projections
de l'emploi dans les banques par profession, en
tenant compte du fait que le nombre des postes de
secrétariat augmente moins rapidement que celui
des autres.
Le montant des crédits affectés à la défense,
par exemple, est fonction de la situation internationale telle que l'interprètent l'administration et
le Congrès. La nature des dépenses prévues détermine dans quel secteur ou à quelle activité les
travailleurs seront employés. Si, par exemple, le
gouvernement décide de faire porter ses efforts
sur la production des missiles téléguidés plutôt
que sur la fabrication de tanks, le niveau d'activité
d'un grand nombre de secteurs s'en trouvera affecté. Pour la construction de missiles téléguidés,
une grande partie des dépenses est consacrée à la
fabrication d'éléments électroniques, ce qui suppose une expansion de l'industrie électronique. E n
revanche, si une plus grande partie des crédits
affectés à la défense était consacrée à la construction de tanks, on aurait besoin de plus d'acier et
de moins d'éléments électroniques, puisque ces
éléments occupent une place moindre dans la production de tanks. De m ê m e , si les crédits sont
essentiellement affectés à la recherche et à la
mise au point d'armes nouvelles, on ne fera pas
appel aux m ê m e s spécialistes qu'on le ferait pour
produire des armes déjà conçues. Le volume des
crédits et de l'activité consacrés à la construction
de routes dépend des besoins et de la demande de
nouvelles routes, ainsi que des ressources dont
Dans certaines branches d'activité, le facteur
déterminant pour les besoins de personnel est le
matériel ou les biens d'équipement utilisés. Ainsi,
dans l'industrie aéronautique, c'est le nombre et
les types d'appareils destinés à être mis en circulation qui déterminent l'effectif des pilotes, hôtesses et mécaniciens navigants employés par les
compagnies, et c'est le type de moteur dont les
avions sont équipés (moteurs à réaction ou moteurs
alternatifs) qui conditionne les besoins de
1. Rose Wiener, "Manpower Requirements in
Banking", Monthly Labor Review, septembre
1962, p. 989-995, (Bureau of Labor statistics,
US Department of Labor).
2. "Employment Requirements and Changing occupational structure in civil aviation", Bureau
of Labor statistics. U S Department of Labor,
Bulletin n° 1367, juin 1964. Washington : G o vernment Printing Office.
14
disposent les autorités locales et le gouvernement
des Etats.
Dans les secteurs non planifiés de l'économie,
la prévision des niveaux d'activité est fondée sur
le potentiel du marché compte tenu de facteurs tels
que les perspectives démographiques, le revenu et
les fluctuations des besoins des consommateurs,
le progrès technique, les inventions et la mise au
point de matériaux nouveaux. On peut alors traduire les niveaux de production ou d'activité pour
une période future en besoins généraux de maind'oeuvre en tenant compte des modifications éventuelles de la production horaire par personne (productivité) et de l'horaire de travail. Des prévisions
d'emploi pour un secteur, on peut évaluer les besoins de main-d'oeuvre pour chaque profession en
se fondant sur la structure professionnelle de ce
secteur, que l'on peut déterminer en étudiant son
évolution dans le passé et en analysant les modifications que le progrès technique peut lui faire
subir. (Les méthodes mises au point pour ventiler
par profession les prévisions d'emploi relatives à
un secteur sont examinées plus loin dans la présente section. )
Dans la plupart des professions, les besoins de
main-d'oeuvre dépendent beaucoup de la demande
qui existe pour les produits qu'elles fabriquent ou
les services qu'elles assurent, et cette demande
est elle-même fonction du caractère et du niveau
d'activité de l'économie tout entière - volume global et nature de la demande des consommateurs,
achats du gouvernement, débouchés pour l'exportation, concurrence créée par les importations et
besoins des entreprises m ê m e s en matériaux et
biens d'équipement. La demande de personnel dans
les diverses professions se rattache donc à la demande globale de biens et de services, et aux structures de la consommation et de l'investissement.
Pour évaluer les tendances à long terme des
besoins de main-d'oeuvre dans les diverses professions, le point de départ habituel sera donc la demande globale de biens et de services du système
économique ; cette demande pourra être ventilée
par grand produit ou service essentiel (classés par
secteur). Les évaluations de la production pourront alors être traduites en besoins de maind'oeuvre - globaux et par profession.
1.
Prévisions de la demande globale pour
l'ensemble de l'économie
C o m m e nous l'avons noté plus haut, pour apprécier
les tendances à long terme du marché de l'emploi et de
l'activité des divers secteurs qui composent l'économie d'un pays, on commence en général par établir
une projection de la totalité des besoins de cette
économie en biens et en services.
Une projection de la demande totale peut se concevoir de plusieurs façons. La politique et les objectifs économiques fondamentaux du pays peuvent
influer sur le choix de la méthode.
On peut, par exemple, partir de l'hypothèse
qu'un niveau de vie déterminé sera atteint. Ce niveau, si on l'exprime par la consommation par
habitant et si on le multiplie par l'effectif projeté
de la population, permet d'obtenir une estimation
de la demande totale. Il faut évaluer séparément
la demande de biens d'équipement si elle n'est pas
comprise dans les données de base relatives à la
consommation par habitant. Cette méthode convient à un pays dont l'objectif fondamental est de
maintenir ou d'améliorer le niveau de vie.
On peut aussi partir de l'hypothèse du maintien
d'un taux déterminé de croissance économique,
exprimé par le taux d'accroissement du produit
national brut réel (c'est-à-dire sans tenir compte
des fluctuations des prix). Cette méthode a gagné
du terrain depuis que les pays m e m b r e s de l ' O C D E
se sont fixé des objectifs communs de croissance
économique. Un taux de croissance de 50 % a été
proposé pour la décennie 1960-70.
Une troisième méthode, compatible avec une
politique économique axée principalement sur le
plein emploi, consiste à estimer le potentiel économique pour une année déterminée dans l'avenir
et à supposer que ce potentiel sera réalisé, c'està-dire que les ressources humaines et matérielles
du pays seront utilisées au m a x i m u m . C'est cette
méthode qui a été le plus couramment appliquée
aux Etats-Unis.
D'ordinaire, on commence par projeter le
chiffre total et la composition de la population. A
partir de cette projection démographique, on calcule quel sera l'effectif de la population économiquement active ou, selon la terminologie des EtatsUnis, de la main-d'oeuvre (labor force). Les m é thodes généralement employées pour établir les
projections relatives à la population et à la maind'oeuvre sont exposées plus loin dans la présente
monographie.
En raison de la manière dont la comptabilité
nationale est organisée dans certains pays - aux
Etats-Unis par exemple - les projections sont en
général établies pour la main-d'oeuvre civile (ensemble de la population active après déduction de
l'effectif des h o m m e s et des femmes servant dans
les forces armées). Il va sans dire qu'il est hasardeux de projeter l'effectif des forces armées dans
un avenir lointain car il dépend de facteurs imprévisibles et impondérables - la situation politique
internationale, l'évolution de la technologie militaire, etc. Les économistes auxquels se pose ce
problème supposent d'ordinaire que l'effectif des
forces armées demeurera sensiblement le m ê m e .
Cette supposition a au moins le mérite de rendre
possible l'établissement d'une projection économique qui peut être révisée si l'effectif des forces
armées vient à être modifié.
Lorsqu'on passe de la projection de la maind'oeuvre civile à celle du nombre des travailleurs
qui auront un emploi, il est nécessaire de faire
une hypothèse quant au niveau du chômage. C o m m e
cette méthode d'établissement de projections économiques générales a principalement pour objet de
15
fournir une estimation du potentiel économique
global du pays si toutes les ressources humaines
sont employées, le taux de chômage compatible
avec cette hypothèse doit être réduit au minimum
et représenter uniquement le chômage frictionnel.
Dans une économie dynamique où chaque individu
a la faculté de choisir librement un emploi, où de
nouvelles entreprises se créent tandis que d'autres
disparaissent, et où les travailleurs quittent un
emploi pour un autre, il y aura toujours à tout m o ment un certain nombre de personnes en chômage.
La proportion de chômeurs dépendra en partie des
définitions et des critères utilisés pour mesurer
le chômage, en partie de l'efficacité des bureaux
de placement publics et privés et du mode de recrutement des entreprises, et en partie de l'efficacité des mesures prises pour assurer le recyclage des chômeurs ou leur trouver un nouvel
emploi.
Aux Etats-Unis, par exemple, le nombre de
chômeurs en temps de paix représente en général
4 % environ de la main-d'oeuvre civile m ê m e dans
les périodes où la situation économique est jugée
bonne dans son ensemble. La plupart de ces chômeurs restent sans travail pendant des périodes
de courte durée - moins de quatre semaines le plus
souvent. Il y a néanmoins toujours des travailleurs
qui se trouvent en chômage pendant un temps beaucoup plus long. Parmi ces derniers, certains
vivent dans des villes frappées par une crise économique consécutive à l'épuisement d'une ressource
naturelle c o m m e le charbon ou le bois de construction, ou à la fermeture d'une grande usine; d'autres
sont des personnes atteintes d'infirmités physiques
ou autres qui les empêchent de trouver facilement
du travail. Les pouvoirs publics se sont efforcés
de résoudre ces problèmes par une "politique active
de l'emploi", notamment en prenant des mesures
pour former ou recycler les chômeurs, aider les
régions en proie à la stagnation, inciter les travailleurs à se rendre dans les régions qui offrent de
meilleures possibilités d'emploi, ou assurer la
réadaptation professionnelle des personnes infirmes ;
les résultats de ces efforts sont toutefois lents à
se faire sentir et il est raisonnable de supposer
qu'un certain chômage persistera encore longtemps
malgré les mesures prises pour l'enrayer. Le niveau minimum du chômage frictionnel aux EtatsUnis est nettement inférieur au taux de 4 % constaté à la fin du mois de juin 1966. Dans chaque pays,
les responsables des projections économiques à
long terme doivent supposer un taux de chômage
frictionnel minimum compatible avec l'hypothèse
générale de l'utilisation intégrale des ressources
humaines. Le taux de chômage supposé sera fonction de l'expérience passée et des moyens qui peuvent
être mis en oeuvre pour réduire le chômage.
En déduisant le nombre de chômeurs prévu de
l'effectif projeté de la main-d'oeuvre civile, on obtient l'effectif prévu des travailleurs employés.
Deux autres démarches sont encore nécessaires
pour obtenir à partir de là une projection de la
16
production globale de l'économie (produit national
brut).
Il faut tout d'abord estimer approximativement
les modifications qui peuvent intervenir dans le
nombre d'heures de travail par année (le produit
national brut étant d'ordinaire calculé sur une base
annuelle). L'étude séparée des principaux secteurs - agricole, public et industriel (entreprises
privées non agricoles) - permet de faire des hypothèses plus vraisemblables. Il faut tenir compte
des tendances concernant la durée du travail hebdomadaire, la durée des vacances et le nombre
de jours de congé, l'importance de l'emploi saisonnier ou intermittent, et le nombre de travailleurs employés à temps partiel. Aux Etats-Unis,
par exemple, les heures de travail ont été réduites
dans la plupart des secteurs au cours des cinquante
dernières années. La durée hebdomadaire du travail ayant été écourtée et celle des congés ayant
augmenté, la plupart des projections concernant
le nombre annuel d'heures de travail partent de
l'hypothèse que cette tendance se poursuivra dans
une certaine mesure.
Pour passer des prévisions de l'emploi dans
son ensemble à celles du produit national brut, il
faut en second lieu émettre une hypothèse quant à
l'évolution de la productivité de la main-d'oeuvre exprimée en fonction du rendement horaire par
personne. Cela oblige évidemment à prévoir le
rythme du progrès technique dans tous les secteurs de l'économie, ce qui nécessite une étude
approfondie des innovations possibles techniques
et autres qui influent sur la productivité dans
chaque secteur. Il faut également prévoir toute
une série d'autres facteurs ayant une incidence
sur le rendement moyen par personne, y compris
la possibilité d'un déplacement de la prépondérance
de la ma in-d'oeuvre des secteurs où la production
par personne est faible aux secteurs où elle est
forte. Ces deux aspects de la question sont normalement abordés à un stade ultérieur du travail de
projection économique, et pourtant il est indispensable de formuler tout d'abord une hypothèse initiale quant à l'évolution de la productivité. En général, on établit donc une première projection du
rendement horaire par personne pour l'ensemble
de la main-d'oeuvre civile à ce stade et l'on procède à l'analyse en attendant de pouvoir établir
ultérieurement des projections de la productivité
et de l'emploi pour chaque secteur. L'hypothèse
initiale relative à la productivité globale peut alors
être modifiée et on peut procéder à une seconde
approximation du modèle économique.
Lorsqu'on prévoit les modifications de la productivité globale, il faut tenir compte de l'augmentation de la production horaire par ouvrier, enregistrée pour l'ensemble de l'économie, et des hypothèses formulées quant à l'incidence de divers
facteurs susceptibles de modifier cette production
dans l'avenir. Les facteurs à examiner sont notamment les suivants : le taux des investissements
à prévoir lors de l'établissement des projections,
l'augmentation du nombre des ingénieurs et des
travailleurs scientifiques dans le pays, les importations de biens d'équipement de l'étranger, l'aide
économique, etc. Chaque fois que cela est possible,
il peut être souhaitable d'évaluer l'accroissement
de la productivité dans de larges secteurs de l'économie pris séparément. Ainsi, aux Etats-Unis, on
a fait des projections distinctes de l'accroissement
de la productivité pour le secteur agricole et pour
le reste du secteur privé.
Si l'on multiplie le nombre de civils employés
par le nombre estimé d'heures de travail annuel
de chacun, et que l'on multiplie ensuite ce résultat
par le chiffre projeté de la production horaire par
personne, on obtient une estimation du produit national brut. C o m m e nous l'avons noté plus haut, il
s'agit là d'une première approximation sujette à
révision. Si l'on adopte la méthode qui consiste à
prévoir séparément la productivité, le nombre
d'heures de travail et le nombre de travailleurs,
pour de grands secteurs c o m m e l'agriculture, le
secteur public et l'industrie privée, on peut alors
faire des estimations séparées du produit brut pour
chacun de ces secteurs.
Les calculs peuvent se résumer de la façon
suivante :
1. Effectif total de la main-d'oeuvre
2. Moins : forces armées =
3. Main-d'oeuvre civile
4. Moins : nombre de chômeurs =
5. Nombre de travailleurs civils employés
6. Multiplié par : nombre moyen d'heures de
travail annuel =
7. Nombre total d'heures-ouvrier
8. Multiplié par : valeur monétaire de la production horaire par personne =
9. Produit national brut.
Le niveau général de l'activité économique se trouve
ainsi établi et peut servir de cadre ou de point de
référence à l'étude de la situation de l'emploi dans
chaque secteur.
2. Prévisions de l'emploi global par branche
d'activité ou par secteur économique
Lorsqu'on analyse les facteurs qui ont une incidence
sur les besoins de main-d'oeuvre dans une branche
d'activité, une fois évaluée la totalité des besoins
pour l'ensemble de l'économie, il faut essayer d'apprécier chaque facteur, d'isoler ses effets de ceux
d'autres facteurs et de prévoir comment il opérera
dans l'avenir. Il convient ensuite de tenir compte
des effets combinés de tous ces facteurs pour évaluer la demande de main-d'oeuvre. Afin de bien
souligner la complexité du problème, nous dressons ci-après la liste de quelques-uns des facteurs
qui influent sur les besoins de main-d'oeuvre d'une
branche d'activité donnée, dans un contexte économique déterminé :
I. Evolution de la totalité de la production nationale de chaque produit ou service, qui
dépend :
A . De la quantité de chaque produit ou service
qui sera vendue sur le marché national ;
cette quantité est liée :
1. au revenu total dont disposent les consommateurs pour l'achat de biens de consommation, lequel dépend lui-même :
a. du revenu total des consommateurs
b. des taxes à la consommation
c. des taux d'épargne
2. à la répartition de ce revenu entre Tos
consommateurs - nombre de familles dans
chaque tranche de revenu (secteur rural et
secteur urbain)
3. à la structure des dépenses dans chaque
famille, pour chaque tranche de revenu ;
cette structure est fonction :
a. de la concurrence entre les produits et
les services pour satisfaire les m ê m e s
besoins des consommateurs
b. des rapports entre les produits utilisés
(par exemple, une famille qui achète une
automobile a besoin d'essence, de services de réparations, etc. )
c. des prix relatifs
d. des habitudes et du niveau de vie
B . Du chiffre net du commerce extérieur de ce
produit, lequel dépend :
1. de facteurs économiques, notamment
des coûts relatifs, dans les divers pays en
cause
2. des politiques commerciales
II. Evolution des besoins de main-d'oeuvre pour la
production de chaque produit ou service, qui
dépend :
A . De l'évolution du rendement horaire par
personne dans chaque branche d'activité,
laquelle dépend à son tour :
1. du perfectionnement des méthodes de
production
2. des machines et de l'équipement utilisés
3. des compétences des travailleurs
B . Du nombre d'heures de travail dans chaque
branche d'activité, lequel dépend :
1. des accords entre les syndicats et la
direction
2. de la législation relative à la durée du
travail
3. des coutumes, des traditions, etc.
Ces facteurs sont si nombreux et leur jeu si subtil
et complexe qu'il serait pratiquement impossible
d'en faire l'analyse pour chaque branche d'activité,
en supposant que l'on puisse se procurer les données nécessaires - ce qui n'est généralement pas
17
le cas. Dans la pratique, il faut chercher à simplifier la tâche en faisant u n choix extrêmement
judicieux des facteurs les plus importants. O n est
en outre contraint de choisir les facteurs qui sont
mesurables et pour lesquels on possède des données. Il faut se contenter de ces instruments de
travail limités et supposer au départ que les rapports observables entre deux éléments mesurables
de l'économie - par exemple entre le niveau de la
production dans chaque branche d'activité etleniveau du produit national brut - reflètent le jeu de
tous les facteurs qui lient ces deux éléments, et
que la projection dans l'avenir des rapports préc é d e m m e n t observés entre eux tient compte implicitement du jeu des facteurs non mesurés. Si les
rapports étudiés sont vraiment les plus significatifs et les plus importants, leur projection devrait expliquer laplupart des changements qui se produiront
sur le m a r c h é de l'emploi dans chaque secteur.
L'analyse des rapports entre la situation de
l'emploi dans chaque branche d'activité et le niveau général de la production peut se situer à
divers niveaux de complexité. L e choix dépend à
la fois des ressources dont on dispose pour l'analyse et de l'existence de données de base sur lesquelles fonder cette dernière. L a formule la plus
pratique consiste toujours à c o m m e n c e r par utiliser la méthode la plus simple et à ne passer ensuite à des méthodes plus complexes que si l'on
souhaite une plus grande exactitude et que dans la
m e s u r e où l'on acquiert davantage de ressources.
Pour décider de l'importance des ressources à
consacrer à l'application des méthodes d'analyse
plus perfectionnées, ilfaut se demander notamment
dans quelle mesure les projections économiques
sont établies à des fins autres que la planification
de la main-d'oeuvre et de l'éducation. Si les projections sont faites en vue de l'étude d'autres problèmes c o m m e l'élaboration d'une politique fiscale
ou d'une politique d'investissement, l'estimation
des besoins de matières premières, etc. , il sera
alors justifié de consacrer des ressources plus
importantes à leur établissement.
Nous allons exposer brièvement ici, par ordre
de complexité croissante, plusieurs méthodes générales de prévision globale de l'emploi par
branche d'activité :
1. Prévision de l'emploi dans chaque secteur par
rapport à la prévision globale de l'emploi ou à
des éléments très généraux de l'activité
économique.
2. Prévision de la production dans chaque secteur
par rapport à la production globale prévue, puis
conversion des prévisions de la production en
prévision de l'emploi dans chaque secteur.
a. au m o y e n d'une analyse de régression
multiple
b. au m o y e n d'une analyse intersectorielle
(entrées-sorties).
Dans la pratique, ces méthodes peuvent souvent
être utilisées conjointement - en suivant la plus
18
simple pour quelques branches d'activité et la plus
complexe pour d'autres, selon que les données disponibles et la conjoncture économique le permettent.
