Organisation des soins psychiatriques en milieu pénitentiaire CHAPITRE 4 Psychiatrie légale et criminologie clinique © 2013, Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés Gérard Laurencin Créés en application de la loi n° 85-1468 du 31 décembre 1985 relative à la sectorisation psychiatrique, les secteurs de psychiatrie en milieu pénitentiaire répondent aux besoins de santé mentale de la population incarcérée dans les établissements relevant d'une région pénitentiaire3. Chacun est rattaché à un établissement hospitalier public et comporte un Service médicopsychologique régional (SMPR), aménagé dans un établissement pénitentiaire et placé sous l'autorité d'un psychiatre assisté d'une équipe pluridisciplinaire relevant du centre hospitalier de rattachement. Depuis la loi n° 94-4 du 18 janvier 1994 relative à la santé publique et à la protection sociale, le service public hospitalier est chargé d'une mission globale de soins aux personnes détenues. Il assure les examens de diagnostic et les soins dispensés aux détenus en milieu pénitentiaire et, si nécessaire, en milieu hospitalier, et concourt aux actions de prévention et d'éducation pour la santé organisées dans les établissements pénitentiaires. Toutes les personnes détenues sont immatriculées et affiliées obligatoirement aux assurances maladie et maternité du régime général4 . Chaque établissement pénitentiaire est rattaché par convention à un établissement public de santé, qui crée au sein de l'établissement pénitentiaire, une unité de consultations et de soins ambulatoires (UCSA), animée par une équipe composée de personnel hospitalier. La création en 2002 des unités d'hospitalisation spécialement aménagées (UHSA) ouvre sur l'hospitalisation des personnes détenues atteintes de troubles mentaux dans un établissement de santé, avec ou sans leur consentement5. La loi pénitentiaire n° 2009-1436 du 24 novembre 2009 affirme le respect du droit au secret médical des personnes détenues ainsi que le secret de la consultation et indique que ne peuvent être demandés au personnel sanitaire intervenant en milieu carcéral ni un acte dénué de lien avec les soins ou avec la préservation de la santé des personnes détenues ni une expertise médicale. La prévalence élevée des troubles psychiatriques et mentaux chez les personnes détenues a contribué à poursuivre l'adaptation du dispositif d'offre de soins en santé mentale en milieu pénitentiaire6, traduite dans le guide méthodologique 3 5 4 Décret no 86-602 du 14 mars 1986 relatif à la lutte contre les maladies mentales. Décret no 94-929 du 27 octobre 1994 relatif aux soins dispensés aux détenus par les établissements de santé assurant le service public hospitalier, à la protection sociale des détenus et à la situation des personnels infirmiers des services déconcentrés de l'administration pénitentiaire. 6 La loi no 2002-1138 d'orientation et de programmation pour la justice, titre V : « Dispositions relatives à l'amélioration du fonctionnement et de la sécurité des établissements pénitentiaires ». Plan d'actions stratégiques relatif à la politique de santé des personnes placées sous main de justice, ministère de la Santé et des Sports, ministère de la Justice et des Libertés, octobre 2010. 27 0002017403.INDD 27 9/12/2013 12:09:58 AM Partie I. Psychiatrie légale avant l'incarcération. Les personnes détenues handicapées ainsi que vieillissantes ou âgées, les femmes détenues ont des besoins de santé plus spécifiques. On observe une augmentation récente des actes autoagressifs dans les établissements pénitentiaires. Le taux de suicides sous écrou en France (17 pour 10 000 en 2011) reste un des plus élevé de l'Union européenne, à l'instar du taux de mortalité toutes causes confondues (40,5 pour 10 000).10 Le risque suicidaire est quatre fois plus élevé pour les prévenus que pour les condamnés. Environ 15 % des suicides ont lieu dans les dix premiers jours d'écrou, 2/3 des suicides étant perpétrés au-delà des trois premiers mois. Les personnes détenues se suicident six fois plus que les hommes libres âgés de 15 à 59 ans.11 À noter l'absence de travaux en France sur le suicide en détention et ses rapports avec les troubles mentaux. De longue date, on observe la fréquence élevée des pathologies psychiatriques en milieu pénitentiaire. En 2002, Fazel et Danesh retrouvent chez les hommes incarcérés 3,7 % de psychoses chroniques, 10 % de troubles dépressifs caractérisés et 65 % de troubles de la personnalité incluant 47 % de personnalités antisociales. Chez les femmes, ils font état de 4 % de psychoses chroniques, 12 % de troubles dépressifs et 42 % de troubles de la personnalité.12 La prévalence des troubles schizophréniques dans les prisons françaises selon l'étude publiée en 2006 par Rouillon et Falissard est entre 3,8 et 8 %, celle des psychoses chroniques entre 1,6 et 8 %, les troubles dépressifs concernant 35 à 40 % des