méthodes de projection à long terme de l'offre et de la d e m a n d e de main d'oeuvre qualifiée par Harold Goldstein, Assistant Commissioner, Manpower and Employment Statistics, Bureau of Labor Statistics, United States Department of Labor, et Sol Swerdloff, Chief of the Division of Manpower and Occupational Outlook, Bureau of Labor Statistics, United States Department of Labor unesco Achevé d'imprimer en 1967 dans les Ateliers de l'Organisation des Nations Unies pour l'éducation, la science et la culture. Place de Fontenoy, Paris'7e, France ST/S/12 COM/SS.67.XVI.12F © Unesco 1968 AVANT-PROPOS L'intérêt croissant qui se manifeste dans le monde entier pour les méthodes d'évaluation des besoins et de planification des ressources en personnel scientifique et technique a amené le Secrétariat de l'Unesco à encourager des auteurs qualifiés à écrire sur cette question, telle qu'elle se présente dans différentes régions du monde, afin de donner aux lecteurs une idée de la diversité des points de vue adoptés. En effet, si ce problème est dans une large mesure universel, les méthodes employées pour le résoudre varient suivant les conceptions régionales et nationales. La publication de ces écrits dans la collection "Rapports et études statistiques" a commencé en 1960 avec "Besoins et ressources de dix pays d'Asie en personnel scientifique et technique" (Unesco/ST/S/6). Le deuxième rapport de la série a paru en 1964 sous le titre "Méthodes d'évaluation des besoins en spécialistes et de planification de la formation spécialisée en URSS" (Unesco/ST/S/9). Dans la présente étude les auteurs, qui sont tous deux attachés au Bureau des statistiques de la main-d'oeuvre au Département de la main-d'oeuvre des EtatsUnis d'Amérique, expriment leurs opinions personnelles, et non pas nécessairement celles de l'organisme où ils travaillent. De m ê m e , l'Unesco, en publiant cette étude, dégage toute responsabilité quant aux points de vue adoptés par les auteurs, aux faits exposés et aux opinions exprimées au sujet de ces faits. T A B L E DES MATIERES Introduction 5 Projection des besoins 11 A . Etude des prévisions des employeurs 11 B . Extrapolation simple des tendances passées de l'emploi 12 C . Méthodes analytiques 12 1. Prévisions de la demande globale pour l'ensemble de l'économie . . 15 2. Prévisions de l'emploi global par branche d'activité ou par secteur économique 17 3. Prévisions de l'emploi par profession 23 4. Projections des besoins de main-d'oeuvre par région et par zone . . 25 D . Synthèse de méthodes 27 Analyse de l'offre de main-d'oeuvre 31 A . Projections de l'offre de main-d'oeuvre dans certaines catégories professionnelles 31 1. Offre existante 32 2. Entrées 33 3. Pertes de main-d'oeuvre 36 B . Projections de l'offre totale de main-d'oeuvre 38 1. Projections démographiques 38 2. Taux d'activité de la population 41 3. Effets comparés de l'accroissement démographique et des variations du taux d'activité sur l'effectif de la main-d'oeuvre 45 4. Taux d'activité et possibilités d'emploi 5. Croissance relative de la population active d'un pays à l'autre 45 . . 46 Comparaison des projections de l'offre et de la demande 47 Bibliographie 49 I. INTRODUCTION Pour différentes raisons, les projections relatives aux besoins de personnel - surtout de personnel scientifique, technique et spécialisé - suscitent depuis vingt ans dans le monde entier un intérêt croissant, qui se manifeste aussi bien dans les pays hautement développés que dans ceux qui c o m mencent seulement à appliquer des programmes de dé velopp em ent. Dans les pays très évolués, cet intérêt a été motivé en partie par l'obligation qui s'est imposée aux gouvernements de procéder à des investissements dans le développement du système d'enseignement, obligation rendue dans certains cas particulièrement impérieuse par la vague de natalité d'après-guerre. En m ê m e temps, la pénurie de personnel scientifique et technique s'est aggravée du fait que les besoins avaient augmenté dans des proportions énormes en raison de la place croissante prise par la science et la technologie dans l'industrie. D'autre part, l'importance de plus en plus grande accordée, dans le domaine militaire, au progrès scientifique a entraîné, plutôt que l'accumulation d'une vaste quantité d'armements sujets à se démoder rapidement, une course fiévreuse au développement des compétences technologiques. Enfin, les efforts déployés dans chaque pays en vue d'une planification, au moins partielle, du développement économique ont mis en évidence la nécessité de s'intéresser aux besoins de maind'oeuvre et d'établir également des plans visant à les satisfaire. Telles sont les raisons, plus ou moins puissantes, qui ont conduit les divers pays à se préoccuper davantage de leurs ressources en personnel hautement qualifié et qui ont donné un large retentissement à un problème qui n'intéressait autrefois que les universités et les services administratifs de l'enseignement. Quant aux pays en voie de développement, s'ils s'intéressent aux projections relatives à la maind'oeuvre c'est parce qu'ils se rendent compte que l'approvisionnement du marché du travail en personnel qualifié doit aller de pair avec l'introduction de branches d'activité nouvelles ou de procédés industriels nouveaux, que les services médicaux et les administrations publiques ont besoin désormais d'un personnel d'une haute compétence professionnelle, et que pour faire progresser l'éducation, éliminer ainsi l'analphabétisme et former des citoyens aptes à jouer convenablement leur rôle dans un monde complexe, il faut d'abord disposer d'un nombre suffisant d'enseignants et d'administrateurs de l'enseignement. Dans tous les pays, le rythme m ê m e du progrès s'est accéléré et l'on veut aujourd'hui obtenir en deux, trois ou dix ans des résultats que l'on aurait autrefois attendu d'une lente évolution s'étendant sur plusieurs générations, voire plusieurs siècles. Mais des progrès aussi rapides nécessitent l'intervention des autorités centrales, la mise en oeuvre de ressources importantes et la planification du développement harmonieux des secteurs interdépendants, de telle sorte que le personnel spécialisé soit prêt dès que l'industrie, l'enseignement ou les services de santé auront besoin de lui, et que le corps enseignant auquel il appartiendra de former ce personnel soit constitué bien avant le moment où ce personnel deviendra lui-même nécessaire. Tels sont les facteurs qui rendent impérieux l'établissement de projections de l'offre et de la demande de main-d'oeuvre. Les problèmes que pose l'établissement de telles projections ne sont pas exactement les m ê m e s dans les pays très évolués et dans les pays en voie de développement. Dans les premiers, l'économie et l'enseignement sont déjà fortement structurés et offrent des bases solides à la croissance économique, laquelle n'entraîne d'ailleurs que de faibles modifications quantitatives et relativement peu d'innovations par rapport aux structures en place. Les tendances de l'économie y font habituellement l'objet d'évaluations pour lesquelles on a recours à des procédés statistiques très perfectionnés et qui peuvent servir debase aux analyses nécessaires. En revanche, dans les pays en voie de développement, l'évolution économique souhaitée exige souvent l'abandon des structures traditionnelles et une très considérable modification quantitative de la situation existante ; en outre, les données statistiques relatives à cette situation sont peu abondantes ou font complètement défaut. Du point de vue analytique, prévoir les besoins de maind'oeuvre dans un pays hautement développé revient essentiellement à extrapoler à partir de la situation présente ou passée ; mais, dans un pays en voie de développement, une telle prévision implique plutôt l'instauration de structures entièrement 5 neuves pour l'élaboration desquelles on s'inspirera jusqu'à un certain point de l'expérience des pays étrangers. Nous nous proposons de décire ici certaines des méthodes applicables à la projection de l'offre et de la demande de main-d'oeuvre dans une économie évoluée échappant en grande partie à la planification centralisée. Ces méthodes sont faites de procédés dont certains peuvent également être utilisés pour des projections relatives aux secteurs planifiés de l'économie ; mais, l'absence de planification centralisée exigeant l'emploi de techniques spéciales pour certains grands secteurs, c'est essentiellement sur ces techniques que se fixera notre attention. Pour ce qui est des ressources en main-d'oeuvre, notre méthode de projection repose sur le principe de la "liberté de choix" de l'individu vis-à-vis des études qu'il entreprend ou du métier qu'il adopte. Les données d'expérience sur lesquelles se fonde cette monographie proviennent surtout des Etats-Unis et aussi d'autres pays occidentaux fortement industrialisés. E M P L O I D E S PROJECTIONS RELATIVES A L A M A I N - D ' O E U V R E Si les projections de l'offre et de la demande de main-d'oeuvre suscitent depuis quelques années un vif intérêt dans de nombreux pays, c'est parce qu'elles peuvent aider à la solution de divers grands problèmes auxquels les gouvernements ont à faire face. Les divers secteurs de l'emploi ne sont pas tous affectés de la m ê m e manière par l'évolution et la croissance économiques. Certains se développent plus rapidement que l'économie prise dans son ensemble, tandis que d'autres périclitent. Ces modifications sont particulièrement rapides dans les sociétés où l'évolution technologique est elle-même rapide. Or, la formation d'un personnel technique ou spécialisé demande beaucoup de temps ; et quand l'évolution économique s'accélère, la société ne peut plus compter voir l'offre s'ajuster à la demande par le seul jeu des mécanismes habituels qui permettent par exemple d'assurer, grâce à la différenciation des traitements et salaires, une bonne répartition de la main-d'oeuvre entre les divers secteurs. Lee travailleurs peuvent donc faire défaut dans certains secteurs et être en excédent dans d'autres. Une telle situation peut avoir des répercussions défavorables sur la production et sur le secteur tertiaire. Elle devient grave à partir du moment où elle risque de nuire à la croissance économique elle-même ou d'entraver l'application de grands programmes gouvernementaux concernant par exemple les recherches spatiales ou la santé. Parmi les professions qui exigent des compétences techniques ou spécialisées, certaines sont essentielles à la sécurité et au bienêtre de la nation ; aussi, est-il légitime que le 6 gouvernement ne les laisse pas manquer de travailleurs. S'il veut à cet égard se mettre à m ê m e de répondre à l'évolution prévisible de la demande, il a le choix entre deux méthodes : (1) il peut recourir à l'orientation professionnelle et prendre des mesures pour attirer des candidats vers les professions en question, tout en veillant à leur donner des moyens de formation adéquats (places dans les établissements d'enseignement, maîtres, services et installations) ; (2) il peut aussi, dans le cadre d'une politique générale de la maind'oeuvre, adopter des mesures qui influeront par exemple sur l'utilisation des travailleurs de l'industrie ou - par des modifications apportées aux traitements et salaires - sur l'attrait relatif des différentes professions. Tout en s'intéressant à la santé publique, à la sécurité nationale et à la croissance économique, les gouvernements ont à se préoccuper d'éviter le chômage. Par suite d'un mauvais ajustement entre l'offre et la demande, certains travailleurs qualifiés risquent de se trouver sans emploi, alors m ê m e que l'industrie manquera de spécialistes d'un autre genre. L'un des moyens par lesquels un gouvernement peut favoriser le plein emploi consiste donc à planifier la formation du personnel qualifié de telle sorte que l'offre soit constamment adaptée à la demande. Dans la mesure où peuvent être prévues les répercussions que l'automation et divers autres phénomènes économiques auront sur les besoins de main-d'oeuvre, les projections relatives à ces besoins fournissent à tous ceux qui s'occupent de la planification de l'enseignement et de l'orientation professionnelle des "avertissements" qui devraient pouvoir faciliter l'ajustement de l'offre à l'évolution de la demande. Les gouvernements ont enfin à planifier l'éducation. Toute formation générale ou spécialisée exige d'importants investissements, non seulement de la part du gouvernement, mais aussi de la part de ceux auxquels elle s'adresse. Les projections des besoins de main-d'oeuvre permettent de prévoir en connaissance de cause les besoins à satisfaire en matière de formation. La nécessité de tenir compte de l'évolution prévisible des besoins de main-d'oeuvre pour l'établissement des programmes de formation est officiellement reconnue dans la Loi sur l'enseignement professionnel adoptée en 1963 aux Etats-Unis. Pour remédier à un certain décalage de l'enseignement en raison duquel trop de gens se trouvaient préparés à des professions dans lesquelles les débouchés étaient en train de se raréfier, le Congrès a spécifié qu'il faudrait, pour l'élaboration des programmes d'enseignement professionnel, tenir compte des renseignements disponibles sur les besoins de maind'oeuvre des divers secteurs professionnels. EMPLOI DES PROJECTIONS RELATIVES A L A MAIN-D'OEUVRE DANS LA PLANIFICATION D E L'ENSEIGNEMENT ET DE LA FORMATION E M P L O I DES PROJECTIONS R E L A T I V E S A L A M A I N - D ' O E U V R E D A N S L'ORIENTATION PROFESSIONNELLE Dans un pays où beaucoup d'établissements d'enseignement supérieur appartiennent au secteur pri- L'action menée pour donner aux individus des raisons de choisir certaines professions constitue un élément important du processus d'ajustement de l'offre et de la demande de main-d'oeuvre dans une société démocratique. On comprendra aisément l'importance de l'orientation professionnelle si l'on songe que plus de 30 % des personnes dont se composera dans dix ans la population active des Etats-Unis sont aujourd'hui à l'école. Les projections de la demande de main-d'oeuvre servent tout particulièrement à l'orientation professionnelle des écoliers. Ceux-ci doivent être informés de l'évolution probable de l'emploi dans chaque profession afin de pouvoir choisir leur carrière sur la base de renseignements aussi complets que possible concernant les futurs débouchés. A cet égard, les projections n'ont pas besoin d'être quantitativement précises ; il suffit qu'elles donnent une idée générale du rythme de développement de chaque secteur professionnel et des débouchés correspondants. Une telle utilisation des projections de la demande de main-d'oeuvre pose un dilemme. L'éthique de l'orientation professionnelle veut en effet que l'orienteur soit "au service de son client", autrement dit qu'il se préoccupe essentiellement des intérêts de la personne à laquelle s'adressent ses conseils. Mais comment cette attitude peut-elle se concilier avec l'obligation de tenir compte des besoins de la société en spécialistes de divers types ? L'orienteur va-t-il diriger ceux qui lui sont confiés vers les métiers pour lesquels on manque le plus de personnel qualifié, et renoncer ainsi à tenir d'abord compte de leurs propres intérêts ? Il s'agit en fait d'un faux dilemme. M ê m e s'il disposait de données quantitatives sur le nombre total de travailleurs qualifiés nécessaires dans chaque profession, l'orienteur n'aurait aucun moyen d'assurer une complète coïncidence entre ce nombre et celui des élèves qui choisiront cette profession ou le programme de formation qui y conduit. Il ne pourrait donc pas, m ê m e s'il le voulait, fonder ses avis sur des considérations relatives aux besoins de main-d'oeuvre. En réalité, l'orientation se fait en fonction d'éléments particuliers à chaque individu - aptitudes, goûts et possibilités la perception des besoins de main-d'oeuvre n'exerçant qu'une influence très générale sur l'orienteur et sur l'orienté. La société a d'ailleurs certains moyens d'agir sur le nombre des travailleurs qui embrasseront telle vé, il n'est pas facile d'obtenir d'eux qu'ils tiennent compte, dans leurs plans individuels, des projections relatives aux besoins de main-d'oeuvre. C'est aux institutions du secteur public qu'il incombe de faire le nécessaire à cet égard ; elles doivent alors disposer de projections portant sur les besoins de main-d'oeuvre, les effectifs à former dans chaque profession et les effectifs de diplômés qui sortiront des établissements privés pour décider de l'expansion à donner aux divers secteurs de l'enseignement public. Pour mieux comprendre la nature des projections et autres données analytiques à faire intervenir dans la planification des activités d'éducation ou de formation, on peut se reporter à la documentation qui a servi en Suède à la planification de l'enseignement supérieur'. Cette documentation comprenait : (1) des estimations, par secteur professionnel, du nombre de diplômés de l'enseignement supérieur suédois que la population active comprenait en 1960 et comprendrait en 1965, 197 0 et 1975 ; (2) des renseignements sur le nombre exact d'inscriptions nouvelles reçues annuellement dans les facultés et instituts, ainsi que des prévisions relatives à l'évolution de ce nombre ; (3) des indications sur les variations du nombre des diplôm e s délivrés (à chaque niveau et dans chaque domaine d'études) ; (4) des indications sur l'évolution des effectifs du corps enseignant (nombre de maîtres professant dans les différentes facultés, par année et par discipline) ; (5) des chiffres indiquant, pour chaque discipline, le nombre moyen d'étudiants par professeur ; (6) des évaluations du coût unitaire moyen de la formation supérieure (par discipline). Lorsqu'on planifie l'enseignement en fonction des besoins de main-d'oeuvre, on peut se demander parfois si chaque établissement doit se borner à former uniquement le personnel qui sera nécessaire dans sa propre zone géographique. En fait, pour les cadres et la main-d'oeuvre technique, le marché de l'emploi est un marché essentiellement national, et les diplômés qui ont fait leurs études dans telle ou telle région ne cherchent pas nécessairement à s'employer dans cette m ê m e région ; il n'est donc pas souhaitable que les institutions en cause planifient leur développement en fonction des seuls besoins locaux ; il vaut mieux que les efforts déployés en faveur de l'enseignement dans les différentes parties du pays soient tous orientés vers la satisfaction générale des besoin s de la nation. 1. Education Policy and Planning in Sweden. A Swedish Contribution to the O E C D Programme on Educational Investment and Planning (EIP). Swedish Ministry of Education. Provisional draft. January, 1964. 7 ou telle profession. Elle peut en effet influer sur le nombre des personnes que pourront accueillir les établissements de formation professionnelle. Si les ressources sont très limitées, on aura tendance à ne prévoir dans ces établissements que le nombre de places strictement nécessaire (compte tenu des déperditions normales probables et autres facteurs analogues). En général, cependant, on applique une politique plus libérale qui permet à la concurrence de jouer entre les individus qui aspirent à une m ê m e profession. De toute façon, les projections sont loin d'être assez précises pour pouvoir servir de base à des limitations rigides. T Y P E S D E PROJECTIONS NECESSAIRES A U X FINS S U S M E N T I O N N E E S Le caractère d'une projection dépend nécessairement de l'usage que l'on se propose d'en faire. Nous examinerons ici certaines des conclusions à tirer de cette remarque en ce qui concerne les projections de la demande de main-d'oeuvre (concepts de base, distinction plus ou moins poussée entre les divers emplois, durée de la période à considérer). 1. Notions de besoin et d'offre de main-d'oeuvre applicables aux projections' Pour la planification de l'éducation, il est généralement admis qu'il faut se fonder sur une estimation du nombre des travailleurs à former pour chaque profession, autrement dit sur une "variable" qui ne saurait être chiffrée que par projection de la demande. La demande sera elle-même déterminée par deux séries de facteurs : d'une part, l'effectif net de la main-d'oeuvre supplémentaire requise entre l'année de base et une année future du fait de la croissance et de l'évolution de l'économie ; d'autre part, la nécessité de combler les vides qui résulteront des décès, des mises à la retraite ou de la mobilité professionnelle nette. L'effectif net de la main-d'oeuvre supplémentaire requise devrait, semble-t-il, refléter à la fois les fluctuations de la demande des biens et services fournis par les membres de chaque profession, et les variations de l'effectif du personnel nécessaire pour produire une quantité déterminée de biens ou de services. Mais accepter cette théorie, c'est tenir pour acquis que le nombre des travailleurs à former sera fixé en fonction de la demande. Or, c'est là une façon par trop simpliste de poser le problème ; car la formation ne constitue pas, en réalité, le seul moyen d'ajuster l'offre à la demande. L'employeur jouit en pratique d'une certaine liberté de manoeuvre dans l'utilisation des ressources - notamment des diverses catégories de personnel - dont il dispose. Il peut mécaniser ou modifier certains procédés. Il peut aussi décider de se contenter pour certains travaux d'un personnel semi-qualifié : par exemple, remédier à la 8 rareté des ingénieurs en faisant appel à un plus grand nombre de techniciens, faire effectuer par de simples aides soignantes des travaux qui devraient normalement incomber à des infirmières, ou confier à de simples opérateurs de machines aux compétences limitées des tâches qui seraient plutôt du ressort d'un technicien familiarisé avec tous les aspects de la mécanique. Si donc il ressort d'une projection préliminaire faite sur la base du mode d'utilisation actuelle du personnel - que la quantité de main-d'oeuvre à former pour une profession déterminée dépasse de beaucoup les moyens de formation existants, les employeurs et le gouvernement ont le choix entre plusieurs solutions. Ils peuvent, par exemple, développer ces moyens de formation de façon à ajuster l'offre à la demande. Mais il est possible que cette solution ne soit pas la meilleure, et cela pour plusieurs raisons : la formation envisagée peut, par exemple, être trop coûteuse ; on risque aussi, en attirant trop de sujets bien doués vers une profession déterminée, de nuire à d'autres professions importantes en les privant de la maind'oeuvre nécessaire ; plus simplement encore, la profession en cause peut être inapte à attirer autant de gens qu'il serait souhaitable, en raison d'un certain déséquilibre entre le niveau des salaires et les prix que sa clientèle est prête à payer le bien ou le service produit. Ainsi qu'il a été indiqué plus haut, les employeurs peuvent, dans de tels cas, recourir à d'autres solutions : mécanisation de la production ou remplacement de certaines catégories de personnel. La demande de main-d'oeuvre baissera alors dans le secteur considéré, mais pourra augmenter dans d'autres. Pour favoriser le choix de décisions aussi judicieuses que possible, il est bon de faire les projections en plusieurs étapes. On pourra, par exemple, commencer par établir des projections de la demande indépendamment de toute considération touchant l'offre, puis en faire d'autres pour lesquelles on partira d'hypothèses de plus en plus réalistes en ce qui concerne l'évolution de l'offre et les modifications susceptibles d'être apportées aux méthodes de production, à l'utilisation du personnel et à différentes autres variables. Dans bien des cas - planification de l'enseignement général ou spécialisé, élaboration d'une politique de la main-d'oeuvre, évaluation des possibilités de réalisation de certains programmes d'après le marché du travail, etc. - ce qui importe, c'est d'avoir un "modèle" qui énonce l'objectif social à atteindre (croissance économique non entravée par la pénurie de main-d'oeuvre qualifiée par exemple) et qui spécifie quels sont les 1. Pour plus amples détails sur les problèmes relatifs aux concepts à faire intervenir dans les projections, voir : Sol. Swerdloff, Manpower Projections : Some Conceptual Problems and Research Needs, Monthly Labor Review, Feb. 1966. besoins demain-d'oeuvre à satisfairepour atteindre cet objectif, ce qu'il en coûtera et quelles mesures il faudra prendre pour former cette main-d'oeuvre; ainsi, les responsables pourront-ils évaluer et comparer les coûts et les bénéfices, et prendre les décisions qui s'imposent. Mais, dans le cas del'orientationprofessionnelle, où il s'agit de faire prendre à chaque individu, au sujet de sa future carrière, une décision qui n'aura pratiquement pas d'effet sur l'ensemble du système ou sur les choix des autres individus, ce qu'il faut c'est pouvoir apprécier l'ampleur des débouchés qu'offriront les différentes professions, autrement dit prévoir l'évolution la plus probable de l'offre et de la demande de main-d'oeuvre. 2. Définition des professions Dans une économie fortement industrialisée, où la division du travail a été poussée très loin, on peut déceler un très grand nombre de professions différentes. Aux Etats-Unis, par exemple, le "Dictionary of Occupational Titles" (dictionnaire des m é tiers), publié par le US Employment Service, définit plus de 20. 