Quelle que soit la méthode utilisée, les projections obtenues concernant l'emploi dans une branche
d'activité peuvent être ajustées à la suite d'études
très approfondies de cette branche d'activité, qui
peuvent révéler des facteurs aptes à modifier les
rapports antérieurs. Par exemple, des inventions
ou de nouvelles utilisations des produits d'une industrie risquent de modifier considérablement ses
fonctions de production ; des produits concurrentiels peuvent transformer la structure de ses m a r chés. Des progrès techniques rapides pourraient
aussi influer beaucoup sur l'effectif de la m a i n d'oeuvre nécessaire à la production d'un volume
de travail donné (voir plus haut l'exposé des m é thodes utilisées et des facteurs considérés pour
l'étude approfondie d'une branche d'activité). Enfin,
bien entendu, les effectifs de la main-d'oeuvre
nécessaire dans une branche d'activité sont convertis en besoins par profession selon la méthode
qui fait appel à la matrice de la structure professionnelle des secteurs et qui est décrite plus loin
dans le présent chapitre.
Prévision de l'emploi dans chaque branche
d'activité par rapport à l'emploi global
A . Cette méthode, qui est la plus simple, consiste
à étudier d'abord la situation de l'emploi dans
chaque secteur par rapport au niveau total de l ' e m ploi dans les années écoulées et, à partir de là, à
établir une projection pour un secteur donné en
fonction d'un chiffre total déterminé d'avance. O n
constate que certains secteurs, aux Etats-Unis par
exemple, connaissent de brusques essors ou périclitent selon les fluctuations de l'ensemble du m a r ché du travail ; d'autres sont relativement plus
stables et évoluent peu ; il en est enfin qui, à long
terme, se développent plus rapidement ou plus
lentement que les autres secteurs en général. Si
l'on détermine pour chaque année le rapport entre
le n o m b r e m o y e n des travailleurs de chaque secteur
ou subdivision de secteur et l'effectif total de la
main-d'oeuvre employée dans l'ensemble des secteurs de l'économie, on peut arriver à une équation qui permet d'évaluer le niveau de l'emploi
dans un secteur en fonction de n'importe quel niveau futur de l'emploi global. C'est ainsi que des
estimations sont faites pour les années à venir, à
partir de l'effectif total prévu de la main-d'oeuvre
civile employée (nous avons expliqué plus haut
c o m m e n t cet effectif est calculé).
Dans la pratique, on c o m m e n c e par établir des
équations de régression exprimant le rapport entre
le niveau de l'emploi dans chacun des grands secteurs de l'économie et le niveau de l'emploi dans
l'ensemble de l'économie. O n détermine ensuite
le rapport entre le niveau de l'emploi à l'intérieur
de chacune des subdivisions des principaux secteurs et le niveau de l'emploi dans chacun de ces
secteurs. Aux Etats-Unis, les industries manufacturières et minières, la construction, les transports et les services d'utilité publique, le c o m m e r c e , les services et les établissements financiers sont les principaux groupes pour lesquels
une corrélation est établie avec l'effectif global
de la main-d'oeuvre civile employée (à l'exception
du secteur agricole et du secteur public, qui font
l'objet de projections séparées établies en fonction
des tendances observées et d'hypothèses touchant
les p r o g r a m m e s gouvernementaux). Ensuite, une
corrélation est établie entre chaque subdivision
de chacun des grands secteurs susmentionnés et
l'ensemble du secteur en cause, et la projection
relative à chaque subdivision est faite en fonction
de celle qui concerne l'ensemble du secteur (ainsi,
le niveau de l'emploi dans l'industrie alimentaire
est c o m p a r é au niveau de l'emploi dans l'ensemble
de l'industrie manufacturière, etc. ). Enfin, pour
chaque subdivision d'un secteur, on procède à la
corrélation entre les branches d'activité plus spécialisées (les produits de la boulangerie, par
exemple, dans l'industrie alimentaire) et l'ensemble
de la subdivision considérée. Cette méthode permet d'établir, de façon ordonnée, des projections
détaillées et cohérentes.
Si l'on recourt à l'analyse de régression, il est indispensable d'inclure la variable temps p a r m i les variables indépendantes figurant dans les équations
puisque le rapport entre le niveau de l'emploi dans
chaque branche d'activité et le niveau général de l ' e m ploi peut se modifier sous l'effet de l'évolution de la
structure de la consommation ou de la technologie.
C ette méthode présente un certain n o m b r e d'avantages. Elle est plus simple et plus facile à appliquer
que les autres méthodes que nous examinerons plus
loin. Elle part d'un total de référence bien déterminé,
de sorte qu'on obtient 100 % en additionnant les
chiffres concernant certains des secteurs, subdivisions de secteurs, ou branches d'activité. Elle tient
compte de l'évolution interne de l'économie, indépend a m m e n t des principales influences cycliques.
Cette méthode a certains inconvénients.
1. Elle nécessite un ensemble cohérent d'informations sur la situation antérieure de l'emploi
dans chaque secteur. L e s pays qui ne disposent
pas de statistiques sur l'emploi portant au moins
sur
les 10 ou 15 dernières années n e peuvent
l'appliquer.
2. Dans les pays où le niveau de l'emploi pour
la période faisant l'objet d e prévisions dépassera
vraisemblablement de loin celui atteint dans le
passé, il est nécessaire que la projection s'écarte
beaucoup du rapport observé dans le passé. U n e
telle opération est toujours hasardeuse, la nature
d'un rapport pouvant se modifier à des niveaux
d'activité sensiblement plus élevés.
3. Cette méthode suppose que tous les facteurs
ayant une incidence sur le rapport entre le niveau
de l'emploi dans un secteur déterminé et le niveau
général de l'emploi sont implicites dans ce rapport
et qu'ils influeront
sur lui dans
l'avenir
exactement de la m ê m e manière et dans la m ê m e
mesure que par le passé. D a n s certains cas, on
peut cependant avoir de bonnes raisons de penser
qu'il n'en sera pas ainsi. O n peut par exemple
avoir entendu parler d'une innovation technique
capable de modifier très sensiblement la productivité par heure-ouvrier ; il peut arriver aussi
que le n o m b r e annuel d'heures de travail se m o difie de façon tout à fait imprévue.
B . O n peut aussi, selon une méthode légèrement
différente, établir un rapport entre le niveau de
l'emploi dans chaque secteur et le produit national
brut ou une partie du produit national brut (totalité
des investissements ou consommation, par exemple).
Cette méthode fournit essentiellement une répartition systématique de l'emploi global par secteur,
telle qu'elle ressort des rapports antérieurs constatés entre les diverses branches de l'activité
économique.
L e Bureau des statistiques de la main-d'oeuvre
a r é c e m m e n t appliqué cette méthode pour établir
une série de projections concernant la main-d'oeuvre
(voir " A m e r i c a ' s industrial and occupational M a n power Requirements, 1964-75").Les besoins de
personnel de chaque secteur ont été projetés de
deux façons. E n premier lieu, on a établi un m o dèle permettant de séparer les facteurs cycliques
et autres des tendances séculaires : on disposait
ainsi d'un instrument compatible avec la prévision
d'un accroissement rapide de la population et de
la main-d'oeuvre et d'un niveau élevé de l'activité
économique et de l'emploi. O n a ensuite élaboré
un système d'équations exprimant le niveau de
l'emploi après la guerre dans chaque secteur en
fonction des variables suivantes : produit national
brut réel, taux de chômage à l'échelon national,
personnel dans les forces a r m é e s , population civile âgée de 14 ans et plus à l'exception de la population des collectivités, facteur temps. C e s
variables ont été choisies parce qu'elles sont jugées capitales pour déterminer l'évolution à long
terme de l'emploi global et parce qu'elles permettent d'établir un modèle tenant compte explicitement du c h ô m a g e et des hypothèses relatives à
l'activité économique. Sur la base d'un taux de
chômage national évalué à 3 % , on a résolu simultanément les équations du système afin d'obtenir
le niveau simulé de l'emploi dans chaque secteur
pour le taux de chômage considéré. Les résultats
obtenus par ces méthodes plus ou moins mécaniques
ont été considérés c o m m e des premières approximations des besoins, le petit n o m b r e de variables
utilisées dans le modèle n'étant pas nécessairem e n t les facteurs les plus décisifs en matière
d'emploi dans chaque secteur et les rapports de
l'après-guerre n'étant pas appelés à persister
dans chaque secteur.
O n a aussi projeté directement les besoins de
main-d'oeuvre pour de n o m b r e u x secteurs en se
fondant sur des analyses approfondies de chaque
secteur, effectuées dans le cadre des p r o g r a m m e s
19
de recherches du Bureau. Compte tenu à la fois
des résultats obtenus à partir du modèle économique et des études très poussées par secteur,
des projections au jugé ont été établies en ce qui
concerne l'emploi dans chaque secteur. Enfin, on
a vérifié leur cohérence par rapport à de grands
groupes de secteurs et à des secteurs connexes ;
par exemple, on a comparé les prévisions de l'emploi pour l'industrie de la pierre, de l'argile et du
verre à celles qui ont été établies pour le secteur
de la construction.
Prévision de la production dans chaque secteur
par rapport à la production globale prévue, et
conversion des prévisions de la production en
prévisions de l'emploi dans chaque secteur
Cette méthode permet d'étudier de façon explicite
les modifications des facteurs qui influent sur les
rapports entre la production et l'emploi. O n c o m mence par prévoir la production totale - produit
national brut calculé de l'une des manières exposées plus haut d'après l'accroissement prévu de
la population et de l'effectif de la main-d'oeuvre.
Le caractère général de l'économie peut alors
être défini par des estimations de la production de
biens de consommation, de services et de biens
d'équipement, des dépenses gouvernementales et
des exportations. Certains de ces importants éléments constitutifs du produit national brut peuvent
être exprimés en besoins - la construction de logements, par exemple, a un rapport avec la croissance démographique. D'autres peuvent être exprim é s sous forme d'hypothèses en fonction des options
choisies dans le domaine de la politique économique par exemple, un niveau élevé de la consommation
ou des dépenses publiques pour la santé, l'éducation, etc. Le niveau des exportations est une variable extrêmement importante dans nombre de
pays. Le niveau supposé de la consommation et
des investissements peut être comparé aux estimations concernant le revenu et l'épargne, et-divers
tests de vraisemblance peuvent être exécutés à la
lumière de l'expérience, des pratiques et des politiques passées.
A partir de ce moment, la projection de la production dans chaque secteur peut s'effectuer au
moyen soit d'une analyse de régression, soit d'une
analyse des entrées et sorties.
A . Emploi de l'analyse de régression multiple
On peut, par une analyse de régression, dégager
les corrélations entre, d'une part, la production
de chaque secteur dans le passé et, d'autre part,
la production totale ou les éléments pertinents du
produit national brut tels que les dépenses globales
d'investissement, les dépenses de consommation
ou les dépenses publiques selon la branche d'activité considérée. Les autres variables importantes
qui peuvent influer sur ces corrélations sont la population, le revenu par habitant ou le solde net des
20
échanges avec l'étranger de produits du secteur
étudié. En se fondant sur les corrélations ainsi
établies, on évalue le niveau de la production de
chaque secteur pour la période sur laquelle portent
les projections. C o m m e avec la première méthode,
il est possible pour cela soit de déterminer d'abord
des totaux pour de grandes catégories de secteurs,
puis de faire des estimations de plus en plus détaillées en évaluant la part de chaque secteur dans le
total de la catégorie à laquelle il est rattaché, soit
au contraire de rechercher directement quel est le
coefficient de régression entre la production détaillée de chaque secteur et le produit national brut
ou certains de ses éléments pertinents ou encore
les autres variables importantes choisies pour les
divers secteurs. Il importe que les variables indépendantes retenues puissent être projetées indépendamment jusqu'à l'année terminale, sinon elles
ne peuvent servir à élaborer des projections pour
le secteur que représente la variable dépendante.
Il faut donc avoir un ensemble ou un système
d'équations de régression liées entre elles.
Il est essentiel aussi d'inclure le facteur temps
dans les variables indépendantes si l'on veut pouvoir tenir compte des modifications structurelles
de l'économie qui influent sur les rapports entre
la demande de produits de chaque secteur et les
variables économiques générales.
A ce stade, la cohérence des données peut être
vérifiée de plusieurs manières. O n peut chercher
le coefficient de régression de la production de
matières premières pendant la période sur laquelle
portent les projections, en fonction de la production d'articles fabriqués à partir de ces matières
premières. On peut aussi calculer le coefficient
de régression de la consommation d'énergie électrique en fonction du niveau de production des
principaux secteurs consommant de l'énergie. O n
peut enfin comparer le volume total des marchandises transportées et la production des principaux
articles transportés par les divers transporteurs.
Après ces comparaisons, on est à m ê m e d'opérer
les ajustements voulus.
Toutes ces démarches permettent de se représenter l'économie du pays pendant la période future
considérée, d'après la production de ses différents
secteurs. Ce résultat peut être utile pour l'établissement de projections concernant d'autres éléments
que la main-d'oeuvre - matières premières et services par exemple - et il présente donc un intérêt
pour d'autres travaux de planification économique.
Il convient de s'assurer que les projections relatives aux différents secteurs sont cohérentes et
raisonnables, en faisant une analyse détaillée du
marché et des tendances de la technique dans
chaque secteur.
Cette méthode présente certains avantages sur
l'analyse des corrélations visant à estimer directement l'emploi dans chaque secteur d'après l'emploi total. En effet, elle oblige à traiter séparément les variables importantes, de sorte que l'on
peut en examiner clairement les effets. Elle permet
de construire un modèle de la production économique pendant la période future considérée et l'on
peut vérifier de plusieurs manières s'il est cohérent et raisonnable du point de vue économique et
technique, enfin ses résultats peuvent servir à la
planification économique dans des domaines autres
que l'emploi.
Par contre, elle a surtout le défaut d'être plus
longue et d'exiger l'obtention de données supplémentaires. Pour la première méthode, il suffisait
d'avoir des statistiques sur l'emploi pour les années antérieures ; la méthode décrite ici exige en
outre des statistiques de la production et des indices des prix. Elle présente aussi un autre inconvénient dans la mesure où il demeure quelques rapports économiques essentiels que l'on traite de
manière plus implicite qu'explicite : en effet, elle
donne la possibilité de vérifier les rapports existant entre les niveaux de production des différents
secteurs mais non le moyen d'évaluer systématiquement ce que devraient être ces rapports.
B.
Projection de la production dans chaque secteur
par analyse intersectorielle1
Une autre méthode, l'analyse inter sectorielle, permet de passer de l'estimation de la demande finale
de chaque type de produit à l'estimation du niveau
de production de chaque secteur, grâce à l'analyse
des entrées et sorties. Cette méthode, conçue à
l'origine par le professeur Wassily Leontiev, de
l'Université Harvard, et considérablement développée à la suite des recherches effectuées par le
Bureau des statistiques de la main-d'oeuvre du
Département de la main-d'oeuvre des Etats-Unis
d'Amérique au cours des années 1947-50 est maintenant utilisée par de nombreux pays pour l'analyse
des problèmes structurels de l'économie2.
Elle se fonde sur la construction d'un tableau,
ou matrice, de l'économie nationale qui montre
les échanges entre tous les secteurs pendant une
année donnée - c'est-à-dire les achats faits par
chaque secteur à chacun des autres secteurs et les
ventes de ce m ê m e secteur à chacun des autres.
Tous les secteurs, y compris l'agriculture, le
secteur public, les ménages et le commerce extérieur, sont énumérés les uns après les autres au
début de chaque ligne horizontale. Ils sont également inscrits chacun en tête des différentes
colonnes. Chaque ligne horizontale montre le total
des ventes qu'un secteur a faites à chacun des
autres, inscrits en tête des différentes colonnes ;
chaque colonne verticale indique ainsi les achats
d'un secteur à chacun des autres.
Les rapports que fait apparaître ce tableau dépendent de la nature technique des activités de
chaque secteur. L'industrie de l'acier, par exemple,
achète notamment une certaine proportion de minerai de fer, de coke, de charbon, de castine, d'électricité, de matériel lourd et de fournitures de bureau pour obtenir un volume donné de production.
A supposer que les rapports entre les entrées
soient constants, il est possible d'utiliser les données d'une année antérieure pour évaluer la quantité
de chaque produit que l'industrie doit acheter pour
produire le volume prévu pour une année future.
Le tableau permet donc d'évaluer le niveau deproduction requis dans chaque branche d'activité pour
satisfaire une demande finale donnée.
L'emploi de l'analyse intersectorielle pour l'établissement de projections à long terme dépend de
la stabilité des coefficients afférents à chaque secteur, c'est-à-dire des achats que le secteur étudié
effectue auprès de chaque secteur fournisseur pour
obtenir un dollar de production, ce qui varie à son
tour selon que les méthodes de production évoluent
ou non. Lorsque les usines textiles adoptent les
fibres synthétiques ou lorsque l'aluminium ou les
matières plastiques remplacent l'acier dans la fabrication des automobiles, les coefficients sont
modifiés ; il faut alors réviser le tableau fondé
sur les transactions de l'année antérieure et pondérer les différents facteurs pour tenir compte de
l'évolution technologique survenue.
Les matrices intersectorielles de l'économie
d'un pays ne servent pas uniquement à prévoir les
besoins de main-d'oeuvre. Elles peuvent, par
exemple, servir à évaluer l'effet que la modification que l'on propose d'apporter à un seul élément,
de la demande finale aurait sur tous les secteurs
de l'économie. Ainsi, si l'on envisage une expansion considérable de la construction de routes ou
de logements, on peut évaluer les répercussions
1. Parmi les nombreux textes de référence sur
l'analyse intersectorielle (entrées-sorties),
citons les ouvrages suivants qui sont particulièrement intéressants :
1. Evans, W . D. , Hoffenberg, Marvin, "The
Inter-industry relations study for 1947", The
Review of Economies and Statistics, Mai 1952.
2. Documents présentés à la Conférence internationale sur les techniques d'analyse intersectorielle (Genève, septembre 1961) et notamment:
A . P . Carter, "Incremental flow coefficients for
a dynamic input-output model with changing
technology" et M . Balboa, "Construction and
use of input-output tables in Latin-America
countries".
3. R . Stone, "input-output and national accounts",
Organisation européenne de coopération économique, Paris, juin 1961.
4. Textes réunis par W . Isard et J. H . Cumberland,
"Planification économique régionale", comptes
rendus de la première conférence d'étude sur
les problèmes de développement économique
organisée par l'Agence européenne de productivité à Bellagio (Italie), juin 1960, Organisation européenne de coopération économique.
2. Alterman, Jack, "The Federal Government's
Program of economic grouth studies", Monthly
Labor Review, August 1965/p. 983-987 (US
Department of Labor,
Bureau of Labor
Statistics).
21
indirectes de cette mesure sur tous les secteurs
touchés et voir où l'insuffisance des moyens de
production ou de l'offre de matières premières
risque d'engendrer des goulots d'étranglement. Si
l'on traduit en nombre d'emplois le niveau de production dans chaque secteur, on peut évaluer le
nombre de travailleurs supplémentaires nécessaires, puis convertir ce résultat en besoins professionnels de manière à déterminer les professions intéressées et déceler les goulots d'étranglement qui risqueraient de se produire du fait de
l'insuffisance de telle ou telle qualification (après
analyse des facteurs de l'offre).
De m ê m e , lorsqu'on considère les problèmesdu commerce avec l'étranger, il est possible d'évaluer les effets qu'une modification des importations
ou des exportations de certains produits pourraient
avoir sur l'ensemble de l'économie. C'est là un
calcul utile si le pays veut évaluer l'avantage net
que représenteraient pour lui les changements des
droits à l'importation proposés lors de négociations tarifaires multilatérales.