personnes détenues.13 On ne retrouve d'études ni sur le lien entre maladies mentales et violences agies en détention ni sur les violences sur la prise en charge sanitaire des personnes placées sous main de justice publié en octobre 20127. Les schémas régionaux d'organisation des soins et le projet régional de santé (SROS-PRS) doivent intégrer l'offre de soins en milieu pénitentiaire et en définir les objectifs et les moyens. L'organisation des soins en milieu pénitentiaire est une composante du projet d'établissement de chaque établissement de santé. Lorsque les soins psychiatriques et les soins somatiques sont sous la responsabilité de deux établissements de santé distincts, l'établissement de santé en charge des soins somatiques est l'interlocuteur privilégié de la direction de l'établissement pénitentiaire. Un protocole détermine les conditions de fonctionnement et rappelle les obligations respectives du ou des établissements de santé et de l'établissement pénitentiaire. Une convention précise les modalités de fonctionnement de ces deux dispositifs de soins. Contexte En 2003, la DREES a procédé à un recueil d'informations sur les facteurs de risque auxquels sont exposés les entrants, les pathologies constatées et les traitements en cours. Si huit entrants sur dix ont été jugés en bon état de santé général, un sur dix se voit prescrire une consultation spécialisée en psychiatrie8. La souffrance psychique en milieu pénitentiaire est attestée par les observations quotidiennes des personnels soignants exerçant en milieu carcéral9. La population détenue est caractérisée par une surreprésentation des catégories sociales en grande précarité, sans travail, sans domicile, sans soutien de l'entourage, au niveau éducatif peu élevé, avec un faible recours au système sanitaire 10 7 8 9 Circulaire interministérielle no DGOS/DSR/DGS/ DGCS/DSS/DAP/DPJJ/2012/373 du 30 octobre 2012 relative à la publication du guide méthodologique sur la prise en charge sanitaire des personnes placées sous main de justice. Mouquet MC. « La santé des personnes entrées en prison en 2003 », DREES, Études et résultats, No 386, mars 2005. « L'évaluation de la souffrance psychique liée à la détention », Rapport final, GRESP-ADNSMPL, juin 2008. 11 12 13 Tournier P-Y. « Les décès sous écrou, réponses pénales, la criminalité en France », rapport 2012, INHESJ/ONDRP. Duthé G, Hazard A, Kensey A, Pan Ké Shon J-L. Suicide en prison : la France comparée à ses voisins européens. Population 1 Sociétés, No 462, Décembre 2009. Fazel S, Danesh J. Serious mental disorder in 23 000 prisoners : a systematic review of 62 surveys. Lancet 2002 ; 16 ; 359(9306) : 545–50. Falissard B, Rouillon F. Prevalence of mental disorders in French prisons for men. BMC Psychiatry 2006. http://www.biomedcentral.com/1471-244X/6/33. 28 0002017403.INDD 28 9/12/2013 12:09:58 AM Chapitre 4. Organisation des soins psychiatriques en milieu pénitentiaire spécialisés ne pouvant être réalisés en milieu pénitentiaire. • Niveau 2. Pour les soins somatiques, les soins en hospitalisation de jour sont assurés en milieu hospitalier, alors que pour les soins psychiatriques, l'hospitalisation de jour est organisée en milieu pénitentiaire au sein d'une unité sanitaire, le cas échéant d'un SMPR. • Niveau 3. Alors que les unités hospitalières sécurisées interrégionales (UHSI) sont concernées par les seules personnes faisant l'objet d'une mesure privative de liberté de façon continue à l'intérieur d'un établissement pénitentiaire18, s'y ajoutent pour les UHSA les personnes hébergées par l'établissement pénitentiaire de façon discontinue (personnes semilibres, bénéficiaires de permissions de sortie et de placements extérieurs avec surveillance de l'administration pénitentiaire)19. subies en détention par les personnes souffrant de troubles mentaux14. Organisation des soins en milieu pénitentiaire Les personnes détenues doivent bénéficier du même niveau de soins médicaux que la population vivant en milieu libre, s'agissant de l'accès au médecin, de l'équivalence des soins, du consentement du patient et de la confidentialité, de la prévention sanitaire, de l'intervention humanitaire, de l'indépendance et de la compétence professionnelle15. Les personnes détenues bénéficient de toutes les dispositions en faveur des droits des patients. Le secret professionnel s'impose à toute personne exerçant au sein des structures sanitaires en milieu pénitentiaire. Le patient détenu prend, avec le professionnel de santé et compte tenu des informations et des préconisations qu'il lui a fournies, les décisions concernant sa santé. Les soins mis en œuvre, sous réserve du consentement des patients, sont adaptés aux troubles psychiques présentés. Toute action favorisant l'alliance thérapeutique doit être recherchée16. L'organisation des soins en milieu pénitentiaire repose sur deux dispositifs, l'un pour les soins somatiques, le