000 professions distinctes. A propos des méthodes applicables à l'établissement de prévisions relatives à la main-d'oeuvre, on est amené à se poser les questions suivantes : faut-il faire des projections pour toutes les professions ou seulement pour certaines d'entre elles ? Jusqu'à quel point convient-il de pousser la distinction entre les différentes professions ? Si l'on se reporte à un système de classification des professions, à quel degré de subdivision faut-il s'arrêter dans l'établissement des projections ? Il faut, pour pouvoir répondre à ces questions, commencer par se demander à quoi serviront les projections envisagées. Si leur but est de faciliter l'élaboration de programmes d'enseignement et de formation pour des métiers qui exigent un long apprentissage, le premier point à régler est le suivant : pour combien de personnes chaque type de formation doit-il être assuré ? En effet, les projections sont superflues pour les professions -qui n'exigent qu'un très court apprentissage. Il suffit dans ce cas de prévoir les besoins pour de grandes catégories telles que "manoeuvres" ou "ouvriers à la production rapidement formés sur place". En revanche, les projections sont très nécessaires dans le cas des professions ou groupes de professions qui exigent un type de formation bien déterminé. Elles seront d'autant plus détaillées que la formation sera plus spécialisée. Si l'on admet par exemple que les futurs médecins et ingénieurs reçoivent le m ê m e enseignement jusqu'à l'âge de 18 ans, puis suivent pendant 4 à 8 ans des filières distinctes, il faut faire des projections séparées pour les deux professions, au moins pour ces 4 à 8 années, et des projections à plus long terme concernant l'enseignement primaire et l'enseignement secondaire général qui leur sont communs. Si, d'autre part, les études sont les mêmes pour tous les médecins, et que la spécialisation s'apprenne par la pratique, il n'est pas nécessaire d'établir de projections distinctes pour chaque spécialité : pédiatrie, chirurgie, psychiatrie, etc. Les projections des besoins de main-d'oeuvre peuvent aussi être utilisées par les services d'orientation professionnelle. Dans la mesure où ces services ont à aider les jeunes à choisir entre des études menant à des professions diverses, tous les principes qui viennent d'être exposés demeurent valables. On est conduit, si l'on veut appliquer ces principes, à établir des projections à long terme pour chacune des professions qui, en raison du degré de compétence et de spécialisation requis, exigent une longue formation. Dans les autres cas, on se contente habituellement de projections intéressant tout un groupe de métiers connexes et l'on fait des projections à court terme pour mettre au point des programmes de formation menant à des professions dans lesquelles des débouchés s'offriront, le m o ment venu, à ceux qui les auront suivis. A la question de la distinction plus ou moins poussée entre les différentes professions est liée celle du parti à tirer des projections pour apprécier les besoins d'éducation et de formation à satisfaire aux divers niveaux. Quand on entreprend de planifier l'éducation, c o m m e cela a été fait dans le cadre du Projet régional méditerranéen de l ' O C D E 1 , il faut essayer de déterminer, en fonction des besoins de main-d'oeuvre, les effectifs à prévoir pour les divers degrés d'enseignement (primaire, secondaire, supérieur), ou les divers types de formation à offrir aux élèves de m ê m e âge (la préférence pouvant, par exemple, être donnée par les élèves du secondaire à un enseignement préprofessionnel plutôt qu'à un enseignement préparant aux études supérieures, ou vice versa). On s'est efforcé d'obtenir des divers secteurs de l'emploi des renseignements portant, non seulement sur les besoins prévisibles de personnel dans chaque profession, mais aussi sur la répartition de ce personnel par niveau d'instruction. L'un des moyens de résoudre le problème consisterait à déterminer le niveau d'instruction requis pour chaque profession. Dans la mesure où l'on sait que pour accéder à telle profession il faut avoir fait telles études et pouvoir justifier de telles connaissances générales 'et spécialisées ou de telle formation pratique, il est relativement facile d'évaluer, d'après les prévisions des besoins de maind'oeuvre, le nombre des personnes auxquelles devrait être donné le moyen de pousser leurs études jusqu'à tel ou tel niveau ou de bénéficier de tel ou 1. Voir : P a m e s , H . S. , Besoins scolaires et développement économique et social, Projet régional méditerranéen, O C D E , Paris, 1962. 9 tel type de formation'. Mais il y a souvent plusieurs moyens de se préparer à une m ê m e profession ; les gens qui accèdent à cette profession le font alors par des filières diverses, et les proportions selon lesquelles se combinent chez eux la culture générale, l'instruction préprofessionnelle, la formation pratique et l'expérience sont très variables. Si l'on pouvait définir, pour chaque profession, une méthode "optimale" de formation et rendre son application obligatoire dans tous les cas, la planification de l'enseignement en fonction des besoins de main-d'oeuvre ne poserait plus de problème. Dans l'intérêt de la collectivité, mieux vaut peut-être cependant (sauf dans les secteurs de la santé publique et de la sécurité) éviter d'exiger pour chaque emploi un type déterminé de formation et appliquer, dans la mesure du possible, le principe de la "carrière ouverte à tous les talents", afin de ménager le m a x i m u m de liberté individuelle et le m a x i m u m de souplesse dans la vie économique. Mais, à partir du m o m e n t où l'on peut, pour accéder à certaines professions, choisir entre plusieurs voies, il faut tenir compte, dans les prévisions de l'emploi, du n o m b r e des travailleurs qui en profiteront pour entrer dans ces professions sans être passés par la filière normale ou sans avoir reçu la formation "optimale". Cela dépendra d'ailleurs beaucoup de l'empressement que mettront les employeurs à faire appel aux services de tels travailleurs (empressement qui dépendra lui-même de la situation du marché du travail) et de l'aisance avec laquelle les intéressés réussiront, sans formation spéciale, à acquérir les compétences nécessaires (aisance qui pourra être conditionnée par la qualité et le niveau de leur instruction générale, ainsi que par l'efficacité des méthodes de recyclage ou de formation en cours d'emploi. 3. Période sur laquelle doit porter la projection Ainsi qu'il a déjà été indiqué, l'usage auquel est destinée une projection influe également sur la durée de la période pour laquelle elle est établie. Il s'agit de savoir si l'on entend faire des prévisions pour les deux, cinq, dix ou vingt années à 10 venir. Tout se ramène à la question suivante : "Combien de temps faut-il pour former le type de personnel auquel on songe et pour mettre au point les programmes et créer les services de f o r m a tion nécessaires ?". A supposer que l'on veuille, par exemple, déterminer les dimensions à donner à une future école d'ingénieurs il est évident que, s'il faut quatre ans pour former un ingénieur et trois ans pour construire cette école, toute projection portant sur une période inférieure à sept ans serait inadéquate ; et s'il s'agit de planifier tout le système d'enseignement d'un pays (écoles primaires comprises) en fonction des futurs b e soins de main-d'oeuvre très qualifiée, la projection devra porter sur une période beaucoup plus longue encore. Il convient cependant de noter que les prévisions ont tendance à devenir d'autant moins exactes qu'elles se rapportent à un avenir plus lointain. Leur degré d'exactitude dépendra du rythme de l'évolution économique, de la stabilisation des taux de croissance, et de l'expérience plus ou moins grande sur laquelle sont fondées les statistiques et autres données de base utilisées. Il est difficile d'énoncer une règle générale qui permette de concilier ces considérations contradictoires. E n tout cas, il importe que les projections ne soient pas établies pour une seule année, mais pour plusieurs (séparées par exemple par des intervalles de cinq ans) ; et il importe aussi d'indiquer d'emblée le degré probable d'erreur qu'elles comportent à mesure qu'elles se rapportent à un avenir plus lointain. Il convient également de les réexaminer fréquemment et, au b e soin, de les réviser. 1. La détermination des niveaux et types d'instruction requis pour les différentes professions a fait, en Suède, l'objet d'une étude méthodique. Voir : "Les prévisions à long terme de l ' e m ploi : quelques aspects de l'organisation et des méthodes en vigueur en Suède", rapport établi par Sten-Olof Döös et présenté à la Session d'études internationale de l ' O C D E sur les techniques de prévision de l'emploi. In : Prévisions de l'emploi, O C D E , 196 2. II. P R O J E C T I O N D E S BESOINS Trois méthodes générales ont été appliquées à diverses époques et dans divers pays pour évaluer les besoins futurs de main-d'oeuvre qualifiée et spécialisée. L'une d'elles consiste à faire des enquêtes auprès des employeurs, en leur demandant de préciser combien de travailleurs ils pensent devoir employer dans chaque spécialité à telle ou telle date. La seconde consiste à établir des projections quantitatives par simple extrapolation à partir d'une tendance qui se dégage de l'expérience passée. La troisième consiste à analyser les facteurs économiques et autres qui influent sur l'emploi dans chaque profession et à estimer l'effet futur de chaque facteur de façon à obtenir une évaluation quantitative des besoins futurs pour la profession considérée. A. E T U D E D E S PREVISIONS DES E M P L O Y E U R S Les enquêtes faites auprès des employeurs ont été utilisées dans un certain nombre de pays, et notamment, à diverses époques, au Royaume-Uni, aux Etats-Unis d'Amérique, dans la République fédérale d'Allemagne et en Suède1. Ces enquêtes peuvent porter sur un seul secteur, sur toutes les branches d'activité qui emploient des travailleurs d'une m ê m e profession (tels les ingénieurs), ou sur toutes les branches d'activité d'une communauté si l'on veut prévoir les besoins de main-d'oeuvre pour toutes les professions. Les questionnaires demandent généralement le chiffre global des personnes que l'établissement emploie dans chacune des professions pour lesquelles on désire faire des prévisions, ainsi que les besoins correspondants prévus pour des périodes déterminées allant de deux ans à cinq ans ou plus. En outre, les e m ployeurs sont parfois priés de préciser combien de remplacements il faudra assurer, en évaluant les pertes dues aux décès, aux mises à la retraite ou aux départs de membres du personnel. Les réponses peuvent être recueillies par correspondance ou grâce à des entrevues, ou par une combinaison de ces méthodes : une enquête initiale par correspondance suivie d'entrevues dans les établissements qui n'ont pas répondu aux questionnaires. Il est également souhaitable que les enquêteurs aient des entrevues avec la direction de certains établissements qui ont répondu par correspondance, afin de déceler quelles considérations motivent les prévisions des employeurs, et d'évaluer le soin apporté à l'établissement de ces prévisions et la mesure dans laquelle les questions posées ont été comprises. On résume alors les résultats et l'on évalue l'effectif global de la main-d'oeuvre employée à la date de l'enquête et les besoins future pour chaque profession. Cette phase d'évaluation est nécessaire quand la liste originale des employeurs est un échantillon de tous les employeurs de l'Univers statistique à considérer. Il faut également tenir compte du fait que certains employeurs ne répondent pas au questionnaire ou ne font pas de prévisions ; en règle générale, on affecte aux établissements qui ne répondent pas le taux d'accroissement des besoins de ceux qui ont répondu. Les enquêtes auprès des employeurs présentent certains avantages. Elles sont relativement faciles à mener et à utiliser pour prévoir rapidement les besoins dans un grand nombre de professions. En principe, elles font appel à la connaissance concrète et personnelle que chaque employeur a de la situation. Elles tiennent compte, pour chaque entreprise, des plans d'extension ou de transformation des activités, de mise en oeuvre de nouveaux procédés ou d'abandon de méthodes anciennes. Elles offrent aussi l'avantage - et ce n'est pas le moindre - de répartir la responsabilité de la 1. Etats-Unis, Department of Labor, Bureau of Employment Security, "Handbook on Employment Security Job Market Research Methods Area Skill Survey", Bulletin E-252, novembre 1965. Royaume-Uni, Office of the Lord President of the Council, Ministry of Labour and National Service, "Scientific and Engineering Manpower in Great Britain", 1956. République fédérale d'Allemagne, Bayerischen Staatministerium für Unterricht und Kultus, "Erhebung über den Bestand an Ingenieuren und den Bedarf an technischen Nachwuchs in der Bundesrepublik", 8-16 février 1957. Suède, Sveriges Industriforbunds Tekniker- ~ kommittee, "ingenjursbehovet j Sverige", 1957. 11 prévision des besoins futurs entre les employeurs qui répondent aux enquêtes, ne laissant ainsi à l'organisme qui les publie que le soin de rendre compte des renseignements qui lui ont été fournis. Cette méthode présente en revanche certains inconvénients. Rares sont les entreprises qui consacrent du temps à l'établissement de projections à long terme de leur activité ou de leurs besoins de main-d'oeuvre ¡aussi, la plupart des employeurs ont-ils tendance à donner sans mûre réflexion des réponses hypothétiques quand on leur demande de préciser le nombre de travailleurs dont ils auront besoin au cours des années à venir. Quand bien m ê m e les chiffres avancés par tousles employeurs se révéleraient exacts, il n'existerait toujours aucun moyen d'obtenir des données sur les entreprises qui n'existent pas encore mais seront créées à l'avenir. Aussi, la synthèse des réponses des employeurs fournit-elle souvent des projections des besoins de main-d'oeuvre qui semblent assez fantaisistes. En outre, si les enquêtes de ce genre portent sur un vaste échantillon d'entreprises et entraînent des activités complémentaires étendues, elles sont d'un coût relativement élevé. Certains pays (la Suède, par exemple) ont a m é lioré cette technique en demandant aux employeurs de fournir des prévisions relatives à la production ou à l'activité de l'entreprise parallèlement aux prévisions de l'emploi. De la sorte, il devient possible, d'une part, de comparer entre elles ces deux catégories de prévisions fournies par le m ê m e employeur et, d'autrepart, de comparer l'ensemble des prévisions fournies par tous les employeurs d'un m ê m e secteur avec une analyse indépendante des tendances et perspectives de ce secteur en m a tière de production, ce qui aide à se faire une idée de la justesse des prévisions de production associées aux prévisions d'emploi. Dans les pays où de nombreux secteurs de l'économie sont planifiés y compris en France où l'on fait de la planification "indicative" - on peut ainsi estimer la mesure dans laquelle les projections relatives àlamain-d'oeuvre sont conformes au plan économique. De m ê m e , la justesse des prévisions de production peut se m e surer compte tenu de tous les facteurs qui pourraient entraver, par exemple, l'approvisionnement en matières premières ou la vente. Une évaluation indépendante de la demande globale de chaque produit permet ainsi de faire la part de l'optimisme dont différents employeurs peuvent faire preuve quand il s'agit de prévoir quelle proportion du m a r ché leur est assurée. Mais pour pouvoir utiliser une évaluation indépendante de ce type, il faut d'abord qu'elle existe ; aussi faut-il également adopter une méthode analytique pour vérifier la justesse des projections faites par les employeurs. Dans le cadre de l'enquête menée au Royaume-Uni, dont il a été question ci-dessus, les résultats d'une évaluation analytique ont amené les autorités chargées de l'enquête à réduire considérablement les prévisions globales des différents employeurs, tout en conservant la répartition par profession 12 qu'ils avaient indiquée pour les besoins futurs de personnel scientifique et technique. Cette méthode a également d'autres effets positifs. En obligeant les employeurs à réfléchir à leurs besoins futurs de main-d'oeuvre, elle stimule parfois la planification et la formation de travailleurs qualifiés, et remplit ainsi un rôle d'éducation, sinon un rôle statistique. Cet aspect de la question sera décrit plus loin à propos des projections par région. B. E X T R A P O L A T I O N SIMPLE D E S T E N D A N C E S PASSEES D E L ' E M P L O I La seconde méthode - projection dans l'avenir de tendances quantitatives - ne se recommande guère que par sa simplicité. Son fondement théorique, si on veut lui en trouver un, est que la projection dans l'avenir d'une tendance passée repose sur le postulat que l'ensemble des facteurs qui ont déterminé l'emploi dans une spécialité donnée restera le m ê m e . Malheureusement, l'histoire économique abonde en exemples de tendances inversées - de branches d'activité et de professions dans lesquelles l'emploi a commencé par augmenter pour décliner ensuite. En outre, les problèmes de main-d'oeuvre se posent surtout avec acuité dans les situations nouvelles qui diffèrent de celles du passé. L'augmentation rapide de l'effectif du personnel scientifique et technique dans la plupart des pays, au cours des dernières années, le prodigieux essor des activités de recherche, les changements qu'entraîne un développement planifié et artificiellement accéléré - tous ces facteurs ne correspondent plus à ceux qui déterminaient précédemment l'expansion à long terme. Dans certaines des disciplines scientifiques, par exemple, l'augmentation de l'emploi a été si rapide ces derniers temps que certains spécialistes qui étudient le problème ont été tentés de l'exprimer par des fonctions exponentielles ; or, les projections fondées sur ces fonctions indiquent que, dans le proche avenir, les h o m m e s de science représenteraient une partie anormalement élevée de l'ensemble de la population économiquement active. C. M E T H O D E S ANALYTIQUES La troisième méthode est beaucoup plus ardue ; il s'agit d'analyser avec soin les facteurs qui influent sur la demande de travailleurs dans chaque profession, d'évaleur leur action dans l'avenir et d'établir des projections fondées sur une appréciation de leur influence combinée sur les besoins futurs. Cette méthode exige de plus grandes ressources, le rassemblement de données, le recrutement et la formation d'analystes expérimentés et un long travail. Elle ne donne pas de résultats rapides et ne garantit pas non plus de résultats d'une rigoureuse exactitude étant donné que l'appréciation humaine entre en jeu. Cette méthode a été appliquée à des professions diverses aux EtatsUnis et dans d'autres pays, et les spécialistes ont acquis, dans ce domaine, une expérience utile, dont nous rendrons partiellement compte dans cet exposé. Le développement de chaque profession dépend du jeu d'un ensemble de facteurs qui lui sont propres. Le nombre d'enseignants requis, par exemple, est fonction du nombre des élèves (que l'on peut luim ê m e prévoir d'après les taux de natalité et l'évolution probable de la proportion d'enfants scolarisés dans chaque groupe d'âge) et des tendances du rapport enseignants-élèves, qui dépend des conditions et du financement de l'enseignement1. Le nombre requis de mécaniciens en automobile dépend de celui des véhicules en circulation (lequel est lié à l'expansion démographique, aux revenus des consommateurs et à l'activité commerciale), de la fréquence des réparations, du coût relatif des réparations et du remplacement des parties défectueuses, et de divers autres facteurs. Le nombre de médecins requis peut être calculé d'après l'effectif de la population et son expansion probable, compte tenu des changements qui peuvent intervenir dans l'organisation des services médicaux. (Si l'on estime que le nombre de médecins par rapport à la population de l'ensemble du pays est inférieur aux normes souhaitables, on pourra utiliser un rapport plus élevé, correspondant, par exemple, à celui de l'une des régions relativement bien dotées en médecins, pour évaluer les besoins futurs du pays). On voit donc qu'une étude approfondie des facteurs qui influent sur l'emploi peut, pour un grand nombre de professions, fournir la base nécessaire à l'évaluation directe des besoins futurs en fonction de l'accroissement prévu de la population. Nous avons décrit jusqu'ici les méthodes d'analyse applicables à la prévision des besoins concernant une seule profession. Cette méthode est relativement simple, mais ne s'applique qu'à unnombre limité de professions - celles pour lesquelles la demande est directement liée à un facteur pouvant faire l'objet de projections indépendantes, c o m m e c'est le cas de l'expansion démographique. Pour la plupart des autres professions, notamment celles qui se retrouvent dans beaucoup de branches d'activité différentes (ingénieurs, mécaniciens et sténographes, par exemple), la prévision des besoins doit comporter deux phases : premièrement, une analyse des perspectives de la production et de l'emploi dans chacun des grands secteurs qui font appel à des travailleurs de la profession considérée ; deuxièmement, une analyse des tendances qui caractérisent la profession dans chaque secteur. Il est préférable d'envisager les besoins futurs dans chaque profession en fonction de l'expansion de l'ensemble de l'économie et de ses divers secteurs, ainsi que de l'accroissement de la demande relative à d'autres professions, que d'étudier chaque profession indépendamment. Cette méthode permet de replacer les professions dans le contexte des rapports économiques qui déterminent la demande, et réduit les risques d'erreur inhérents à l'établissement de projections dans un avenir incertain. C o m m e le dit Jean Fourastié "la prévision de l'emploi ne saurait se faire en dehors d'un cadre plus vaste de prévision économique"2. Tout pays soucieux de faire des prévisions d'emploi relatives à plus d'une profession aura intérêt à les placer dans un tel cadre afin d'assurer la cohérence de l'ensemble des projections. Pour prévoir le niveau d'activité des divers secteurs, il faut commencer par déterminer la nature de la demande portant sur les produits ou les services du secteur considéré, et la place de ce secteur dans le contexte global de l'expansion économique. Il est évident qu'une industrie qui fournit directement ses produits aux consommateurs ne répond pas au m ê m e type de demande que celle qui produit des matières premières destinées à entrer dans la fabrication d'autres produits. Nous nous proposons d'illustrer à l'aide d'exemples pris dans différents secteurs les types d'analyse utilisés pour prévoir les niveaux d'activité. Lorsqu'il s'agit de prévoir la production d'acier, il faut tenir compte des perspectives de l'accroissement démographique et de la tendance de la production d'acier par habitant. Les besoins globaux d'acier dépendent des besoins prévus pour chacune des principales industries consommatrices d'acier - industrie automobile, métallurgie, appareils électriques, machines-outils, etc. En pratique, il faut évaluer ce que sera la production de chacune de ces industries pour pouvoir déterminer les besoins globaux d'acier. Il faut aussi tenir compte de la mesure dans laquelle d'autres matériaux, tels que l'aluminium ou les matières plastiques, font concurrence à l'acier. Enfin, il convient d'évaluer la balance des exportations et des importations. Pour ce qui est de l'industrie automobile, il est préférable, en raison de la nature m ê m e du m a r ché, de calculer séparément la production de voitures particulières et celle de camions, puisque la demande de véhicules de chacune de ces catégories dépend de toute évidence de facteurs différents. En outre, il faut tenir compte de la production de pièces et d'accessoires de rechange vendus aux garagistes, ou directement aux propriétaires 1. Maxime G . Stewart, " A new Look at Manpower Needs in Teaching", Occupational Outlook Quarterly, Mai 1964, p. 10-16, US Department of Labor, Bureau of Labor statistics. 2. Jean Fourastié, "La prévision de l'emploi en France", in "Prévisions de l'emploi - rapport d'une session d'études internationales sur les techniques de prévisions de l'emploi", convoquée par l'Organisation de coopération et de développement économiques, Bruxelles, juin 1962, O C D E , Paris. 13 de voitures particulières et de camions, étant donné qu'une partie importante de la main-d'oeuvre employée par l'industrie automobile est affectée à cette fabrication. Il faut donc commencer par délimiter approximativement ces trois grandes branches de l'industrie automobile, dont le marché a dans chaque cas une structure particulière, et par établir des projections pour chacune d'elles. La demande de voitures particulières dépendra de facteurs tels que le niveau de l'activité économique, le niveau des revenus et leur répartition dans la population, l'accroissement démographique et la composition des familles, le déplacement vers les banlieues et l'augmentation du nombre des personnes possédant plusieurs automobiles. La demande de camions dépend de l'augmentation des besoins de transport des agriculteurs, des commerçants et des industriels, et de la concurrence d'autres moyens de transport. Un autre élément important pour ce qui est de la demande de véhicules automobiles en général est le nombre global des voitures, camions ou autobus en circulation, étant donné qu'un certain pourcentage de véhicules nouveaux doit servir chaque année à remplacer ceux qui vont à la ferraille. Dans un pays très développé, ce facteur est peut-être d'ailleurs celui qui influence le plus profondément la production globale. Au cours d'une période d'expansion économique, ou d'innovation dans la conception des véhicules automobiles, le nombre des véhicules mis à la ferraille augmente le plus souvent proportionnellement au nombre global de véhicules en circulation. La vente de pièces et d'accessoires de rechange est également influencée par le nombre et l'âge des véhicules en circulation. mécaniciens 2. Des facteurs analogues peuvent avoir leur importance pour la détermination des besoins de main-d'oeuvre dans d'autres branches des transports. Les méthodes analytiques applicables à la prévision du niveau d'activité d'un secteur économique varieront selon qu'il s'agit d'un secteur "planifié" ou "non planifié". Dans chaque pays, l'activité de certains secteurs économiques est directement déterminée par des décisions concertées du gouvernement ou d'autres organismes centraux. Dans la mesure où ces décisions sont prises pour de nombreuses années à venir, elles peuvent servir de base à la prévision des besoins de main-d'oeuvre qu'elles suscitent. La "planification indicative" qui se fait en France illustre bien cette méthode. O n peut également en trouver un exemple aux Etats-Unis dans le programme de construction d'autoroutes, qui porte sur plusieurs années. En revanche, une grande partie des dépenses gouvernementales n'est planifiée, aux Etats-Unis, que surune base annuelle, étant donné que ce sont les organes législatifs fédéraux ou des Etats qui votent les ouvertures de crédits. Une autre illustration - il s'agit cette fois du secteur "des services" ou secteur "tertiaire" - est fournie par la banque1. On a étudié le volume de l'activité bancaire en fonction de la population et du volume des affaires, ainsi que l'évolution des types de services assurés par les banques, et l'on a élaboré des projections d'après les tendances décelées. Les conséquences de l'utilisation de calculatrices électroniques pour les opérations bancaires ont été examinées à la lumière de l'expérience acquise ; il est apparu que certains groupes d'employés de bureau seulement sont touchés par cette innovation. O n procéda ensuite à l'établissement de projections de l'emploi dans les banques par profession, en tenant compte du fait que le nombre des postes de secrétariat augmente moins rapidement que celui des autres. Le montant des crédits affectés à la défense, par exemple, est fonction de la situation internationale telle que l'interprètent l'administration et le Congrès. La nature des dépenses prévues détermine dans quel secteur ou à quelle activité les travailleurs seront employés. Si, par exemple, le gouvernement décide de faire porter ses efforts sur la production des missiles téléguidés plutôt que sur la fabrication de tanks, le niveau d'activité d'un grand nombre de secteurs s'en trouvera affecté. Pour la construction de missiles téléguidés, une grande partie des dépenses est consacrée à la fabrication d'éléments électroniques, ce qui suppose une expansion de l'industrie électronique. E n revanche, si une plus grande partie des crédits affectés à la défense était consacrée à la construction de tanks, on aurait besoin de plus d'acier et de moins d'éléments électroniques, puisque ces éléments occupent une place moindre dans la production de tanks. De m ê m e , si les crédits sont essentiellement affectés à la recherche et à la mise au point d'armes nouvelles, on ne fera pas appel aux m ê m e s spécialistes qu'on le ferait pour produire des armes déjà conçues. Le volume des crédits et de l'activité consacrés à la construction de routes dépend des besoins et de la demande de nouvelles routes, ainsi que des ressources dont Dans certaines branches d'activité, le facteur déterminant pour les besoins de personnel est le matériel ou les biens d'équipement utilisés. Ainsi, dans l'industrie aéronautique, c'est le nombre et les types d'appareils destinés à être mis en circulation qui déterminent l'effectif des pilotes, hôtesses et mécaniciens navigants employés par les compagnies, et c'est le type de moteur dont les avions sont équipés (moteurs à réaction ou moteurs alternatifs) qui conditionne les besoins de 1. Rose Wiener, "Manpower Requirements in Banking", Monthly Labor Review, septembre 1962, p. 989-995, (Bureau of Labor statistics, US Department of Labor). 