C o m m e ces tableaux d'échanges intersectoriels
ont de multiples utilisations dans l'analyse économique, un pays a souvent avantage à engager les
dépenses considérables que représente leur établissement et à former le personnel capable de les
employer. La méthode est coûteuse parce qu'il faut
faire un décompte détaillé des ventes et des dépenses de chaque secteur et recueillir de nombreuses données statistiques différentes, notamment des renseignements sur la production, sur
les prix et sur les marges de prix à chaque stade
du processus économique. De nombreux problèmes
particulièrement épineux se posent, surtout pour
déterminer quels sont les besoins de biens d'équipement de chaque branche d'activité et quels sont
les investissements marginaux à faire pour obtenir les accroissements de production voulus. En
effet, les achats de biens d'équipement ne suivent
pas régulièrement la production c o m m e le font
ceux de matières premières. Au contraire, la m a jeure partie du capital utilisé une année donnée a
été acquise les années précédentes de sorte que
les biens d'équipement achetés par un secteur durant l'année prise c o m m e base pour la construction de la matrice des échanges intersectoriels
peuvent ne pas correspondre aux biens dont ce secteur a eu besoin pour obtenir la production dont il
est crédité cette année-là. Il faut donc établir une
matrice des flux de capital qui s'accorde avec la
matrice des échanges intersectoriels ou encore
calculer le coefficient qui traduit le rapport entre
les dépenses de capital et la production ou entre
le capital social et la production.
Malgré le coût d'établissement de la matrice
des échanges intersectoriels et malgré la nécessité de recueillir d'autres renseignements pour
pouvoir s'en servir pour les projections, cette
méthode présente certains avantages. En effet,
dans la mesure où elle oblige à traiter explicitement chacun des éléments de l'évolution économique,
22
elle fait apparaître les domaines en difficulté et
les risques d'erreur que l'on peut alors soumettre
à une analyse pénétrante. Elle permet ainsi d'obtenir un tableau équilibré de la production, des
facteurs de production et de la situation de l'emploi pour l'ensemble de l'économie.
Toutefois, son immense complexité et la rigueur de la méthode d'analyse qu'elle nécessite
la rendent assez rigide. D'autre part, si l'on introduit des facteurs de pondération fondés sur le
jugement ou sur une analyse poussée des différents secteurs, il faut faire un gros effort pour
réajuster l'ensemble du système ; or, il est souvent indispensable de le faire. Si l'on emploie
l'analyse intersectorielle, il est donc utile de continuer à utiliser aussi les méthodes de régression
c o m m e solution de rechange pour garder la souplesse voulue et aussi obtenir une estimation indépendante qui permette de vérifier l'exactitude des
résultats.
C. Conversion des prévisions de la production en
prévisions des besoins globaux de main-d'oeuvre
dans chaque secteur
Que les niveaux de production de chaque branche
d'activité aient été calculés par la méthode de régression ou par analyse intersectorielle, le
stade suivant consiste à les traduire en besoins
de main-d'oeuvre dans chaque secteur. Les deux
variables à prendre en considération sont la production horaire par travailleur (ou productivité) et
lenombred'heures de travail.
C o m m e on l'a noté plus haut, il faut prévoir
l'évolution de la productivité dans l'ensemble de
l'économie quand on établit une projection du produit national brut à partir des prévisions démographiques. Il importe maintenant de prévoir l'évolution dans chaque secteur. Pour cela, on peut
étudier les données relatives aux tendances passées de la productivité dans chaque secteur ainsi
que tous les renseignements disponibles sur les
progrès techniques qui ont pu influer sur cette
productivité dans le passé ou qui pourraient influer
sur elle à l'avenir.
Si l'on veut évaluer les changements survenus
dans le passé, il faut avoir des données suivies
sur l'emploi, les heures de travail et la production pendant une période suffisamment longue pour
faire apparaître les rapports entre ces facteurs.
Si la production est exprimée par sa valeur monétaire, ce qui est indispensable dans les secteurs
qui produisent des biens hétérogènes (par exemple,
celui des constructions mécaniques), il est nécessaire de l'évaluer en prix constants. Cela est possible s'il existe un bon indice de l'évolution des
prix dans ces secteurs. Le problème ne se pose
pas si la production des années antérieures est
exprimée en produits. Une difficulté demeure cependant, celle de l'évolution m ê m e du produit. Par
exemple, l'automobile de 1966 est très différente
du modèle de 1958 et il faut trouver le moyen
d'établir un rapport entre la production de X unités
du modèle de 1 958 et la production de Y unités du
modèle de 1966.
Point n'est besoin de souligner qu'il est difficile
d'anticiper sur les répercussions que l'évolution
future des techniques peut avoir sur la productivité.
Pour s'avancer très loin dans l'avenir, il faudrait
en effet connaître les incidences éventuelles d'inventions encore inconnues ; en prenant néanmoins
une période relativement plus courte, il est possible de prévoir comment la productivité réagira
sous l'effet des techniques nouvelles et des inventions dont l'emploi ne s'est pas encore généralisé
dans tout le secteur considéré. Souvent, les niveaux de productivité dans les usines les plus avancées donnent une indication du niveau qu'atteindra
le secteur tout entier lorsque les sociétés plus
conservatrices se seront alignées sur les autres.
Pour les pays peu développés, on peut se reporter
au mode de progression de la productivité dans des
pays analogues mais légèrement plus avancés.
L'analyse des causes de l'évolution de la productivité dans le passé a une importance que l'on ne
saurait sous-estimer. Par exemple, si elle montre
que l'amélioration rapide de la productivité est due
en grande partie à l'introduction d'une innovation
technique précise et si l'on s'aperçoit que cette innovation est désormais universellement appliquée,
on peut en inférer que la productivité ne progressera plus aussi vite à l'avenir. Inversement, on
peut estimer que la productivité s'accroîtra davantage que dans le passé si l'on constate qu'une importante découverte technique applicable à un secteur
donné n'y est encore utilisé que dans une mesure
limitée.
De projections de la productivité distinctes pour
chaque secteur, on pourra déduire une projection
de la productivité moyenne pondérée pour l'ensemble
de l'économie, que l'on comparera à la projection
générale faite antérieurement par dérivation du
produit national brut prévu. On sera peut-être a m e né alors à revoir la projection du produit national
brut et tout le système de projections que cette dernière aura servi à échafauder.
Il est possible de prévoir l'évolution des horaires
de travail d'après les tendances passées, compte
tenu de la pratique suivie dans d'autres secteurs,
des objectifs recherchés expressément par les syndicats de chaque branche d'activité et de la politique
de l'Etat en ce qui concerne les heures de travail.
Dans les secteurs où des fluctuations saisonnières
considérables affectent le volume de l'emploi, ou
l'horaire de travail, il faut également en tenir
compte. De m ê m e , il faut prendre en considération
le nombre de personnes susceptibles d'être e m ployées à temps partiel.
Après avoir établi des projections de la productivité et du nombre moyen d'heures de travail accomplies par chaque individu, il est possible de
passer de l'estimation de la productivité dans
chaque secteur pendant la période future envisagée
à l'estimation du nombre de travailleurs employés
et, par conséquent,
professionnels.
à
celle
des besoins
3. Prévisions de l'emploi par profession
La méthode employée jusqu'ici permettait de faire
des prévisions de l'emploi par branche d'activité
ou secteur de l'économie. La démarche suivante
consiste à élaborer des projections par profession.
C o m m e on l'a vu plus haut, il existe quelques
professions où la demande de main-d'oeuvre peut
être rattachée directement à des causes économiques dont l'évolution future peut elle-même être
calculée séparément ; il est alors possible d'établir des projections directes de la demande sans
se lancer dans le calcul compliqué des projections
par secteur. A titre d'exemple, on avait cité la
profession enseignante et celle de la mécanique
automobile.
C'est pour les autres professions - celles qui
se répartissent entre un grand nombre de secteurs qu'il est indispensable d'établir des projections par
secteur. Pour les ventiler ensuite par profession,
on peut utiliser les données relatives à la structure
professionnelle de chaque secteur.
Pour déterminer la structure professionnelle de
chaque secteur, on part de l'hypothèse que chaque
branche d'activité a une structure spécifique qui
dépend de la technologie, des processus et de
l'équipement qu'elle utilise. La nature des professions dans chaque secteur et leur mode de répartition correspondent au niveau d'évolution technique
du secteur, au coût relatif de l'emploi de biens
d'équipement ou de ressources humaines et à l'offre
de main-d'oeuvre à chaque niveau de qualification
(ce qui influe à son tour sur le niveau des salaires).
Dans la plupart des branches d'activité, les structures se modifient assez lentement, si bien que
l'on peut garder la m ê m e pour une période allant
jusqu'à dix ou quinze, ans à condition de pondérer
les résultats en fonction de l'évolution probable.
La structure professionnelle des différents secteurs peut servir également à élaborer les statistiques courantes de l'emploi par profession. Dans
la plupart des pays développés, on dispose de statistiques courantes (mensuelles ou annuelles) sur
l'emploi par secteur, mais les données ne sont pas
ventilées par profession. Il est néanmoins possible
de faire une estimation raisonnablement exacte de
la répartition professionnelle actuelle d'après les
structures professionnelles des quelques années
antérieures. L'exactitude est d'autant plus grande
que l'on recueille plus fréquemment des données
sur les secteurs que l'on sait en voie de transformation technique rapide. Pour les autres secteurs,
on peut pondérer judicieusement les données disponibles sur les structures afin d'améliorer les
estimations.
Les structures professionnelles peuvent aussi
servir à faire des estimations courantes sur la
répartition des professions entre les différentes
régions ou zones. Ici encore, les estimations
23
courantes sur l'emploi global sont plus souvent
faites par secteur que par profession. Il se peut
que la structure professionnelle de chaque secteur
au niveau national corresponde exactement à la
structure locale ; dans ce cas, on peut s'en servir
pour ventiler entre les différentes professions les
estimations courantes sur l'emploi par secteur. Il
faut néanmoins appliquer ce procédé avec prudence.
La structure nationale de l'emploi par professions
dans un secteur est la moyenne des structures de
toute une g a m m e d'entreprises, des plus grandes
aux plus petites, des plus arriérées aux plus avancées du point de vue technique et différentes selon
les méthodes ou procédés appliqués. Il importe de
connaître ces facteurs lorsqu'on veut utiliser les
données nationales pour estimer la structure locale de l'emploi par professions.
Si l'on veut établir des projections à partir des
données sur la structure professionnelle, la m é thode générale est de recueillir les renseignements
les plus récents sur cette structure dans le secteur considéré et de s'en servir pour répartir entre
les différentes professions le total de la maind'oeuvre prévue pour ce secteur. On obtient ainsi
une première approximation de l'emploi futur par
profession dans ce secteur. Ce n'est qu'une première approximation car la structure professionnelle d'un secteur n'est pas fixe et évolue à m e sure que se modifient la technique et l'échelle des
opérations.
L'évolution des techniques peut influer de plusieurs manières sur la structure professionnelle
d'un secteur. Aux Etats-Unis, on a noté que de
nombreuses branches d'activité ont, à long terme,
tendance à employer de plus en plus de personnel
hautement qualifié - ingénieurs, personnel scientifique et techniciens par exemple - et de moins
en moins de main-d'oeuvre non spécialisée. Dans
quelques cas, 1'automation a eu pour effet de réduire le nombre de travailleurs par opération mais
d'accroître celui des techniciens et des réparateurs. L'installation de calculatrices dans les services de bureau a provoqué une diminution des er' ployés qui effectuaient les opérations courantes,
mais une augmentation des analystes, programmeurs et perforeurs.
Toute modification de l'échelle des opérations
a également des incidences sur la structure professionnelle. En effet, quelques groupes de travailleurs sont "fixes", c'est-à-dire qu'ils sont indispensables quel que soit le niveau de production.
Tels sont par exemple les surveillants, le personnel de nettoyage, les gardes et gardiens et les
réparateurs de machines. L'emploi des travailleurs
des autres catégories est davantage lié à la production ; ils sont embauchés ou licenciés selon que le
volume de travail augmente ou diminue. On a un
exemple de ce phénomène aux Etats-Unis, si l'on
examine l'évolution respective de l'emploi des
travailleurs "productifs" et des employés de bureau, non directement liés à la production, dans
les industries manufacturières. Lorsque le niveau
24
d'activité économique diminue, le nombre de travailleurs "productifs" diminue alors que celui des
autres travailleurs demeure constant ou ne décroît
que faiblement. Par contre, lorsque la production
remonte après une récession, c'est le nombre de
travailleurs "productifs" qui s'accroît le plus vite.
Tous ces facteurs doivent être pris en considération quand on projette dans l'avenir les données
sur la structure professionnelle d'un secteur relatives à une période écoulée.
Il est nécessaire de rechercher dans chaque
branche d'activité comment la structure professionnelle change sous l'effet du progrès technique
ou d'une modification de l'échelle des opérations.
Pour cela, il est bon d'avoir des renseignements
sur la structure par profession dans chaque établissement et pour des périodes successives. Par
conséquent, il faut recueillir ces données auprès
des établissements en y effectuant fréquemment
des enquêtes.
Or, dans la plupart des pays, les données les
plus facilement disponibles sur la structure professionnelle n'ont pas été rassemblées de cette
manière et proviennent plutôt des recensements
de la population effectués tous les dix ans. A l'occasion de ces recensements, on recueille des
renseignements sur la profession de chaque travailleur et le secteur où il est employé, puis on
dresse un tableau de la répartition des travailleurs
par secteur et par profession. C'est ainsi que les
Etats-Unis et bien d'autres pays obtiennent les
renseignements dont ils ont besoin en ce domaine.
Outre les inconvénients notés plus haut - impossibilité d'avoir des renseignements ventilés par
établissement et rareté des données obtenues (une
fois tous les dix ans) - les données sur la structure
professionnelle des différents secteurs présentent
d'autres insuffisances si elles sont déduites des
recensements. En effet, puisqu'elles sont fondées
sur les déclarations des ménages, ni la profession,
ni le secteur ne sont toujours indiqués avec précision. La terminologie relative à la profession est
loin d'être normalisée ou uniformément comprise.
Dans leur déclaration, les particuliers ont tendance
à surestimer leur statut professionnel ou tout simplement à être inexacts. Trop souvent, les déclarations sont faites par l'épouse qui connaît moins
bien la profession de son mari que lui-même. Parfois, on indique la profession qui correspond à la
formation reçue plutôt qu'à la profession effectivement exercée au moment considéré. Par exemple,
celui qui a fait un apprentissage de mécanicien général (sur toutes machines) se déclarera vraisemblablement mécanicien, m ê m e s'il n'est employé
pour le moment que sur une seule machine-outil.
Ceci explique les grandes divergences qui apparaissent, pour certaines industries mécaniques,
entre la proportion de mécaniciens révélée par les
déclarations de recensement et la proportion qui
se dégage des enquêtes faites auprès des établissements m ê m e s .
Dans les recensements de la population,
les
déclarations sur la branche d'activité souffrent des
m ê m e s inexactitudes. Pour les statistiques fondées
sur les déclarations des entreprises, on répartit
ces dernières par secteur en se fondant sur les
renseignements qu'elles fournissent quant à la valeur des produits qu'elles fabriquent. Les entreprises sont donc classées dans le secteur correspondant à leur principale production. Or, le travailleur individuel ignore d'ordinaire la valeur du
produit fabriqué dans son usine et souvent ne connaît que le processus auquel il participe. Son épouse
risque d'avoir des notions encore moins précises.
Les améliorations apportées récemment aux
techniques de recensement diminueront peut-être
en partie le degré d'inexactitude parce que l'on se
fondera moins sur les déclarations des épouses.
Aux Etats-Unis, le recensement de 1960 a permis
de recueillir des renseignements sur les professions et les secteurs auprès des travailleurs
m ê m e s ; en effet, les déclarations ont été laissées
dans les divers foyers qui devaient les remplir et
les renvoyer par la poste, et les enquêteurs n'ont
interrogé directement que les personnes qui
n'avaient pas répondu. O n a ainsi évité de s'en remettre aux déclarations de tiers, mais un groupe
plus important que jamais - 5 % environ du total
de la main-d'oeuvre employée - n'a pas déclaré de
profession. Quelques pays d'Europe occidentale
utilisent aussi la déclaration écrite des personnes
recensées sans les interroger oralement. Dans ce
cas, l'exactitude du recensement est sans doute
plus grande à condition de résoudre le problème
des non-réponses.
Un certain nombre de pays ont effectué des enquêtes auprès des entreprises pour recueillir des
renseignements sur la répartition par profession.
Les Etats-Unis ont organisé des enquêtes spéciales
à cette fin ou ont recueilli ces renseignements à
l'occasion d'enquêtes sur les salaires selon la profession. Avant d'effectuer ce genre d'enquêtes, il
faut élaborer soigneusement, en accord avec les
secteurs considérés, une terminologie sur les professions qui permette de recueillir des déclarations uniformes.
Aux Etats-Unis, on a rassemblé des données
sur la structure professionnelle des 140 secteurs
entre lesquels se répartit l'ensemble de l'activité
économique. Elles sont fondées essentiellement
sur les recensements de la population (dont le plus
récent date de 1960) mais on a amélioré la précision des résultats ou mis à jour les données sur
la structure professionnelle de nombreux secteurs
en recourant à d'autres sources d'information telles
que les enquêtes sur les salaires ou sur l'emploi
selon la profession. Si l'on connaît la structure
professionnelle récente d'un secteur, on peut l'utiliser pour répartir entre les diverses professions
le total des emplois prévus dans ce secteur pour
une année future donnée. Il serait mieux évidemment de pouvoir prévoir à l'avance comment cette
répartition des emplois entre les professions se
modifiera par suite du progrès technique et d'un
changement de l'échelle des opérations ou des m é thodes d'organisation du travail. Des études sur
l'évolution dans le temps de la répartition entre
professions à l'intérieur d'un secteur et de la différence de structure professionnelle entre les
petites et les grandes entreprises ou entre les
établissements modernes et ceux qui le sont moins,
aideraient considérablement à prévoir les pondérations nécessaires et, en pratique, à construire
les structures professionnelles projetées.On pourrait, par exemple, supposer que la répartition
par professions dans l'ensemble d'un secteur ressemblera de plus en plus à celui qui existe pour
le moment dans les entreprises utilisant les techniques les plus modernes.
Les données sur la répartition par profession
peuvent également être utilisées dans les pays qui
entreprennent des programmes de développement
industriel prévoyant l'introduction d'industries
nouvelles ou le remplacement de l'artisanat par
des méthodes industrielles. On peut se faire une
certaine idée des besoins professionnels futurs
de l'industrie considérée en examinant la structure professionnelle de cette industrie dans des
pays analogues mais plus développés. Les professeurs Horowitz, Zymelman et Herrnstadt, de
la Northeastern University de Boston (Massachusetts), ont recueilli des données sur la structure
professionnelle de chaque branche d'activité dans
des pays extrêmement divers et ont étudié la m a nière dont ces structures se modifient à mesure
qu'évolue le niveau technique (mesuré par la productivité de chaque travailleur à l'intérieur du
secteur considéré). L'objet de cette étude était
non seulement de voir comment ces modifications
se produisent, mais aussi de fournir quelques renseignements qui puissent aider les pays en voie de
développement à prévoir les besoins de maind'oeuvre par profession dans les secteurs d'activité qu'ils veulent créer chez eux.
4. Projections des besoins de main-d'oeuvre par
région et par zone
Dans certains cas, il est utile de disposer de projections des besoins de main-d'oeuvre non seulement à l'échelon de la nation, mais aussi au niveau
de la région géographique et m ê m e de la ville. Il
en est ainsi, par exemple, des projections de la
main-d'oeuvre utilisées pour établir des programmes d'enseignement ou de formation. Ces renseignements sont particulièrement utiles pour les
secteurs de l'emploi où la mobilité géographique
des travailleurs est relativement faible. Ils le sont
moins en ce qui concerne les cadres supérieurs et
techniques pour lesquels le marché de l'emploi
s'étend à la nation tout entière ; le plus souvent,
les jeunes gens quittent leur foyer pour faire des
études supérieures ; ils exerceront ensuite leur
profession dans d'autres villes et parcoureront le
pays pendant leur vie active. Il existe une grande
mobilité géographique m ê m e dans les professions
25
les moins spécialisées. Aux Etats-Unis, par
exemple, une étude récente montrait que sur cinq
personnes âgées de 18 ans en 1955, deux avaient
une nouvelle résidence en 1960.
Quoi qu'il en soit, les services de l'enseignement ont souvent besoin de projections de la demande de la main-d'oeuvre pour des zones géographiques plus restreintes que l'ensemble du pays.