2. "Employment Requirements and Changing occupational structure in civil aviation", Bureau of Labor statistics. U S Department of Labor, Bulletin n° 1367, juin 1964. Washington : G o vernment Printing Office. 14 disposent les autorités locales et le gouvernement des Etats. Dans les secteurs non planifiés de l'économie, la prévision des niveaux d'activité est fondée sur le potentiel du marché compte tenu de facteurs tels que les perspectives démographiques, le revenu et les fluctuations des besoins des consommateurs, le progrès technique, les inventions et la mise au point de matériaux nouveaux. On peut alors traduire les niveaux de production ou d'activité pour une période future en besoins généraux de maind'oeuvre en tenant compte des modifications éventuelles de la production horaire par personne (productivité) et de l'horaire de travail. Des prévisions d'emploi pour un secteur, on peut évaluer les besoins de main-d'oeuvre pour chaque profession en se fondant sur la structure professionnelle de ce secteur, que l'on peut déterminer en étudiant son évolution dans le passé et en analysant les modifications que le progrès technique peut lui faire subir. (Les méthodes mises au point pour ventiler par profession les prévisions d'emploi relatives à un secteur sont examinées plus loin dans la présente section. ) Dans la plupart des professions, les besoins de main-d'oeuvre dépendent beaucoup de la demande qui existe pour les produits qu'elles fabriquent ou les services qu'elles assurent, et cette demande est elle-même fonction du caractère et du niveau d'activité de l'économie tout entière - volume global et nature de la demande des consommateurs, achats du gouvernement, débouchés pour l'exportation, concurrence créée par les importations et besoins des entreprises m ê m e s en matériaux et biens d'équipement. La demande de personnel dans les diverses professions se rattache donc à la demande globale de biens et de services, et aux structures de la consommation et de l'investissement. Pour évaluer les tendances à long terme des besoins de main-d'oeuvre dans les diverses professions, le point de départ habituel sera donc la demande globale de biens et de services du système économique ; cette demande pourra être ventilée par grand produit ou service essentiel (classés par secteur). Les évaluations de la production pourront alors être traduites en besoins de maind'oeuvre - globaux et par profession. 1. Prévisions de la demande globale pour l'ensemble de l'économie C o m m e nous l'avons noté plus haut, pour apprécier les tendances à long terme du marché de l'emploi et de l'activité des divers secteurs qui composent l'économie d'un pays, on commence en général par établir une projection de la totalité des besoins de cette économie en biens et en services. Une projection de la demande totale peut se concevoir de plusieurs façons. La politique et les objectifs économiques fondamentaux du pays peuvent influer sur le choix de la méthode. On peut, par exemple, partir de l'hypothèse qu'un niveau de vie déterminé sera atteint. Ce niveau, si on l'exprime par la consommation par habitant et si on le multiplie par l'effectif projeté de la population, permet d'obtenir une estimation de la demande totale. Il faut évaluer séparément la demande de biens d'équipement si elle n'est pas comprise dans les données de base relatives à la consommation par habitant. Cette méthode convient à un pays dont l'objectif fondamental est de maintenir ou d'améliorer le niveau de vie. On peut aussi partir de l'hypothèse du maintien d'un taux déterminé de croissance économique, exprimé par le taux d'accroissement du produit national brut réel (c'est-à-dire sans tenir compte des fluctuations des prix). Cette méthode a gagné du terrain depuis que les pays m e m b r e s de l ' O C D E se sont fixé des objectifs communs de croissance économique. Un taux de croissance de 50 % a été proposé pour la décennie 1960-70. Une troisième méthode, compatible avec une politique économique axée principalement sur le plein emploi, consiste à estimer le potentiel économique pour une année déterminée dans l'avenir et à supposer que ce potentiel sera réalisé, c'està-dire que les ressources humaines et matérielles du pays seront utilisées au m a x i m u m . C'est cette méthode qui a été le plus couramment appliquée aux Etats-Unis. D'ordinaire, on commence par projeter le chiffre total et la composition de la population. A partir de cette projection démographique, on calcule quel sera l'effectif de la population économiquement active ou, selon la terminologie des EtatsUnis, de la main-d'oeuvre (labor force). Les m é thodes généralement employées pour établir les projections relatives à la population et à la maind'oeuvre sont exposées plus loin dans la présente monographie. En raison de la manière dont la comptabilité nationale est organisée dans certains pays - aux Etats-Unis par exemple - les projections sont en général établies pour la main-d'oeuvre civile (ensemble de la population active après déduction de l'effectif des h o m m e s et des femmes servant dans les forces armées). Il va sans dire qu'il est hasardeux de projeter l'effectif des forces armées dans un avenir lointain car il dépend de facteurs imprévisibles et impondérables - la situation politique internationale, l'évolution de la technologie militaire, etc. Les économistes auxquels se pose ce problème supposent d'ordinaire que l'effectif des forces armées demeurera sensiblement le m ê m e . Cette supposition a au moins le mérite de rendre possible l'établissement d'une projection économique qui peut être révisée si l'effectif des forces armées vient à être modifié. Lorsqu'on passe de la projection de la maind'oeuvre civile à celle du nombre des travailleurs qui auront un emploi, il est nécessaire de faire une hypothèse quant au niveau du chômage. C o m m e cette méthode d'établissement de projections économiques générales a principalement pour objet de 15 fournir une estimation du potentiel économique global du pays si toutes les ressources humaines sont employées, le taux de chômage compatible avec cette hypothèse doit être réduit au minimum et représenter uniquement le chômage frictionnel. Dans une économie dynamique où chaque individu a la faculté de choisir librement un emploi, où de nouvelles entreprises se créent tandis que d'autres disparaissent, et où les travailleurs quittent un emploi pour un autre, il y aura toujours à tout m o ment un certain nombre de personnes en chômage. La proportion de chômeurs dépendra en partie des définitions et des critères utilisés pour mesurer le chômage, en partie de l'efficacité des bureaux de placement publics et privés et du mode de recrutement des entreprises, et en partie de l'efficacité des mesures prises pour assurer le recyclage des chômeurs ou leur trouver un nouvel emploi. Aux Etats-Unis, par exemple, le nombre de chômeurs en temps de paix représente en général 4 % environ de la main-d'oeuvre civile m ê m e dans les périodes où la situation économique est jugée bonne dans son ensemble. La plupart de ces chômeurs restent sans travail pendant des périodes de courte durée - moins de quatre semaines le plus souvent. Il y a néanmoins toujours des travailleurs qui se trouvent en chômage pendant un temps beaucoup plus long. Parmi ces derniers, certains vivent dans des villes frappées par une crise économique consécutive à l'épuisement d'une ressource naturelle c o m m e le charbon ou le bois de construction, ou à la fermeture d'une grande usine; d'autres sont des personnes atteintes d'infirmités physiques ou autres qui les empêchent de trouver facilement du travail. Les pouvoirs publics se sont efforcés de résoudre ces problèmes par une "politique active de l'emploi", notamment en prenant des mesures pour former ou recycler les chômeurs, aider les régions en proie à la stagnation, inciter les travailleurs à se rendre dans les régions qui offrent de meilleures possibilités d'emploi, ou assurer la réadaptation professionnelle des personnes infirmes ; les résultats de ces efforts sont toutefois lents à se faire sentir et il est raisonnable de supposer qu'un certain chômage persistera encore longtemps malgré les mesures prises pour l'enrayer. Le niveau minimum du chômage frictionnel aux EtatsUnis est nettement inférieur au taux de 4 % constaté à la fin du mois de juin 1966. Dans chaque pays, les responsables des projections économiques à long terme doivent supposer un taux de chômage frictionnel minimum compatible avec l'hypothèse générale de l'utilisation intégrale des ressources humaines. Le taux de chômage supposé sera fonction de l'expérience passée et des moyens qui peuvent être mis en oeuvre pour réduire le chômage. En déduisant le nombre de chômeurs prévu de l'effectif projeté de la main-d'oeuvre civile, on obtient l'effectif prévu des travailleurs employés. Deux autres démarches sont encore nécessaires pour obtenir à partir de là une projection de la 16 production globale de l'économie (produit national brut). Il faut tout d'abord estimer approximativement les modifications qui peuvent intervenir dans le nombre d'heures de travail par année (le produit national brut étant d'ordinaire calculé sur une base annuelle). L'étude séparée des principaux secteurs - agricole, public et industriel (entreprises privées non agricoles) - permet de faire des hypothèses plus vraisemblables. Il faut tenir compte des tendances concernant la durée du travail hebdomadaire, la durée des vacances et le nombre de jours de congé, l'importance de l'emploi saisonnier ou intermittent, et le nombre de travailleurs employés à temps partiel. Aux Etats-Unis, par exemple, les heures de travail ont été réduites dans la plupart des secteurs au cours des cinquante dernières années. La durée hebdomadaire du travail ayant été écourtée et celle des congés ayant augmenté, la plupart des projections concernant le nombre annuel d'heures de travail partent de l'hypothèse que cette tendance se poursuivra dans une certaine mesure. Pour passer des prévisions de l'emploi dans son ensemble à celles du produit national brut, il faut en second lieu émettre une hypothèse quant à l'évolution de la productivité de la main-d'oeuvre exprimée en fonction du rendement horaire par personne. Cela oblige évidemment à prévoir le rythme du progrès technique dans tous les secteurs de l'économie, ce qui nécessite une étude approfondie des innovations possibles techniques et autres qui influent sur la productivité dans chaque secteur. Il faut également prévoir toute une série d'autres facteurs ayant une incidence sur le rendement moyen par personne, y compris la possibilité d'un déplacement de la prépondérance de la ma in-d'oeuvre des secteurs où la production par personne est faible aux secteurs où elle est forte. Ces deux aspects de la question sont normalement abordés à un stade ultérieur du travail de projection économique, et pourtant il est indispensable de formuler tout d'abord une hypothèse initiale quant à l'évolution de la productivité. En général, on établit donc une première projection du rendement horaire par personne pour l'ensemble de la main-d'oeuvre civile à ce stade et l'on procède à l'analyse en attendant de pouvoir établir ultérieurement des projections de la productivité et de l'emploi pour chaque secteur. L'hypothèse initiale relative à la productivité globale peut alors être modifiée et on peut procéder à une seconde approximation du modèle économique. Lorsqu'on prévoit les modifications de la productivité globale, il faut tenir compte de l'augmentation de la production horaire par ouvrier, enregistrée pour l'ensemble de l'économie, et des hypothèses formulées quant à l'incidence de divers facteurs susceptibles de modifier cette production dans l'avenir. Les facteurs à examiner sont notamment les suivants : le taux des investissements à prévoir lors de l'établissement des projections, l'augmentation du nombre des ingénieurs et des travailleurs scientifiques dans le pays, les importations de biens d'équipement de l'étranger, l'aide économique, etc. Chaque fois que cela est possible, il peut être souhaitable d'évaluer l'accroissement de la productivité dans de larges secteurs de l'économie pris séparément. Ainsi, aux Etats-Unis, on a fait des projections distinctes de l'accroissement de la productivité pour le secteur agricole et pour le reste du secteur privé. Si l'on multiplie le nombre de civils employés par le nombre estimé d'heures de travail annuel de chacun, et que l'on multiplie ensuite ce résultat par le chiffre projeté de la production horaire par personne, on obtient une estimation du produit national brut. C o m m e nous l'avons noté plus haut, il s'agit là d'une première approximation sujette à révision. Si l'on adopte la méthode qui consiste à prévoir séparément la productivité, le nombre d'heures de travail et le nombre de travailleurs, pour de grands secteurs c o m m e l'agriculture, le secteur public et l'industrie privée, on peut alors faire des estimations séparées du produit brut pour chacun de ces secteurs. Les calculs peuvent se résumer de la façon suivante : 1. Effectif total de la main-d'oeuvre 2. Moins : forces armées = 3. Main-d'oeuvre civile 4. Moins : nombre de chômeurs = 5. Nombre de travailleurs civils employés 6. Multiplié par : nombre moyen d'heures de travail annuel = 7. Nombre total d'heures-ouvrier 8. Multiplié par : valeur monétaire de la production horaire par personne = 9. Produit national brut. Le niveau général de l'activité économique se trouve ainsi établi et peut servir de cadre ou de point de référence à l'étude de la situation de l'emploi dans chaque secteur. 2. Prévisions de l'emploi global par branche d'activité ou par secteur économique Lorsqu'on analyse les facteurs qui ont une incidence sur les besoins de main-d'oeuvre dans une branche d'activité, une fois évaluée la totalité des besoins pour l'ensemble de l'économie, il faut essayer d'apprécier chaque facteur, d'isoler ses effets de ceux d'autres facteurs et de prévoir comment il opérera dans l'avenir. Il convient ensuite de tenir compte des effets combinés de tous ces facteurs pour évaluer la demande de main-d'oeuvre. Afin de bien souligner la complexité du problème, nous dressons ci-après la liste de quelques-uns des facteurs qui influent sur les besoins de main-d'oeuvre d'une branche d'activité donnée, dans un contexte économique déterminé : I. Evolution de la totalité de la production nationale de chaque produit ou service, qui dépend : A . De la quantité de chaque produit ou service qui sera vendue sur le marché national ; cette quantité est liée : 1. au revenu total dont disposent les consommateurs pour l'achat de biens de consommation, lequel dépend lui-même : a. du revenu total des consommateurs b. des taxes à la consommation c. des taux d'épargne 2. à la répartition de ce revenu entre Tos consommateurs - nombre de familles dans chaque tranche de revenu (secteur rural et secteur urbain) 3. à la structure des dépenses dans chaque famille, pour chaque tranche de revenu ; cette structure est fonction : a. de la concurrence entre les produits et les services pour satisfaire les m ê m e s besoins des consommateurs b. des rapports entre les produits utilisés (par exemple, une famille qui achète une automobile a besoin d'essence, de services de réparations, etc. ) c. des prix relatifs d. des habitudes et du niveau de vie B . Du chiffre net du commerce extérieur de ce produit, lequel dépend : 1. de facteurs économiques, notamment des coûts relatifs, dans les divers pays en cause 2. des politiques commerciales II. Evolution des besoins de main-d'oeuvre pour la production de chaque produit ou service, qui dépend : A . De l'évolution du rendement horaire par personne dans chaque branche d'activité, laquelle dépend à son tour : 1. du perfectionnement des méthodes de production 2. des machines et de l'équipement utilisés 3. des compétences des travailleurs B . Du nombre d'heures de travail dans chaque branche d'activité, lequel dépend : 1. des accords entre les syndicats et la direction 2. de la législation relative à la durée du travail 3. des coutumes, des traditions, etc. Ces facteurs sont si nombreux et leur jeu si subtil et complexe qu'il serait pratiquement impossible d'en faire l'analyse pour chaque branche d'activité, en supposant que l'on puisse se procurer les données nécessaires - ce qui n'est généralement pas 17 le cas. Dans la pratique, il faut chercher à simplifier la tâche en faisant u n choix extrêmement judicieux des facteurs les plus importants. O n est en outre contraint de choisir les facteurs qui sont mesurables et pour lesquels on possède des données. Il faut se contenter de ces instruments de travail limités et supposer au départ que les rapports observables entre deux éléments mesurables de l'économie - par exemple entre le niveau de la production dans chaque branche d'activité etleniveau du produit national brut - reflètent le jeu de tous les facteurs qui lient ces deux éléments, et que la projection dans l'avenir des rapports préc é d e m m e n t observés entre eux tient compte implicitement du jeu des facteurs non mesurés. Si les rapports étudiés sont vraiment les plus significatifs et les plus importants, leur projection devrait expliquer laplupart des changements qui se produiront sur le m a r c h é de l'emploi dans chaque secteur. L'analyse des rapports entre la situation de l'emploi dans chaque branche d'activité et le niveau général de la production peut se situer à divers niveaux de complexité. L e choix dépend à la fois des ressources dont on dispose pour l'analyse et de l'existence de données de base sur lesquelles fonder cette dernière. L a formule la plus pratique consiste toujours à c o m m e n c e r par utiliser la méthode la plus simple et à ne passer ensuite à des méthodes plus complexes que si l'on souhaite une plus grande exactitude et que dans la m e s u r e où l'on acquiert davantage de ressources. Pour décider de l'importance des ressources à consacrer à l'application des méthodes d'analyse plus perfectionnées, ilfaut se demander notamment dans quelle mesure les projections économiques sont établies à des fins autres que la planification de la main-d'oeuvre et de l'éducation. Si les projections sont faites en vue de l'étude d'autres problèmes c o m m e l'élaboration d'une politique fiscale ou d'une politique d'investissement, l'estimation des besoins de matières premières, etc. , il sera alors justifié de consacrer des ressources plus importantes à leur établissement. Nous allons exposer brièvement ici, par ordre de complexité croissante, plusieurs méthodes générales de prévision globale de l'emploi par branche d'activité : 1. Prévision de l'emploi dans chaque secteur par rapport à la prévision globale de l'emploi ou à des éléments très généraux de l'activité économique. 2. Prévision de la production dans chaque secteur par rapport à la production globale prévue, puis conversion des prévisions de la production en prévision de l'emploi dans chaque secteur. a. au m o y e n d'une analyse de régression multiple b. au m o y e n d'une analyse intersectorielle (entrées-sorties). Dans la pratique, ces méthodes peuvent souvent être utilisées conjointement - en suivant la plus 18 simple pour quelques branches d'activité et la plus complexe pour d'autres, selon que les données disponibles et la conjoncture économique le permettent. Quelle que soit la méthode utilisée, les projections obtenues concernant l'emploi dans une branche d'activité peuvent être ajustées à la suite d'études très approfondies de cette branche d'activité, qui peuvent révéler des facteurs aptes à modifier les rapports antérieurs. Par exemple, des inventions ou de nouvelles utilisations des produits d'une industrie risquent de modifier considérablement ses fonctions de production ; des produits concurrentiels peuvent transformer la structure de ses m a r chés. Des progrès techniques rapides pourraient aussi influer beaucoup sur l'effectif de la m a i n d'oeuvre nécessaire à la production d'un volume de travail donné (voir plus haut l'exposé des m é thodes utilisées et des facteurs considérés pour l'étude approfondie d'une branche d'activité). Enfin, bien entendu, les effectifs de la main-d'oeuvre nécessaire dans une branche d'activité sont convertis en besoins par profession selon la méthode qui fait appel à la matrice de la structure professionnelle des secteurs et qui est décrite plus loin dans le présent chapitre. Prévision de l'emploi dans chaque branche d'activité par rapport à l'emploi global A . Cette méthode, qui est la plus simple, consiste à étudier d'abord la situation de l'emploi dans chaque secteur par rapport au niveau total de l ' e m ploi dans les années écoulées et, à partir de là, à établir une projection pour un secteur donné en fonction d'un chiffre total déterminé d'avance. O n constate que certains secteurs, aux Etats-Unis par exemple, connaissent de brusques essors ou périclitent selon les fluctuations de l'ensemble du m a r ché du travail ; d'autres sont relativement plus stables et évoluent peu ; il en est enfin qui, à long terme, se développent plus rapidement ou plus lentement que les autres secteurs en général. Si l'on détermine pour chaque année le rapport entre le n o m b r e m o y e n des travailleurs de chaque secteur ou subdivision de secteur et l'effectif total de la main-d'oeuvre employée dans l'ensemble des secteurs de l'économie, on peut arriver à une équation qui permet d'évaluer le niveau de l'emploi dans un secteur en fonction de n'importe quel niveau futur de l'emploi global. C'est ainsi que des estimations sont faites pour les années à venir, à partir de l'effectif total prévu de la main-d'oeuvre civile employée (nous avons expliqué plus haut c o m m e n t cet effectif est calculé). Dans la pratique, on c o m m e n c e par établir des équations de régression exprimant le rapport entre le niveau de l'emploi dans chacun des grands secteurs de l'économie et le niveau de l'emploi dans l'ensemble de l'économie. O n détermine ensuite le rapport entre le niveau de l'emploi à l'intérieur de chacune des subdivisions des principaux secteurs et le niveau de l'emploi dans chacun de ces secteurs. Aux Etats-Unis, les industries manufacturières et minières, la construction, les transports et les services d'utilité publique, le c o m m e r c e , les services et les établissements financiers sont les principaux groupes pour lesquels une corrélation est établie avec l'effectif global de la main-d'oeuvre civile employée (à l'exception du secteur agricole et du secteur public, qui font l'objet de projections séparées établies en fonction des tendances observées et d'hypothèses touchant les p r o g r a m m e s gouvernementaux). Ensuite, une corrélation est établie entre chaque subdivision de chacun des grands secteurs susmentionnés et l'ensemble du secteur en cause, et la projection relative à chaque subdivision est faite en fonction de celle qui concerne l'ensemble du secteur (ainsi, le niveau de l'emploi dans l'industrie alimentaire est c o m p a r é au niveau de l'emploi dans l'ensemble de l'industrie manufacturière, etc. ). Enfin, pour chaque subdivision d'un secteur, on procède à la corrélation entre les branches d'activité plus spécialisées (les produits de la boulangerie, par exemple, dans l'industrie alimentaire) et l'ensemble de la subdivision considérée. Cette méthode permet d'établir, de façon ordonnée, des projections détaillées et cohérentes. Si l'on recourt à l'analyse de régression, il est indispensable d'inclure la variable temps p a r m i les variables indépendantes figurant dans les équations puisque le rapport entre le niveau de l'emploi dans chaque branche d'activité et le niveau général de l ' e m ploi peut se modifier sous l'effet de l'évolution de la structure de la consommation ou de la technologie. C ette méthode présente un certain n o m b r e d'avantages. Elle est plus simple et plus facile à appliquer que les autres méthodes que nous examinerons plus loin. Elle part d'un total de référence bien déterminé, de sorte qu'on obtient 100 % en additionnant les chiffres concernant certains des secteurs, subdivisions de secteurs, ou branches d'activité. Elle tient compte de l'évolution interne de l'économie, indépend a m m e n t des principales influences cycliques. Cette méthode a certains inconvénients. 1. Elle nécessite un ensemble cohérent d'informations sur la situation antérieure de l'emploi dans chaque secteur. L e s pays qui ne disposent pas de statistiques sur l'emploi portant au moins sur les 10 ou 15 dernières années n e peuvent l'appliquer. 2. Dans les pays où le niveau de l'emploi pour la période faisant l'objet d e prévisions dépassera vraisemblablement de loin celui atteint dans le passé, il est nécessaire que la projection s'écarte beaucoup du rapport observé dans le passé. U n e telle opération est toujours hasardeuse, la nature d'un rapport pouvant se modifier à des niveaux d'activité sensiblement plus élevés. 3. Cette méthode suppose que tous les facteurs ayant une incidence sur le rapport entre le niveau de l'emploi dans un secteur déterminé et le niveau général de l'emploi sont implicites dans ce rapport et qu'ils influeront sur lui dans l'avenir exactement de la m ê m e manière et dans la m ê m e mesure que par le passé. D a n s certains cas, on peut cependant avoir de bonnes raisons de penser qu'il n'en sera pas ainsi. O n peut par exemple avoir entendu parler d'une innovation technique capable de modifier très sensiblement la productivité par heure-ouvrier ; il peut arriver aussi que le n o m b r e annuel d'heures de travail se m o difie de façon tout à fait imprévue. B . O n peut aussi, selon une méthode légèrement différente, établir un rapport entre le niveau de l'emploi dans chaque secteur et le produit national brut ou une partie du produit national brut (totalité des investissements ou consommation, par exemple). Cette méthode fournit essentiellement une répartition systématique de l'emploi global par secteur, telle qu'elle ressort des rapports antérieurs constatés entre les diverses branches de l'activité économique. L e Bureau des statistiques de la main-d'oeuvre a r é c e m m e n t appliqué cette méthode pour établir une série de projections concernant la main-d'oeuvre (voir " A m e r i c a ' s industrial and occupational M a n power Requirements, 1964-75").Les besoins de personnel de chaque secteur ont été projetés de deux façons. E n premier lieu, on a établi un m o dèle permettant de séparer les facteurs cycliques et autres des tendances séculaires : on disposait ainsi d'un instrument compatible avec la prévision d'un accroissement rapide de la population et de la main-d'oeuvre et d'un niveau élevé de l'activité économique et de l'emploi. O n a ensuite élaboré un système d'équations exprimant le niveau de l'emploi après la guerre dans chaque secteur en fonction des variables suivantes : produit national brut réel, taux de chômage à l'échelon national, personnel dans les forces a r m é e s , population civile âgée de 14 ans et plus à l'exception de la population des collectivités, facteur temps. C e s variables ont été choisies parce qu'elles sont jugées capitales pour déterminer l'évolution à long terme de l'emploi global et parce qu'elles permettent d'établir un modèle tenant compte explicitement du c h ô m a g e et des hypothèses relatives à l'activité économique. Sur la base d'un taux de chômage national évalué à 3 % , on a résolu simultanément les équations du système afin d'obtenir le niveau simulé de l'emploi dans chaque secteur pour le taux de chômage considéré. Les résultats obtenus par ces méthodes plus ou moins mécaniques ont été considérés c o m m e des premières approximations des besoins, le petit n o m b r e de variables utilisées dans le modèle n'étant pas nécessairem e n t les facteurs les plus décisifs en matière d'emploi dans chaque secteur et les rapports de l'après-guerre n'étant pas appelés à persister dans chaque secteur. O n a aussi projeté directement les besoins de main-d'oeuvre pour de n o m b r e u x secteurs en se fondant sur des analyses approfondies de chaque secteur, effectuées dans le cadre des p r o g r a m m e s 19 de recherches du Bureau. Compte tenu à la fois des résultats obtenus à partir du modèle économique et des études très poussées par secteur, des projections au jugé ont été établies en ce qui concerne l'emploi dans chaque secteur. Enfin, on a vérifié leur cohérence par rapport à de grands groupes de secteurs et à des secteurs connexes ; par exemple, on a comparé les prévisions de l'emploi pour l'industrie de la pierre, de l'argile et du verre à celles qui ont été établies pour le secteur de la construction. Prévision de la production dans chaque secteur par rapport à la production globale prévue, et conversion des prévisions de la production en prévisions de l'emploi dans chaque secteur Cette méthode permet d'étudier de façon explicite les modifications des facteurs qui influent sur les rapports entre la production et l'emploi. O n c o m mence par prévoir la production totale - produit national brut calculé de l'une des manières exposées plus haut d'après l'accroissement prévu de la population et de l'effectif de la main-d'oeuvre. Le caractère général de l'économie peut alors être défini par des estimations de la production de biens de consommation, de services et de biens d'équipement, des dépenses gouvernementales et des exportations. Certains de ces importants éléments constitutifs du produit national brut peuvent être exprimés en besoins - la construction de logements, par exemple, a un rapport avec la croissance démographique. D'autres peuvent être exprim é s sous forme d'hypothèses en fonction des options choisies dans le domaine de la politique économique par exemple, un niveau élevé de la consommation ou des dépenses publiques pour la santé, l'éducation, etc. Le niveau des exportations est une variable extrêmement importante dans nombre de pays. Le niveau supposé de la consommation et des investissements peut être comparé aux estimations concernant le revenu et l'épargne, et-divers tests de vraisemblance peuvent être exécutés à la lumière de l'expérience, des pratiques et des politiques passées. A partir de ce moment, la projection de la production dans chaque secteur peut s'effectuer au moyen soit d'une analyse de régression, soit d'une analyse des entrées et sorties. A . Emploi de l'analyse de régression multiple On peut, par une analyse de régression, dégager les corrélations entre, d'une part, la production de chaque secteur dans le passé et, d'autre part, la production totale ou les éléments pertinents du produit national brut tels que les dépenses globales d'investissement, les dépenses de consommation ou les dépenses publiques selon la branche d'activité considérée. Les autres variables importantes qui peuvent influer sur ces corrélations sont la population, le revenu par habitant ou le solde net des 20 échanges avec l'étranger de produits du secteur étudié. En se fondant sur les corrélations ainsi établies, on évalue le niveau de la production de chaque secteur pour la période sur laquelle portent les projections. C o m m e avec la première méthode, il est possible pour cela soit de déterminer d'abord des totaux pour de grandes catégories de secteurs, puis de faire des estimations de plus en plus détaillées en évaluant la part de chaque secteur dans le total de la catégorie à laquelle il est rattaché, soit au contraire de rechercher directement quel est le coefficient de régression entre la production détaillée de chaque secteur et le produit national brut ou certains de ses éléments pertinents ou encore les autres variables importantes choisies pour les divers secteurs. Il importe que les variables indépendantes retenues puissent être projetées indépendamment jusqu'à l'année terminale, sinon elles ne peuvent servir à élaborer des projections pour le secteur que représente la variable dépendante. Il faut donc avoir un ensemble ou un système d'équations de régression liées entre elles. Il est essentiel aussi d'inclure le facteur temps dans les variables indépendantes si l'on veut pouvoir tenir compte des modifications structurelles de l'économie qui influent sur les rapports entre la demande de produits de chaque secteur et les variables économiques générales. A ce stade, la cohérence des données peut être vérifiée de plusieurs manières. O n peut chercher le coefficient de régression de la production de matières premières pendant la période sur laquelle portent les projections, en fonction de la production d'articles fabriqués à partir de ces matières premières. On peut aussi calculer le coefficient de régression de la consommation d'énergie électrique en fonction du niveau de production des principaux secteurs consommant de l'énergie. O n peut enfin comparer le volume total des marchandises transportées et la production des principaux articles transportés par les divers transporteurs. Après ces comparaisons, on est à m ê m e d'opérer les ajustements voulus. Toutes ces démarches permettent de se représenter l'économie du pays pendant la période future considérée, d'après la production de ses différents secteurs. Ce résultat peut être utile pour l'établissement de projections concernant d'autres éléments que la main-d'oeuvre - matières premières et services par exemple - et il présente donc un intérêt pour d'autres travaux de planification économique. Il convient de s'assurer que les projections relatives aux différents secteurs sont cohérentes et raisonnables, en faisant une analyse détaillée du marché et des tendances de la technique dans chaque secteur. Cette méthode présente certains avantages sur l'analyse des corrélations visant à estimer directement l'emploi dans chaque secteur d'après l'emploi total. En effet, elle oblige à traiter séparément les variables importantes, de sorte que l'on peut en examiner clairement les effets. Elle permet de construire un modèle de la production économique pendant la période future considérée et l'on peut vérifier de plusieurs manières s'il est cohérent et raisonnable du point de vue économique et technique, enfin ses résultats peuvent servir à la planification économique dans des domaines autres que l'emploi. Par contre, elle a surtout le défaut d'être plus longue et d'exiger l'obtention de données supplémentaires. Pour la première méthode, il suffisait d'avoir des statistiques sur l'emploi pour les années antérieures ; la méthode décrite ici exige en outre des statistiques de la production et des indices des prix. Elle présente aussi un autre inconvénient dans la mesure où il demeure quelques rapports économiques essentiels que l'on traite de manière plus implicite qu'explicite : en effet, elle donne la possibilité de vérifier les rapports existant entre les niveaux de production des différents secteurs mais non le moyen d'évaluer systématiquement ce que devraient être ces rapports. B. Projection de la production dans chaque secteur par analyse intersectorielle1 Une autre méthode, l'analyse inter sectorielle, permet de passer de l'estimation de la demande finale de chaque type de produit à l'estimation du niveau de production de chaque secteur, grâce à l'analyse des entrées et sorties. Cette méthode, conçue à l'origine par le professeur Wassily Leontiev, de l'Université Harvard, et considérablement développée à la suite des recherches effectuées par le Bureau des statistiques de la main-d'oeuvre du Département de la main-d'oeuvre des Etats-Unis d'Amérique au cours des années 1947-50 est maintenant utilisée par de nombreux pays pour l'analyse des problèmes structurels de l'économie2. Elle se fonde sur la construction d'un tableau, ou matrice, de l'économie nationale qui montre les échanges entre tous les secteurs pendant une année donnée - c'est-à-dire les achats faits par chaque secteur à chacun des autres secteurs et les ventes de ce m ê m e secteur à chacun des autres. Tous les secteurs, y compris l'agriculture, le secteur public, les ménages et le commerce extérieur, sont énumérés les uns après les autres au début de chaque ligne horizontale. Ils sont également inscrits chacun en tête des différentes colonnes. Chaque ligne horizontale montre le total des ventes qu'un secteur a faites à chacun des autres, inscrits en tête des différentes colonnes ; chaque colonne verticale indique ainsi les achats d'un secteur à chacun des autres. Les rapports que fait apparaître ce tableau dépendent de la nature technique des activités de chaque secteur. L'industrie de l'acier, par exemple, achète notamment une certaine proportion de minerai de fer, de coke, de charbon, de castine, d'électricité, de matériel lourd et de fournitures de bureau pour obtenir un volume donné de production. A supposer que les rapports entre les entrées soient constants, il est possible d'utiliser les données d'une année antérieure pour évaluer la quantité de chaque produit que l'industrie doit acheter pour produire le volume prévu pour une année future. Le tableau permet donc d'évaluer le niveau deproduction requis dans chaque branche d'activité pour satisfaire une demande finale donnée. L'emploi de l'analyse intersectorielle pour l'établissement de projections à long terme dépend de la stabilité des coefficients afférents à chaque secteur, c'est-à-dire des achats que le secteur étudié effectue auprès de chaque secteur fournisseur pour obtenir un dollar de production, ce qui varie à son tour selon que les méthodes de production évoluent ou non. Lorsque les usines textiles adoptent les fibres synthétiques ou lorsque l'aluminium ou les matières plastiques remplacent l'acier dans la fabrication des automobiles, les coefficients sont modifiés ; il faut alors réviser le tableau fondé sur les transactions de l'année antérieure et pondérer les différents facteurs pour tenir compte de l'évolution technologique survenue. Les matrices intersectorielles de l'économie d'un pays ne servent pas uniquement à prévoir les besoins de main-d'oeuvre. Elles peuvent, par exemple, servir à évaluer l'effet que la modification que l'on propose d'apporter à un seul élément, de la demande finale aurait sur tous les secteurs de l'économie. Ainsi, si l'on envisage une expansion considérable de la construction de routes ou de logements, on peut évaluer les répercussions 1. Parmi les nombreux textes de référence sur l'analyse intersectorielle (entrées-sorties), citons les ouvrages suivants qui sont particulièrement intéressants : 1. Evans, W . D. , Hoffenberg, Marvin, "The Inter-industry relations study for 1947", The Review of Economies and Statistics, Mai 1952. 2. Documents présentés à la Conférence internationale sur les techniques d'analyse intersectorielle (Genève, septembre 1961) et notamment: A . P . Carter, "Incremental flow coefficients for a dynamic input-output model with changing technology" et M . Balboa, "Construction and use of input-output tables in Latin-America countries". 3. R . Stone, "input-output and national accounts", Organisation européenne de coopération économique, Paris, juin 1961. 4. Textes réunis par W . Isard et J. H . Cumberland, "Planification économique régionale", comptes rendus de la première conférence d'étude sur les problèmes de développement économique organisée par l'Agence européenne de productivité à Bellagio (Italie), juin 1960, Organisation européenne de coopération économique. 2. Alterman, Jack, "The Federal Government's Program of economic grouth studies", Monthly Labor Review, August 1965/p. 983-987 (US Department of Labor, Bureau of Labor Statistics). 21 indirectes de cette mesure sur tous les secteurs touchés et voir où l'insuffisance des moyens de production ou de l'offre de matières premières risque d'engendrer des goulots d'étranglement. Si l'on traduit en nombre d'emplois le niveau de production dans chaque secteur, on peut évaluer le nombre de travailleurs supplémentaires nécessaires, puis convertir ce résultat en besoins professionnels de manière à déterminer les professions intéressées et déceler les goulots d'étranglement qui risqueraient de se produire du fait de l'insuffisance de telle ou telle qualification (après analyse des facteurs de l'offre). De m ê m e , lorsqu'on considère les problèmesdu commerce avec l'étranger, il est possible d'évaluer les effets qu'une modification des importations ou des exportations de certains produits pourraient avoir sur l'ensemble de l'économie. C'est là un calcul utile si le pays veut évaluer l'avantage net que représenteraient pour lui les changements des droits à l'importation proposés lors de négociations tarifaires multilatérales. C o m m e ces tableaux d'échanges intersectoriels ont de multiples utilisations dans l'analyse économique, un pays a souvent avantage à engager les dépenses considérables que représente leur établissement et à former le personnel capable de les employer. La méthode est coûteuse parce qu'il faut faire un décompte détaillé des ventes et des dépenses de chaque secteur et recueillir de nombreuses données statistiques différentes, notamment des renseignements sur la production, sur les prix et sur les marges de prix à chaque stade du processus économique. De nombreux problèmes particulièrement épineux se posent, surtout pour déterminer quels sont les besoins de biens d'équipement de chaque branche d'activité et quels sont les investissements marginaux à faire pour obtenir les accroissements de production voulus. En effet, les achats de biens d'équipement ne suivent pas régulièrement la production c o m m e le font ceux de matières premières. Au contraire, la m a jeure partie du capital utilisé une année donnée a été acquise les années précédentes de sorte que les biens d'équipement achetés par un secteur durant l'année prise c o m m e base pour la construction de la matrice des échanges intersectoriels peuvent ne pas correspondre aux biens dont ce secteur a eu besoin pour obtenir la production dont il est crédité cette année-là. Il faut donc établir une matrice des flux de capital qui s'accorde avec la matrice des échanges intersectoriels ou encore calculer le coefficient qui traduit le rapport entre les dépenses de capital et la production ou entre le capital social et la production. Malgré le coût d'établissement de la matrice des échanges intersectoriels et malgré la nécessité de recueillir d'autres renseignements pour pouvoir s'en servir pour les projections, cette méthode présente certains avantages. En effet, dans la mesure où elle oblige à traiter explicitement chacun des éléments de l'évolution économique, 22 elle fait apparaître les domaines en difficulté et les risques d'erreur que l'on peut alors soumettre à une analyse pénétrante. Elle permet ainsi d'obtenir un tableau équilibré de la production, des facteurs de production et de la situation de l'emploi pour l'ensemble de l'économie. Toutefois, son immense complexité et la rigueur de la méthode d'analyse qu'elle nécessite la rendent assez rigide. D'autre part, si l'on introduit des facteurs de pondération fondés sur le jugement ou sur une analyse poussée des différents secteurs, il faut faire un gros effort pour réajuster l'ensemble du système ; or, il est souvent indispensable de le faire. Si l'on emploie l'analyse intersectorielle, il est donc utile de continuer à utiliser aussi les méthodes de régression c o m m e solution de rechange pour garder la souplesse voulue et aussi obtenir une estimation indépendante qui permette de vérifier l'exactitude des résultats. C. Conversion des prévisions de la production en prévisions des besoins globaux de main-d'oeuvre dans chaque secteur Que les niveaux de production de chaque branche d'activité aient été calculés par la méthode de régression ou par analyse intersectorielle, le stade suivant consiste à les traduire en besoins de main-d'oeuvre dans chaque secteur. Les deux variables à prendre en considération sont la production horaire par travailleur (ou productivité) et lenombred'heures de travail. C o m m e on l'a noté plus haut, il faut prévoir l'évolution de la productivité dans l'ensemble de l'économie quand on établit une projection du produit national brut à partir des prévisions démographiques. Il importe maintenant de prévoir l'évolution dans chaque secteur. Pour cela, on peut étudier les données relatives aux tendances passées de la productivité dans chaque secteur ainsi que tous les renseignements disponibles sur les progrès techniques qui ont pu influer sur cette productivité dans le passé ou qui pourraient influer sur elle à l'avenir. Si l'on veut évaluer les changements survenus dans le passé, il faut avoir des données suivies sur l'emploi, les heures de travail et la production pendant une période suffisamment longue pour faire apparaître les rapports entre ces facteurs. Si la production est exprimée par sa valeur monétaire, ce qui est indispensable dans les secteurs qui produisent des biens hétérogènes (par exemple, celui des constructions mécaniques), il est nécessaire de l'évaluer en prix constants. Cela est possible s'il existe un bon indice de l'évolution des prix dans ces secteurs. Le problème ne se pose pas si la production des années antérieures est exprimée en produits. Une difficulté demeure cependant, celle de l'évolution m ê m e du produit. Par exemple, l'automobile de 1966 est très différente du modèle de 1958 et il faut trouver le moyen d'établir un rapport entre la production de X unités du modèle de 1 958 et la production de Y unités du modèle de 1966. Point n'est besoin de souligner qu'il est difficile d'anticiper sur les répercussions que l'évolution future des techniques peut avoir sur la productivité. Pour s'avancer très loin dans l'avenir, il faudrait en effet connaître les incidences éventuelles d'inventions encore inconnues ; en prenant néanmoins une période relativement plus courte, il est possible de prévoir comment la productivité réagira sous l'effet des techniques nouvelles et des inventions dont l'emploi ne s'est pas encore généralisé dans tout le secteur considéré. Souvent, les niveaux de productivité dans les usines les plus avancées donnent une indication du niveau qu'atteindra le secteur tout entier lorsque les sociétés plus conservatrices se seront alignées sur les autres. Pour les pays peu développés, on peut se reporter au mode de progression de la productivité dans des pays analogues mais légèrement plus avancés. L'analyse des causes de l'évolution de la productivité dans le passé a une importance que l'on ne saurait sous-estimer. Par exemple, si elle montre que l'amélioration rapide de la productivité est due en grande partie à l'introduction d'une innovation technique précise et si l'on s'aperçoit que cette innovation est désormais universellement appliquée, on peut en inférer que la productivité ne progressera plus aussi vite à l'avenir. Inversement, on peut estimer que la productivité s'accroîtra davantage que dans le passé si l'on constate qu'une importante découverte technique applicable à un secteur donné n'y est encore utilisé que dans une mesure limitée. De projections de la productivité distinctes pour chaque secteur, on pourra déduire une projection de la productivité moyenne pondérée pour l'ensemble de l'économie, que l'on comparera à la projection générale faite antérieurement par dérivation du produit national brut prévu. On sera peut-être a m e né alors à revoir la projection du produit national brut et tout le système de projections que cette dernière aura servi à échafauder. Il est possible de prévoir l'évolution des horaires de travail d'après les tendances passées, compte tenu de la pratique suivie dans d'autres secteurs, des objectifs recherchés expressément par les syndicats de chaque branche d'activité et de la politique de l'Etat en ce qui concerne les heures de travail. Dans les secteurs où des fluctuations saisonnières considérables affectent le volume de l'emploi, ou l'horaire de travail, il faut également en tenir compte. De m ê m e , il faut prendre en considération le nombre de personnes susceptibles d'être e m ployées à temps partiel. Après avoir établi des projections de la productivité et du nombre moyen d'heures de travail accomplies par chaque individu, il est possible de passer de l'estimation de la productivité dans chaque secteur pendant la période future envisagée à l'estimation du nombre de travailleurs employés et, par conséquent, professionnels. à celle des besoins 3. Prévisions de l'emploi par profession La méthode employée jusqu'ici permettait de faire des prévisions de l'emploi par branche d'activité ou secteur de l'économie. La démarche suivante consiste à élaborer des projections par profession. C o m m e on l'a vu plus haut, il existe quelques professions où la demande de main-d'oeuvre peut être rattachée directement à des causes économiques dont l'évolution future peut elle-même être calculée séparément ; il est alors possible d'établir des projections directes de la demande sans se lancer dans le calcul compliqué des projections par secteur. A titre d'exemple, on avait cité la profession enseignante et celle de la mécanique automobile. C'est pour les autres professions - celles qui se répartissent entre un grand nombre de secteurs qu'il est indispensable d'établir des projections par secteur. Pour les ventiler ensuite par profession, on peut utiliser les données relatives à la structure professionnelle de chaque secteur. Pour déterminer la structure professionnelle de chaque secteur, on part de l'hypothèse que chaque branche d'activité a une structure spécifique qui dépend de la technologie, des processus et de l'équipement qu'elle utilise. La nature des professions dans chaque secteur et leur mode de répartition correspondent au niveau d'évolution technique du secteur, au coût relatif de l'emploi de biens d'équipement ou de ressources humaines et à l'offre de main-d'oeuvre à chaque niveau de qualification (ce qui influe à son tour sur le niveau des salaires). Dans la plupart des branches d'activité, les structures se modifient assez lentement, si bien que l'on peut garder la m ê m e pour une période allant jusqu'à dix ou quinze, ans à condition de pondérer les résultats en fonction de l'évolution probable. La structure professionnelle des différents secteurs peut servir également à élaborer les statistiques courantes de l'emploi par profession. Dans la plupart des pays développés, on dispose de statistiques courantes (mensuelles ou annuelles) sur l'emploi par secteur, mais les données ne sont pas ventilées par profession. Il est néanmoins possible de faire une estimation raisonnablement exacte de la répartition professionnelle actuelle d'après les structures professionnelles des quelques années antérieures. L'exactitude est d'autant plus grande que l'on recueille plus fréquemment des données sur les secteurs que l'on sait en voie de transformation technique rapide. Pour les autres secteurs, on peut pondérer judicieusement les données disponibles sur les structures afin d'améliorer les estimations. Les structures professionnelles peuvent aussi servir à faire des estimations courantes sur la répartition des professions entre les différentes régions ou zones. Ici encore, les estimations 23 courantes sur l'emploi global sont plus souvent faites par secteur que par profession. Il se peut que la structure professionnelle de chaque secteur au niveau national corresponde exactement à la structure locale ; dans ce cas, on peut s'en servir pour ventiler entre les différentes professions les estimations courantes sur l'emploi par secteur. Il faut néanmoins appliquer ce procédé avec prudence. La structure nationale de l'emploi par professions dans un secteur est la moyenne des structures de toute une g a m m e d'entreprises, des plus grandes aux plus petites, des plus arriérées aux plus avancées du point de vue technique et différentes selon les méthodes ou procédés appliqués. Il importe de connaître ces facteurs lorsqu'on veut utiliser les données nationales pour estimer la structure locale de l'emploi par professions. Si l'on veut établir des projections à partir des données sur la structure professionnelle, la m é thode générale est de recueillir les renseignements les plus récents sur cette structure dans le secteur considéré et de s'en servir pour répartir entre les différentes professions le total de la maind'oeuvre prévue pour ce secteur. On obtient ainsi une première approximation de l'emploi futur par profession dans ce secteur. Ce n'est qu'une première approximation car la structure professionnelle d'un secteur n'est pas fixe et évolue à m e sure que se modifient la technique et l'échelle des opérations. L'évolution des techniques peut influer de plusieurs manières sur la structure professionnelle d'un secteur. Aux Etats-Unis, on a noté que de nombreuses branches d'activité ont, à long terme, tendance à employer de plus en plus de personnel hautement qualifié - ingénieurs, personnel scientifique et techniciens par exemple - et de moins en moins de main-d'oeuvre non spécialisée. Dans quelques cas, 1'automation a eu pour effet de réduire le nombre de travailleurs par opération mais d'accroître celui des techniciens et des réparateurs. L'installation de calculatrices dans les services de bureau a provoqué une diminution des er' ployés qui effectuaient les opérations courantes, mais une augmentation des analystes, programmeurs et perforeurs. Toute modification de l'échelle des opérations a également des incidences sur la structure professionnelle. En effet, quelques groupes de travailleurs sont "fixes", c'est-à-dire qu'ils sont indispensables quel que soit le niveau de production. Tels sont par exemple les surveillants, le personnel de nettoyage, les gardes et gardiens et les réparateurs de machines. L'emploi des travailleurs des autres catégories est davantage lié à la production ; ils sont embauchés ou licenciés selon que le volume de travail augmente ou diminue. On a un exemple de ce phénomène aux Etats-Unis, si l'on examine l'évolution respective de l'emploi des travailleurs "productifs" et des employés de bureau, non directement liés à la production, dans les industries manufacturières. Lorsque le niveau 24 d'activité économique diminue, le nombre de travailleurs "productifs" diminue alors que celui des autres travailleurs demeure constant ou ne décroît que faiblement. Par contre, lorsque la production remonte après une récession, c'est le nombre de travailleurs "productifs" qui