Tel est particulièrement le cas dans des pays
c o m m e les Etats-Unis où l'enseignement est décentralisé au profit des Etats et des autorités locales. Aux termes de la législation sur les subventions versées par les autorités fédérales aux
Etats pour l'enseignement professionnel (à divers
niveaux préuniversitaires et pour des métiers artisanaux et techniques, pour le secrétariat, le
commerce et les services), chaque Etat est tenu
de mettre au point un plan d'enseignement fondé
en partie sur les besoins de main-d'oeuvre. Pour
établir ces plans, il faut disposer de projections
des besoins de main-d'oeuvre au niveau de l'Etat
et m ê m e de la ville.
Aux Etats-Unis, un certain nombre d'études
ont été faites par les services compétents des
Etats sur les perspectives de l'emploi dans certaines professions et dans des localités données1.
Ces enquêtes sur les qualifications professionnelles par zone ont été conçues pour évaluer sur
des marchés de l'emploi géographiquement limités
les besoins de main-d'oeuvre actuels et à venir
dans certaines catégories et pour déterminer les
besoins correspondants en matière de formation.
Les objectifs principaux des études de ce genre
ont été plus particulièrement précisés c o m m e suit :
(1) fournir des renseignements sur les possibilités
d'emploi dans la région, pour l'orientation de la
main-d'oeuvre ; (2) fournir aux services locaux de
la main-d'oeuvre un instrument leur permettant de
stimuler la création d'emplois ; (3) fournir de plus
amples renseignements sur les ressources de la
localité en main-d'oeuvre afin d'y développer l'emploi ; (4) favoriser la formation dispensée dans les
écoles locales ainsi que l'apprentissage, en les
reliant aux besoins de la région en main-d'oeuvre;
(5) encourager les employeurs locaux à évaluer
leurs besoins de main-d'oeuvre et favoriser les
stages de formation en usine.
Les enquêtes régionales sur les qualifications
supposent le rassemblement de données de base,
principalement auprès des employeurs, sur : (1)
la structure professionnelle de l'emploi actuel,
par sexe et par âge (pour permettre l'estimation
du nombre des décès et des retraites) ; (2) les
besoins de main-d'oeuvre par profession à tel m o ment de l'avenir (généralement deux et cinq ans
d'avance) ; (3) les programmes de formation et le
nombre de travailleurs en cours de formation ; (4)
l'intérêt manifesté pour la formation professionnelle préalable ou complémentaire et les besoins
dans ce domaine. Ces données serviraient à évaluer les besoins locaux de main-d'oeuvre par profession, et seraient destinées à certaines industries
26
ou certains groupes professionnels et aux e m ployeurs. L'analyse des disponibilités de maind'oeuvre, c'est-à-dire l'étude du nombre d'apprentis et de travailleurs suivant des stages de
formation en usine, du nombre des élèves des
cours de formation professionnelle et du nombre
d'inscrits sur les registres du service de l'emploi, renseigne sur les sources locales de main d'oeuvre qualifiée.
Lorsqu'on choisit les professions à étudier,
on tient généralement compte des données suivantes : (1) professions excédentaires et déficitaires dans la région ; (2) professions importantes
(du point de vue du nombre des emplois) qui, dans
la région, nécessitent plus qu'une simple formation en cours d'emploi ; (3) professions où l'emploi actuel est relativement peu développé mais
où l'on peut prévoir une demande future appréciable à la suite des plans d'expansion des e m ployeurs ou de l'installation de nouvelles entreprises dans la région ; (4) autres professions, qui
emploient peut-être un moins grand nombre de
travailleurs, mais qui posent un problème particulier ou qui intéressent spécialement la région.
Les renseignements nécessaires aux études
sur les qualifications par zone ont été obtenus des
employeurs par correspondance et par des visites
personnelles. Dans certaines des études, les besoins projetés étaient fondés non seulement sur
les prévisions de l'employeur mais aussi sur l'extrapolation des tendances passées de l'emploi par
secteur et par profession dans la région. Pour
certaines des études, le nombre de postes à pourvoir dans chaque profession a été calculé à l'aide
des tables de mortalité de la main-d'oeuvre et de
données sur la répartition par âge et par profession rassemblées au cours de l'enquête.
L'expérience montre, nous l'avons vu. que tant
aux Etats-Unis que dans d'autres pays les e m ployeurs ne sont pas toujours en mesure de prévoir exactement les besoins de main-d'oeuvre,
que ce soit pour leur propre entreprise ou pour
leur branche d'activité. Les prévisions locales
des employeurs devraient donc toujours être réexaminées à la lumière de la conjoncture nationale et de projections de l'emploi fondées sur une
analyse.
Il existe une méthode d'analyse qui consiste à
rapporter l'économie de la région à l'économie nationale et à projeter les tendances du rapport ainsi
obtenu. Les tendances de l'emploi dans chaque
branche d'activité de la région géographique peuvent
être comparées avec celles qu'on a obtenues dans
la m ê m e branche à l'échelle de la nation, et il est
possible de déterminer ainsi la part de la région
dans l'emploi national. On peut observer les tendances de ce rapport et se demander si la branche
d'activité se développe plus rapidement ou plus
1. On peut obtenir une liste à jour de ces études
en s'adressant au Department of Labor, Bureau
of Employment Security, Washington, D . C .
lentement dans la région que dans l'ensemble du
pays. Cette analyse peut être faite soit en établissant par régression la corrélation entre les données sur l'emploi local et les données sur l'emploi
national, le temps étant pris comme deuxième variable indépendante, soit en calculant les données
locales en pourcentage du total national et en observant la tendance du pourcentage dans le temps.
Il importe dans cette analyse de distinguer les
branches d'activité qui desservent surtout un m a r ché national, c o m m e les industries manufacturières
ou extractives, de celles qui desservent surtout un
marché local c o m m e le commerce de détail, les
services locaux ou l'administration locale. Les
premières doivent être considérées dans le cadre
des changements passés et des changements futurs
prévus de la demande nationale de leurs produits ;
les seconds devraient être étudiés dans le cadre
de l'évolution démographique passée et future de
la région.
Les effets relatifs de l'évolution économique
nationale et de l'évolution économique locale sur
l'emploi dans chaque branche d'activité et dans
des régions déterminées ont été étudiés systématiquement aux Etats-Unis à l'aide de données provenant de recensements successifs de population'.
L'étude montre dans quelle proportion le développement de l'emploi dans chaque région géographique
résulte de la croissance économique nationale, dans
quelle proportion elle résulte d'un changement de
la part de la région dans l'emploi national, dans
chaque branche d'activité, et dans quelle proportion elle résulte de changements dans la structure
économique de la région.
Il est possible de prévoir l'emploi dans chaque
région pour les branches d'activité orientées vers
le marché national en extrapolant les rapports observés et en calculant l'emploi local pour l'année
considérée à partir des projections nationales qui
correspondent à chaque branche pour cette m ê m e
année. Pour les branches d'activité qui desservent
un marché local, les prévisions peuvent se fonder
sur les projections démographiques concernant la
région. Ces deux projections doivent être considérées c o m m e des approximations initiales et être
réexaminées à la lumière des prévisions des e m ployeurs locaux.
Pour prendre connaissance de ces dernières
prévisions, le meilleur moyen à employer n'est
pas nécessairement de recourir à la simple enquête par questionnaire décrite ci-dessus : on a
constaté que si l'on commence par l'étude analytique et si les employeurs sont ensuite interrogés
alors que l'on dispose d'une première approximation, dont on leur montre les résultats, leur jugement a des chances d'être plus solidement étayé.
L'étude analytique sert de substitut à l'étude que
l'employeur pourrait avoir faite pour lui-même
(et que quelques employeurs font effectivement),
et elle lui permet d'être mieux informé des tendances et de la perspective nationales dans son
secteur et de la position nouvelle de sa société ou
de sa région dans l'industrie nationale. Ses jugements sur la part qui lui revient dans le total, ainsi
que les renseignements qu'il peut fournir sur ses
propres plans sont alors plus précis et plus
pertinents.
Il est un autre point sur lequel les renseignements fournis par les employeurs risquent de faire
défaut. L'employeur invité à prévoir les déperditions résultant des décès, des retraites ou des départs volontaires dans chaque profession est mal
placé pour déterminer les départs volontaires ou
pour juger dans quelle proportion les travailleurs
qui quittent son établissement quittent aussi la
profession et dans quelle proportion ils vont chez
d'autres employeurs.
En résumé, il vaut mieux combiner la méthode
analytique et les jugements des employeurs que
d'avoir recours aux unes ou aux autres isolément.
D. SYNTHESE DE METHODES
La description des diverses méthodes de projection des besoins de main-d'oeuvre et des solutions
possibles à chaque moment montrent la variété
des techniques utilisables. Il convient de souligner
que les méthodes décrites sont de simples instruments qui permettent de mieux juger des besoins
futurs. Elles sont en quelque sorte un cadre permettant de disposer les données et les hypothèses
de manière à formuler des jugements plus exacts.
D'après ce qui précède, il est clair qu'iln'existe
pas de méthode supérieure aux autres et universellement applicable, mais qu'on peut faire appel à
des méthodes différentes en fonction d'un certain
nombre de facteurs : données dont on dispose pour
l'analyse, ressources dont l'organisme qui fait les
projections dispose pour la recherche, conditions
économiques elles-mêmes puisque la possibilité
d'appliquer les méthodes fondées sur l'étude de
modèles passés et présents peut dépendre du
rythme m ê m e de l'évolution de l'économie.
Dans un pays qui ne dispose pas de données sur
les tendances de l'emploi et de la production par
secteur pour les années passées, par exemple, il
n'est guère possible d'analyser les tendances de
la productivité par secteur ni de projeter l'emploi
ou la production dans chaque secteur en les rapportant à l'emploi total ou au produit national brut.
Les enquêtes auprès des employeurs ne peuvent
1. Ashby, Lowel D . , "The Geographical Redistribution of Employment - An Examination of
the Elements of Change", US Department of
C o m m e r c e , Survey of Current Business, octobre 1964, pp. 13-20. La technique de l'analyse a été appliquée à chaque comté des EtatsUnis dans une série de publications du Department of Commerce, "Growth Patterns in
Employment by County, 1940-1950 and
19501960". Cette série comprend huit volumes dont
chacun porte sur une seule région.
27
pas s'appliquer lorsqu'il s'agit d'implanter une industrie entièrement nouvelle. Une analyse intersectorielle exige la construction d'une matrice
pour laquelle il faut disposer des statistiques de
production et de prix les plus élaborées (mais non
pas nécessairement de données sur les tendances
de l'emploi et de la production pour une série d'années passées).
Ainsi, chaque pays doit choisir entre plusieurs
méthodes et adopter celle qui convient le mieux à
ses besoins et à ses possibilités.
Dans la pratique, le plus sage, si l'on se fonde
sur l'expérience, semble être d'utiliser parallèlement autant de méthodes qu'il est possible. On peut
ainsi tirer parti des avantages de chaque méthode
et en mettre les résultats à l'épreuve les unes
des autres. Si l'on constate un large écart entre
les résultats, il est possible que l'une ou l'autre
méthode soit défectueuse. Des résultats analogues
tendront à se confirmer les uns les autres et à
dissiper l'incertitude de celui qui fait les prévisions ; des écarts minimes entre les résultats rappelleront utilement qu'une projection à long terme
ne va pas sans un certain degré d'imprécision.
Il existe, en ce qui concerne les méthodes de
projection, deux groupes principaux de solutions
possibles comportant chacun une alternative : les
études portant sur un secteur déterminé par opposition aux études générales applicables à l'ensemble de l'économie et les méthodes analytiques
par opposition aux enquêtes auprès des employeurs.
L'étude intensive de secteurs, branches d'activité ou professions déterminés sont probablement
le moyen le plus fécond et le plus sûr d'établir une
projection. Elle permet à l'analyste de saisir les
rapports réels de cause à effet qui agissent sur la
demande et, par une analyse intensive, d'acquérir
une connaissance approfondie de la situation de
sorte que son jugement n'en aura que plus d'autorité. En revanche, ces études sont coûteuses, et
peu de pays peuvent consacrer assez de ressources
à de telles études portant sur les principales professions et branches d'activité. En outre, les études
intensives par branche d'activité et par profession
sont impossibles si l'on ne dispose pas d'un cadre
économique général ; on ne peut en effet sans ce
cadre assurer la compatibilité des projections obtenues dans les diverses branches. Il est par conséquent nécessaire d'associer d'une manière ou
d'une autre les méthodes de l'analyse approfondie
et les méthodes générales, à la fois pour assurer
la compatibilité des résultats et pour fournir des
projections aux secteurs de l'économie qui ne peuvent
faire l'objet d'études intensives faute de ressources.
De m ê m e , les enquêtes auprès des employeurs
sont un bon moyen de tirer parti du jugement de
ces derniers et de la connaissance qu'ils ont de
leur branche d'activité, et d'obtenir des renseignements sur leurs plans d'investissements, leurs
projets d'innovations technologiques et autres faits,
qu'ils sont les seuls à pouvoir communiquer. En
revanche, les méthodes analytiques s'imposent si
28
l'on veut obtenir des résultats compatibles et tenir compte des entreprises nouvelles qui peuvent
se créer dans chaque branche. Il faut donc combiner les appréciations des employeurs et une m é thode analytique.
La synthèse des diverses méthodes peut prendre
des formes multiples. Nous en donnerons des
exemples en analysant brièvement les méthodes
de projection de la main-d'oeuvre appliquées respectivement aux Etats-Unis et en France.
Etats-Unis d'Amérique
Aux Etats-Unis, le Bureau of Labor Statistics du
Ministère du travail, qui poursuit des études dans
ce domaine depuis vingt ans, prévoit les besoins
et l'offre de main-d'oeuvre par profession et
branche d'activité à l'échelon national. Pour les
Etats et les grandes agglomérations urbaines, les
projections sont faites par les Services de l'emploi
des Etats, sous la direction technique du Bureau
of Employment Security du Ministère du travail.
Le Bureau of Labor Statistics établit ses projections de la main-d'oeuvre à partir de projections démographiques (faites par le Bureau du
recensement). Puis il projette le produit national
brut et sa composition. Les projections de l'emploi et celles de la production par branche d'activité se fondent toutes deux sur une analyse par
régression et sur des analyses intersectorielles1.
Les projections de la production sont traduites en
projections de l'emploi au moyen de projections
de la productivité. U n tableau à double entrée, par
profession et branche d'activité, reproduisant la
structure professionnelle de 140 branches d'activité et donnant des détails sur environ 150 professions ou groupes de professions, est utilisé pour
traduire les projections de l'emploi par branche
en projections des professions. O n évalue les décès et les retraites dans chaque profession à l'aide
de tables de la vie active et l'on calcule approximativement la mobilité professionnelle nette.
Les études intensives ne concernent que 30 ou
40 branches d'activité sur 140 et un plus grand
nombre de professions. Au cours de ces études,
on interroge les employeurs, les syndicats et les
associations professionnelles pour obtenir des
aperçus et des appréciations sur les divers facteurs pouvant exercer une influence sur les besoins
futurs de main-d'oeuvre dans chaque secteur. O n
procède aussi à des études intensives sur les changements technologiques et leurs incidences effectives et virtuelles sur l'emploi. Des données sur
la tendance de la productivité sont rassemblées
pour l'économie dans son ensemble et pour des
branches particulières, et elles servent de base
aux projections de la productivité. Il en est de
m ê m e du nombre d'heures de travail.
1. Voir America's Industrial and Occupational
Manpower Requirements 1964-1975, Bureau
of Labor Statistics, 1966.
En résumé, les projections nationales sont le
résultat combiné d'études générales et d'études
sectorielles intensives. Les économistes qui s'occupent de chaque branche ou de chaque profession
sollicitent l'opinion des employeurs au cours d'entretiens où l'on examine l'évolution de la situation,
mais les employeurs n'ont pas à fournir de
prévisions '.
Les projections par Etat et par région reposent
essentiellement sur des enquêtes au cours desquelles les employeurs ont été invités à donner
leurs prévisions. Celles-ci sont complétées par
quelques études analytiques qui, cependant, ont été
très peu nombreuses jusqu'à présent, et dans bien
des cas les prévisions des employeurs ont été résumées et publiées.
A la suite d'une étude faite au Ministère du travail, une nouvelle méthode d'établissement des
projections locales est en voie d'élaboration : un
ensemble systématique de données sur les tendances nationales et sur les projections de ces
tendances pour toutes les branches et toutes les
professions sera fourni aux organismes des Etats
qui font les projections locales, et on leur proposera d'appliquer telle ou telle technique pour analyser le rapport entre les tendances locales et les
tendances nationales dans chaque branche d'activité. Ces données compléteraient les renseignements fournis par les employeurs.
Les projections faites au niveau de l'Etat et de
la région reposent donc pour une bonne part sur
les prévisions des employeurs, mais des méthodes
plus analytiques vont être utilisées bientôt pour
compléter ces renseignements et améliorer les
prévisions.
France
Les projections de la demande et de l'offre de
main-d'oeuvre faites en France s'intègrent dans
la "planification indicative", technique originale
qui y est utilisée depuis la fin de la guerre.
La planification dépend dans son ensemble du
Commissariat général au Plan qui comprend une
Commission de la main-d'oeuvre. Les projections
de la main-d'oeuvre sont étroitement liées aux
projections économiques du plan tout entier.
Les premières projections sont celles de la population active, faites par l'Institut national de la
statistique et des études économiques et par l'Institut national d'études démographiques. La population active projetée est répartie par grands secteurs d'activités : agriculture, industrie, administration, etc. O n utilise ensuite les projections de
la productivité par secteur pour prévoir le produit
national brut qui est réparti entre la consommation,
l'investissement et le commerce extérieur. La demande finale est ensuite répartie en dix grandes
catégories et l'on utilise les méthodes d'analyse
intersectorielle afin d'évaluer le volume de la production nécessaire dans chaque secteur pour faire
face à cette demande. La première répartition de
la population active par grands secteurs est ensuite réexaminée à la lumière de ces projections.
Les perspectives globales par secteur sont
présentées ensuite c o m m e objectif aux commissions du plan spécialisées dans l'étude des secteurs, commissions dites "verticales", qui comprennent des représentants des organisations
d'employeurs. Le Commissariat général au Plan
donne des instructions générales sur les priorités
souhaitées. Chaque commission verticale détermine un objectif de production pour son secteur et
évalue l'accroissement probable de la productivité.
Elle évalue aussi les besoins probables de maind'oeuvre, d'investissements et de crédits. En faisant les projections des besoins de main-d'oeuvre,
les commissions tiennent compte de la productivité
dans les entreprises qui sont techniquement les
plus en avance et d'un certain nombre d'autres
données. Elles font également des projections par
profession.
La Commission de la main-d'oeuvre rassemble
ensuite les prévisions, établit elle-même des prévisions pour les secteurs dont les commissions
verticales ne se sont pas occupées et vérifie qu'elles
coincident bien les unes avec les autres et avec les
objectifs généraux fixés par le Commissariat général au Plan. Si des écarts apparaissent, les c o m missions verticales sont à nouveau saisies et doivent
réviser leurs objectifs. Les projections par catégorie professionnelle sont soigneusement étudiées
par la Commission de la main-d'oeuvre à la lumière des données sur les tendances de l'emploi
par profession obtenues grâce aux enquêtes du
Ministère du travail et fournies aussi dans un tableau
établi par le Commissariat général au Plan, et
indiquant dans ses grandes lignes la répartition
des catégories professionnelles par branche
d'activité.
Les commissions verticales font également des
projections de la production et de la demande de
main-d'oeuvre dans chaque région, sur la base
des tendances économiques et de l'implantation
probable d'industries nouvelles. Ces projections
sont étudiées par le personnel du Commissariat
qui tient compte, ce faisant, des données sur l'accroissement démographique et les migrations2.
En résumé, la méthode appliquée en France
est essentiellement analytique, les études intensives par secteurs étant faites par des représentants de chacun de ces secteurs. La liaison étroite
1. Harold Goldstein, "Projections of manpower
requirements and supply" in Industrial Relations, University of California, Berkeley, mai
1966, pp. 17-27.
2. L'analyse ci-dessus se fonde sur un article de
Claude Vimont/'Les méthodes de prévision de
l'emploi en France et l'utilisation de ces prévisions dans la définition des programmes de
l'éducation nationale", O C D E "Aspects économiques de l'enseignement supérieur", Paris,
1964.