s'accroît le plus vite. Tous ces facteurs doivent être pris en considération quand on projette dans l'avenir les données sur la structure professionnelle d'un secteur relatives à une période écoulée. Il est nécessaire de rechercher dans chaque branche d'activité comment la structure professionnelle change sous l'effet du progrès technique ou d'une modification de l'échelle des opérations. Pour cela, il est bon d'avoir des renseignements sur la structure par profession dans chaque établissement et pour des périodes successives. Par conséquent, il faut recueillir ces données auprès des établissements en y effectuant fréquemment des enquêtes. Or, dans la plupart des pays, les données les plus facilement disponibles sur la structure professionnelle n'ont pas été rassemblées de cette manière et proviennent plutôt des recensements de la population effectués tous les dix ans. A l'occasion de ces recensements, on recueille des renseignements sur la profession de chaque travailleur et le secteur où il est employé, puis on dresse un tableau de la répartition des travailleurs par secteur et par profession. C'est ainsi que les Etats-Unis et bien d'autres pays obtiennent les renseignements dont ils ont besoin en ce domaine. Outre les inconvénients notés plus haut - impossibilité d'avoir des renseignements ventilés par établissement et rareté des données obtenues (une fois tous les dix ans) - les données sur la structure professionnelle des différents secteurs présentent d'autres insuffisances si elles sont déduites des recensements. En effet, puisqu'elles sont fondées sur les déclarations des ménages, ni la profession, ni le secteur ne sont toujours indiqués avec précision. La terminologie relative à la profession est loin d'être normalisée ou uniformément comprise. Dans leur déclaration, les particuliers ont tendance à surestimer leur statut professionnel ou tout simplement à être inexacts. Trop souvent, les déclarations sont faites par l'épouse qui connaît moins bien la profession de son mari que lui-même. Parfois, on indique la profession qui correspond à la formation reçue plutôt qu'à la profession effectivement exercée au moment considéré. Par exemple, celui qui a fait un apprentissage de mécanicien général (sur toutes machines) se déclarera vraisemblablement mécanicien, m ê m e s'il n'est employé pour le moment que sur une seule machine-outil. Ceci explique les grandes divergences qui apparaissent, pour certaines industries mécaniques, entre la proportion de mécaniciens révélée par les déclarations de recensement et la proportion qui se dégage des enquêtes faites auprès des établissements m ê m e s . Dans les recensements de la population, les déclarations sur la branche d'activité souffrent des m ê m e s inexactitudes. Pour les statistiques fondées sur les déclarations des entreprises, on répartit ces dernières par secteur en se fondant sur les renseignements qu'elles fournissent quant à la valeur des produits qu'elles fabriquent. Les entreprises sont donc classées dans le secteur correspondant à leur principale production. Or, le travailleur individuel ignore d'ordinaire la valeur du produit fabriqué dans son usine et souvent ne connaît que le processus auquel il participe. Son épouse risque d'avoir des notions encore moins précises. Les améliorations apportées récemment aux techniques de recensement diminueront peut-être en partie le degré d'inexactitude parce que l'on se fondera moins sur les déclarations des épouses. Aux Etats-Unis, le recensement de 1960 a permis de recueillir des renseignements sur les professions et les secteurs auprès des travailleurs m ê m e s ; en effet, les déclarations ont été laissées dans les divers foyers qui devaient les remplir et les renvoyer par la poste, et les enquêteurs n'ont interrogé directement que les personnes qui n'avaient pas répondu. O n a ainsi évité de s'en remettre aux déclarations de tiers, mais un groupe plus important que jamais - 5 % environ du total de la main-d'oeuvre employée - n'a pas déclaré de profession. Quelques pays d'Europe occidentale utilisent aussi la déclaration écrite des personnes recensées sans les interroger oralement. Dans ce cas, l'exactitude du recensement est sans doute plus grande à condition de résoudre le problème des non-réponses. Un certain nombre de pays ont effectué des enquêtes auprès des entreprises pour recueillir des renseignements sur la répartition par profession. Les Etats-Unis ont organisé des enquêtes spéciales à cette fin ou ont recueilli ces renseignements à l'occasion d'enquêtes sur les salaires selon la profession. Avant d'effectuer ce genre d'enquêtes, il faut élaborer soigneusement, en accord avec les secteurs considérés, une terminologie sur les professions qui permette de recueillir des déclarations uniformes. Aux Etats-Unis, on a rassemblé des données sur la structure professionnelle des 140 secteurs entre lesquels se répartit l'ensemble de l'activité économique. Elles sont fondées essentiellement sur les recensements de la population (dont le plus récent date de 1960) mais on a amélioré la précision des résultats ou mis à jour les données sur la structure professionnelle de nombreux secteurs en recourant à d'autres sources d'information telles que les enquêtes sur les salaires ou sur l'emploi selon la profession. Si l'on connaît la structure professionnelle récente d'un secteur, on peut l'utiliser pour répartir entre les diverses professions le total des emplois prévus dans ce secteur pour une année future donnée. Il serait mieux évidemment de pouvoir prévoir à l'avance comment cette répartition des emplois entre les professions se modifiera par suite du progrès technique et d'un changement de l'échelle des opérations ou des m é thodes d'organisation du travail. Des études sur l'évolution dans le temps de la répartition entre professions à l'intérieur d'un secteur et de la différence de structure professionnelle entre les petites et les grandes entreprises ou entre les établissements modernes et ceux qui le sont moins, aideraient considérablement à prévoir les pondérations nécessaires et, en pratique, à construire les structures professionnelles projetées.On pourrait, par exemple, supposer que la répartition par professions dans l'ensemble d'un secteur ressemblera de plus en plus à celui qui existe pour le moment dans les entreprises utilisant les techniques les plus modernes. Les données sur la répartition par profession peuvent également être utilisées dans les pays qui entreprennent des programmes de développement industriel prévoyant l'introduction d'industries nouvelles ou le remplacement de l'artisanat par des méthodes industrielles. On peut se faire une certaine idée des besoins professionnels futurs de l'industrie considérée en examinant la structure professionnelle de cette industrie dans des pays analogues mais plus développés. Les professeurs Horowitz, Zymelman et Herrnstadt, de la Northeastern University de Boston (Massachusetts), ont recueilli des données sur la structure professionnelle de chaque branche d'activité dans des pays extrêmement divers et ont étudié la m a nière dont ces structures se modifient à mesure qu'évolue le niveau technique (mesuré par la productivité de chaque travailleur à l'intérieur du secteur considéré). L'objet de cette étude était non seulement de voir comment ces modifications se produisent, mais aussi de fournir quelques renseignements qui puissent aider les pays en voie de développement à prévoir les besoins de maind'oeuvre par profession dans les secteurs d'activité qu'ils veulent créer chez eux. 4. Projections des besoins de main-d'oeuvre par région et par zone Dans certains cas, il est utile de disposer de projections des besoins de main-d'oeuvre non seulement à l'échelon de la nation, mais aussi au niveau de la région géographique et m ê m e de la ville. Il en est ainsi, par exemple, des projections de la main-d'oeuvre utilisées pour établir des programmes d'enseignement ou de formation. Ces renseignements sont particulièrement utiles pour les secteurs de l'emploi où la mobilité géographique des travailleurs est relativement faible. Ils le sont moins en ce qui concerne les cadres supérieurs et techniques pour lesquels le marché de l'emploi s'étend à la nation tout entière ; le plus souvent, les jeunes gens quittent leur foyer pour faire des études supérieures ; ils exerceront ensuite leur profession dans d'autres villes et parcoureront le pays pendant leur vie active. Il existe une grande mobilité géographique m ê m e dans les professions 25 les moins spécialisées. Aux Etats-Unis, par exemple, une étude récente montrait que sur cinq personnes âgées de 18 ans en 1955, deux avaient une nouvelle résidence en 1960. Quoi qu'il en soit, les services de l'enseignement ont souvent besoin de projections de la demande de la main-d'oeuvre pour des zones géographiques plus restreintes que l'ensemble du pays. Tel est particulièrement le cas dans des pays c o m m e les Etats-Unis où l'enseignement est décentralisé au profit des Etats et des autorités locales. Aux termes de la législation sur les subventions versées par les autorités fédérales aux Etats pour l'enseignement professionnel (à divers niveaux préuniversitaires et pour des métiers artisanaux et techniques, pour le secrétariat, le commerce et les services), chaque Etat est tenu de mettre au point un plan d'enseignement fondé en partie sur les besoins de main-d'oeuvre. Pour établir ces plans, il faut disposer de projections des besoins de main-d'oeuvre au niveau de l'Etat et m ê m e de la ville. Aux Etats-Unis, un certain nombre d'études ont été faites par les services compétents des Etats sur les perspectives de l'emploi dans certaines professions et dans des localités données1. Ces enquêtes sur les qualifications professionnelles par zone ont été conçues pour évaluer sur des marchés de l'emploi géographiquement limités les besoins de main-d'oeuvre actuels et à venir dans certaines catégories et pour déterminer les besoins correspondants en matière de formation. Les objectifs principaux des études de ce genre ont été plus particulièrement précisés c o m m e suit : (1) fournir des renseignements sur les possibilités d'emploi dans la région, pour l'orientation de la main-d'oeuvre ; (2) fournir aux services locaux de la main-d'oeuvre un instrument leur permettant de stimuler la création d'emplois ; (3) fournir de plus amples renseignements sur les ressources de la localité en main-d'oeuvre afin d'y développer l'emploi ; (4) favoriser la formation dispensée dans les écoles locales ainsi que l'apprentissage, en les reliant aux besoins de la région en main-d'oeuvre; (5) encourager les employeurs locaux à évaluer leurs besoins de main-d'oeuvre et favoriser les stages de formation en usine. Les enquêtes régionales sur les qualifications supposent le rassemblement de données de base, principalement auprès des employeurs, sur : (1) la structure professionnelle de l'emploi actuel, par sexe et par âge (pour permettre l'estimation du nombre des décès et des retraites) ; (2) les besoins de main-d'oeuvre par profession à tel m o ment de l'avenir (généralement deux et cinq ans d'avance) ; (3) les programmes de formation et le nombre de travailleurs en cours de formation ; (4) l'intérêt manifesté pour la formation professionnelle préalable ou complémentaire et les besoins dans ce domaine. Ces données serviraient à évaluer les besoins locaux de main-d'oeuvre par profession, et seraient destinées à certaines industries 26 ou certains groupes professionnels et aux e m ployeurs. L'analyse des disponibilités de maind'oeuvre, c'est-à-dire l'étude du nombre d'apprentis et de travailleurs suivant des stages de formation en usine, du nombre des élèves des cours de formation professionnelle et du nombre d'inscrits sur les registres du service de l'emploi, renseigne sur les sources locales de main d'oeuvre qualifiée. Lorsqu'on choisit les professions à étudier, on tient généralement compte des données suivantes : (1) professions excédentaires et déficitaires dans la région ; (2) professions importantes (du point de vue du nombre des emplois) qui, dans la région, nécessitent plus qu'une simple formation en cours d'emploi ; (3) professions où l'emploi actuel est relativement peu développé mais où l'on peut prévoir une demande future appréciable à la suite des plans d'expansion des e m ployeurs ou de l'installation de nouvelles entreprises dans la région ; (4) autres professions, qui emploient peut-être un moins grand nombre de travailleurs, mais qui posent un problème particulier ou qui intéressent spécialement la région. Les renseignements nécessaires aux études sur les qualifications par zone ont été obtenus des employeurs par correspondance et par des visites personnelles. Dans certaines des études, les besoins projetés étaient fondés non seulement sur les prévisions de l'employeur mais aussi sur l'extrapolation des tendances passées de l'emploi par secteur et par profession dans la région. Pour certaines des études, le nombre de postes à pourvoir dans chaque profession a été calculé à l'aide des tables de mortalité de la main-d'oeuvre et de données sur la répartition par âge et par profession rassemblées au cours de l'enquête. L'expérience montre, nous l'avons vu. que tant aux Etats-Unis que dans d'autres pays les e m ployeurs ne sont pas toujours en mesure de prévoir exactement les besoins de main-d'oeuvre, que ce soit pour leur propre entreprise ou pour leur branche d'activité. Les prévisions locales des employeurs devraient donc toujours être réexaminées à la lumière de la conjoncture nationale et de projections de l'emploi fondées sur une analyse. Il existe une méthode d'analyse qui consiste à rapporter l'économie de la région à l'économie nationale et à projeter les tendances du rapport ainsi obtenu. Les tendances de l'emploi dans chaque branche d'activité de la région géographique peuvent être comparées avec celles qu'on a obtenues dans la m ê m e branche à l'échelle de la nation, et il est possible de déterminer ainsi la part de la région dans l'emploi national. On peut observer les tendances de ce rapport et se demander si la branche d'activité se développe plus rapidement ou plus 1. On peut obtenir une liste à jour de ces études en s'adressant au Department of Labor, Bureau of Employment Security, Washington, D . C . lentement dans la région que dans l'ensemble du pays. Cette analyse peut être faite soit en établissant par régression la corrélation entre les données sur l'emploi local et les données sur l'emploi national, le temps étant pris comme deuxième variable indépendante, soit en calculant les données locales en pourcentage du total national et en observant la tendance du pourcentage dans le temps. Il importe dans cette analyse de distinguer les branches d'activité qui desservent surtout un m a r ché national, c o m m e les industries manufacturières ou extractives, de celles qui desservent surtout un marché local c o m m e le commerce de détail, les services locaux ou l'administration locale. Les premières doivent être considérées dans le cadre des changements passés et des changements futurs prévus de la demande nationale de leurs produits ; les seconds devraient être étudiés dans le cadre de l'évolution démographique passée et future de la région. Les effets relatifs de l'évolution économique nationale et de l'évolution économique locale sur l'emploi dans chaque branche d'activité et dans des régions déterminées ont été étudiés systématiquement aux Etats-Unis à l'aide de données provenant de recensements successifs de population'. L'étude montre dans quelle proportion le développement de l'emploi dans chaque région géographique résulte de la croissance économique nationale, dans quelle proportion elle résulte d'un changement de la part de la région dans l'emploi national, dans chaque branche d'activité, et dans quelle proportion elle résulte de changements dans la structure économique de la région. Il est possible de prévoir l'emploi dans chaque région pour les branches d'activité orientées vers le marché national en extrapolant les rapports observés et en calculant l'emploi local pour l'année considérée à partir des projections nationales qui correspondent à chaque branche pour cette m ê m e année. Pour les branches d'activité qui desservent un marché local, les prévisions peuvent se fonder sur les projections démographiques concernant la région. Ces deux projections doivent être considérées c o m m e des approximations initiales et être réexaminées à la lumière des prévisions des e m ployeurs locaux. Pour prendre connaissance de ces dernières prévisions, le meilleur moyen à employer n'est pas nécessairement de recourir à la simple enquête par questionnaire décrite ci-dessus : on a constaté que si l'on commence par l'étude analytique et si les employeurs sont ensuite interrogés alors que l'on dispose d'une première approximation, dont on leur montre les résultats, leur jugement a des chances d'être plus solidement étayé. L'étude analytique sert de substitut à l'étude que l'employeur pourrait avoir faite pour lui-même (et que quelques employeurs font effectivement), et elle lui permet d'être mieux informé des tendances et de la perspective nationales dans son secteur et de la position nouvelle de sa société ou de sa région dans l'industrie nationale. Ses jugements sur la part qui lui revient dans le total, ainsi que les renseignements qu'il peut fournir sur ses propres plans sont alors plus précis et plus pertinents. Il est un autre point sur lequel les renseignements fournis par les employeurs risquent de faire défaut. L'employeur invité à prévoir les déperditions résultant des décès, des retraites ou des départs volontaires dans chaque profession est mal placé pour déterminer les départs volontaires ou pour juger dans quelle proportion les travailleurs qui quittent son établissement quittent aussi la profession et dans quelle proportion ils vont chez d'autres employeurs. En résumé, il vaut mieux combiner la méthode analytique et les jugements des employeurs que d'avoir recours aux unes ou aux autres isolément. D. SYNTHESE DE METHODES La description des diverses méthodes de projection des besoins de main-d'oeuvre et des solutions possibles à chaque moment montrent la variété des techniques utilisables. Il convient de souligner que les méthodes décrites sont de simples instruments qui permettent de mieux juger des besoins futurs. Elles sont en quelque sorte un cadre permettant de disposer les données et les hypothèses de manière à formuler des jugements plus exacts. D'après ce qui précède, il est clair qu'iln'existe pas de méthode supérieure aux autres et universellement applicable, mais qu'on peut faire appel à des méthodes différentes en fonction d'un certain nombre de facteurs : données dont on dispose pour l'analyse, ressources dont l'organisme qui fait les projections dispose pour la recherche, conditions économiques elles-mêmes puisque la possibilité d'appliquer les méthodes fondées sur l'étude de modèles passés et présents peut dépendre du rythme m ê m e de l'évolution de l'économie. Dans un pays qui ne dispose pas de données sur les tendances de l'emploi et de la production par secteur pour les années passées, par exemple, il n'est guère possible d'analyser les tendances de la productivité par secteur ni de projeter l'emploi ou la production dans chaque secteur en les rapportant à l'emploi total ou au produit national brut. Les enquêtes auprès des employeurs ne peuvent 1. Ashby, Lowel D . , "The Geographical Redistribution of Employment - An Examination of the Elements of Change", US Department of C o m m e r c e , Survey of Current Business, octobre 1964, pp. 13-20. La technique de l'analyse a été appliquée à chaque comté des EtatsUnis dans une série de publications du Department of Commerce, "Growth Patterns in Employment by County, 1940-1950 and 19501960". Cette série comprend huit volumes dont chacun porte sur une seule région. 27 pas s'appliquer lorsqu'il s'agit d'implanter une industrie entièrement nouvelle. Une analyse intersectorielle exige la construction d'une matrice pour laquelle il faut disposer des statistiques de production et de prix les plus élaborées (mais non pas nécessairement de données sur les tendances de l'emploi et de la production pour une série d'années passées). Ainsi, chaque pays doit choisir entre plusieurs méthodes et adopter celle qui convient le mieux à ses besoins et à ses possibilités. Dans la pratique, le plus sage, si l'on se fonde sur l'expérience, semble être d'utiliser parallèlement autant de méthodes qu'il est possible. On peut ainsi tirer parti des avantages de chaque méthode et en mettre les résultats à l'épreuve les unes des autres. Si l'on constate un large écart entre les résultats, il est possible que l'une ou l'autre méthode soit défectueuse. Des résultats analogues tendront à se confirmer les uns les autres et à dissiper l'incertitude de celui qui fait les prévisions ; des écarts minimes entre les résultats rappelleront utilement qu'une projection à long terme ne va pas sans un certain degré d'imprécision. Il existe, en ce qui concerne les méthodes de projection, deux groupes principaux de solutions possibles comportant chacun une alternative : les études portant sur un secteur déterminé par opposition aux études générales applicables à l'ensemble de l'économie et les méthodes analytiques par opposition aux enquêtes auprès des employeurs. L'étude intensive de secteurs, branches d'activité ou professions déterminés sont probablement le moyen le plus fécond et le plus sûr d'établir une projection. Elle permet à l'analyste de saisir les rapports réels de cause à effet qui agissent sur la demande et, par une analyse intensive, d'acquérir une connaissance approfondie de la situation de sorte que son jugement n'en aura que plus d'autorité. En revanche, ces études sont coûteuses, et peu de pays peuvent consacrer assez de ressources à de telles études portant sur les principales professions et branches d'activité. En outre, les études intensives par branche d'activité et par profession sont impossibles si l'on ne dispose pas d'un cadre économique général ; on ne peut en effet sans ce cadre assurer la compatibilité des projections obtenues dans les diverses branches. Il est par conséquent nécessaire d'associer d'une manière ou d'une autre les méthodes de l'analyse approfondie et les méthodes générales, à la fois pour assurer la compatibilité des résultats et pour fournir des projections aux secteurs de l'économie qui ne peuvent faire l'objet d'études intensives faute de ressources. De m ê m e , les enquêtes auprès des employeurs sont un bon moyen de tirer parti du jugement de ces derniers et de la connaissance qu'ils ont de leur branche d'activité, et d'obtenir des renseignements sur leurs plans d'investissements, leurs projets d'innovations technologiques et autres faits, qu'ils sont les seuls à pouvoir communiquer. En revanche, les méthodes analytiques s'imposent si 28 l'on veut obtenir des résultats compatibles et tenir compte des entreprises nouvelles qui peuvent se créer dans chaque branche. Il faut donc combiner les appréciations des employeurs et une m é thode analytique. La synthèse des diverses méthodes peut prendre des formes multiples. Nous en donnerons des exemples en analysant brièvement les méthodes de projection de la main-d'oeuvre appliquées respectivement aux Etats-Unis et en France. Etats-Unis d'Amérique Aux Etats-Unis, le Bureau of Labor Statistics du Ministère du travail, qui poursuit des études dans ce domaine depuis vingt ans, prévoit les besoins et l'offre de main-d'oeuvre par profession et branche d'activité à l'échelon national. Pour les Etats et les grandes agglomérations urbaines, les projections sont faites par les Services de l'emploi des Etats, sous la direction technique du Bureau of Employment Security du Ministère du travail. Le Bureau of Labor Statistics établit ses projections de la main-d'oeuvre à partir de projections démographiques (faites par le Bureau du recensement). Puis il projette le produit national brut et sa composition. Les projections de l'emploi et celles de la production par branche d'activité se fondent toutes deux sur une analyse par régression et sur des analyses intersectorielles1. Les projections de la production sont traduites en projections de l'emploi au moyen de projections de la productivité. U n tableau à double entrée, par profession et branche d'activité, reproduisant la structure professionnelle de 140 branches d'activité et donnant des détails sur environ 150 professions ou groupes de professions, est utilisé pour traduire les projections de l'emploi par branche en projections des professions. O n évalue les décès et les retraites dans chaque profession à l'aide de tables de la vie active et l'on calcule approximativement la mobilité professionnelle nette. Les études intensives ne concernent que 30 ou 40 branches d'activité sur 140 et un plus grand nombre de professions. Au cours de ces études, on interroge les employeurs, les syndicats et les associations professionnelles pour obtenir des aperçus et des appréciations sur les divers facteurs pouvant exercer une influence sur les besoins futurs de main-d'oeuvre dans chaque secteur. O n procède aussi à des études intensives sur les changements technologiques et leurs incidences effectives et virtuelles sur l'emploi. Des données sur la tendance de la productivité sont rassemblées pour l'économie dans son ensemble et pour des branches particulières, et elles servent de base aux projections de la productivité. Il en est de m ê m e du nombre d'heures de travail. 1. Voir America's Industrial and Occupational Manpower Requirements 1964-1975, Bureau of Labor Statistics, 1966. En résumé, les projections nationales sont le résultat combiné d'études générales et d'études sectorielles intensives. Les économistes qui s'occupent de chaque branche ou de chaque profession sollicitent l'opinion des employeurs au cours d'entretiens où l'on examine l'évolution de la situation, mais les employeurs n'ont pas à fournir de prévisions '. Les projections par Etat et par région reposent essentiellement sur des enquêtes au cours desquelles les employeurs ont été invités à donner leurs prévisions. Celles-ci sont complétées par quelques études analytiques qui, cependant, ont été très peu nombreuses jusqu'à présent, et dans bien des cas les prévisions des employeurs ont été résumées et publiées. A la suite d'une étude faite au Ministère du travail, une nouvelle méthode d'établissement des projections locales est en voie d'élaboration : un ensemble systématique de données sur les tendances nationales et sur les projections de ces tendances pour toutes les branches et toutes les professions sera fourni aux organismes des Etats qui font les projections locales, et on leur proposera d'appliquer telle ou telle technique pour analyser le rapport entre les tendances locales et les tendances nationales dans chaque branche d'activité. Ces données compléteraient les renseignements fournis par les employeurs. Les projections faites au niveau de l'Etat et de la région reposent donc pour une bonne part sur les prévisions des employeurs, mais des méthodes plus analytiques vont être utilisées bientôt pour compléter ces renseignements et améliorer les prévisions. France Les projections de la demande et de l'offre de main-d'oeuvre faites en France s'intègrent dans la "planification indicative", technique originale qui y est utilisée depuis la fin de la guerre. La planification dépend dans son ensemble du Commissariat général au Plan qui comprend une Commission de la main-d'oeuvre. Les projections de la main-d'oeuvre sont étroitement liées aux projections économiques du plan tout entier. Les premières projections sont celles de la population active, faites par l'Institut national de la statistique et des études économiques et par l'Institut national d'études démographiques. La population active projetée est répartie par grands secteurs d'activités : agriculture, industrie, administration, etc. O n utilise ensuite les projections de la productivité par secteur pour prévoir le produit national brut qui est réparti entre la consommation, l'investissement et le commerce extérieur. La demande finale est ensuite répartie en dix grandes catégories et l'on utilise les méthodes d'analyse intersectorielle afin d'évaluer le volume de la production nécessaire dans chaque secteur pour faire face à cette demande. La première répartition de la population active par grands secteurs est ensuite réexaminée à la lumière de ces projections. Les perspectives globales par secteur sont présentées ensuite c o m m e objectif aux commissions du plan spécialisées dans l'étude des secteurs, commissions dites "verticales", qui comprennent des représentants des organisations d'employeurs. Le Commissariat général au Plan donne des instructions générales sur les priorités souhaitées. Chaque commission verticale détermine un objectif de production pour son secteur et évalue l'accroissement probable de la productivité. Elle évalue aussi les besoins probables de maind'oeuvre, d'investissements et de crédits. En faisant les projections des besoins de main-d'oeuvre, les commissions tiennent compte de la productivité dans les entreprises qui sont techniquement les plus en avance et d'un certain nombre d'autres données. Elles font également des projections par profession. La Commission de la main-d'oeuvre rassemble ensuite les prévisions, établit elle-même des prévisions pour les secteurs dont les commissions verticales ne se sont pas occupées et vérifie qu'elles coincident bien les unes avec les autres et avec les objectifs généraux fixés par le Commissariat général au Plan. Si des écarts apparaissent, les c o m missions verticales sont à nouveau saisies et doivent réviser leurs objectifs. Les projections par catégorie professionnelle sont soigneusement étudiées par la Commission de la main-d'oeuvre à la lumière des données sur les tendances de l'emploi par profession obtenues grâce aux enquêtes du Ministère du travail et fournies aussi dans un tableau établi par le Commissariat général au Plan, et indiquant dans ses grandes lignes la répartition des catégories professionnelles par branche d'activité. Les commissions verticales font également des projections de la production et de la demande de main-d'oeuvre dans chaque région, sur la base des tendances économiques et de l'implantation probable d'industries nouvelles. Ces projections sont étudiées par le personnel du Commissariat qui tient compte, ce faisant, des données sur l'accroissement démographique et les migrations2. En résumé, la méthode appliquée en France est essentiellement analytique, les études intensives par secteurs étant faites par des représentants de chacun de ces secteurs. La liaison étroite 1. Harold Goldstein, "Projections of manpower requirements and supply" in Industrial Relations, University of California, Berkeley, mai 1966, pp. 17-27. 2. L'analyse ci-dessus se fonde sur un article de Claude Vimont/'Les méthodes de prévision de l'emploi en France et l'utilisation de ces prévisions dans la définition des programmes de l'éducation nationale", O C D E "Aspects économiques de l'enseignement supérieur", Paris, 1964. 29 entre les travaux de projection de la main-d'oeuvre et la planification contribue à donner des résultats raisonnables et à les faire accepter par le gouvernement c o m m e base de la planification de l'enseignement. Nécessité de revoir régulièrement les projections Il apparaît très nettement, d'après l'analyse des méthodes de projection qui précède, que la prévision de l'emploi est plus un art qu'une science et qu'elle est dans une grande mesure affaire de jugement. En outre, un grand nombre des données statistiques de base nécessaires n'existent pas ou sont loin d'avoir la perfection qui convient aux études de projection. Il y a donc de grandes chances que les projections soient sujettes à quelque erreur et le degré d'erreur s'accroît probablement à mesure que la projection porte sur un avenir plus éloigné. Cela ne veut pas dire qu'il ne faut pas faire de projections ni les utiliser à titre indicatif pour les décisions. Il n'y a pas d'autre solution, si les décisions concernant l'avenir doivent se fonder sur une évaluation raisonnable de la nature des problèmes qu'il s'agira de résoudre. Mais cela signifie que les décisions d'ordre politique doivent être prises en tenant dûment compte des possibilités d'erreur dans les projections, et cela impose deux obligations aux autorités responsables de ces dernières : (1) indiquer la g a m m e d'incertitude des projections ; (2) réexaminer les projections à des intervalles fréquents de manière à constater les écarts éventuels et la direction de 30 ces écarts et, le cas échéant, à les réviser. En fait, les services responsables des projections réexaminent celles-ci régulièrement. Une étude des projections françaises, par exemple, montre que les accroissements de productivité dans quelques grands secteurs ont été en réalité plus importants qu'ils n'avaient été prévus pour la période 1957-1961 et que l'emploi réel a été inférieur à l'emploi projeté'. Il ressort d'une étude de la pratique suivie aux Etats-Unis que les projections faites en 1948 et 1949 ont systématiquement sous-estimé l'augmentation du nombre des "cols blancs" bien que les projections fussent exactes en ce qui concerne les branches d'activité et les catégories professionnelles dans lesquelles l'emploi a baissé au cours des dix années suivantes2. Le processus de réexamen des projections a pour avantage évident de permettre de tirer les leçons des fautes passées pour améliorer les techniques de prévision. 1. Jean Fourastié, "La prévision de l'emploi en France", in : "La prévision de l'emploi - Session d'études internationale sur les techniques de prévision de l'emploi", Bruxelles, juinl962, OCDE. 2. Harold Goldstein, An evaluation of experience in long-term projections of employment by occupation, communication faite à la 21 e Conférence inter-Etats sur les statistiques de la main-d'oeuvre. San Francisco, Californie, 27 juin 1963. III. A N A L Y S E D E L ' O F F R E D E M A I N - D ' O E U V R E La présente section se divise en deux parties. La première étudie les diverses méthodes de projection de l'offre par profession, et la seconde porte sur les méthodes de projection de toute la population active d'un pays. Les prévisions des ressources futures en maind'oeuvre d'un pays répondent à de multiples raisons. Elles sont nécessaires, par exemple, pour calculer le nombre d'emplois qui devront être créés au cours d'une année donnée afin d'assurer le plein emploi ou, du moins, maintenir le chômage à un niveau réduit. Toujours dans ce m ê m e ordre d'idées, les prévisions portant sur la population active globale d'un pays sont le point de départ indispensable de toute projection de la croissance économique de ce pays (celle-ci étant subordonnée à la pleine exploitation des ressources humaines disponibles). Les projections portant sur la population active, par tranches d'âge, par sexe, race, etc. servent également à préciser la nature des ressources dont on disposera à un moment donné. C'est ainsi que les projections établies pour les années 196 0 à 1970, qui faisaient apparaître une très forte augmentation du nombre de jeunes travailleurs et de femmes, parallèlement à un léger accroissement de la population masculine d'âge moyen, ont été de façon générale interprétées c o m m e annonciatrices de difficultés dans l'utilisation de la main-d'oeuvre. D e la m ê m e façon, on peut confronter les projections del'offre avec celles de la demande et de sa nature, et comparer par exemple le niveau d'instruction de la population active existante avec le niveau d'instructionqu'exige l'expansion économique, tel qu'il se dégage des projections de la demande par profession. (Cf. l'étude de la comparaison entre les projections de l'offre et de la demande. L'analyse comparée des tendances de l'offre et des projections de la demande peut aider à déterminer dans quelle mesure un pays doit développer ses services et activités pédagogiques pour satisfaire ses besoins futurs en travailleurs qualifiés. Une évaluation de l'offre future (et de la demande future) de main-d'oeuvre est indispensable, dans certains pays, à l'élaboration de la politique d'immigration et (ou) d'émigration. Les projections de l'offre et de la demande pour certaines catégories de travailleurs (scientifiques et techniciens, par exemple) ont pour but de faciliter l'élaboration d'une politique concernant ces catégories. L'appréciation des disponibilités actuelles et prévues de main-d'oeuvre technique, jugées satisfaisantes ou non, pèsent sur de n o m breuses options. L'industrie et l'Etat se doivent de fixer une politique en matière, par exemple, de recrutement, de formation de techniciens et autres travailleurs auxiliaires, en matière de salaires, bourses, planification de la recherche, dérogations aux obligations militaires, etc. On a également recours aux projections de l'offre et de la demande de main-d'oeuvre pour établir des plans de mobilisation de cette main-d'oeuvre, c'est-à-dire pour évaluer dans quelle mesure les disponibilités de main-d'oeuvre permettent la réalisation de programmes spécifiques de mobilisation. On a de m ê m e effectué des projections de ce genre pour déterminer si d'importants programmes destinés à être lancés sur une grande échelle par l'Etat dans le domaine spatial, par exemple, ou dans celui de la santé mentale, étaient réalisables en termes de main-d'oeuvre. Les projections de l'offre et de la demande dans certaines catégories professionnelles précises servent également à déterminer s'il est possible de parvenir à certaines normes de fonctionnement (en réduisant par exemple le taux élèves/maftre dans les écoles secondaires) et à en évaluer les implications. A, PROJECTIONS D E L ' O F F R E D E M A I N - D ' O E U V R E DANS CERTAINES CATEGORIES PROFESSIONNELLES Pour évaluer quelle sera l'offre de main-d'oeuvre dans telle ou telle catégorie professionnelle, en telle ou telle année, il faut tout d'abord déterminer le nombre actuel de personnes exerçant cette profession, estimer ensuite les additions possibles ou probables à ce nombre, et enfin en déduire les pertes prévisibles. Les disponibilités existantes dans une catégorie professionnelle peuvent être définies c o m m e étant la s o m m e des personnes exerçant cette profession et des travailleurs sans emploi cherchant à l'exercer. Les entrées dans une catégorie professionnelle sont d'origines diverses : elles comprennent : (1) les nouveaux 31 venus frafchement émoulus d'un cours de formation expressément conçu pour les préparer à cette profession; (2) les nouveaux venus frafchement émoulus d'un cours de formation préparatoire à une activité différente; (3) les personnes, autres que les étudiants, qui ne font pas partie de la population active civile, par exemple, les femmes au foyer, les retraités et les militaires ; (4) les personnes venant d'autres branches d'activité et (5) les immigrants. L e calcul des pertes devrait comprendre une estimation du n o m b r e de travailleurs dans cette branche qui m o u r ront ou prendront leur retraite pendant la période considérée, de ceux qui cesseront de faire partie de la population active pour une raison ou pour une autre, de ceux qui passeront à d'autres branches d'activité et de ceux qui émigreront. Les entrées et les sorties dans une profession donnée se tion suivante, qui indique la entre l'époque N et l'époque de main-d'oeuvre traduisent par l'équavariation de l'offre N+l. O n trouvera ci-dessous u n examen détaillé de chacun des éléments de cette équation. A titre d'exemple de l'établissement de prévisions des disponibilités futures de main-d'oeuvre, nous prendrons la projection des entrées et des sorties dans la catégorie des ingénieurs et des h o m m e s de science aux Etats-Unis. 1. Offre existante L'offre existante se distingue (lorsqu'on la définit c o m m e étant la s o m m e des travailleurs occupés et non occupés) du "potentiel disponible" qui c o m prendrait tous les travailleurs aptes à exercer cette profession, indépendamment de leur décision d'en exercer une autre ou d e ne pas travailler du tout. L a plupart des gens sont qualifiés pour exercer plus d'une profession et sont disposés à en changer selon leurs besoins ou selon les occasions. Cela est plus particulièrement vrai des professions Offre future à l'époque N + l (E+UE) où : 32 N +l égale Disponibilités existantes (E + U E ) N n'exigeant pas une qualification particulièrement élevée ; mais m ê m e aux niveaux supérieurs de compétences et de formation, nombreuses sont les personnes suffisamment qualifiées pour pouvoir exercer indifféremment une activité ou une autre. C'est ainsi qu'aux Etats-Unis, la mobilité professionnelle est considérable m ê m e dans le domaine scientifique, qui est cependant l'un de ceux qui exigent une formation des plus spécialisées. D e façon générale, la multiplicité des qualifications de chacun fait que le n o m b r e de personnes qualifiées pour exercer une profession dépassera toujours le n o m b r e de celles qui l'exercent en fait. P a r m i les personnes qualifiées pour exercer une profession mais ne l'exerçant pas actuellement, beaucoup sont employées dans d'autres secteurs, cependant qu'un certain n o m b r e d'autres, retraités, m è r e s de famille ayant provisoirement abandonné toute activité professionnelle, etc., ne font pas partie de la population économiquement active. O n peut donc considérer que les disponibilités de main-d'oeuvre dans une profession donnée sont, dans une certaine m e s u r e , sujettes à variation. Lorsque la profession considérée offre des salaires ou certains avantages (logement et frais de scolarité gratuits, autres avantages annexes, p o s sibilité de travail à temps partiel, etc. ) plus intéressants que d'autres activités ou meilleurs que par le passé, elle peut attirer un surcroît de travailleurs ; le contraire peut se produire lorsque les salaires, avantages et autres attraits sont faibles. Il faut donc, pour pouvoir établir une p r o jection de l'offre dans une profession donnée, disposer de certaines hypothèses de travail ou d'indications sur la demande dont cette profession fait l'objet, dans l'absolu et par rapport aux professions concurrentes. Voyons maintenant un exemple précis d'évaluation des disponibilités existantes. L e tableau I donne le n o m b r e estimatif d'ingénieurs et d ' h o m m e s de science aux Etats-Unis en 1963, calculé sur la Entrées pendant la période considérée plus c'est-à-dire TP + TP + O C + N L F + I E = Emploi U E = Chômeurs ("unemployed") cherchant à exercer la profession T P = Nouveaux venus frafchement émoulus de cours de formation ("training programmes" - "specifically") spécifiquement conçus pour les préparer à la profession T P = Nouveaux venus frafchement émoulus de cours de formation préparatoires à d'autres professions ("training programmes" - "other") où : N->N+1 Pertes au cours de la période considérée (D + R + T + O L ) N-»N+1 O C =« Nouveaux venus d'autres professions ("other occupations") N L F = Nouveaux venus ne faisant pas partie de la population active ("not in labour force") I = Immigrants entrant dans cette profession D = Décès R — Retraites T = Transferts O L = Autres pertes ("other losses"), par exemple, par émigration. TABLEAU I N O M B R E ESTIMATIF D ' H O M M E S D E SCIENCE E T D'INGENIEURS EMPLOYES EN 1963 PAR PROFESSIONS ET GRANDS SECTEURS D'ACTIVITES Scientifiques Ingénieurs et ingénieurs Tous secteurs Industrie privée Gouvernement fédéral Gouvernements des Etats Administration locale Enseignement supérieur 1. 271.600 943.600 118. 000 47. 900 33. 900 128. 200 924. 900 765. 400 71. 700 34. 200 26. 900 26.700 Scientifiques 346. 179. 46. 13. 7. 100. 800 300 300 700 000 500 Physique 192. 129. 21. 2. 1. 37. Sciences de la vie 600 800 200 600 700 300 112. 100 26. 22. 10. 5. 47. 800 300 800 200 000 Mathématiques 42. 100 22. 700 2. 800 300 100 16. 200 Source : Technician m a n p o w e r : requirements, resources, and training needs, B L S Bulletin 1512, 1966. base des statistiques les plus courantes 1. On a établi des estimations distinctes pour les ingénieurs et les h o m m e s de science travaillant dans six grands secteurs de l'économie : industrie privée, établissements d'enseignement supérieur. Gouvernement fédéral, gouvernements des Etats, administration locale et organisations sans but lucratif. A ces estimations, peut s'ajouter une évaluation du nombre de scientifiques et d'ingénieurs sans emploi 2. 2. Entrées Les diplômés des établissements d'enseignement supérieur constitueront de loin la plus grande partie des nouveaux hommes de science et ingénieurs aux Etats-Unis. Leur nombre estimatif est calculé en fonction de trois facteurs : (1) projections des promotions de jeunes dans chaque discipline ; (2) pourcentage estimatif des membres de ces promotions qui exerceront une activité dans la discipline correspondante et (3) pourcentage estimatif de ceux qui ne travaillent pas dans la branche correspondante au moment où ils obtiennent leur diplôme. Les projections portant sur le nombre de nouveaux diplômés de l'enseignement supérieur en science et en technologie par discipline et par niveau d'études sont établies par le United States Office of Education, qui rassemble, dans tous les établissements d'enseignement supérieur, des renseignements très complets sur le nombre d'inscriptions et celui des diplômes décernés. Le nombre de diplômes de chaque niveau (Bsc, M . Se. et Ph. Dj dans chaque discipline est relevé chaque année auprès de tous les établissements d'enseignement supérieur. O n obtient les projections du nombre de diplômés en établissant les projections de la population des groupes d'âge adéquats et en formulant certaines hypothèses quant à la fraction (enhausse aux Etats-Unis) qui terminera le cycle d'études de chaque niveau de l'enseignement secondaire et universitaire. Les projections portant sur le nombre d'étudiants ou le nombre de diplômé s 3 dans chaque branche d'études sont fondées sur les statistiques passées de la fraction de la population estudiantine globale, 1. Chiffres parus dans Technician manpower : requirements, resources and training needs, (Bureau of Labor Statistics) Bulletin 1512, 1966. Les données relatives à l'emploi dans chaque secteur sont tirées notamment de Scientific and technical e m ployment in private industry 1963, BLS Bulletin non paru, Scientific and technical employment in State Government Agencies, 1962, B L S Bulletin 1412, Scientific and Technical employment in local Government Agencies, October 1963 (données préliminaires) et Scientist and engineers in colleges and universities 1961, NSF65-8. Enee qui concerne la façon dont les estimations de l'emploi ont été établies, se reporterà l'Appendice B au B L S Bulletin 1512. 2. On estime qu'en 1965, 1 % environ des h o m m e s de science et des ingénieurs étaient sans emploi. 3. Cf. Projections of educational statistics to 19741975, éditions de 1965 U S Department of Health, Education and Welfare ; OE-10030-65. O n trouvera dans ce document, à partir de la page 55, une description circonstanciée des méthodes employées pour obtenir des projections portant sur les effectifs totaux des établissements d'enseignement supérieur, le nombre des premières inscriptions en vue de l'obtention d'un diplôme, le nombre - global et par disciplines - de diplômes de B . Se. et de premiers diplômes de pédagogie (hommes et femmes considérés séparément) ainsi que le nombre - total et par disciplines - de diplômes de M . Se. et de Ph. D . 33 TABLEAU II PROJECTIONS DU N O M B R E DE DIPLOMES D E SCIENCES ET D E TECHNOLOGIE QUI SERONT OBTENUS AUX ETATS-UNIS DE 1965-1966 A 1974-1975 Année Total Mathématiques et statistique Technologie Physique Biologie Agriculture et sylviculture Sciences générales 6.640 6. 610 7. 240 7.820 7. 190 6. 700 6. 150 5. 780 5.310 4. 980 2. 940 3. 280 4. 040 4. 940 5. 060 5. 270 5. 520 5. 880 6. 380 6. 860 1. 780 1. 740 1.600 1. 550 1.650 1. 720 1.680 1.660 1. 550 1. 430 1. 060 1. 200 1. 290 1. 470 1.860 2. 300 2.400 2. 550 2. 730 2. 970 DIPLOME D E BACHELOR O F SCIENCES 1965-1966 1966-1967 1967-1968 1968-1969 1969-1970 1970-1971 1971-1972 1972-1973 1973-1974 1974-1975 111.650 120.300 143.890 170. 020 169.900 171.680 176. 040 183. 950 195.270 206.320 22.690 25. 760 32, 320 39. 950 41.660 43. 800 46. 560 50. 400 55. 370 60, 390 36, 030 37.850 44. 220 51. 000 49. 720 48.880 48. 930 49.870 51. 570 53. 040 18. 20. 24. 28. 28. 28. 29. 30. 32. 34. 780 220 130 510 410 630 390 700 570 380 24. 580 26.590 31. 940 37.810 37.870 38.410 39.480 41.320 44. 070 46.660 DIPLOME D E MASTER O F SCIENCES 1965-1966 1966-1967 1967-1968 1968-1969 1969-1970 1970-1971 1971-1972 1972-1973 1973-1974 1974-1975 31.870 34.630 35.790 39.360 • 47. 880 57. 780 58. 770 60.830 63.650 67.530 5. 150 5.860 6. 310 7. 210 9. 080 11. 330 11.840 12. 560 13. 480 14. 640 14. 150 15.460 16. 070 1 7. 780 21. 740 26. 350 26. 840 27.820 29. 200 31. 100 5.630 5. 970 6. 040 6. 490 7. 730 9. 140 9. 080 9. 180 9.400 9. 770 4.120 4.400 4.490 4.860 5.820 6. 940 6. 940 7. 080 7. 300 7.610 DIPLOME D E DOCTOR O F SCIENCES 1965- -1966 1966- -1967 196 7--1968 1968- -1969 1969- -1970 1970- -1971 1971- -1972 1972- -1973 1973- -1974 1974- -1975 7. 8. 9. 10. 10. 11. 12. 14, 17. 16. 830 380 250 360 970 100 030 400 130 950 710 770 880 1. 000 1. 080 1. 120 1. 240 1. 510 1. 830 1.840 2. 050 2. 260 2.580 2. 980 3. 250 3. 370 3. 750 4.600 5.610 5.680 2, 690 2. 830 3. 090 3.410 3. 560 3. 550 3. 800 4. 480 5. 260 5. 140 1. 760 1. 860 2. 010 2. 200 2. 280 2. 270 2.410 2.820 3.280 3. 180 620 650 700 770 800 790 840 980 1. 140 1. 100 (1) (1) (1) (1) (1) (1) (1) (1) (1) (1) (1) Moins de 5 Source : Projections of educational statistics to 1 9 7 4 - 1 9 7 5 . Health, Education and Welfare ; O E - 1 0 0 3 0 - 6 5 . 34 Edition de 1 9 6 5 , U . S. D e p a r t m e n t of masculine d'une part, féminine d'autre part, qui s'inscrit pour les cours correspondant ou obtient le diplôme de fin d'études '. O n trouvera au tableau II les projections les plus récentes portant sur le n o m b r e de diplômes par discipline jusqu'en 1975. P a r m i ceux qui ont m e n é à bien les études dans une discipline, tous n'obtiennent pas nécessairem e n t u n poste dans la branche correspondante. C'est ainsi que des diplômés en mathématiques obtiennent un poste d'ingénieur et, inversement, des ingénieurs diplômés font carrière dans les mathématiques. N o m b r e de diplômés deviennent professeurs d'enseignement secondaire, notamm e n t en sciences et en mathématiques. Certaines personnes possédant un B . Se. entreprennent d'acquérir une formation professionnelle dans un autre domaine : médecine ou gestion des affaires, par exemple. Des diplômés en sciences ou en technologie se dirigent parfois vers des situations telles qu'emplois administratifs ou commerciaux, où leurs connaissances techniques ne leur sont guère utiles. Beaucoup d'entre eux poursuivent des études. Il faut donc estimer, pour chaque discipline, combien de diplômés exerceront, dès après l'obtention de leur diplôme, une activité dans la discipline correspondante. O n peut faire ces estimations en analysant le genre de postes obtenus dans le passé par les m e m b r e s de certaines promotions 2 . L e tableau III fournit un exemple d'estimation, pour chaque niveau de diplôme, du n o m b r e de diplômés de sciences et de technologie qui, aussitôt après avoir obtenu le diplôme, entrent dans la catégorie professionnelle à laquelle ils se sont préparés. Les nouveaux diplômés qui embrassent la profession à laquelle ils se sont préparés ne sont pas les seuls à entrer dans cette profession : chaque année, le n o m b r e des scientifiques s'augmente d'un certain nombre d'ingénieurs, et vice-versa. E n outre, un certain n o m b r e de diplômés, non pas en science ou en technologie, mais dans un tout autre domaine, la pédagogie par exemple, embrassent une profession scientifique ou celle d'ingénieur. O n peut également évaluer le n o m b r e 1. O n a procédé de façon quelque peu différente pour obtenir les projections portant sur le n o m b r e futur de diplômés de technologie des quatre années à venir. O n connaît pour chaque année le nombre d'inscriptions de première année ; on projette le taux de succès aux exam e n s pour les quatre années à venir (ce taux étant, ces dernières années, d'environ 1/2), et l'on applique ce pourcentage au n o m b r e d'étudiants de première année. 2. Deux grandes études sur l'activité professionnelle des anciens étudiants aux Etats-Unis fournissent des données propres à l'établissement de telles estimations. C e sont : Two years after the college degree - work and further study patterns (NSF 63-26) et Education and employment specialization in 1952 of June 1951 College graduates (National Science, Foundation, 1954). T A B L E A U III F R A C T I O N D E S D I P L O M E S E M B R A S S A N T L A PROFESSION P R E P A R E E , PAR NIVEAU Branche Technologie Chimie Physique Sciences de la terre Sciences de la vie Mathématiques Autres sciences physiques B . Se. 80 34 30 25 20 19 15 M . Se. Ph. D . 84 68 61 52 51 47 35 97 95 95 95 95 95 95 Source : Estimations fondées sur les données contenues dans T w o years after the college degree - work and further study patterns (NSF 63-26). Les chiffres indiqués en ce qui concerne les titulaires du P h . D . reposent sur l'analyse de plusieurs études consacrées à la formation des ingénieurs et des h o m m e s de science. 