29
entre les travaux de projection de la main-d'oeuvre
et la planification contribue à donner des résultats
raisonnables et à les faire accepter par le gouvernement c o m m e base de la planification de
l'enseignement.
Nécessité de revoir régulièrement les projections
Il apparaît très nettement, d'après l'analyse des
méthodes de projection qui précède, que la prévision de l'emploi est plus un art qu'une science et
qu'elle est dans une grande mesure affaire de jugement. En outre, un grand nombre des données
statistiques de base nécessaires n'existent pas ou
sont loin d'avoir la perfection qui convient aux
études de projection. Il y a donc de grandes chances
que les projections soient sujettes à quelque erreur
et le degré d'erreur s'accroît probablement à mesure
que la projection porte sur un avenir plus éloigné.
Cela ne veut pas dire qu'il ne faut pas faire de
projections ni les utiliser à titre indicatif pour les
décisions. Il n'y a pas d'autre solution, si les décisions concernant l'avenir doivent se fonder sur
une évaluation raisonnable de la nature des problèmes qu'il s'agira de résoudre. Mais cela signifie que les décisions d'ordre politique doivent être
prises en tenant dûment compte des possibilités
d'erreur dans les projections, et cela impose deux
obligations aux autorités responsables de ces dernières : (1) indiquer la g a m m e d'incertitude des
projections ; (2) réexaminer les projections à
des intervalles fréquents de manière à constater les écarts éventuels et la direction de
30
ces
écarts et, le cas échéant, à les réviser.
En fait, les services responsables des projections réexaminent celles-ci régulièrement. Une
étude des projections françaises, par exemple,
montre que les accroissements de productivité
dans quelques grands secteurs ont été en réalité
plus importants qu'ils n'avaient été prévus pour
la période 1957-1961 et que l'emploi réel a été
inférieur à l'emploi projeté'.
Il ressort d'une
étude de la pratique suivie aux Etats-Unis que les
projections faites en 1948 et 1949 ont systématiquement sous-estimé l'augmentation du nombre
des "cols blancs" bien que les projections fussent
exactes en ce qui concerne les branches d'activité
et les catégories professionnelles dans lesquelles
l'emploi a baissé au cours des dix années
suivantes2.
Le processus de réexamen des projections a
pour avantage évident de permettre de tirer les
leçons des fautes passées pour améliorer les techniques de prévision.
1. Jean Fourastié, "La prévision de l'emploi en
France", in : "La prévision de l'emploi - Session d'études internationale sur les techniques
de prévision de l'emploi", Bruxelles, juinl962,
OCDE.
2. Harold Goldstein, An evaluation of experience
in long-term projections of employment by
occupation, communication faite à la 21 e Conférence inter-Etats sur les statistiques de la
main-d'oeuvre. San Francisco, Californie,
27 juin 1963.
III. A N A L Y S E D E L ' O F F R E D E M A I N - D ' O E U V R E
La présente section se divise en deux parties. La
première étudie les diverses méthodes de projection de l'offre par profession, et la seconde porte
sur les méthodes de projection de toute la population active d'un pays.
Les prévisions des ressources futures en maind'oeuvre d'un pays répondent à de multiples raisons.
Elles sont nécessaires, par exemple, pour calculer
le nombre d'emplois qui devront être créés au
cours d'une année donnée afin d'assurer le plein
emploi ou, du moins, maintenir le chômage à un
niveau réduit. Toujours dans ce m ê m e ordre
d'idées, les prévisions portant sur la population
active globale d'un pays sont le point de départ indispensable de toute projection de la croissance
économique de ce pays (celle-ci étant subordonnée
à la pleine exploitation des ressources humaines
disponibles). Les projections portant sur la population active, par tranches d'âge, par sexe, race,
etc. servent également à préciser la nature des
ressources dont on disposera à un moment donné.
C'est ainsi que les projections établies pour les
années 196 0 à 1970, qui faisaient apparaître une
très forte augmentation du nombre de jeunes travailleurs et de femmes, parallèlement à un léger
accroissement de la population masculine d'âge
moyen, ont été de façon générale interprétées
c o m m e annonciatrices de difficultés dans l'utilisation de la main-d'oeuvre. D e la m ê m e façon, on
peut confronter les projections del'offre avec celles
de la demande et de sa nature, et comparer par
exemple le niveau d'instruction de la population
active existante avec le niveau d'instructionqu'exige
l'expansion économique, tel qu'il se dégage des
projections de la demande par profession. (Cf.
l'étude de la comparaison entre les projections de
l'offre et de la demande.
L'analyse comparée des tendances de l'offre et
des projections de la demande peut aider à déterminer dans quelle mesure un pays doit développer
ses services et activités pédagogiques pour satisfaire ses besoins futurs en travailleurs qualifiés.
Une évaluation de l'offre future (et de la demande
future) de main-d'oeuvre est indispensable, dans
certains pays, à l'élaboration de la politique d'immigration et (ou) d'émigration.
Les projections de l'offre et de la demande pour
certaines catégories de travailleurs (scientifiques
et techniciens, par exemple) ont pour but de faciliter l'élaboration d'une politique concernant ces
catégories. L'appréciation des disponibilités actuelles et prévues de main-d'oeuvre technique,
jugées satisfaisantes ou non, pèsent sur de n o m breuses options. L'industrie et l'Etat se doivent
de fixer une politique en matière, par exemple,
de recrutement, de formation de techniciens et
autres travailleurs auxiliaires, en matière de salaires, bourses, planification de la recherche,
dérogations aux obligations militaires, etc.
On a également recours aux projections de l'offre
et de la demande de main-d'oeuvre pour établir
des plans de mobilisation de cette main-d'oeuvre,
c'est-à-dire pour évaluer dans quelle mesure les
disponibilités de main-d'oeuvre permettent la réalisation de programmes spécifiques de mobilisation. On a de m ê m e effectué des projections de ce
genre pour déterminer si d'importants programmes
destinés à être lancés sur une grande échelle par
l'Etat dans le domaine spatial, par exemple, ou
dans celui de la santé mentale, étaient réalisables
en termes de main-d'oeuvre. Les projections de
l'offre et de la demande dans certaines catégories
professionnelles précises servent également à déterminer s'il est possible de parvenir à certaines
normes de fonctionnement (en réduisant par
exemple le taux élèves/maftre dans les écoles secondaires) et à en évaluer les implications.
A,
PROJECTIONS D E L ' O F F R E D E
M A I N - D ' O E U V R E DANS CERTAINES
CATEGORIES PROFESSIONNELLES
Pour évaluer quelle sera l'offre de main-d'oeuvre
dans telle ou telle catégorie professionnelle, en
telle ou telle année, il faut tout d'abord déterminer le nombre actuel de personnes exerçant cette
profession, estimer ensuite les additions possibles
ou probables à ce nombre, et enfin en déduire les
pertes prévisibles. Les disponibilités existantes
dans une catégorie professionnelle peuvent être
définies c o m m e étant la s o m m e des personnes
exerçant cette profession et des travailleurs sans
emploi cherchant à l'exercer. Les entrées dans
une catégorie professionnelle sont d'origines diverses : elles comprennent : (1) les nouveaux
31
venus frafchement émoulus d'un cours de formation
expressément conçu pour les préparer à cette profession; (2) les nouveaux venus frafchement émoulus
d'un cours de formation préparatoire à une activité
différente; (3) les personnes, autres que les étudiants,
qui ne font pas partie de la population active civile,
par exemple, les femmes au foyer, les retraités et
les militaires ; (4) les personnes venant d'autres
branches d'activité et (5) les immigrants. L e calcul
des pertes devrait comprendre une estimation du
n o m b r e de travailleurs dans cette branche qui m o u r ront ou prendront leur retraite pendant la période
considérée, de ceux qui cesseront de faire partie
de la population active pour une raison ou pour une
autre, de ceux qui passeront à d'autres branches
d'activité et de ceux qui émigreront.
Les entrées et les sorties
dans une profession donnée se
tion suivante, qui indique la
entre l'époque N et l'époque
de main-d'oeuvre
traduisent par l'équavariation de l'offre
N+l.
O n trouvera ci-dessous u n examen détaillé de chacun
des éléments de cette équation. A titre
d'exemple de l'établissement de prévisions des disponibilités futures de main-d'oeuvre, nous prendrons
la projection des entrées et des sorties dans la catégorie des ingénieurs et des h o m m e s de science aux
Etats-Unis.
1.
Offre existante
L'offre existante se distingue (lorsqu'on la définit
c o m m e étant la s o m m e des travailleurs occupés et
non occupés) du "potentiel disponible" qui c o m prendrait tous les travailleurs aptes à exercer
cette profession, indépendamment de leur décision
d'en exercer une autre ou d e ne pas travailler du
tout. L a plupart des gens sont qualifiés pour exercer plus d'une profession et sont disposés à en
changer selon leurs besoins ou selon les occasions.
Cela est plus particulièrement vrai des professions
Offre future à
l'époque N + l
(E+UE)
où :
32
N +l
égale
Disponibilités
existantes
(E + U E )
N
n'exigeant pas une qualification particulièrement
élevée ; mais m ê m e aux niveaux supérieurs de
compétences et de formation, nombreuses sont les
personnes suffisamment qualifiées pour pouvoir
exercer indifféremment une activité ou une autre.
C'est ainsi qu'aux Etats-Unis, la mobilité professionnelle est considérable m ê m e dans le domaine
scientifique, qui est cependant l'un de ceux qui
exigent une formation des plus spécialisées.
D e façon générale, la multiplicité des qualifications de chacun fait que le n o m b r e de personnes
qualifiées pour exercer une profession dépassera
toujours le n o m b r e de celles qui l'exercent en fait.
P a r m i les personnes qualifiées pour exercer une
profession mais ne l'exerçant pas actuellement,
beaucoup sont employées dans d'autres secteurs,
cependant qu'un certain n o m b r e d'autres, retraités, m è r e s de famille ayant provisoirement abandonné toute activité professionnelle, etc., ne font
pas partie de la population économiquement active.
O n peut donc considérer que les disponibilités de
main-d'oeuvre dans une profession donnée sont,
dans une certaine m e s u r e , sujettes à variation.
Lorsque la profession considérée offre des salaires ou certains avantages (logement et frais de
scolarité gratuits, autres avantages annexes, p o s sibilité de travail à temps partiel, etc. ) plus intéressants que d'autres activités ou meilleurs que
par le passé, elle peut attirer un surcroît de travailleurs ; le contraire peut se produire lorsque
les salaires, avantages et autres attraits sont
faibles. Il faut donc, pour pouvoir établir une p r o jection de l'offre dans une profession donnée, disposer de certaines hypothèses de travail ou
d'indications sur la demande dont cette profession
fait l'objet, dans l'absolu et par rapport aux professions concurrentes.
Voyons maintenant un exemple précis d'évaluation des disponibilités existantes. L e tableau I
donne le n o m b r e estimatif d'ingénieurs et d ' h o m m e s
de science aux Etats-Unis en 1963, calculé sur la
Entrées pendant
la période
considérée
plus
c'est-à-dire
TP + TP + O C + N L F + I
E = Emploi
U E = Chômeurs ("unemployed") cherchant
à exercer la profession
T P = Nouveaux venus frafchement émoulus
de cours de formation ("training
programmes" - "specifically") spécifiquement conçus pour les préparer à la profession
T P = Nouveaux venus frafchement émoulus
de cours de formation préparatoires
à d'autres professions ("training
programmes" - "other")
où :
N->N+1
Pertes au cours
de la période
considérée
(D + R + T + O L )
N-»N+1
O C =« Nouveaux venus d'autres professions
("other occupations")
N L F = Nouveaux venus ne faisant pas partie
de la population active ("not in
labour force")
I = Immigrants entrant dans cette
profession
D = Décès
R — Retraites
T = Transferts
O L = Autres pertes ("other losses"), par
exemple, par émigration.
TABLEAU I
N O M B R E ESTIMATIF D ' H O M M E S D E SCIENCE E T D'INGENIEURS
EMPLOYES EN 1963 PAR PROFESSIONS
ET GRANDS SECTEURS D'ACTIVITES
Scientifiques
Ingénieurs
et ingénieurs
Tous secteurs
Industrie privée
Gouvernement fédéral
Gouvernements des Etats
Administration locale
Enseignement supérieur
1. 271.600
943.600
118. 000
47. 900
33. 900
128. 200
924. 900
765. 400
71. 700
34. 200
26. 900
26.700
Scientifiques
346.
179.
46.
13.
7.
100.
800
300
300
700
000
500
Physique
192.
129.
21.
2.
1.
37.
Sciences de
la vie
600
800
200
600
700
300
112. 100
26.
22.
10.
5.
47.
800
300
800
200
000
Mathématiques
42. 100
22. 700
2. 800
300
100
16. 200
Source : Technician m a n p o w e r : requirements, resources, and training
needs, B L S Bulletin 1512, 1966.
base des statistiques les plus courantes 1.
On a
établi des estimations distinctes pour les ingénieurs
et les h o m m e s de science travaillant dans six
grands secteurs de l'économie : industrie privée,
établissements d'enseignement supérieur. Gouvernement fédéral, gouvernements des Etats, administration locale et organisations sans but lucratif. A ces
estimations, peut s'ajouter une évaluation du nombre
de scientifiques et d'ingénieurs sans emploi 2.
2. Entrées
Les diplômés des établissements d'enseignement
supérieur constitueront de loin la plus grande partie des nouveaux hommes de science et ingénieurs
aux Etats-Unis. Leur nombre estimatif est calculé
en fonction de trois facteurs : (1) projections des
promotions de jeunes dans chaque discipline ; (2)
pourcentage estimatif des membres de ces promotions qui exerceront une activité dans la discipline
correspondante et (3) pourcentage estimatif de
ceux qui ne travaillent pas dans la branche correspondante au moment où ils obtiennent leur diplôme.
Les projections portant sur le nombre de nouveaux diplômés de l'enseignement supérieur en
science et en technologie par discipline et par niveau d'études sont établies par le United States
Office of Education, qui rassemble, dans tous les
établissements d'enseignement supérieur, des renseignements très complets sur le nombre d'inscriptions et celui des diplômes décernés. Le nombre
de diplômes de chaque niveau (Bsc, M . Se. et Ph. Dj
dans chaque discipline est relevé chaque année auprès de tous les établissements d'enseignement supérieur. O n obtient les projections du nombre de
diplômés en établissant les projections de la population des groupes d'âge adéquats et en formulant certaines hypothèses quant à la fraction (enhausse aux
Etats-Unis) qui terminera le cycle d'études de chaque
niveau de l'enseignement secondaire et universitaire.
Les projections portant sur le nombre d'étudiants ou
le nombre de diplômé s 3 dans chaque branche
d'études sont fondées sur les statistiques passées
de la fraction de la population estudiantine globale,
1. Chiffres parus dans Technician manpower : requirements, resources and training needs, (Bureau
of Labor Statistics) Bulletin 1512, 1966. Les données relatives à l'emploi dans chaque secteur sont
tirées notamment de Scientific and technical e m ployment in private industry 1963, BLS Bulletin
non paru, Scientific and technical employment in
State Government Agencies, 1962, B L S Bulletin
1412, Scientific and Technical employment in
local Government Agencies, October 1963 (données préliminaires) et Scientist and engineers in
colleges and universities 1961, NSF65-8. Enee
qui concerne la façon dont les estimations de l'emploi ont été établies, se reporterà l'Appendice B
au B L S Bulletin 1512.
2. On estime qu'en 1965, 1 % environ des h o m m e s
de science et des ingénieurs étaient sans emploi.
3. Cf. Projections of educational statistics to 19741975, éditions de 1965 U S Department of Health,
Education and Welfare ; OE-10030-65. O n trouvera dans ce document, à partir de la page 55,
une description circonstanciée des méthodes
employées pour obtenir des projections portant
sur les effectifs totaux des établissements d'enseignement supérieur, le nombre des premières
inscriptions en vue de l'obtention d'un diplôme,
le nombre - global et par disciplines - de diplômes de B . Se. et de premiers diplômes de
pédagogie (hommes et femmes considérés séparément) ainsi que le nombre - total et par
disciplines - de diplômes de M . Se. et de Ph. D .
33
TABLEAU II
PROJECTIONS DU N O M B R E DE DIPLOMES D E SCIENCES
ET D E TECHNOLOGIE QUI SERONT OBTENUS AUX ETATS-UNIS
DE 1965-1966 A 1974-1975
Année
Total
Mathématiques
et statistique
Technologie
Physique
Biologie
Agriculture
et sylviculture
Sciences
générales
6.640
6. 610
7. 240
7.820
7. 190
6. 700
6. 150
5. 780
5.310
4. 980
2. 940
3. 280
4. 040
4. 940
5. 060
5. 270
5. 520
5. 880
6. 380
6. 860
1. 780
1. 740
1.600
1. 550
1.650
1. 720
1.680
1.660
1. 550
1. 430
1. 060
1. 200
1. 290
1. 470
1.860
2. 300
2.400
2. 550
2. 730
2. 970
DIPLOME D E BACHELOR O F SCIENCES
1965-1966
1966-1967
1967-1968
1968-1969
1969-1970
1970-1971
1971-1972
1972-1973
1973-1974
1974-1975
111.650
120.300
143.890
170. 020
169.900
171.680
176. 040
183. 950
195.270
206.320
22.690
25. 760
32, 320
39. 950
41.660
43. 800
46. 560
50. 400
55. 370
60, 390
36, 030
37.850
44. 220
51. 000
49. 720
48.880
48. 930
49.870
51. 570
53. 040
18.
20.
24.
28.
28.
28.
29.
30.
32.
34.
780
220
130
510
410
630
390
700
570
380
24. 580
26.590
31. 940
37.810
37.870
38.410
39.480
41.320
44. 070
46.660
DIPLOME D E MASTER O F SCIENCES
1965-1966
1966-1967
1967-1968
1968-1969
1969-1970
1970-1971
1971-1972
1972-1973
1973-1974
1974-1975
31.870
34.630
35.790
39.360
• 47. 880
57. 780
58. 770
60.830
63.650
67.530
5. 150
5.860
6. 310
7. 210
9. 080
11. 330
11.840
12. 560
13. 480
14. 640
14. 150
15.460
16. 070
1 7. 780
21. 740
26. 350
26. 840
27.820
29. 200
31. 100
5.630
5. 970
6. 040
6. 490
7. 730
9. 140
9. 080
9. 180
9.400
9. 770
4.120
4.400
4.490
4.860
5.820
6. 940
6. 940
7. 080
7. 300
7.610
DIPLOME D E DOCTOR O F SCIENCES
1965- -1966
1966- -1967
196 7--1968
1968- -1969
1969- -1970
1970- -1971
1971- -1972
1972- -1973
1973- -1974
1974- -1975
7.
8.
9.
10.
10.
11.
12.
14,
17.
16.
830
380
250
360
970
100
030
400
130
950
710
770
880
1. 000
1. 080
1. 120
1. 240
1. 510
1. 830
1.840
2. 050
2. 260
2.580
2. 980
3. 250
3. 370
3. 750
4.600
5.610
5.680
2, 690
2. 830
3. 090
3.410
3. 560
3. 550
3. 800
4. 480
5. 260
5. 140
1. 760
1. 860
2. 010
2. 200
2. 280
2. 270
2.410
2.820
3.280
3. 180
620
650
700
770
800
790
840
980
1. 140
1. 100
(1)
(1)
(1)
(1)
(1)
(1)
(1)
(1)
(1)
(1)
(1) Moins de 5
Source : Projections of educational statistics to 1 9 7 4 - 1 9 7 5 .
Health, Education and Welfare ; O E - 1 0 0 3 0 - 6 5 .
34
Edition de 1 9 6 5 , U . S. D e p a r t m e n t of
masculine d'une part, féminine d'autre part, qui
s'inscrit pour les cours correspondant ou obtient
le diplôme de fin d'études '.
O n trouvera au tableau II les projections les plus récentes portant
sur le n o m b r e de diplômes par discipline jusqu'en
1975.
P a r m i ceux qui ont m e n é à bien les études dans
une discipline, tous n'obtiennent pas nécessairem e n t u n poste dans la branche correspondante.