35 de personnes qui deviennent ingénieur ou e m brassent une profession scientifique, alors qu'elles sont nanties de diplômes sanctionnant des études d'un autre genre, en examinant les conclusions d'enquêtes sur les activités professionnelles postuniversitaires de promotions successives, enquêtes qui indiquent quel genre de situation elles embrassent après leurs études. Aux Etats-Unis, par exemple, on estime que pour 100 ingénieurs qui ont dûment terminé des études d'ingénieur, il y en a une vingtaine qui ont un diplôme dans un autre domaine, et l'on prévoit que le nombre de ces derniers va s'accroître. De m ê m e , pour 100 chimistes diplômés en chimie, il y a environ 25 chimistes diplômés dans une autre discipline. Enfin, on a cherché à déterminer la fraction des nouveaux diplômés qui n'exerçaient pas déjà une activité dans leur domaine d'études lors de l'obtention de leur diplôme. En effet, beaucoup de personnes, au moment où elles obtiennent le M . Se. ou le Ph. D . , travaillent déjà dans leur domaine de spécialisation. Les chiffres dont on dispose montrent que les quatre cinquièmes environ de tous les titulaires d'un Ph. D . en technologie et dans les diverses disciplines scientifiques, sauf la chimie (pour laquelle le rapport est 60 %) travaillaient déjà dans leur spécialisation avant d'obtenir le diplôme \ De m ê m e , on estime que parmi les nouveaux titulaires du M . Se. , entre la moitié et les quatre cinquièmes, selon les disciplines, travaillaient déjà dans leur domaine d'études. En outre, certains titulaires du B . Se. en technologie ont obtenu leur diplôme en suivant des cours à temps partiel, tout en occupant un emploi technique. Autres entrées Les professions scientifiques et techniques s'augmentent en outre d'un nombre important de personnes qui n'ont pas fait d'études dans un établissement d'enseignement supérieur correspondant. Nombreux sont les techniciens qui, sans avoir de diplôme, sont promus à un poste scientifique ou à celui d'ingénieur ; il est fréquent que des personnes n'ayant qu'un diplôme de l'enseignement secondaire et qui travaillaient dans d'autres branches entrent dans la catégorie scientifique ou technique. D'autres encore, en grand nombre, passent d'une discipline scientifique à une autre, et il en est qui prennent un emploi scientifique ou technique alors qu'ils ne faisaient pas partie de la population active. Enfin, les immigrants viennent s'ajouter aux ressources en scientifiques et ingénieurs. On pourrait obtenir le nombre d'entrées imputables à chacune de ces catégories en extrapolant les chiffres passés, compte tenu des possibilités d'évolution ultérieure de la situation. O n connaît le nombre d'hommes de sciences et d'ingénieurs qui ont immigré aux Etats-Unis ces dernières années, et l'on pourrait établir les projections pertinentes compte tenu des nouveaux 36 règlements en matière d'immigration et d'un certain nombre d'autres facteurs. Les enquêtes sur les activités postuniversitaires fournissent des renseignements sur les promotions de techniciens à des postes d'ingénieur ou à des postes scientifiques 2 . On pourrait également, sur la base des chiffres passés, évaluer le nombre global de toutes les entrées (autres que celles des nouveaux diplômés universitaires)3. 3. Pertes de main-d'oeuvre Lorsqu'on projette l'offre de main-d'oeuvre pour une année donnée, on évalue, en se fondant à la fois sur les statistiques de l'année de base et sur les entrées, les pertes qui se produiront du fait des décès, des retraites, des réductions de la 1. Cf. Doctorate production of United States Universities 1920-1962, National Academy of Sciences National Research Council publication 1142. 2. Postcensal Study of Professional and Technical personnel - les personnes déclarées c o m m e techniciens lors du recensement décennal de 1960 ont été invitées en 1962 à faire connaître leur profession. O n trouvera également dans Technician manpower : requirements, resources and Training Needs, B L S Bulletin 1512, une étude de l'importance de la promotion dans les professions scientifiques et techniques. 3. C'est ainsi que, pour évaluer le nombre global d'entrées dans la profession d'ingénieur entre 1950 et 1963, autres que celles des diplômés récents des établissements d'enseignement supérieur, on a analysé d'abord l'augmentation globale des effectifs dans cette profession pendant la période considérée et calculé le nombre total des entrées de personnes venant de terminer un établissement supérieur, ainsi que le nombre des pertes subies pendant cette période du fait des décès, des retraites et des transferts. On a ensuite déduit des effectifs de 1963 la s o m m e des travailleurs employés en 1950 (encore dans la profession en 1963) et des universitaires entrés pendant la période 1950-1963 et exerçant toujours la profession en 1963, et l'on a estimé que le chiffre ainsi obtenu représentait le nombre total d'ingénieurs entrés dans la profession pendant la période 1950-1963 sans être titulaires d'un diplôme américain et encore employés à la fin de cette période. La formule suivante illustre l'importance des divers éléments : effectifs 1963 (924. 900) - /^Effectifs 1950 (542. 700) - pertes par décès, retraites et transferts de 1950 à 1963 (226.000)) + (nouveaux venus titulaires d'un diplôme universitaire, américain, 1950-1963 (426. 100) - pertes par décès, retraites et transferts 1950-1963 (54. 500))_y . nouveaux venus non titulaires d'un diplôme universitaire américain 19501963 (236.600). population active dues à d'autres motifs, et des transferts d'une profession à une autre. Pertes dues aux décès et aux retraites. Ces pertes peuvent être évaluées de diverses façons. Une méthode très simple consiste à calculer, par analyse des données d'observation, la vie active moyenne dans une profession donnée. A supposer que cette moyenne soit, par exemple, de quarante ans, on peut fixer à 2 1/2 % le taux annuel de perte pour cette profession, taux qui, multiplié par le nombre de personnes exerçant cette profession, donnerait le nombre de celles qui cesseraient chaque année de l'exercer. Cette méthode présente toutefois de grosses difficultés et exige une sûreté de jugement exceptionnelle en ce qui concerne l'estimation de la vie active moyenne dans la profession. On peut donc avoir recours à une autre m é thode, qui consiste à projeter séparément le nombre des décès et celui des retraites. O n applique les- taux de mortalité connus soit à tout un groupe professionnel (ce qui suppose que la c o m position par âge de ce groupe est la m ê m e que celle de la population nationale), soit à chaque tranche d'âge de ce groupe professionnel lorsqu'on en connaît la composition par âge. Quant aux retraites, on se fonde, pour en évaluer le nombre, sur la structure par âge du groupe professionnel et sur le nombre des membres de ce groupe qui, à chaque période choisie, atteindront l'âge légal ou probable de la retraite, compte tenu des décès. Aux Etats-Unis, on a mis au point une technique aboutissant à l'établissement de "tables de vie active", très semblables aux tables de survie ordinaires. Ces dernières sont une méthode employée en statistique ou en actuariat pour récapituler la mortalité du moment pour une population donnée. Une table de survie prend un groupe de personnes nées vivantes (en général 100. 000) et le suit à divers âges jusqu'à extinction par mortalité. L a table de survie permet d'obtenir un certain nombre d'éléments importants, dont le plus courant est "l'espérance de vie", c'est-à-dire le nombre moyen d'années restant à vivre au-delà d'un âge donné. De m ê m e , la table de vie active suit à ses divers âges une cohorte initiale de 100. 000 personnes nées vivantes. Mais, outre la réduction progressive par mortalité, elle indique également la réduction due aux retraites. Des tables actuarielles de vie active' ont ainsi été établies pour l'ensemble de la population masculine, compte tenu de l'incidence sur la population active, à chaque tranche d'âge, des décès et des retraites (séparément). Ces taux de décès et de retraites peuvent ensuite être appliqués aux effectifs de n'importe quelle profession, si l'on en connaît la composition par âge. Il faut toutefois faire preuve de prudence en l'appliquant à une seule profession, car la courbe des décès et des retraites dans cette profession particulière peut être différente de celle de la population active dans son ensemble. On a également constitué des tables de vie active de la main-d'oeuvre féminine, qui montrent les incidences du mariage et des responsabilités familiales sur la physionomie de l'emploi féminin. Le taux de renouvellement de la main-d'oeuvre dans une profession peut être obtenu d'après les tables de vie active et les renseignements concernant l'âge dans cette profession2. Aux EtatsUnis, le taux global des décès et des retraites varie pour les h o m m e s de moins de 1 % à plus de 3 % , selon la branche d'activité et l'âge. Les' professions qui ont connu ces derniers temps une expansion rapide et comptent donc un pourcentage élevé de jeunes accusent les taux de décès et de retraites les plus bas. C'est ainsi que, dans les projections prises à titre d'exemple, on estime à 1, 5 par an, pendant la prochaine décennie, le taux global des décès et des retraites pour les ingénieurs. Transferts à d'autres professions. Dans toutes les professions, m ê m e celles qui exigent une formation très poussée, il y a déperdition d'effectifs au profit d'autres activités. Cette déperdition peut se mesurer de diverses façons. L'une consiste à suivre la carrière postuniversitaire de tous ceux qui se préparaient pour une profession donnée ou de tous ceux qui ontterminé leur apprentissage en vue d'un métier donné. Des enquêtes de ce genre, portant sur les quelques années suivant immédiatement la fin de la formation, telles T w o years after the college degree - work and further study patterns, NSF 63-26, et Five years after the college degree, Bureau of Social Science Research Inc. (Preliminary), permettent de relever un grand nombre de transferts immédiats. Toutefois, pour obtenir le nombre total de pertes dans une profession, il faut poursuivre ces enquêtes pendant dix ou m ê m e vingt ans, et il est souvent très difficile de suivre pendant aussi longtemps les anciens étudiants ou apprentis. Il existe une autre méthode de mesure de la mobilité professionnelle qu'illustre la Postcensal study of professional and technical personnel ; 1. Cf. Tables of working life for m e n , Technical Note, Monthly Labor Review, juillet 1963, et Tables of working life for women, U . S. Department of Labor, B L S Bulletin 1204, 1956. 2. Pour les besoins de la projection faite à titre d'exemple, on a estimé séparément pour les sciences et pour la profession d'ingénieur la répartition par âge des effectifs au début de 1963. Pour les professions scientifiques, la répartition par âge selon les différents niveaux de formation dans chaque domaine a été tirée des statistiques du National Science Foundation's 1962 Registrer of Scientific and Technical Personnel. Pour la profession d'ingénieur, ons'est fondé sur les chiffres pertinents du recensement de 1960. La répartition par âge des titulaires récents du B . Se. en sciences et en technologie est fondée sur les données figurant dans l'étude intitulée Two years after the college degree work and further study patterns. 37 pour cette étude, on a interrogé, deux ans après le recensement de 1960, toutes les personnes qui avaient déclaré lors de ce recensement exercer une profession scientifique ou technique, afin d'établir notamment combien d'entre elles avaient changé de profession dans cet intervalle de deux ans. Les taux estimatifs annuels des transferts à d'autres professions de personnes exerçant initialement uneprofession scientifique ou technique, taux calculés d-'après les données de la Postcensal Study, font bien ressortir l'importance de ces transferts : pour les ingénieurs, leur taux annuel a été estimé à 1, 6 %, et pour les spécialistes des sciences de la vie, à 2, 6 %. On peut également calculer le nombre estimatif total des pertes dans une profession grâce à des enquêtes sur le nombre de personnes qui ont quitté cette profession, pour des motifs divers, pendant une période donnée. C'est ainsi que l'Office of Education des Etats-Unis a fait, sur le renouvellement des effectifs professoraux, deux études détaillées (1957-1958 et 1959-1960) qui ont permis de calculer le nombre d'enseignants qui avaient Nombre total de départs Automne Automne Moins 1959 1960 abandonné leur poste entre le début d'une année scolaire et celui de l'année suivante1. Ces enquêtes ont permis de préciser : (1) combien d'enseignants avaient pris un travail autre que pédagogique tout en restant dans le circuit scolaire ; (2) combien avaient choisi un poste pédagogique dans un autre système d'enseignement ; (3) c o m bien étaient partis pour un travail en dehors du système scolaire, et (4) combien étaient partis en congé de longue durée, avaient pris leur retraite, étaient morts ou avaient été renvoyés. On a rassemblé des données sur le nombre d'enseignants engagés l'année suivante par chaque circonscription scolaire, en distinguant entre transfert d'une circonscription à une autre et recrutement d'autres sources. La différence entre le nombre total des départs et celui des transferts représente le nombre de personnes qui ont quitté l'enseignement. E n divisant ce nombre par l'effectif du personnel enseignant de l'année de base, on obtient le taux annuel de pertes dans la profession. D'après l'enquête de 1959-1960, le taux de déperdition des enseignants à l'école primaire était le suivant : Transferts à d'autres postes d'enseignement Effectifs totaux à l'automne 1959 égale Taux de pertes dans la profession enseignante pendant l'année 1959-1960 C'EST-A-DIRE 111.500 - 42.500 8,1 % 855.700 Exemple de projection de l'offre La projection suivante est un exemple du mouvement (E+UE)_T N + / ~ T P + T P + (OC + NLF+lV N +l J *s o N-Í (924.900+9.200)+ /T457.800 + 107. 700 + 316.200_J B. PROJECTIONS D E L ' O F F R E T O T A L E DE MAIN-D'OEUVRE 1. Projections démographiques L'étude des fluctuations démographiques constitue le point de départ indispensable des projections des effectifs globaux futurs de main-d'oeuvre, étant donné que le nombre de travailleurs disponibles à un moment déterminé dépend principalement de l'importance de la population active. L'évolution démographique et les changements dans la composition de la population résultent de l'interaction de trois facteurs : le nombre des naissances, le nombre des immigrants et des emigrants, le nombre des décès. L'analyse de l'évolution antérieure de ces trois facteurs peut 38 des entrées et des sorties dans la profession d'ingénieur entre 1963 (périodeN) et 1975 (périodeN+l), selon la formule ci-dessous : (D+R+T) N-N+1 (465.700) (E + U E ) N + 1 1.336.700+13.400 généralement servir de base aux projections démographiques. Les projections démographiques s'effectuent d'habitude en deux étapes2. La première consiste à déterminer la fraction de la population existante qui sera encore en vie dans les périodes futures 1. Teacher Turnover in the Public Schools, 1957-58, US Office of Education, OE-23002, et Teacher Turnover in Public Elementary and Secondary Schools. 1959-60. Circular 678, US Office of Education, 1962. 2. Pour l'explication des méthodes de projection démographique aux Etats-Unis, voir Projections of the Population of the United States, by Age and Sex: 1964 to 1985, Bureau of the Census, Bulletin Series P-25, n° 286. envisagées. La seconde consiste à évaluer le nombre d'enfants à naître au cours de ces m ê m e s périodes. Le nombre estimatif des enfants à naître est additionné à la population en bas âge, et l'on calcule ensuite son taux de survie de la m ê m e m a nière que pour la population plus âgée. O n tient compte aussi, évidemment, du troisième facteur mentionné ci-dessus, à savoir l'apport démographique résultant de l'immigration estimée (et la déduction parallèle du nombre estimatif d' emigrants). Projections de la survie de la population existante. Pour établir les projections de la survie, il faut répartir la population existante par sexes et par groupes d'âge détaillés et y appliquer les taux de survie. Le taux de survie est le rapport du nombre de personnes qu'on prévoit être encore en vie à la fin d'une période donnée au nombre de personnes en vie au début de cette période ; il est calculé pour chaque groupe de sexe et d'âge de la population. C'est ainsi qu'aux Etats-Unis, les taux de survie étant fondés sur les taux de mortalité, qui accusent un déclin régulier depuis de nombreuses années, il sera tenu compte, pour l'établissement des taux de survie des années à venir, de l'accentuation continue de ce déclin. Dans certains pays, les taux de mortalité ne présentent peut-être pas la m ê m e contraction régulière des taux de mortalité ; il faudra donc calculer les futurs taux de survie en tenant dûment compte de l'effet des différents facteurs tels que l'amélioration des soins médicaux, l'élévation du niveau de vie, etc. qui influent sur les taux de mortalité de ces pays. et ajoutées aux survivants des groupes d'âge correspondants de la population autochtone. L'exemple suivant illustre les effets combinés des changements des taux de survie et du volume de l'immigration aux Etats-Unis. Sur les 6.800.000 jeunes gens de 20 à 24 ans dénombrés en 1965, on prévoyait qu'environ 99% seraient en vie cinq ans plus tard et auraient alors entre 25 et 29 ans. Mais c o m m e on prévoit que le nombre d'immigrants du m ê m e âge devant entrer dans le pays au cours de cette période sera supérieur au nombre prévu des décès, l'effectif de ce groupe d'âge sera, en fait, légèrement plus élevé (de 40.000 environ) en 1970 qu'il ne l'était cinq ans plus tôt. P . de Wolff, dans son étude sur les techniques de prévisions de l'emploi aux Pays-Bas 1 t écrit : "Ce sont les migrations qui présentent le plus de difficultés. L e taux annuel net des migrations de la population active représente d'ordinaire moins de 0, 5 % de la main-d'oeuvre totale, mais on ne peut la négliger en raison de la progression de cette fraction, progression qui est de 1, 5 % annuellement. Pour les prévisions à court terme, on conjecture l'émigration nette en tenant compte du fait que, d'après l'expérience, l'émigration est fortement influencée par la situation économique qui règne dans les grandes régions pourvoyeuses de maind'oeuvre, alors que l'immigration dépend surtout du niveau d'emploi dans la région d'accueil. Pour les évaluations à long terme, on utilise une moyenne annuelle raisonnable, complétée par des hypothèses sur la ventilation par sexe et parage des emigrants et de leur famille . Pour prévoir le chiffre de la population future, il faut prendre en considération la migration nette (différence entre entrées et sorties). Aux EtatsUnis, on peut le faire en se fondant sur les constatations récentes et sur la législation relative à l'immigration. Le volume de l'immigration civile s'y est maintenu aux environs de 300.000 par an entre 1948 et 1963, avec un plancher de 242.000 en 1952 et un plafond de 391.000 en 1961. E n raison du rôle relativement restreint qu'a donc joué l'immigration nette dans l'évolution de la population des Etats-Unis au cours de ces années, le Département du recensement a décidé de prévoir, dans ses projections démographiques, un chiffre arbitraire, réduit mais constant, d'immigration annuelle nette. Ce chiffre a été fixé à 300.000 immigrants paran, et l'on a formulé en outre l'hypothèse que la répartition par âge et par sexe de cette immigration annuelle nette serait la m ê m e que celle de la période 1957-62. C o m m e nous l'avons déjà dit, le taux général de mortalité aux Etats-Unis a décliné régulièrement depuis le début du siècle. La meilleure façon de résumer cette augmentation de la longévité est sans doute de mesurer la durée moyenne de vie. Or, celle-ci est passée aux Etats-Unis de 47, 3 ans en 1900 à 70 ans en 1962. Il importe de noter que l'espérance de vie n'a pas progressé de façon uniforme pour tous les âges. C'est dans les premiers groupes d'âge qu'on observe la plus grande réduction du taux de mortalité. L'espérance moyenne de vie à la naissance s'est accrue de 22,2 ans entre 1900 et 19552 , alors qu'à 60 ans le gain n'a été que de 1, 8 an. Le déclin spectaculaire du taux de mortalité infantile provient de la diminution des décès dus aux diarrhées, entérites, pneunomies, grippes, naissances prématurées et autres causes plus bénignes. Ce progrès est imputable en grande partie à de meilleures conditions sanitaires Dans les prévisions démographiques globales utilisées par le Ministère britannique du travail en 1963 pour obtenir des projections de la main-d'oeuvre, l'hypothèse retenue a été que la migration nette au Royaume-Uni serait de 60.000 personnes entre le milieu de 1962 et le milieu de 1963, et qu'elle fléchirait ensuite pour tomber enfin (en 1980) à 20.000 par an. Les prévisions relatives au nombre d'immigrants peuvent ensuite être réparties par âge et par sexe 1. P . de Wolff, Les Techniques de prévision de l'emploi aux Pays-Bas, in : Prévisions sur l'emploi - Rapport final de la session internationale d'études sur les techniques de prévision de l'emploi, organisée par l'OCDE à Bruxelles en juin 1962, O C D E , Paris. 2. Au cours de la période 1955-1962, l'espérance de vie s'est accrue seulement de 0, 2 an pour les hommes et de 0, 7 an pour les femmes. 39 à un meilleur approvisionnement en lait età d'autres facteurs liés à l'élévation du niveau de vie. L'augmentation rapide du nombre de bébés nés dans les cliniques a également contribué à abaisser le taux de mortalité de ce groupe d'âge. Outre cette réduction spectaculaire de la mortalité chez les nouveau-nés, le taux de mortalité des enfants a également accusé une diminution remarquable. E n 1900, 90 % des enfants de un an pouvaient espérer parvenir à leur quinzième anniversaire, tandis qu'en 1955, le pourcentage correspondant était de 99. Ce progrès résulte principalement de la réduction des décès dus aux maladies contagieuses de l'enfance - oreillons, scarlatine, coqueluche et diphtérie. Quant aux adultes, leurs taux de mortalité ont également diminué depuis 1900, mais dans une moindre proportion que pour les nouveau-nés et les enfants. L'élévation du niveau de vie, la multiplication des services médicaux et l'amélioration des méthodes sanitaires sont les facteurs qui ont contribué à ce déclin. La fraction de la population qui survit entre 15 et 50 ans est passée de 75 % à 90% entre 1900 et 1955. Le nombre d'individus survivant entre 50 et 75 ans n'a augmenté que de 42 % à 53 % au cours de la m ê m e période. Projections des naissances. L'estimation du nombre des enfants à naître pendant les années à venir est l'opération la plus difficile de la projection démographique. Contrairement aux taux de mortalité, le taux de natalité aux Etats-Unis a subi une évolution irrégulière : après avoir fléchi pendant plusieurs années depuis le début du siècle jusqu'au milieu de la dépression des années trente, il s'est élevé ces dernières années et a atteint un niveau supérieur à celui de 1920. En raison de cette irrégularité, il est délicat de prédire les niveaux futurs du taux de natalité. La méthode généralement utilisée pour procéder à l'estimation du nombre des naissances consiste à appliquer les taux de fécondité des divers groupes d'âge au nombre de femmes en âge de procréer. Ces taux de fécondité par âge correspondent aux naissances annuelles prévues pour 1.000 femmes en âge de procréer, dans chaque groupe d'âge quinquennal. L e tableau ci-dessous indique les variations des taux de natalité au cours d'une période de 22 ans : Le Bureau du recensement des Etats-Unis a abandonné, pour ses dernières projections d é m o graphiques, la méthode des taux de fécondité par groupes d'âge en faveur d'une autre méthode, faisant appel à des statistiques réunies par P . K , Whelpton et Arthur A . Campbell, de la Scripps Foundation for Research in Population Problems, sur l'évolution de la fécondité de cohortes de femmes (c'està-dire des femmes nées pendant une m ê m e période) à mesure qu'elles progressent dans leur âge de procréation. La fécondité d'une cohorte, c o m m e on appelle cet ensemble de données, représentela fécondité cumulative de groupes de femmes précis à chaque âge successif, et donne ainsi la fécondité de chacun de ces groupes pendant l'ensemble des années de la période retenue. La cohorte de 1912 (c'est-à-dire les femmes nées en 1912), par exemple, a atteint son cinquantième anniversaire en 1962 et a terminé alors sa période de procréation. Les statistiques de la fécondité de cette cohorte partent de l'année où ces femmes ont eu 14 ans, en 1926, jusqu'à celle où elles ont atteint la cinquantaine, en 1962. Ainsi, non seulement nous connaissons le taux de fécondité de ce groupe de femmes à chaque âge successif, mais aussi sa fécondité cumulative depuis le début de la période de procréation jusquà n'importe quel âge donné1 . Pour procéder à la projection des naissances, il faut tenir compte de plusieurs facteurs. L ' u n des plus important est l'estimation du niveau de l'économie au cours de la période considérée. L e rapport entre le degré de prospérité d'un pays et ses taux de natalité est solidement étayépar l'expérience, aussi bien aux Etats-Unis que dans maints autres pays2. U n autre facteur dont le rôle est primordial pour déterminer le nombre de naissances est l'urbanisation et l'industrialisation du pays. Enfin, les taux de natalité ont beaucoup changé en On trouve un exposé des avantages qu'il y a à utiliser les statistiques de fécondité des cohortes à la page 13 du Census report, Série P-25, n°286. Pour un complément d'information, voir "Causes et Conséquences de l'évolution démographique", Evolution et problèmes démographiques n° 17, Nations Unies, N e w York 1953, p . 83. T A B L E A U IV E V O L U T I O N DES T A U X D E N A T A L I T E ESTIMATIFS A U X E T A T S - U N I S P O U R 1.000 Age des femmes 1962 15 19 ans 20 24 ans 25 29 ans 30 34 ans 35 - 39 ans 40 - 44 ans 83, 1 246,3 193,3 109,8 53,2 15,8 Source : Current Population Reports, Series P-25, 40 FEMMES Niveau "d'avant-guerre 1 (1939-40) 61,2 152,3 135,4 81,1 38,8 11.4 n° 123 et 286, U S Bureau of the Census fonction des changements intervenus dans l'âge au mariage des f e m m e s , l'âge auquel les couples ont des enfants, l'intervalle entre chaque naissance et, naturellement, le n o m b r e m o y e n d'enfants par m è r e . L e s grandes différences qu'entraînent, pour le n o m b r e des naissances et pour l'importance n u m é rique de la population future, des hypothèques différentes relatives à la fécondité apparaissent dans les quatre projections démographiques réalisées par le Bureau du recensement des Etats-Unis pour la période 1965-85 (voir le Tableau V ) . L a projection la plus élevée, celle de la série " A " , prévoit une population totale de 252 millions en 1980 et u n n o m b r e total de naissances d'environ 86 millions entre 1965 et 1980. L a projection la plus faible, celle de la série " D " , annonce une population globale de 233 millions en 1980, avec un chiffre de naissances de 66 millions seulement entre 1965 et 1980. Il importe dénoter que n'importe laquelle des quatre estimations du Bureau du recensement relatives à la population future aurait pu servir à prévoir les effectifs de main-d'oeuvre, puisque tous les individus qui composeront ces effectifs en 1980 sont déjà n é s . Cependant, c o m m e nous le verrons plus loin, la participation des f e m m e s à la main-d'oeuvre active dépend dans une large m e sure du n o m b r e de celles qui devront s'occuper de petits enfants. 