C'est ainsi que des diplômés en mathématiques
obtiennent un poste d'ingénieur et, inversement,
des ingénieurs diplômés font carrière dans les
mathématiques. N o m b r e de diplômés deviennent
professeurs d'enseignement secondaire, notamm e n t en sciences et en mathématiques. Certaines
personnes possédant un B . Se. entreprennent d'acquérir une formation professionnelle dans un autre
domaine : médecine ou gestion des affaires, par
exemple. Des diplômés en sciences ou en technologie se dirigent parfois vers des situations telles
qu'emplois administratifs ou commerciaux, où
leurs connaissances techniques ne leur sont guère
utiles. Beaucoup d'entre eux poursuivent des
études. Il faut donc estimer, pour chaque discipline, combien de diplômés exerceront, dès
après l'obtention de leur diplôme, une activité
dans la discipline correspondante. O n peut faire
ces estimations en analysant le genre de postes
obtenus dans le passé par les m e m b r e s de certaines promotions 2 .
L e tableau III fournit un exemple d'estimation,
pour chaque niveau de diplôme, du n o m b r e de diplômés de sciences et de technologie qui, aussitôt
après avoir obtenu le diplôme, entrent dans la
catégorie professionnelle à laquelle ils se sont
préparés.
Les nouveaux diplômés qui embrassent la profession à laquelle ils se sont préparés ne sont pas
les seuls à entrer dans cette profession : chaque
année, le n o m b r e des scientifiques s'augmente
d'un certain nombre d'ingénieurs, et vice-versa.
E n outre, un certain n o m b r e de diplômés, non
pas en science ou en technologie, mais dans un
tout autre domaine, la pédagogie par exemple,
embrassent une profession scientifique ou celle
d'ingénieur. O n peut également évaluer le n o m b r e
1. O n a procédé de façon quelque peu différente
pour obtenir les projections portant sur le
n o m b r e futur de diplômés de technologie des
quatre années à venir. O n connaît pour chaque
année le nombre d'inscriptions de première
année ; on projette le taux de succès aux exam e n s pour les quatre années à venir (ce taux
étant, ces dernières années, d'environ 1/2),
et l'on applique ce pourcentage au n o m b r e d'étudiants de première année.
2. Deux grandes études sur l'activité professionnelle des anciens étudiants aux Etats-Unis fournissent des données propres à l'établissement
de telles estimations. C e sont : Two years after
the college degree - work and further study
patterns (NSF 63-26) et Education and employment specialization in 1952 of June 1951 College graduates (National Science, Foundation,
1954).
T A B L E A U III
F R A C T I O N D E S D I P L O M E S E M B R A S S A N T L A PROFESSION P R E P A R E E ,
PAR NIVEAU
Branche
Technologie
Chimie
Physique
Sciences de la terre
Sciences de la vie
Mathématiques
Autres sciences physiques
B . Se.
80
34
30
25
20
19
15
M . Se.
Ph. D .
84
68
61
52
51
47
35
97
95
95
95
95
95
95
Source : Estimations fondées sur les données contenues dans T w o years after the college
degree - work and further study patterns (NSF 63-26). Les chiffres indiqués en
ce qui concerne les titulaires du P h . D . reposent sur l'analyse de plusieurs
études consacrées à la formation des ingénieurs et des h o m m e s de science.
35
de personnes qui deviennent ingénieur ou e m brassent une profession scientifique, alors qu'elles
sont nanties de diplômes sanctionnant des études
d'un autre genre, en examinant les conclusions
d'enquêtes sur les activités professionnelles postuniversitaires de promotions successives, enquêtes qui indiquent quel genre de situation elles
embrassent après leurs études. Aux Etats-Unis,
par exemple, on estime que pour 100 ingénieurs
qui ont dûment terminé des études d'ingénieur,
il y en a une vingtaine qui ont un diplôme dans un
autre domaine, et l'on prévoit que le nombre de
ces derniers va s'accroître. De m ê m e , pour 100
chimistes diplômés en chimie, il y a environ 25
chimistes diplômés dans une autre discipline.
Enfin, on a cherché à déterminer la fraction
des nouveaux diplômés qui n'exerçaient pas déjà
une activité dans leur domaine d'études lors de
l'obtention de leur diplôme. En effet, beaucoup
de personnes, au moment où elles obtiennent le
M . Se. ou le Ph. D . , travaillent déjà dans leur
domaine de spécialisation. Les chiffres dont on
dispose montrent que les quatre cinquièmes environ de tous les titulaires d'un Ph. D . en technologie et dans les diverses disciplines scientifiques,
sauf la chimie (pour laquelle le rapport est 60 %)
travaillaient déjà dans leur spécialisation avant
d'obtenir le diplôme \
De m ê m e , on estime que
parmi les nouveaux titulaires du M . Se. , entre la
moitié et les quatre cinquièmes, selon les disciplines, travaillaient déjà dans leur domaine
d'études. En outre, certains titulaires du B . Se.
en technologie ont obtenu leur diplôme en suivant
des cours à temps partiel, tout en occupant un
emploi technique.
Autres entrées
Les professions scientifiques et techniques s'augmentent en outre d'un nombre important de personnes qui n'ont pas fait d'études dans un établissement d'enseignement supérieur correspondant.
Nombreux sont les techniciens qui, sans avoir de
diplôme, sont promus à un poste scientifique ou à
celui d'ingénieur ; il est fréquent que des personnes n'ayant qu'un diplôme de l'enseignement
secondaire et qui travaillaient dans d'autres
branches entrent dans la catégorie scientifique ou
technique. D'autres encore, en grand nombre,
passent d'une discipline scientifique à une autre,
et il en est qui prennent un emploi scientifique ou
technique alors qu'ils ne faisaient pas partie de
la population active. Enfin, les immigrants
viennent s'ajouter aux ressources en scientifiques
et ingénieurs. On pourrait obtenir le nombre d'entrées imputables à chacune de ces catégories en
extrapolant les chiffres passés, compte tenu des
possibilités d'évolution ultérieure de la situation.
O n connaît le nombre d'hommes de sciences et
d'ingénieurs qui ont immigré aux Etats-Unis ces
dernières années, et l'on pourrait établir les projections pertinentes compte tenu des nouveaux
36
règlements en matière d'immigration et d'un certain nombre d'autres facteurs. Les enquêtes sur
les activités postuniversitaires fournissent des
renseignements sur les promotions de techniciens
à des postes d'ingénieur ou à des postes scientifiques 2 . On pourrait également, sur la base des
chiffres passés, évaluer le nombre global de
toutes les entrées (autres que celles des nouveaux
diplômés universitaires)3.
3. Pertes de main-d'oeuvre
Lorsqu'on projette l'offre de main-d'oeuvre pour
une année donnée, on évalue, en se fondant à la
fois sur les statistiques de l'année de base et sur
les entrées, les pertes qui se produiront du fait
des décès, des retraites, des réductions de la
1. Cf. Doctorate production of United States Universities 1920-1962, National Academy of Sciences National Research Council publication 1142.
2. Postcensal Study of Professional and Technical
personnel - les personnes déclarées c o m m e
techniciens lors du recensement décennal de
1960 ont été invitées en 1962 à faire connaître
leur profession. O n trouvera également dans
Technician manpower : requirements, resources
and Training Needs, B L S Bulletin 1512, une
étude de l'importance de la promotion dans les
professions scientifiques et techniques.
3. C'est ainsi que, pour évaluer le nombre global
d'entrées dans la profession d'ingénieur entre
1950 et 1963, autres que celles des diplômés
récents des établissements d'enseignement supérieur, on a analysé d'abord l'augmentation
globale des effectifs dans cette profession pendant la période considérée et calculé le nombre
total des entrées de personnes venant de terminer un établissement supérieur, ainsi que le
nombre des pertes subies pendant cette période
du fait des décès, des retraites et des transferts. On a ensuite déduit des effectifs de 1963
la s o m m e des travailleurs employés en 1950
(encore dans la profession en 1963) et des universitaires entrés pendant la période 1950-1963
et exerçant toujours la profession en 1963, et
l'on a estimé que le chiffre ainsi obtenu représentait le nombre total d'ingénieurs entrés dans
la profession pendant la période 1950-1963 sans
être titulaires d'un diplôme américain et encore
employés à la fin de cette période. La formule
suivante illustre l'importance des divers éléments : effectifs 1963 (924. 900) - /^Effectifs
1950 (542. 700) - pertes par décès, retraites et
transferts de 1950 à 1963 (226.000)) + (nouveaux
venus titulaires d'un diplôme universitaire,
américain, 1950-1963 (426. 100) - pertes par
décès, retraites et transferts 1950-1963
(54. 500))_y . nouveaux venus non titulaires
d'un diplôme universitaire américain 19501963 (236.600).
population active dues à d'autres motifs, et des
transferts d'une profession à une autre.
Pertes dues aux décès et aux retraites. Ces
pertes peuvent être évaluées de diverses façons.
Une méthode très simple consiste à calculer, par
analyse des données d'observation, la vie active
moyenne dans une profession donnée. A supposer
que cette moyenne soit, par exemple, de quarante
ans, on peut fixer à 2 1/2 % le taux annuel de perte
pour cette profession, taux qui, multiplié par le
nombre de personnes exerçant cette profession,
donnerait le nombre de celles qui cesseraient
chaque année de l'exercer. Cette méthode présente
toutefois de grosses difficultés et exige une sûreté
de jugement exceptionnelle en ce qui concerne l'estimation de la vie active moyenne dans la profession. On peut donc avoir recours à une autre m é thode, qui consiste à projeter séparément le
nombre des décès et celui des retraites. O n applique les- taux de mortalité connus soit à tout un
groupe professionnel (ce qui suppose que la c o m position par âge de ce groupe est la m ê m e que
celle de la population nationale), soit à chaque
tranche d'âge de ce groupe professionnel lorsqu'on
en connaît la composition par âge. Quant aux retraites, on se fonde, pour en évaluer le nombre,
sur la structure par âge du groupe professionnel
et sur le nombre des membres de ce groupe qui,
à chaque période choisie, atteindront l'âge légal
ou probable de la retraite, compte tenu des décès.
Aux Etats-Unis, on a mis au point une technique
aboutissant à l'établissement de "tables de vie
active", très semblables aux tables de survie ordinaires. Ces dernières sont une méthode employée
en statistique ou en actuariat pour récapituler la
mortalité du moment pour une population donnée.
Une table de survie prend un groupe de personnes
nées vivantes (en général 100. 000) et le suit à divers âges jusqu'à extinction par mortalité. L a
table de survie permet d'obtenir un certain nombre
d'éléments importants, dont le plus courant est
"l'espérance de vie", c'est-à-dire le nombre
moyen d'années restant à vivre au-delà d'un âge
donné.
De m ê m e , la table de vie active suit à ses divers âges une cohorte initiale de 100. 000 personnes
nées vivantes. Mais, outre la réduction progressive
par mortalité, elle indique également la réduction
due aux retraites. Des tables actuarielles de vie
active' ont ainsi été établies pour l'ensemble de
la population masculine, compte tenu de l'incidence
sur la population active, à chaque tranche d'âge,
des décès et des retraites (séparément). Ces taux
de décès et de retraites peuvent ensuite être appliqués aux effectifs de n'importe quelle profession,
si l'on en connaît la composition par âge. Il faut
toutefois faire preuve de prudence en l'appliquant
à une seule profession, car la courbe des décès et
des retraites dans cette profession particulière
peut être différente de celle de la population active
dans son ensemble. On a également constitué des
tables de vie active de la main-d'oeuvre féminine,
qui montrent les incidences du mariage et des
responsabilités familiales sur la physionomie de
l'emploi féminin.
Le taux de renouvellement de la main-d'oeuvre
dans une profession peut être obtenu d'après les
tables de vie active et les renseignements concernant l'âge dans cette profession2.
Aux EtatsUnis, le taux global des décès et des retraites
varie pour les h o m m e s de moins de 1 % à plus de
3 % , selon la branche d'activité et l'âge. Les'
professions qui ont connu ces derniers temps une
expansion rapide et comptent donc un pourcentage
élevé de jeunes accusent les taux de décès et de
retraites les plus bas. C'est ainsi que, dans les
projections prises à titre d'exemple, on estime
à 1, 5 par an, pendant la prochaine décennie, le
taux global des décès et des retraites pour les
ingénieurs.
Transferts à d'autres professions. Dans toutes
les professions, m ê m e celles qui exigent une formation très poussée, il y a déperdition d'effectifs
au profit d'autres activités. Cette déperdition peut
se mesurer de diverses façons. L'une consiste à
suivre la carrière postuniversitaire de tous ceux
qui se préparaient pour une profession donnée ou de
tous ceux qui ontterminé leur apprentissage en vue
d'un métier donné. Des enquêtes de ce genre, portant
sur les quelques années suivant immédiatement la fin
de la formation, telles T w o years after the college degree - work and further study patterns, NSF 63-26,
et Five years after the college degree, Bureau of
Social Science Research Inc. (Preliminary), permettent de relever un grand nombre de transferts
immédiats. Toutefois, pour obtenir le nombre total
de pertes dans une profession, il faut poursuivre
ces enquêtes pendant dix ou m ê m e vingt ans, et il
est souvent très difficile de suivre pendant aussi
longtemps les anciens étudiants ou apprentis.
Il existe une autre méthode de mesure de la
mobilité professionnelle qu'illustre la Postcensal
study of professional and technical personnel ;
1. Cf. Tables of working life for m e n , Technical
Note, Monthly Labor Review, juillet 1963, et
Tables of working life for women, U . S. Department of Labor, B L S Bulletin 1204, 1956.
2. Pour les besoins de la projection faite à titre
d'exemple, on a estimé séparément pour les
sciences et pour la profession d'ingénieur la
répartition par âge des effectifs au début de
1963. Pour les professions scientifiques, la
répartition par âge selon les différents niveaux
de formation dans chaque domaine a été tirée
des statistiques du National Science Foundation's
1962 Registrer of Scientific and Technical Personnel. Pour la profession d'ingénieur, ons'est
fondé sur les chiffres pertinents du recensement
de 1960. La répartition par âge des titulaires
récents du B . Se. en sciences et en technologie
est fondée sur les données figurant dans l'étude
intitulée Two years after the college degree work and further study patterns.
37
pour cette étude, on a interrogé, deux ans après
le recensement de 1960, toutes les personnes qui
avaient déclaré lors de ce recensement exercer
une profession scientifique ou technique, afin d'établir notamment combien d'entre elles avaient changé
de profession dans cet intervalle de deux ans. Les
taux estimatifs annuels des transferts à d'autres
professions de personnes exerçant initialement uneprofession scientifique ou technique, taux calculés
d-'après les données de la Postcensal Study, font
bien ressortir l'importance de ces transferts :
pour les ingénieurs, leur taux annuel a été estimé
à 1, 6 %, et pour les spécialistes des sciences de
la vie, à 2, 6 %.
On peut également calculer le nombre estimatif
total des pertes dans une profession grâce à des
enquêtes sur le nombre de personnes qui ont quitté
cette profession, pour des motifs divers, pendant
une période donnée. C'est ainsi que l'Office of
Education des Etats-Unis a fait, sur le renouvellement des effectifs professoraux, deux études détaillées (1957-1958 et 1959-1960) qui ont permis
de calculer le nombre d'enseignants qui avaient
Nombre total de départs
Automne Automne
Moins
1959
1960
abandonné leur poste entre le début d'une année
scolaire et celui de l'année suivante1.
Ces enquêtes ont permis de préciser : (1) combien d'enseignants avaient pris un travail autre que pédagogique tout en restant dans le circuit scolaire ;
(2) combien avaient choisi un poste pédagogique
dans un autre système d'enseignement ; (3) c o m bien étaient partis pour un travail en dehors du
système scolaire, et (4) combien étaient partis en
congé de longue durée, avaient pris leur retraite,
étaient morts ou avaient été renvoyés. On a rassemblé des données sur le nombre d'enseignants
engagés l'année suivante par chaque circonscription scolaire, en distinguant entre transfert d'une
circonscription à une autre et recrutement d'autres
sources. La différence entre le nombre total des
départs et celui des transferts représente le nombre
de personnes qui ont quitté l'enseignement. E n divisant ce nombre par l'effectif du personnel enseignant de l'année de base, on obtient le taux annuel
de pertes dans la profession. D'après l'enquête de
1959-1960, le taux de déperdition des enseignants
à l'école primaire était le suivant :
Transferts à d'autres
postes d'enseignement
Effectifs totaux à l'automne 1959
égale
Taux de pertes dans la
profession enseignante
pendant l'année 1959-1960
C'EST-A-DIRE
111.500
-
42.500
8,1 %
855.700
Exemple de projection de l'offre
La projection suivante est un exemple du mouvement
(E+UE)_T
N
+ / ~ T P + T P + (OC + NLF+lV
N +l J
*s
o
N-Í
(924.900+9.200)+ /T457.800 + 107. 700 + 316.200_J
B.
PROJECTIONS D E L ' O F F R E T O T A L E
DE MAIN-D'OEUVRE
1.
Projections démographiques
L'étude des fluctuations démographiques constitue
le point de départ indispensable des projections
des effectifs globaux futurs de main-d'oeuvre,
étant donné que le nombre de travailleurs disponibles à un moment déterminé dépend principalement de l'importance de la population active.
L'évolution démographique et les changements
dans la composition de la population résultent de
l'interaction de trois facteurs : le nombre des
naissances, le nombre des immigrants et des
emigrants, le nombre des décès. L'analyse de
l'évolution antérieure de ces trois facteurs peut
38
des entrées et des sorties dans la profession d'ingénieur entre 1963 (périodeN) et 1975 (périodeN+l),
selon la formule ci-dessous :
(D+R+T)
N-N+1
(465.700)
(E + U E ) N + 1
1.336.700+13.400
généralement servir de base aux projections
démographiques.
Les projections démographiques s'effectuent
d'habitude en deux étapes2.
La première consiste
à déterminer la fraction de la population existante
qui sera encore en vie dans les périodes futures
1. Teacher Turnover in the Public Schools, 1957-58,
US Office of Education, OE-23002, et Teacher
Turnover in Public Elementary and Secondary
Schools. 1959-60. Circular 678, US Office of
Education, 1962.
2. Pour l'explication des méthodes de projection
démographique aux Etats-Unis, voir Projections
of the Population of the United States, by Age
and Sex: 1964 to 1985, Bureau of the Census,
Bulletin Series P-25, n° 286.
envisagées. La seconde consiste à évaluer le
nombre d'enfants à naître au cours de ces m ê m e s
périodes. Le nombre estimatif des enfants à naître
est additionné à la population en bas âge, et l'on
calcule ensuite son taux de survie de la m ê m e m a nière que pour la population plus âgée. O n tient
compte aussi, évidemment, du troisième facteur
mentionné ci-dessus, à savoir l'apport démographique résultant de l'immigration estimée (et la
déduction parallèle du nombre estimatif d' emigrants).
Projections de la survie de la population existante. Pour établir les projections de la survie, il
faut répartir la population existante par sexes et
par groupes d'âge détaillés et y appliquer les taux
de survie. Le taux de survie est le rapport du
nombre de personnes qu'on prévoit être encore en
vie à la fin d'une période donnée au nombre de personnes en vie au début de cette période ; il est calculé pour chaque groupe de sexe et d'âge de la population. C'est ainsi qu'aux Etats-Unis, les taux
de survie étant fondés sur les taux de mortalité,
qui accusent un déclin régulier depuis de nombreuses
années, il sera tenu compte, pour l'établissement
des taux de survie des années à venir, de l'accentuation continue de ce déclin. Dans certains pays,
les taux de mortalité ne présentent peut-être pas la
m ê m e contraction régulière des taux de mortalité ;
il faudra donc calculer les futurs taux de survie en
tenant dûment compte de l'effet des différents facteurs tels que l'amélioration des soins médicaux,
l'élévation du niveau de vie, etc. qui influent sur
les taux de mortalité de ces pays.
et ajoutées aux survivants des groupes d'âge correspondants de la population autochtone. L'exemple
suivant illustre les effets combinés des changements
des taux de survie et du volume de l'immigration
aux Etats-Unis. Sur les 6.800.000 jeunes gens de
20 à 24 ans dénombrés en 1965, on prévoyait qu'environ 99% seraient en vie cinq ans plus tard et
auraient alors entre 25 et 29 ans. Mais c o m m e on
prévoit que le nombre d'immigrants du m ê m e âge
devant entrer dans le pays au cours de cette période sera supérieur au nombre prévu des décès,
l'effectif de ce groupe d'âge sera, en fait, légèrement plus élevé (de 40.000 environ) en 1970 qu'il
ne l'était cinq ans plus tôt.
P . de Wolff, dans son étude sur les techniques
de prévisions de l'emploi aux Pays-Bas 1 t écrit :
"Ce sont les migrations qui présentent le plus de
difficultés. L e taux annuel net des migrations de
la population active représente d'ordinaire moins
de 0, 5 % de la main-d'oeuvre totale, mais on ne
peut la négliger en raison de la progression de cette
fraction, progression qui est de 1, 5 % annuellement.
Pour les prévisions à court terme, on conjecture
l'émigration nette en tenant compte du fait que,
d'après l'expérience, l'émigration est fortement
influencée par la situation économique qui règne
dans les grandes régions pourvoyeuses de maind'oeuvre, alors que l'immigration dépend surtout
du niveau d'emploi dans la région d'accueil. Pour
les évaluations à long terme, on utilise une moyenne
annuelle raisonnable, complétée par des hypothèses
sur la ventilation par sexe et parage des emigrants
et de leur famille .
Pour prévoir le chiffre de la population future,
il faut prendre en considération la migration nette
(différence entre entrées et sorties). Aux EtatsUnis, on peut le faire en se fondant sur les constatations récentes et sur la législation relative à
l'immigration. Le volume de l'immigration civile
s'y est maintenu aux environs de 300.000 par an
entre 1948 et 1963, avec un plancher de 242.000 en
1952 et un plafond de 391.000 en 1961. E n raison
du rôle relativement restreint qu'a donc joué l'immigration nette dans l'évolution de la population
des Etats-Unis au cours de ces années, le Département du recensement a décidé de prévoir, dans
ses projections démographiques, un chiffre arbitraire, réduit mais constant, d'immigration annuelle nette. Ce chiffre a été fixé à 300.000 immigrants paran, et l'on a formulé en outre l'hypothèse
que la répartition par âge et par sexe de cette immigration annuelle nette serait la m ê m e que celle
de la période 1957-62.
C o m m e nous l'avons déjà dit, le taux général
de mortalité aux Etats-Unis a décliné régulièrement depuis le début du siècle. La meilleure façon
de résumer cette augmentation de la longévité est
sans doute de mesurer la durée moyenne de vie.
Or, celle-ci est passée aux Etats-Unis de 47, 3 ans
en 1900 à 70 ans en 1962. Il importe de noter que
l'espérance de vie n'a pas progressé de façon uniforme pour tous les âges. C'est dans les premiers
groupes d'âge qu'on observe la plus grande réduction du taux de mortalité. L'espérance moyenne
de vie à la naissance s'est accrue de 22,2 ans
entre 1900 et 19552 , alors qu'à 60 ans le gain
n'a été que de 1, 8 an. Le déclin spectaculaire du
taux de mortalité infantile provient de la diminution des décès dus aux diarrhées, entérites, pneunomies, grippes, naissances prématurées et autres
causes plus bénignes. Ce progrès est imputable
en grande partie à de meilleures conditions sanitaires
Dans les prévisions démographiques globales
utilisées par le Ministère britannique du travail en
1963 pour obtenir des projections de la main-d'oeuvre,
l'hypothèse retenue a été que la migration nette au
Royaume-Uni serait de 60.000 personnes entre le
milieu de 1962 et le milieu de 1963, et qu'elle fléchirait ensuite pour tomber enfin (en 1980) à 20.000
par an.
Les prévisions relatives au nombre d'immigrants
peuvent ensuite être réparties par âge et par sexe
1. P . de Wolff, Les Techniques de prévision de
l'emploi aux Pays-Bas, in : Prévisions sur
l'emploi - Rapport final de la session internationale d'études sur les techniques de prévision
de l'emploi, organisée par l'OCDE à Bruxelles
en juin 1962, O C D E , Paris.
2. Au cours de la période 1955-1962, l'espérance de
vie s'est accrue seulement de 0, 2 an pour les
hommes et de 0, 7 an pour les femmes.
39
à un meilleur approvisionnement en lait età d'autres
facteurs liés à l'élévation du niveau de vie. L'augmentation rapide du nombre de bébés nés dans les
cliniques a également contribué à abaisser le taux
de mortalité de ce groupe d'âge. Outre cette réduction spectaculaire de la mortalité chez les nouveau-nés, le taux de mortalité des enfants a également accusé une diminution remarquable. E n 1900,
90 % des enfants de un an pouvaient espérer parvenir à leur quinzième anniversaire, tandis qu'en
1955, le pourcentage correspondant était de 99. Ce
progrès résulte principalement de la réduction des
décès dus aux maladies contagieuses de l'enfance
- oreillons, scarlatine, coqueluche et diphtérie.
Quant aux adultes, leurs taux de mortalité ont également diminué depuis 1900, mais dans une moindre
proportion que pour les nouveau-nés et les enfants.
L'élévation du niveau de vie, la multiplication des
services médicaux et l'amélioration des méthodes
sanitaires sont les facteurs qui ont contribué à ce
déclin. La fraction de la population qui survit entre
15 et 50 ans est passée de 75 % à 90% entre 1900 et
1955. Le nombre d'individus survivant entre 50 et
75 ans n'a augmenté que de 42 % à 53 % au cours de
la m ê m e période.
Projections des naissances. L'estimation du
nombre des enfants à naître pendant les années à
venir est l'opération la plus difficile de la projection démographique. Contrairement aux taux de
mortalité, le taux de natalité aux Etats-Unis a subi
une évolution irrégulière : après avoir fléchi pendant plusieurs années depuis le début du siècle jusqu'au milieu de la dépression des années trente, il
s'est élevé ces dernières années et a atteint un niveau supérieur à celui de 1920. En raison de cette
irrégularité, il est délicat de prédire les niveaux
futurs du taux de natalité. La méthode généralement utilisée pour procéder à l'estimation du nombre
des naissances consiste à appliquer les taux de fécondité des divers groupes d'âge au nombre de
femmes en âge de procréer. Ces taux de fécondité
par âge correspondent aux naissances annuelles
prévues pour 1.000 femmes en âge de procréer,
dans chaque groupe d'âge quinquennal. L e tableau
ci-dessous indique les variations des taux de natalité au cours d'une période de 22 ans :
Le Bureau du recensement des Etats-Unis a
abandonné, pour ses dernières projections d é m o graphiques, la méthode des taux de fécondité par
groupes d'âge en faveur d'une autre méthode, faisant
appel à des statistiques réunies par P . K , Whelpton
et Arthur A . Campbell, de la Scripps Foundation
for Research in Population Problems, sur l'évolution de la fécondité de cohortes de femmes (c'està-dire des femmes nées pendant une m ê m e période)
à mesure qu'elles progressent dans leur âge de
procréation. La fécondité d'une cohorte, c o m m e
on appelle cet ensemble de données, représentela
fécondité cumulative de groupes de femmes précis
à chaque âge successif, et donne ainsi la fécondité
de chacun de ces groupes pendant l'ensemble des
années de la période retenue. La cohorte de 1912
(c'est-à-dire les femmes nées en 1912), par exemple,
a atteint son cinquantième anniversaire en 1962 et
a terminé alors sa période de procréation. Les
statistiques de la fécondité de cette cohorte partent
de l'année où ces femmes ont eu 14 ans, en 1926,
jusqu'à celle où elles ont atteint la cinquantaine,
en 1962. Ainsi, non seulement nous connaissons
le taux de fécondité de ce groupe de femmes à
chaque âge successif, mais aussi sa fécondité cumulative depuis le début de la période de procréation jusquà n'importe quel âge donné1 .
Pour procéder à la projection des naissances,
il faut tenir compte de plusieurs facteurs. L ' u n
des plus important est l'estimation du niveau de
l'économie au cours de la période considérée. L e
rapport entre le degré de prospérité d'un pays et
ses taux de natalité est solidement étayépar l'expérience, aussi bien aux Etats-Unis que dans maints
autres pays2.
U n autre facteur dont le rôle est
primordial pour déterminer le nombre de naissances
est l'urbanisation et l'industrialisation du pays.
Enfin, les taux de natalité ont beaucoup changé en
On trouve un exposé des avantages qu'il y a à utiliser les statistiques de fécondité des cohortes à
la page 13 du Census report, Série P-25, n°286.
Pour un complément d'information, voir "Causes
et Conséquences de l'évolution démographique",
Evolution et problèmes démographiques n° 17,
Nations Unies, N e w York 1953, p . 83.
T A B L E A U IV
E V O L U T I O N DES T A U X D E N A T A L I T E ESTIMATIFS A U X E T A T S - U N I S P O U R 1.000
Age des femmes
1962
15 19 ans
20 24 ans
25 29 ans
30 34 ans
35 - 39 ans
40 - 44 ans
83, 1
246,3
193,3
109,8
53,2
15,8
Source : Current Population Reports, Series P-25,
40
FEMMES
Niveau "d'avant-guerre 1
(1939-40)
61,2
152,3
135,4
81,1
38,8
11.4
n° 123 et 286,
U S Bureau of the Census
fonction des changements intervenus dans l'âge au
mariage des f e m m e s , l'âge auquel les couples ont
des enfants, l'intervalle entre chaque naissance et,
naturellement, le n o m b r e m o y e n d'enfants par m è r e .
L e s grandes différences qu'entraînent, pour le
n o m b r e des naissances et pour l'importance n u m é rique de la population future, des hypothèques différentes relatives à la fécondité apparaissent dans
les quatre projections démographiques réalisées
par le Bureau du recensement des Etats-Unis pour
la période 1965-85 (voir le Tableau V ) . L a projection la plus élevée, celle de la série " A " , prévoit une population totale de 252 millions en 1980
et u n n o m b r e total de naissances d'environ 86 millions entre 1965 et 1980.
L a projection la plus
faible, celle de la série " D " , annonce une population globale de 233 millions en 1980, avec un chiffre
de naissances de 66 millions seulement entre 1965
et 1980.
Il importe dénoter que n'importe laquelle
des quatre estimations du Bureau du recensement
relatives à la population future aurait pu servir à
prévoir les effectifs de main-d'oeuvre, puisque
tous les individus qui composeront ces effectifs en
1980 sont déjà n é s . Cependant, c o m m e nous le
verrons plus loin, la participation des f e m m e s à
la main-d'oeuvre active dépend dans une large m e sure du n o m b r e de celles qui devront s'occuper de
petits enfants.
2 . T a u x d'activité de la population
C o m m e nous l'avons déjà vu, le premier facteur
servant à déterminer les projections de m a i n d'oeuvre est l'estimation de la population par âge
et par sexe. L e second est la fraction de cette p o pulation, par âge et sexe, qui sera active (ou à la
recherche d'un travail). L'effectif de la maind'oeuvre s'obtient en multipliant la population estim é e de chaque groupe d'âge et de sexe, pour chaque
année projetée, parle taux d'activité correspondant
à chacun de ces groupes, et en additionnant les
résultats partiels ainsi obtenus.
D e n o m b r e u x facteurs influent sur l'évolution
du taux d'activité des divers groupes d'âge et de
sexe. L e taux élevé d'activité des h o m m e s se
trouvant dans la première phase de vie active est
resté relativement constant pendant longtemps et
le restera sans doute à l'avenir. P o u r ce qui est
des autres groupes, en revanche, les taux ont subi
des fluctuations correspondant aux forces économiques et sociales du m o m e n t . Pour les jeunes
gens, par exemple, la prolongation de la durée
m o y e n n e de scolarité a été un facteur de diminution du taux d'activité, étant donné que le pourcentage des jeunes qui travaillent au cours de leurs
études est bien moindre que celui d'entre eux qui
ont quitté l'école. L ' â g e au mariage et la structure familiale influent sur le taux d'activité des
f e m m e s ; la présence au foyer d'enfants en bas âge
tend à restreindre le taux d'activité des jeunes
f e m m e s adultes, tandis que les f e m m e s plus âgées
sont généralement plus nombreuses à faire partie
de la main-d'oeuvre car les responsabilités familiales diminuent à m e s u r e que les enfants grandissent. Autres facteurs qui ont des répercussions
sur le taux d'activité des divers groupes : la législation et les pratiques patronales relatives à laretraite ; les fluctuations du nombre de travailleurs
agricoles ; et les possibilités de travail à temps
partiel, encourageant les f e m m e s et les étudiants
à participer à la vie économique.
L e Tableau VI donne les taux d'activité par âge
et par sexe aux Etats-Unis en 1964, ainsi que les
projections faites par le Bureau of L a b o r Statisticspour 1970, I975etl980 1 .
Une brève description
1.
Sophia Cooper et Dennis F . Johnston, Labor
Force Projections for 1970-80. Special Labor
F o r c e Report n° 49, Bureau of L a b o r Statistics, U S Department of Labor, 1965.
TABLEAU V
Q U A T R E PROJECTIONS D E L A P O P U L A T I O N E T D E S NAISSANCES A U X E T A T S - U N I S
Série
A
Série
B
Série
C
Série
D
P O P U L A T I O N (EN MILLIONS)
195,1
211,4
230,4
252,1
1965
1970
1975
1980
194,7
209,0
225,9
245,3
194,1
206, 1
220, 1
236,5
194,1
205,9
218,9
233,1
NAISSANCES (EN MILLIONS)
Juillet 1965 à 1970
Juillet 1970 à 1975
Juillet 1975 à 1980
24,5
27,9
31,2
22,5
25,7
28,9
Source : Current Population Reports, Series P-25, n° 286,
20, 1
22,8
25,7
19,9
21,7
23,6
U S Bureau of the Census
41
de l'évolution des taux d'activité des divers groupes,
et des facteurs pris en considération lors de la
projection de ces taux d'activité (Tableau VI), illustrera bien les méthodes employées pour l'établissement des projections de la main-d'oeuvre.
L e s divers groupes d'âge et de sexe peuvent être
classés, en gros, en quatre catégories, selon les
taux d'activité à long terme que laissent prévoir
les statistiques actuelles. C e s catégories sont :
1) les h o m m e s se trouvant dans la période médiane
d'activité ; 2) les h o m m e s âgés ; 3) les jeunes gens ;
4) les f e m m e s adultes.
H o m m e s se trouvant dans la période médiane
d'activité. Pratiquement tous les h o m m e s âgés de
25 à 54 ans appartiennent à la population active, à
l'exception d'une faible fraction d'invalides, de
pensionnaires de maisons de santé, d'individus
inaptes au travail pour diverses raisons et de personnes qui ont pris leur retraite tôt. C o m m e l'indique le tableau, plus de 95 % des h o m m e s appartenant à ces groupes d'âge font partie de la population
active, tandis que le taux d'activité des h o m m e s
entre 55 et 59 ans se situe aux environs de 90%.
L e taux d'activité des h o m m e s de 25 à 59 ans a peu
varié au cours de l'après-guerre ; aussi le Bureau
of Labor Statistics a-t-il considéré, aux fins de ses
projections, qu'il était resté constant au niveau
m o y e n de 1955-57, alors que le c h ô m a g e était de
l'ordre de 4 % .
H o m m e s âgés. L e taux d'activité des h o m m e s
de 60 à 64 ans a fléchi ces dernières années, tandis que celui des h o m m e s de 65 ans et plus décroît
depuis longtemps. C'est ainsi que pour ce dernier
groupe d'âge, il est tombé rapidement de 57 % en
1920 à 4 5 % en 1950 et à 2 7 % en 1964. L ' u n des
facteurs de ce déclin a été l'extension des syst è m e s de pensions privées, notamment de ceux qui
prévoient une pension de retraite anticipée et des
pensions d'invalidité, ainsi que la récente réforme
de la Sécurité sociale autorisant la retraite à 62 ans
avec prestations réduites. U n autre facteur important a été l'exode rural traditionnel vers les villes :
l'industrie n'offre généralement pas aux personnes
âgées l'occasion de continuer à travailler aussi longt e m p s qu'elles en sont physiquement capables età la
m e s u r e de leurs forces, c o m m e c'est le cas de l'agriculture. L e secteur agricole, à la différence des
autres secteurs, est encore une branche d'activité
relativement importante pour les h o m m e s de ce
groupe d'âge. E n conséquence, pour chacun des
groupes d'âge avancé, on a extrapolé séparément la
fraction de la population totale correspondant aux
m e m b r e s du secteur agricole et celle des m e m b r e s
des secteurs non agricoles, et on leur a appliqué un
coefficient d'accroissement dérivé de l'expansion
démographique globale projetée pour obtenir le taux
d'activité de chaque groupe d'âge. D ' u n e manière g é nérale, l'hypothèse est que l'évolution des taux d'activité observée depuis 1948 jusqu'à maintenant se
poursuivra, m a i s à un rythme décroissant1.
Jeunes gens. U n autre groupe dont le taux d'activité a décliné est celui des jeunes gens de moins
42
de 25 a n s . Leur taux d'activité fléchit lentement
depuis longtemps déjà. Deux facteurs ont joué sur
le taux d'activité des m o i n s de vingt ans et des
h o m m e s de 20 à 24 a n s . L e premier est celui que
nous avons déjà vu à propos des h o m m e s âgés : l'exode
des campagnes vers les villes. Dans la ferme, les
jeunes font partie intégrante de l'unité économique
familiale et apportent systématiquement leur contribution au travail saisonnier dans les m o m e n t s de
pointe ; en ville, les possibilités d'emploi pour les
moins de vingt ans sont beaucoup plus limitées.
L e second facteur est l'entrée plus tardive des
jeunes gens dans la population active. Cela est dû à
l'allongement de la période de scolarité, qui résulte
en partie des lois surla scolarité obligatoire et sur
l'interdiction d'embaucher des enfants, m a i s aussi
du fait que notre économie exige une période de formation plus longue et que l'accroissement du revenu familial permet aux jeunes de prolonger leurs études.
C o m m e le besoin de travailleurs qualifiés continue à
s'accroître, il est à supposer que le n o m b r e de jeunes
qui pousseront leurs études plus avant continuera
d'augmenter. Les taux d'activité projetés des jeunes
gens de m o i n s de 25 ans ont été calculés séparément
pour ceux qui font encore des études et pour ceux qui
ont quitté l'école. Les taux d'activité de ces deux catégories accusent une très grande différence : en
1965, par exemple, pour les jeunes gens de 18 et
19 ans, ils étaient de 35 % et de plus de 90 % respectivement. Le taux d'activité de certains groupes
de jeunes de moins de vingt ans ayant quitté l'école
a fléchi ces dernières années, sans doute parce
que ces jeunes gens ont été découragés par la concurrence croissante qui s'exerce pour un n o m b r e
limité de débouchés. L e s projections indiquées
au Tableau VI sont fondées sur l'hypothèse que
tous ceux qui chercheront un emploi en trouveront
un et que le taux d'activité des jeunes gens ayant
quitté l'école se maintiendra au niveau de la moyenne
élevée de 1955-57. L e taux d'activité des jeunes
qui poursuivent encore des études diminuera légèrement dans l'ensemble, mais augmentera pour
les groupes d'âge de 18 et 19 ans et de 20 à 24 a n s .
Pour ces deux groupes d'âge, on pense que la tendance se maintiendra.
F e m m e s adultes. L e changement sans doute le
plus important constaté dans la participation de la
population à la main-d'oeuvre active est l'entrée
de plus en plus massive des f e m m e s adultes dans
le m a r c h é du travail. Plusieurs facteurs ont provoqué ce m o u v e m e n t . L ' e x o d e rural vers les villes,
qui a réduit le taux d'activité des moints de vingt
ans et des h o m m e s âgés, a eu un effet contraire
pour les f e m m e s , L e s possibilités d'emploi sont
beaucoup plus nombreuses pour les f e m m e s à la
1. Etant donné que le fléchissement du taux d'activité
après 60 ans s'explique en partie par la difficulté
de trouver du travail, c'est-à-dire par des circonstances indépendantes de la volonté des intéressés, on a procédé à un ajustement de l'évolution du taux d'activité avant de l'extrapoler.