2 . T a u x d'activité de la population C o m m e nous l'avons déjà vu, le premier facteur servant à déterminer les projections de m a i n d'oeuvre est l'estimation de la population par âge et par sexe. L e second est la fraction de cette p o pulation, par âge et sexe, qui sera active (ou à la recherche d'un travail). L'effectif de la maind'oeuvre s'obtient en multipliant la population estim é e de chaque groupe d'âge et de sexe, pour chaque année projetée, parle taux d'activité correspondant à chacun de ces groupes, et en additionnant les résultats partiels ainsi obtenus. D e n o m b r e u x facteurs influent sur l'évolution du taux d'activité des divers groupes d'âge et de sexe. L e taux élevé d'activité des h o m m e s se trouvant dans la première phase de vie active est resté relativement constant pendant longtemps et le restera sans doute à l'avenir. P o u r ce qui est des autres groupes, en revanche, les taux ont subi des fluctuations correspondant aux forces économiques et sociales du m o m e n t . Pour les jeunes gens, par exemple, la prolongation de la durée m o y e n n e de scolarité a été un facteur de diminution du taux d'activité, étant donné que le pourcentage des jeunes qui travaillent au cours de leurs études est bien moindre que celui d'entre eux qui ont quitté l'école. L ' â g e au mariage et la structure familiale influent sur le taux d'activité des f e m m e s ; la présence au foyer d'enfants en bas âge tend à restreindre le taux d'activité des jeunes f e m m e s adultes, tandis que les f e m m e s plus âgées sont généralement plus nombreuses à faire partie de la main-d'oeuvre car les responsabilités familiales diminuent à m e s u r e que les enfants grandissent. Autres facteurs qui ont des répercussions sur le taux d'activité des divers groupes : la législation et les pratiques patronales relatives à laretraite ; les fluctuations du nombre de travailleurs agricoles ; et les possibilités de travail à temps partiel, encourageant les f e m m e s et les étudiants à participer à la vie économique. L e Tableau VI donne les taux d'activité par âge et par sexe aux Etats-Unis en 1964, ainsi que les projections faites par le Bureau of L a b o r Statisticspour 1970, I975etl980 1 . Une brève description 1. Sophia Cooper et Dennis F . Johnston, Labor Force Projections for 1970-80. Special Labor F o r c e Report n° 49, Bureau of L a b o r Statistics, U S Department of Labor, 1965. TABLEAU V Q U A T R E PROJECTIONS D E L A P O P U L A T I O N E T D E S NAISSANCES A U X E T A T S - U N I S Série A Série B Série C Série D P O P U L A T I O N (EN MILLIONS) 195,1 211,4 230,4 252,1 1965 1970 1975 1980 194,7 209,0 225,9 245,3 194,1 206, 1 220, 1 236,5 194,1 205,9 218,9 233,1 NAISSANCES (EN MILLIONS) Juillet 1965 à 1970 Juillet 1970 à 1975 Juillet 1975 à 1980 24,5 27,9 31,2 22,5 25,7 28,9 Source : Current Population Reports, Series P-25, n° 286, 20, 1 22,8 25,7 19,9 21,7 23,6 U S Bureau of the Census 41 de l'évolution des taux d'activité des divers groupes, et des facteurs pris en considération lors de la projection de ces taux d'activité (Tableau VI), illustrera bien les méthodes employées pour l'établissement des projections de la main-d'oeuvre. L e s divers groupes d'âge et de sexe peuvent être classés, en gros, en quatre catégories, selon les taux d'activité à long terme que laissent prévoir les statistiques actuelles. C e s catégories sont : 1) les h o m m e s se trouvant dans la période médiane d'activité ; 2) les h o m m e s âgés ; 3) les jeunes gens ; 4) les f e m m e s adultes. H o m m e s se trouvant dans la période médiane d'activité. Pratiquement tous les h o m m e s âgés de 25 à 54 ans appartiennent à la population active, à l'exception d'une faible fraction d'invalides, de pensionnaires de maisons de santé, d'individus inaptes au travail pour diverses raisons et de personnes qui ont pris leur retraite tôt. C o m m e l'indique le tableau, plus de 95 % des h o m m e s appartenant à ces groupes d'âge font partie de la population active, tandis que le taux d'activité des h o m m e s entre 55 et 59 ans se situe aux environs de 90%. L e taux d'activité des h o m m e s de 25 à 59 ans a peu varié au cours de l'après-guerre ; aussi le Bureau of Labor Statistics a-t-il considéré, aux fins de ses projections, qu'il était resté constant au niveau m o y e n de 1955-57, alors que le c h ô m a g e était de l'ordre de 4 % . H o m m e s âgés. L e taux d'activité des h o m m e s de 60 à 64 ans a fléchi ces dernières années, tandis que celui des h o m m e s de 65 ans et plus décroît depuis longtemps. C'est ainsi que pour ce dernier groupe d'âge, il est tombé rapidement de 57 % en 1920 à 4 5 % en 1950 et à 2 7 % en 1964. L ' u n des facteurs de ce déclin a été l'extension des syst è m e s de pensions privées, notamment de ceux qui prévoient une pension de retraite anticipée et des pensions d'invalidité, ainsi que la récente réforme de la Sécurité sociale autorisant la retraite à 62 ans avec prestations réduites. U n autre facteur important a été l'exode rural traditionnel vers les villes : l'industrie n'offre généralement pas aux personnes âgées l'occasion de continuer à travailler aussi longt e m p s qu'elles en sont physiquement capables età la m e s u r e de leurs forces, c o m m e c'est le cas de l'agriculture. L e secteur agricole, à la différence des autres secteurs, est encore une branche d'activité relativement importante pour les h o m m e s de ce groupe d'âge. E n conséquence, pour chacun des groupes d'âge avancé, on a extrapolé séparément la fraction de la population totale correspondant aux m e m b r e s du secteur agricole et celle des m e m b r e s des secteurs non agricoles, et on leur a appliqué un coefficient d'accroissement dérivé de l'expansion démographique globale projetée pour obtenir le taux d'activité de chaque groupe d'âge. D ' u n e manière g é nérale, l'hypothèse est que l'évolution des taux d'activité observée depuis 1948 jusqu'à maintenant se poursuivra, m a i s à un rythme décroissant1. Jeunes gens. U n autre groupe dont le taux d'activité a décliné est celui des jeunes gens de moins 42 de 25 a n s . Leur taux d'activité fléchit lentement depuis longtemps déjà. Deux facteurs ont joué sur le taux d'activité des m o i n s de vingt ans et des h o m m e s de 20 à 24 a n s . L e premier est celui que nous avons déjà vu à propos des h o m m e s âgés : l'exode des campagnes vers les villes. Dans la ferme, les jeunes font partie intégrante de l'unité économique familiale et apportent systématiquement leur contribution au travail saisonnier dans les m o m e n t s de pointe ; en ville, les possibilités d'emploi pour les moins de vingt ans sont beaucoup plus limitées. L e second facteur est l'entrée plus tardive des jeunes gens dans la population active. Cela est dû à l'allongement de la période de scolarité, qui résulte en partie des lois surla scolarité obligatoire et sur l'interdiction d'embaucher des enfants, m a i s aussi du fait que notre économie exige une période de formation plus longue et que l'accroissement du revenu familial permet aux jeunes de prolonger leurs études. C o m m e le besoin de travailleurs qualifiés continue à s'accroître, il est à supposer que le n o m b r e de jeunes qui pousseront leurs études plus avant continuera d'augmenter. Les taux d'activité projetés des jeunes gens de m o i n s de 25 ans ont été calculés séparément pour ceux qui font encore des études et pour ceux qui ont quitté l'école. Les taux d'activité de ces deux catégories accusent une très grande différence : en 1965, par exemple, pour les jeunes gens de 18 et 19 ans, ils étaient de 35 % et de plus de 90 % respectivement. Le taux d'activité de certains groupes de jeunes de moins de vingt ans ayant quitté l'école a fléchi ces dernières années, sans doute parce que ces jeunes gens ont été découragés par la concurrence croissante qui s'exerce pour un n o m b r e limité de débouchés. L e s projections indiquées au Tableau VI sont fondées sur l'hypothèse que tous ceux qui chercheront un emploi en trouveront un et que le taux d'activité des jeunes gens ayant quitté l'école se maintiendra au niveau de la moyenne élevée de 1955-57. L e taux d'activité des jeunes qui poursuivent encore des études diminuera légèrement dans l'ensemble, mais augmentera pour les groupes d'âge de 18 et 19 ans et de 20 à 24 a n s . Pour ces deux groupes d'âge, on pense que la tendance se maintiendra. F e m m e s adultes. L e changement sans doute le plus important constaté dans la participation de la population à la main-d'oeuvre active est l'entrée de plus en plus massive des f e m m e s adultes dans le m a r c h é du travail. Plusieurs facteurs ont provoqué ce m o u v e m e n t . L ' e x o d e rural vers les villes, qui a réduit le taux d'activité des moints de vingt ans et des h o m m e s âgés, a eu un effet contraire pour les f e m m e s , L e s possibilités d'emploi sont beaucoup plus nombreuses pour les f e m m e s à la 1. Etant donné que le fléchissement du taux d'activité après 60 ans s'explique en partie par la difficulté de trouver du travail, c'est-à-dire par des circonstances indépendantes de la volonté des intéressés, on a procédé à un ajustement de l'évolution du taux d'activité avant de l'extrapoler. T A B L E A U VI T A U X D'ACTIVITE P A R A G E E T P A R SEXE C H I F F R E S R E E L S P O U R 1960 E T 1964 E T PROJECTIONS P O U R 1970, 1975 E T 1980 Taux d'activité annuels moyens Age et sexe 1960 1964 1970 1975 1980 57,4 56,5 57,5 57,8 58,3 79,7 46,3 22,5 45,9 73, 1 88,9 96,4 96,4 94,3 85,2 89,9 79,5 32,2 45,8 23,5 77,2 43,0 20,6 42,2 72,3 86,6 96, 1 96,0 94,4 84,1 89,6 77,5 27,1 41,7 18,7 77,0 44,4 21,8 43,3 70,3 86,6 96,2 96,7 95,0 84,3 90,5 76,9 25, 1 36,4 18,4 76,9 44,4 21,6 42,8 69,8 86,7 96,2 96,7 95,0 83,9 90,5 76,3 23,4 33,8 77,2 44,8 21,4 42,8 70,2 87,2 96,2 96,7 95,0 83,7 90,5 75,7 21,8 31,3 16,0 36, 1 30, 1 12,8 28,6 51,0 46, 1 35,8 43,1 49,3 36,7 41,7 31,0 10,5 17,3 37,0 28, 1 12,0 26,7 49,9 49,2 37, 1 44,8 51,0 39,8 45,9 32,7 9,6 17,2 5,8 39,1 30,1 12,7 28,9 50,6 50,3 38,6 47,5 55,3 43,8 51,5 34,8 9,8 17,4 5,9 39,9 30,6 13,0 28,8 50,6 51,5 39,3 49,0 57,6 45,7 54,2 36,2 9,8 17,4 6,0 E n s e m b l e des d e u x sexes 14 a n s et plus Hommes 14 ans et plus 14 à 19 ans 14 et 15 ans 16 et 17 ans 18 et 19 ans 20 à 24 ans 25 à 34 ans 35 à 44 ans 45 à 54 ans 55 à 64 ans 55 à 59 ans 60 à 64 ans 65 ans et plus 65 à 69 ans 70 ans et plus 17,1 Femmes 14 ans et plus 14 à 19 ans 14 et 15 ans 16 et 17 ans 18 et 19 ans 20 à 24 ans 25 à 34 ans 35 à 44 ans 45 à 54 ans 55 à 64 ans 55 à 59 ans 60 à 64 ans 65 ans et plus 65 à 69 ans 70 ans et plus Source 6,5 40,6 31,0 13,2 28,8 50,8 52,6 40,3 50,0 59,5 47,3 56,2 37,3 9,9 17,4 6,1 : U S Department of Labor, Bureau of Labor Statistics. ville que dans les campagnes. A u cours des années, les tâches ménagères sont devenues moins absorbantes en raison du plus grand confort des installations modernes, de l'emploi des conserves alimentaires et de n o m b r e u x autres progrès. Il y faut ajouter le fait que le travail rétribué pour les f e m m e s hors de leur foyer est désormais admis par la s o ciété. Quoi qu'il en soit, l'accroissement du taux d'activité des f e m m e s se situe surtout pour les groupes d'âge de 35 ans et plus, c'est-à-dire à partir de l'époque où les derniers enfants ont atteint l'âge scolaire. L e taux d'activité des femmes mariées ayant des enfants en bas âge est beaucoup plus faible que celui des f e m m e s sans enfant ou de celles dont les enfants ont atteint l'âge scolaire. Afin de tenir compte de ce facteur, on a projeté séparément le n o m b r e des f e m m e s mariées de 20 à 44 ans selon qu'elles ont des enfants de moins de cinq ans ou non. L e s taux d'activité des f e m m e s ayant des 43 enfants en bas âge et de celles qui n'en ont pas ont accusé l'un et l'autre une augmentation, mais à partir de niveaux différents. Ces taux ont été projetés et appliqués à chacun des groupes correspondants. S'agissant des femmes de plus de 44 ans, pour qui la présence de jeunes enfants n'est généralement plus un facteur appréciable, l'élément démographique qui détermine le degré et l'importance des variations du taux d'activité est la situation matrimoniale. Le taux d'activité des femmes m a riées et vivant avec leur mari est plus bas que celui des femmes célibataires, veuves divorcées ou séparées de leur mari -tendance qui reflète le besoin accru de suffire à ses besoins ainsi que la différence de responsabilités familiales. Néanmoins, le taux d'activité des femmes mariées a également subi une nette progression. O n a donc effectué, pour tous ces groupes, des projections séparées du taux d'activité par âge, et on les a appliquées aux projections démographiques par situation matrimoniale. L'évolution, telle que nous venons de la décrire, du taux d'activité par sexe et par groupes d'âge aux Etats-Unis, est généralement analogue à celle des pays européens. Par exemple, les projections de main-d'oeuvre pour 1973 et 1980 faites au RoyaumeUni par le Ministère britannique du travail ( et publiées dans le rapport Pajttej^TS_^f_üie_Future, M a n power Studies N° 1, H M S O , Londres 1964)permettent de prévoir que le taux d'activité des femmes m a riées de 20 à 24 ans continuera à décroître ; que le taux d'activité des femmes mariées de 30 à 64 ans continuera à augmenter ; le taux d'activité des personnes âgées de 65 ans et plus (autres que les femmes mariées) diminuera progressivement ; et le nombre relatif de jeunes gens de 15 à 24 ans poursuivant des études à plein temps s'élèvera progressivement. Le rapport conclut : "L'augmentation du nombre des naissances, l'allongement de la période de scolarité à temps complet, l'avancement de l'âge au mariage et l'augmentation de l'espérance de vie après la retraite sont autant de T A B L E A U VII MODIFICATIONS D E L ' E F F E C T I F G L O B A L D E L A P O P U L A T I O N ACTIVE A U X ETATS-UNIS D U E S A L ' A C C R O I S S E M E N T D E M O G R A P H I Q U E E T A U X VARIATIONS D U T A U X D'ACTIVITE E N T R E 1950 E T 1960 (en millions de personnes) Modifications de la population active totale Population active totale 1950 (chiffres réels) 1960 (chiffres réels) 1960 si le taux d'activité n'avait pas changé après 1950 Total Dues à l'accroissement démographique Dues à la variation du taux d'activité Pour les deux sexes 14 ans et au-dessus 64,7 73, 1 71,4 8,3 6, 6 46, 1 3,5 0,1 1,4 2,0 4,7 4,8 0,3 1,2 3,3 2,0 0, 3 0,4 1,2 1,7 Hommes 14 ans et au-dessus 14 - 24 ans 25 - 44 ans 45 ans et au-dessus 49,6 50,7 8,7 8,7 9,1 21,0 16,4 22,4 18,4 22,2 19,4 18,7 23,5 20,7 4,7 8,3 5,8 5,0 9,5 5,0 8,7 7,0 0, 5 1,2 2,9 - 1,2 0,4 0, 2 1,0 Femmes 14 ans et au-dessus 1 4 - 2 4 ans 25 - 44 ans 45 ans et au-dessus 9, 1 Note : Les chiffres ayant été arrondis, les totaux ne correspondent pas toujours exactement à la somme des éléments. "" Source : US Department of Labor, Bureau of Labor Statistics. 44 2,9 0,0 0,8 2,1 facteurs qui ont contribué à gonfler les effectifs des groupes économiquement dépendants de la population. On prévoit que cet accroissement se poursuivra régulièrement au cours des années 60, et m ê m e pendant de nombreuses années à venir." Aux Pays-Bas, le taux d'activité des femmes mariées a suivi une évolution très différente, en raison de facteurs sociologiques et de l'attitude de l'opinion à l'égard des femmes travaillant hors de chez elles1. Dans certains pays, il faut tenir compte aussi des répercussions que les pertes en hommes subies pendant la guerre ont eues sur le taux d'activité des femmes. 3. Effets comparés de l'accroissement démographique et des variations du taux d'activité sur l'effectif de la main-d'oeuvre Le Tableau VII illustre les modifications de la population active aux Etats-Unis entre 1950 et 1960, sous l'effet : (a) de l'accroissement démographique et (b) des variations du taux d'activité. On voit que, pour les femmes, plus de la moitié de l'accroissement de la population active est dû à l'augmentation du taux d'activité. Quant aux h o m m e s , leur taux d'activité ayant fléchi, l'accroissement de l'effectif de la main-d'oeuvre a été inférieur à ce qu'il aurait été sous la seule influence de l'évolution démographique. 4 . Taux d'activité et possibilités d'emploi On note une intensification des recherches sur les relations entre l'évolution de la conjoncture économique et l'augmentation de la population active. Des travaux récents montrent que les variations à court terme de l'emploi se traduisent par des variations de l'offre de main-d'oeuvre et que certains groupes de la population sont plus sensibles que d'autres aux changements qui se produisent dans la situation de l'emploi . On a le droit de penser que les hommes parvenus au milieu de leur vie active seront peu sensibles à l'évolution des possibilités d'emploi, c'est-à-dire qu'ils continueront à faire partie de la main-d'oeuvre active dans un marché en récession c o m m e pendant les périodes proches du plein emploi. Quant aux femmes, aux jeunes gens et aux h o m m e s plus âgés, leur taux d'activité, normalement plus bas que celui des hommes adultes, réagira sensiblement aux modifications de la situation de l'emploi : un besoin accru de main-d'oeuvre les encouragera à prendre ou à conserver un travail ; mais lorsque les possibilités d'emploi diminuent, ils tendront au contraire à poursuivre leurs autres activités - études, travail à la maison, retraite. Une étude récente du Department of Health, Education, and Welfare des Etats-Unis3 indique qu'environ 20% des hommes de 62 ans ou plus qui ont pris leur retraite entre 1957 et 1962 peuvent être considérés c o m m e s'étant retirés de la population active pour des raisons involontaires d'ordre économique. Pour établir ses dernières projections, le B u reau of Labor Statistics s'est efforcé de mesurer l'élasticité de la population active des différents groupes d'âge et de sexe par rapport aux modifications de la situation de l'emploi, afin d'évaluer l'importance des variations de la main-d'oeuvre qui pourraient accompagner à un moment donné le changement qu'on suppose devoir se produire dans la situation économique. Des mesures de ce genre pourraient permettre d'ajuster la projection de base pour qu'elle corresponde à un taux de chômage donné. A cette fin, on a adopté une méthode qui exprime les changements dans le volume de l'emploi et du chômage en écarts par rapport à leurs tendances à long terme. Cette méthode est décrite à la page 138 du Special Labor Force Report, n°49. L'analyse a permis de conclure que l'effet c o m biné des modifications du chômage sur la maind'oeuvre correspond à un rapport de "trois à deux . (Les projections établies correspondent à un taux de chômage de 4 %). Si le taux de chômage passait de 4 à 3 % en 1970, l'effet net de ce changement serait une réduction du nombre des chômeurs d'environ 800.000. Selon la règle de la proportion trois à deux", le nombre des emplois augmenterait d'environ 1.200.000, pour une augmentation nette de la population active évaluée à 400.000 personnes en 1970. Cooper et Johnston en concluent que la répartition de cette main-d'oeuvre nouvelle serait sensiblement influencée à la fois par l'échelonnement dans le temps de l'accroissement de l'emploi et par les moyens utilisés pour réduire le chômage. Si la diminution du taux de chômage se produisait graduellement, elle n'aurait sans doute pas le m ê m e effet que si elle était soudaine. L'augmentation des possibilités d'emploi qui accompagne un relèvement du niveau global de la demande aurait des effets plus marqués sur le nombre des travailleurs additionnels qui viendraient grossir la maind'oeuvre qu'un programme de recyclage centré sur des groupes spécifiques de travailleurs sans emploi. 1. P . de Wolff, "Les Techniques de prévision de l'emploi aux Pays-Bas", dans la brochure de l'OCDE "Prévisions de l'emploi - Session d'études internationale sur les techniques de prévision de l'emploi", Bruxelles, juin 1962. 2. Voir, par exemple, Alfred Telia, The Relation of Labor Force to Employment, Industrial and Labor Relations Review, avril 1964, et Labor Force Sensitivity to Employment by Age, Sex, Industrial Relations, février 1965 ; Kenneth Strand and Thomas Dernburg, Cyclical Variation in Civilian Labor Force Participation, Review of Economics and Statistics, novembre 1964. 3. Erdman Palmore, Retirement Patterns Among Aged Men: Findings of the 1963 Survey of the Aged, Social Security Bulletin, août 1964, p. 3-10. 45 5. Croissance relative de la population active d'un pays à l'autre Dans le rapport du Ministère du travail britannique intitulé The Pattern of the Future, on trouve des comparaisons entre les prévisions récentes de la croissance de la population active au Royaume-Uni et des prévisions analogues concernant certains autres pays d'Europe et les Etats-Unis. La conclusion du rapport est que, bien que les prévisions n'aient pas été établies sur une base uniforme et ne soient donc pas strictement comparables, il est clair que, ces dernières années, la population active a augmenté plus rapidement au Royaume-Uni qu'en France, mais beaucoup plus lentement qu'en République fédérale d'Allemagne. Entre 1960 et 1970, 46 il se peut qu'elle y augmente à un rythme légèrement inférieur à celui de l'ensemble des pays de la Communauté économique européenne. En Suède, le taux d'accroissement est actuellement plus élevé qu'au Royaume-Uni, mais on pense qu'il y subira un fléchissement plus marqué encore qu'au RoyaumeUni pendant les dernières années de la Décennie. Le contraste le plus frappant est celui qui existe entre les pays européens et les Etats-Unis. Entre 1953 et 1963, la population active de ce dernierpays a augmenté deux fois plus vite qu'au Royaume-Uni et ce rythme va en s'accélérant. Pendant les dix années à venir, on prévoit que le taux d'accroissement sera plus de quatre fois plus rapide aux Etats-Unis qu'au Royaume-Uni et dans les pays de la C E E . IV. COMPARAISON DES PROJECTIONS D E L ' O F F R E E T DE L A D E M A N D E C o m m e nous l'avons déjà noté, les projections de main-d'oeuvre ont pour objet de guider l'action future. Prévoir les problèmes qui se poseront dans l'avenir, c'est permettre de prendre en temps o p portun les mesures nécessaires pour en atténuer les effets. Pour jouer ce rôle, les projections doivent être établies d'après des hypothèses clairement formulées. L e s projections de la demande et de l'offre, établies indépendamment, sur la base des facteurs qui influent sur chacune et d'hypothèses générales identiques, peuvent être comparées les unes aux autres, ce qui permet de délimiter les secteurs où des problèmes se posent et d'envisager les solutions possibles. L'importance des déséquilibres que les projections laissent prévoir donneront une idée des dimensions des problèmes et des changements nécessaires. O n peut illustrer cette méthode par un exemple précis : celui des projections de la d e m a n d e et de l'offre d'ingénieurs, d ' h o m m e s de sciences et de techniciens établies aux Etats-Unis enl962 1 . Les projections de la d e m a n d e devaient représenter les besoins du pays de 1960 à 1970, plutôt que le n o m b r e réel des emplois. Elles ont été établies sans tenir explicitement compte des limites de l'offre future. O n n ' a pas non plus pris en considération la réduction possible des besoins qui pourraient résulter des changements dans l'utilisation du personnel technique qui se produiront lorsque l'industrie prendra conscience des rapports futurs entre l'offre et la d e m a n d e . L a méthode utilisée a consisté à projeter la croissance de l'emploi total (dans l'hypothèse d'une situation de plein emploi dans l'ensemble de l'économie) pour chaque industrie utilisant du personnel technique, et de projeter les variations du rapport entre le personnel technique et le n o m b r e total d'emplois dans chaque industrie d'après les tendances récentes et l'évolution de la technologie et de l'emploi du personnel technique dans chaque industrie prise séparément. Dans la plupart des industries, ce rapport s'élevait ; aussi un accroissement continu a-t-il été projeté. (Etant donné que les tendances réelles de l'emploi, par industrie, ont été utilisées pour m e s u r e r les tendances de la d e m a n d e , il faut reconnaître que la situation de l'offre n'a pas été sans effet sur ces m e s u r e s . Mais c o m m e il a pu y avoir des pénuries de m a i n d'oeuvre pendant cette période - pénurie générale, pénuries propres à certaines industries ou localités, ou pénuries de certaines catégories d'ingénieurs - la "véritable" tendance de la d e m a n d e ne correspondait pas pleinement à la tendance réelle de l'emploi. Aussi a-t-on vérifié la projection des besoins à laquelle on a abouti en la rapprochant des tendances et des prévisions des dépenses de recherche et de développement. Des projections types de l'offre de personnel technique ont été établies indépendamment, d'après la croissance de la population appartenant aux groupes d'âge les plus jeunes, d'après les prévisions relatives au rendement de l'enseignement supérieur et les statistiques récentes du pourcentage des jeunes gens qui, à la fin des études supérieures se sont orientés vers des professions scientifiques et techniques. Ces projections avaient pour but de mettre en lumière les rapports qui s'établiraient entre la d e m a n d e et l'offre si aucune m e s u r e spéciale n'intervenait pour agir sur l'une ou sur l'autre. Les deux projections ont été ensuite c o m p a r é e s . L'accroissement de la d e m a n d e d'ingénieurs, par exemple, a été estimé à 552.000 (de 822.000 à 1.374.000) entre 1960 et 1970 ; l'accroissement net de l'offre (compte tenu de la déperdition par décès, retraite, etc.) n'était évalué qu'à 2 8 5 . 0 0 0 . Il est noté dans le rapport qu'un déficit en ingénieurs aussi important était peu probable, et que la situation existante de la main-d'oeuvre s'ajusterait dans une certaine m e s u r e pendant toute la décennie : certains projets et p r o g r a m m e s envisagés pourront être retardés, réduits ou abandonnés ; des mesures seront sans doute prises pour a m é liorer l'utilisation des effectifs d'ingénieurs disponibles, en ayant davantage recours par exemple à des techniciens pour seconder ces ingénieurs et en employant moins d'ingénieurs dans les services de vente. G r â c e à des ajustements continus de ce genre, la d e m a n d e réelle en 1970 sera sans doute sensiblement inférieure à celle qui a été prévue. 1. "Scientists, Engineers and Technicians in the I960's - Requirements and Supply" (établi par le Bureau of Labor Statistics, Department of Labor), National Science Foundation (NSF) 63-64, Washington, 1963. 47 D u côté de l'offre, on pourrait également faire des efforts pour inciter un plus grand n o m b r e de jeunes à choisir les sciences de l'ingénieur et à rester dans ce domaine d'activité après l'obtention du dip l ô m e . L e rapport enumere aussiles mesures qu'on pourrait prendre pour atteindre chacun de ces objectifs : augmentation du n o m b r e et amélioration de la qualité des écoles secondaires et supérieures, orientation professionnelle, motivation, assistance financière, réduction du taux de déperdition des étudiants dans les écoles d'ingénieurs, appel accru aux f e m m e s , perfectionnement des agents techniques devant leur permettre d'assumer de plus grandes responsabilités, recyclage des ingénieurs d'un certain âge et ajustement des taux de rémunération. 48 L e rapport fait enfin remarquer que la possibilité que certaines de ces m e s u r e s soient prises entraîne la nécessité de revoir périodiquement les projections et de les modifier le cas échéant, afin de pouvoir évaluer les progrès réalisés dans l'ajustement de l'offre à la demande. O n voit donc que ce rapport, loin de ne contenir que des "prévisions" stériles de ce qui se produira réellement, formule mainte proposition quant aux m e s u r e s à prendre pour éviter la pénurie prévue de main-d'oeuvre technique, pénurie qui entraverait la croissance économique puisque celle-ci dépend beaucoup des disponibilités en cadres techniques. V. BIBLIOGRAPHIE America's Industrial and Occupational Manpower Requirements, 1964-75, U . S. Department of Labor, Bureau of Labor Statistics Washington, 1966. Cooper, Sophia and Johnston, Dennis, Labor Forces Projections for 1970-80, Special Labor Force Report, N o . 49, Bureau of Labor Statistics, Washington 1965. Aspects économiques de l'enseignement supérieur. Groupe d'étude sur les aspects économiques de l'enseignement, Organisation de coopération et de développement économiques, Paris, 1964. 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