T A B L E A U VI
T A U X D'ACTIVITE P A R A G E E T P A R SEXE
C H I F F R E S R E E L S P O U R 1960 E T 1964 E T PROJECTIONS P O U R 1970,
1975
E T 1980
Taux d'activité annuels moyens
Age et sexe
1960
1964
1970
1975
1980
57,4
56,5
57,5
57,8
58,3
79,7
46,3
22,5
45,9
73, 1
88,9
96,4
96,4
94,3
85,2
89,9
79,5
32,2
45,8
23,5
77,2
43,0
20,6
42,2
72,3
86,6
96, 1
96,0
94,4
84,1
89,6
77,5
27,1
41,7
18,7
77,0
44,4
21,8
43,3
70,3
86,6
96,2
96,7
95,0
84,3
90,5
76,9
25, 1
36,4
18,4
76,9
44,4
21,6
42,8
69,8
86,7
96,2
96,7
95,0
83,9
90,5
76,3
23,4
33,8
77,2
44,8
21,4
42,8
70,2
87,2
96,2
96,7
95,0
83,7
90,5
75,7
21,8
31,3
16,0
36, 1
30, 1
12,8
28,6
51,0
46, 1
35,8
43,1
49,3
36,7
41,7
31,0
10,5
17,3
37,0
28, 1
12,0
26,7
49,9
49,2
37, 1
44,8
51,0
39,8
45,9
32,7
9,6
17,2
5,8
39,1
30,1
12,7
28,9
50,6
50,3
38,6
47,5
55,3
43,8
51,5
34,8
9,8
17,4
5,9
39,9
30,6
13,0
28,8
50,6
51,5
39,3
49,0
57,6
45,7
54,2
36,2
9,8
17,4
6,0
E n s e m b l e des d e u x sexes
14 a n s et plus
Hommes
14 ans et plus
14 à 19 ans
14 et 15 ans
16 et 17 ans
18 et 19 ans
20 à 24 ans
25 à 34 ans
35 à 44 ans
45 à 54 ans
55 à 64 ans
55 à 59 ans
60 à 64 ans
65 ans et plus
65 à 69 ans
70 ans et plus
17,1
Femmes
14 ans et plus
14 à 19 ans
14 et 15 ans
16 et 17 ans
18 et 19 ans
20 à 24 ans
25 à 34 ans
35 à 44 ans
45 à 54 ans
55 à 64 ans
55 à 59 ans
60 à 64 ans
65 ans et plus
65 à 69 ans
70 ans et plus
Source
6,5
40,6
31,0
13,2
28,8
50,8
52,6
40,3
50,0
59,5
47,3
56,2
37,3
9,9
17,4
6,1
: U S Department of Labor, Bureau of Labor Statistics.
ville que dans les campagnes. A u cours des années,
les tâches ménagères sont devenues moins absorbantes en raison du plus grand confort des installations modernes, de l'emploi des conserves alimentaires et de n o m b r e u x autres progrès. Il y faut
ajouter le fait que le travail rétribué pour les f e m m e s
hors de leur foyer est désormais admis par la s o ciété. Quoi qu'il en soit, l'accroissement du taux
d'activité des f e m m e s se situe surtout pour les
groupes d'âge de 35 ans et plus, c'est-à-dire à
partir de l'époque où les derniers enfants ont atteint l'âge scolaire.
L e taux d'activité des femmes mariées ayant
des enfants en bas âge est beaucoup plus faible que
celui des f e m m e s sans enfant ou de celles dont les
enfants ont atteint l'âge scolaire. Afin de tenir
compte de ce facteur, on a projeté séparément le
n o m b r e des f e m m e s mariées de 20 à 44 ans selon
qu'elles ont des enfants de moins de cinq ans ou
non. L e s taux d'activité des f e m m e s ayant des
43
enfants en bas âge et de celles qui n'en ont pas ont
accusé l'un et l'autre une augmentation, mais à
partir de niveaux différents. Ces taux ont été projetés et appliqués à chacun des groupes correspondants.
S'agissant des femmes de plus de 44 ans, pour
qui la présence de jeunes enfants n'est généralement plus un facteur appréciable, l'élément démographique qui détermine le degré et l'importance
des variations du taux d'activité est la situation
matrimoniale. Le taux d'activité des femmes m a riées et vivant avec leur mari est plus bas que celui des femmes célibataires, veuves divorcées ou
séparées de leur mari -tendance qui reflète le besoin accru de suffire à ses besoins ainsi que la
différence de responsabilités familiales. Néanmoins, le taux d'activité des femmes mariées a
également subi une nette progression. O n a donc
effectué, pour tous ces groupes, des projections
séparées du taux d'activité par âge, et on les a
appliquées aux projections démographiques par
situation matrimoniale.
L'évolution, telle que nous venons de la décrire,
du taux d'activité par sexe et par groupes d'âge aux
Etats-Unis, est généralement analogue à celle des
pays européens. Par exemple, les projections de
main-d'oeuvre pour 1973 et 1980 faites au RoyaumeUni par le Ministère britannique du travail ( et publiées dans le rapport Pajttej^TS_^f_üie_Future, M a n power Studies N° 1, H M S O , Londres 1964)permettent
de prévoir que le taux d'activité des femmes m a riées de 20 à 24 ans continuera à décroître ; que
le taux d'activité des femmes mariées de 30 à 64
ans continuera à augmenter ; le taux d'activité des
personnes âgées de 65 ans et plus (autres que les
femmes mariées) diminuera progressivement ; et
le nombre relatif de jeunes gens de 15 à 24 ans
poursuivant des études à plein temps s'élèvera
progressivement. Le rapport conclut : "L'augmentation du nombre des naissances, l'allongement
de la période de scolarité à temps complet, l'avancement de l'âge au mariage et l'augmentation de
l'espérance de vie après la retraite sont autant de
T A B L E A U VII
MODIFICATIONS D E L ' E F F E C T I F G L O B A L D E L A P O P U L A T I O N ACTIVE A U X ETATS-UNIS
D U E S A L ' A C C R O I S S E M E N T D E M O G R A P H I Q U E E T A U X VARIATIONS D U T A U X D'ACTIVITE
E N T R E 1950 E T 1960
(en millions de personnes)
Modifications
de la population active totale
Population active totale
1950
(chiffres
réels)
1960
(chiffres
réels)
1960
si le taux
d'activité
n'avait pas
changé après
1950
Total
Dues à
l'accroissement démographique
Dues à la
variation
du taux
d'activité
Pour les deux sexes
14 ans et au-dessus
64,7
73, 1
71,4
8,3
6, 6
46, 1
3,5
0,1
1,4
2,0
4,7
4,8
0,3
1,2
3,3
2,0
0, 3
0,4
1,2
1,7
Hommes
14 ans et au-dessus
14 - 24 ans
25 - 44 ans
45 ans et au-dessus
49,6
50,7
8,7
8,7
9,1
21,0
16,4
22,4
18,4
22,2
19,4
18,7
23,5
20,7
4,7
8,3
5,8
5,0
9,5
5,0
8,7
7,0
0, 5
1,2
2,9
-
1,2
0,4
0, 2
1,0
Femmes
14 ans et au-dessus
1 4 - 2 4 ans
25 - 44 ans
45 ans et au-dessus
9, 1
Note : Les chiffres ayant été arrondis, les totaux ne correspondent pas toujours exactement
à la somme des éléments.
""
Source : US Department of Labor, Bureau of Labor Statistics.
44
2,9
0,0
0,8
2,1
facteurs qui ont contribué à gonfler les effectifs
des groupes économiquement dépendants de la population. On prévoit que cet accroissement se
poursuivra régulièrement au cours des années 60,
et m ê m e pendant de nombreuses années à venir."
Aux Pays-Bas, le taux d'activité des femmes
mariées a suivi une évolution très différente, en
raison de facteurs sociologiques et de l'attitude de
l'opinion à l'égard des femmes travaillant hors de
chez elles1.
Dans certains pays, il faut tenir
compte aussi des répercussions que les pertes en
hommes subies pendant la guerre ont eues sur le
taux d'activité des femmes.
3. Effets comparés de l'accroissement
démographique et des variations du taux
d'activité sur l'effectif de la main-d'oeuvre
Le Tableau VII illustre les modifications de la population active aux Etats-Unis entre 1950 et 1960,
sous l'effet : (a) de l'accroissement démographique
et (b) des variations du taux d'activité. On voit que,
pour les femmes, plus de la moitié de l'accroissement de la population active est dû à l'augmentation du taux d'activité. Quant aux h o m m e s , leur
taux d'activité ayant fléchi, l'accroissement de
l'effectif de la main-d'oeuvre a été inférieur à ce
qu'il aurait été sous la seule influence de l'évolution démographique.
4 . Taux d'activité et possibilités d'emploi
On note une intensification des recherches sur les
relations entre l'évolution de la conjoncture économique et l'augmentation de la population active.
Des travaux récents montrent que les variations à
court terme de l'emploi se traduisent par des variations de l'offre de main-d'oeuvre et que certains
groupes de la population sont plus sensibles que
d'autres aux changements qui se produisent dans la
situation de l'emploi .
On a le droit de penser que les hommes parvenus
au milieu de leur vie active seront peu sensibles à
l'évolution des possibilités d'emploi, c'est-à-dire
qu'ils continueront à faire partie de la main-d'oeuvre
active dans un marché en récession c o m m e pendant les périodes proches du plein emploi. Quant
aux femmes, aux jeunes gens et aux h o m m e s plus
âgés, leur taux d'activité, normalement plus bas
que celui des hommes adultes, réagira sensiblement aux modifications de la situation de l'emploi :
un besoin accru de main-d'oeuvre les encouragera
à prendre ou à conserver un travail ; mais lorsque
les possibilités d'emploi diminuent, ils tendront au
contraire à poursuivre leurs autres activités
- études, travail à la maison, retraite. Une étude
récente du Department of Health, Education, and
Welfare des Etats-Unis3 indique qu'environ 20%
des hommes de 62 ans ou plus qui ont pris leur retraite entre 1957 et 1962 peuvent être considérés
c o m m e s'étant retirés de la population active pour
des raisons involontaires d'ordre économique.
Pour établir ses dernières projections, le B u reau of Labor Statistics s'est efforcé de mesurer
l'élasticité de la population active des différents
groupes d'âge et de sexe par rapport aux modifications de la situation de l'emploi, afin d'évaluer
l'importance des variations de la main-d'oeuvre
qui pourraient accompagner à un moment donné le
changement qu'on suppose devoir se produire dans
la situation économique. Des mesures de ce genre
pourraient permettre d'ajuster la projection de base
pour qu'elle corresponde à un taux de chômage
donné. A cette fin, on a adopté une méthode qui
exprime les changements dans le volume de l'emploi et du chômage en écarts par rapport à leurs
tendances à long terme. Cette méthode est décrite
à la page 138 du Special Labor Force Report, n°49.
L'analyse a permis de conclure que l'effet c o m biné des modifications du chômage sur la maind'oeuvre correspond à un rapport de "trois à
deux . (Les projections établies correspondent à
un taux de chômage de 4 %). Si le taux de chômage
passait de 4 à 3 % en 1970, l'effet net de ce changement serait une réduction du nombre des chômeurs
d'environ 800.000. Selon la règle de la proportion
trois à deux", le nombre des emplois augmenterait d'environ 1.200.000, pour une augmentation
nette de la population active évaluée à 400.000 personnes en 1970. Cooper et Johnston en concluent
que la répartition de cette main-d'oeuvre nouvelle
serait sensiblement influencée à la fois par l'échelonnement dans le temps de l'accroissement de
l'emploi et par les moyens utilisés pour réduire le
chômage. Si la diminution du taux de chômage se
produisait graduellement, elle n'aurait sans doute
pas le m ê m e effet que si elle était soudaine. L'augmentation des possibilités d'emploi qui accompagne
un relèvement du niveau global de la demande aurait
des effets plus marqués sur le nombre des travailleurs additionnels qui viendraient grossir la maind'oeuvre qu'un programme de recyclage centré
sur des groupes spécifiques de travailleurs sans
emploi.
1. P . de Wolff, "Les Techniques de prévision de
l'emploi aux Pays-Bas", dans la brochure de
l'OCDE "Prévisions de l'emploi - Session
d'études internationale sur les techniques de
prévision de l'emploi", Bruxelles, juin 1962.
2. Voir, par exemple, Alfred Telia, The Relation
of Labor Force to Employment, Industrial and
Labor Relations Review, avril 1964, et Labor
Force Sensitivity to Employment by Age, Sex,
Industrial Relations, février 1965 ; Kenneth
Strand and Thomas Dernburg, Cyclical Variation in Civilian Labor Force Participation,
Review of Economics and Statistics, novembre
1964.
3. Erdman Palmore, Retirement Patterns Among
Aged Men: Findings of the 1963 Survey of the
Aged, Social Security Bulletin, août 1964,
p. 3-10.
45
5. Croissance relative de la population active
d'un pays à l'autre
Dans le rapport du Ministère du travail britannique
intitulé The Pattern of the Future, on trouve des
comparaisons entre les prévisions récentes de la
croissance de la population active au Royaume-Uni
et des prévisions analogues concernant certains
autres pays d'Europe et les Etats-Unis. La conclusion du rapport est que, bien que les prévisions
n'aient pas été établies sur une base uniforme et ne
soient donc pas strictement comparables, il est
clair que, ces dernières années, la population active
a augmenté plus rapidement au Royaume-Uni qu'en
France, mais beaucoup plus lentement qu'en République fédérale d'Allemagne. Entre 1960 et 1970,
46
il se peut qu'elle y augmente à un rythme légèrement inférieur à celui de l'ensemble des pays de la
Communauté économique européenne. En Suède,
le taux d'accroissement est actuellement plus élevé
qu'au Royaume-Uni, mais on pense qu'il y subira
un fléchissement plus marqué encore qu'au RoyaumeUni pendant les dernières années de la Décennie.
Le contraste le plus frappant est celui qui existe
entre les pays européens et les Etats-Unis. Entre
1953 et 1963, la population active de ce dernierpays
a augmenté deux fois plus vite qu'au Royaume-Uni
et ce rythme va en s'accélérant. Pendant les dix
années à venir, on prévoit que le taux d'accroissement sera plus de quatre fois plus rapide aux
Etats-Unis qu'au Royaume-Uni et dans les pays de
la C E E .
IV.
COMPARAISON DES PROJECTIONS D E L ' O F F R E E T DE L A D E M A N D E
C o m m e nous l'avons déjà noté, les projections de
main-d'oeuvre ont pour objet de guider l'action future. Prévoir les problèmes qui se poseront dans
l'avenir, c'est permettre de prendre en temps o p portun les mesures nécessaires pour en atténuer
les effets.
Pour jouer ce rôle, les projections doivent être
établies d'après des hypothèses clairement formulées. L e s projections de la demande et de l'offre,
établies indépendamment, sur la base des facteurs
qui influent sur chacune et d'hypothèses générales
identiques, peuvent être comparées les unes aux
autres, ce qui permet de délimiter les secteurs où
des problèmes se posent et d'envisager les solutions possibles. L'importance des déséquilibres
que les projections laissent prévoir donneront une
idée des dimensions des problèmes et des changements nécessaires.
O n peut illustrer cette méthode par un exemple
précis : celui des projections de la d e m a n d e et de
l'offre d'ingénieurs, d ' h o m m e s de sciences et de
techniciens établies aux Etats-Unis enl962 1 .
Les
projections de la d e m a n d e devaient représenter les
besoins du pays de 1960 à 1970, plutôt que le n o m b r e
réel des emplois. Elles ont été établies sans tenir
explicitement compte des limites de l'offre future.
O n n ' a pas non plus pris en considération la réduction possible des besoins qui pourraient résulter
des changements dans l'utilisation du personnel
technique qui se produiront lorsque l'industrie prendra conscience des rapports futurs entre l'offre et
la d e m a n d e .
L a méthode utilisée a consisté à projeter la
croissance de l'emploi total (dans l'hypothèse d'une
situation de plein emploi dans l'ensemble de l'économie) pour chaque industrie utilisant du personnel
technique, et de projeter les variations du rapport
entre le personnel technique et le n o m b r e total
d'emplois dans chaque industrie d'après les tendances récentes et l'évolution de la technologie et
de l'emploi du personnel technique dans chaque industrie prise séparément. Dans la plupart des industries, ce rapport s'élevait ; aussi un accroissement continu a-t-il été projeté. (Etant donné que
les tendances réelles de l'emploi, par industrie,
ont été utilisées pour m e s u r e r les tendances de la
d e m a n d e , il faut reconnaître que la situation de
l'offre n'a pas été sans effet sur ces m e s u r e s .
Mais c o m m e il a pu y avoir des pénuries de m a i n d'oeuvre pendant cette période - pénurie générale,
pénuries propres à certaines industries ou localités, ou pénuries de certaines catégories d'ingénieurs - la "véritable" tendance de la d e m a n d e ne
correspondait pas pleinement à la tendance réelle
de l'emploi. Aussi a-t-on vérifié la projection des
besoins à laquelle on a abouti en la rapprochant des
tendances et des prévisions des dépenses de recherche et de développement.
Des projections types de l'offre de personnel
technique ont été établies indépendamment, d'après
la croissance de la population appartenant aux
groupes d'âge les plus jeunes, d'après les prévisions relatives au rendement de l'enseignement supérieur et les statistiques récentes du pourcentage
des jeunes gens qui, à la fin des études supérieures
se sont orientés vers des professions scientifiques
et techniques. Ces projections avaient pour but de
mettre en lumière les rapports qui s'établiraient
entre la d e m a n d e et l'offre si aucune m e s u r e spéciale n'intervenait pour agir sur l'une ou sur l'autre.
Les deux projections ont été ensuite c o m p a r é e s .
L'accroissement de la d e m a n d e d'ingénieurs, par
exemple, a été estimé à 552.000 (de 822.000 à
1.374.000) entre 1960 et 1970 ; l'accroissement
net de l'offre (compte tenu de la déperdition par
décès, retraite, etc.) n'était évalué qu'à 2 8 5 . 0 0 0 .
Il est noté dans le rapport qu'un déficit en ingénieurs aussi important était peu probable, et que
la situation existante de la main-d'oeuvre s'ajusterait dans une certaine m e s u r e pendant toute la décennie : certains projets et p r o g r a m m e s envisagés
pourront être retardés, réduits ou abandonnés ;
des mesures seront sans doute prises pour a m é liorer l'utilisation des effectifs d'ingénieurs disponibles, en ayant davantage recours par exemple
à des techniciens pour seconder ces ingénieurs et
en employant moins d'ingénieurs dans les services
de vente. G r â c e à des ajustements continus de ce
genre, la d e m a n d e réelle en 1970 sera sans doute
sensiblement inférieure à celle qui a été prévue.
1. "Scientists, Engineers and Technicians in the
I960's - Requirements and Supply" (établi par
le Bureau of Labor Statistics, Department of
Labor), National Science Foundation (NSF)
63-64, Washington, 1963.
47
D u côté de l'offre, on pourrait également faire des
efforts pour inciter un plus grand n o m b r e de jeunes
à choisir les sciences de l'ingénieur et à rester
dans ce domaine d'activité après l'obtention du dip l ô m e . L e rapport enumere aussiles mesures qu'on
pourrait prendre pour atteindre chacun de ces objectifs : augmentation du n o m b r e et amélioration de la
qualité des écoles secondaires et supérieures, orientation professionnelle, motivation, assistance financière, réduction du taux de déperdition des étudiants dans les écoles d'ingénieurs, appel accru aux
f e m m e s , perfectionnement des agents techniques
devant leur permettre d'assumer de plus grandes
responsabilités, recyclage des ingénieurs d'un certain âge et ajustement des taux de rémunération.
48
L e rapport fait enfin remarquer que la possibilité que certaines de ces m e s u r e s soient
prises entraîne la nécessité de revoir périodiquement les projections et de les modifier le
cas échéant, afin de pouvoir évaluer les progrès réalisés dans l'ajustement de l'offre à la
demande.
O n voit donc que ce rapport, loin de ne contenir
que des "prévisions" stériles de ce qui se produira
réellement, formule mainte proposition quant aux
m e s u r e s à prendre pour éviter la pénurie prévue
de main-d'oeuvre technique, pénurie qui entraverait la croissance économique puisque celle-ci
dépend beaucoup des disponibilités en cadres
techniques.
V.
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