second pour les soins psychiatriques, structurés en trois niveaux17 dissymétriques : • Niveau 1. Seuls les soins ambulatoires somatiques peuvent également être assurés en milieu hospitalier lorsqu'ils requièrent des examens 14 15 16 17 Niveau 1 : soins psychiatriques ambulatoires dans les unités sanitaires et les services médicopsychologiques régionaux Les unités sanitaires de niveau 1 incluent un dispositif de soins somatiques (DSS) et un dispositif de soins psychiatriques (DSP). L'activité ambulatoire des services médicopsychologiques (SMPR) relève aussi du niveau 1. Les locaux sont fréquemment vétustes, parfois bien agencés, le plus souvent insuffisants. Le DSP, ou le SMPR le cas échéant, assure l'ensemble des activités de consultations individuelles et de prises en charge de groupe à l'instar des CMP et CATTP. L'accès à l'ensemble de ces activités de soins doit pouvoir être assuré pour tous les hommes et les femmes détenus dont l'état de santé le nécessite. L'administration pénitentiaire doit veiller à optimiser les mouvements de détenus. La réglementation ne prévoit pas l'accueil systé- Dangerosité psychiatrique : étude et évaluation des facteurs de risque de violence hétéro-agressive chez les personnes ayant des troubles schizophréniques ou des troubles de l'humeur, Rapport d'orientation de la commission d'audition, Haute Autorité de santé, mars 2011. Normes du CPT. Conseil de l'Europe, CPT/Inf/E (2002) 1 - Rev. 2010. Plan Psychiatrie et Santé mentale 2011–2015. Ministère des Affaires sociales et de la Santé. Circulaire interministérielle no DGOS/DSR/DGS/ DGCS/DSS/DAP/DPJJ/2012/373 du 30 octobre 2012 relative à la publication du guide méthodologique sur la prise en charge sanitaire des personnes placées sous main de justice. 18 19 Arrêté du 24 août 2000 relatif à la création des unités hospitalières sécurisées interrégionales destinées à l'accueil des personnes incarcérées. Circulaire interministérielle no DGOS/R4/PMJ2/2011/105 du 18 mars 2011 relative à l'ouverture et au fonctionnement des unités hospitalières spécialement aménagées (UHSA). 29 0002017403.INDD 29 9/12/2013 12:09:58 AM Partie I. Psychiatrie légale tiaire ainsi que des locaux adaptés. Elles peuvent s'adresser à des groupes présentant des problématiques particulières. Les ateliers thérapeutiques s'appuient sur divers médias. Le médecin remet au patient des attestations de suivi du traitement à intervalles réguliers. Une réduction supplémentaire de la peine peut être accordée aux personnes condamnées qui manifestent des efforts sérieux de réadaptation sociale, notamment en suivant une « thérapie destinée à limiter les risques de récidive » à l'instar du travail, de la formation ou du remboursement des parties civiles. De fait, le soin peut revenir à une formalité parmi d'autres dans le parcours d'exécution de la peine. La régularité des prises en charge individuelles et groupales est nécessaire à la qualité des soins et prévient de certaines situations d'urgence. Le soin en milieu pénitentiaire intègre la continuité des soins à l'issue de leur période d'incarcération, en facilitant aux patients l'accès aux systèmes de droit commun et en les incitant à prendre en charge leur santé. L'accès aux soins en situation d'urgence doit être assuré pour les personnes détenues hors des heures d'ouverture, notamment la nuit et le week-end. matique des entrants par les DSP ou le SMPR. Les modalités concrètes de l'entretien d'accueil sont définies dans le cadre de protocoles locaux. Il est assuré par le personnel infirmier, parfois des psychologues ou des médecins, précocement après l'incarcération ou de manière différée. Les prérequis aux soins sont le consentement de la personne et la garantie de la confidentialité des échanges. Le prise en charge et l'accompagnement des patients détenus est un élément atténuant la souffrance psychique. Les soignants ne se limitent pas à une seule posture d'attente de la demande du patient mais travaillent fréquemment à son émergence. L'incitation aux soins concerne notamment les personnes souffrant de pathologies mentales ou d'addictions ainsi que les auteurs de violences sexuelles20. Le juge de l'application des peines informe une personne condamnée à un suivi sociojudiciaire comprenant une injonction de soins de la possibilité d'entreprendre un traitement. Il peut aussi proposer à toute personne condamnée pour laquelle un suivi sociojudiciaire pouvait être encouru de suivre un traitement durant sa détention si un médecin estime que cette personne est susceptible d'en faire l'objet. En milieu pénitentiaire, il n'existe ni soins pénalement ordonnés (obligation ou injonction de soins) ni soins sous contrainte (programme de soins21). Les décisions cliniques relatives à la santé des personnes détenues sont fondées sur des critères médicaux. Le personnel de santé exerce son activité en toute indépendance, dans la limite de ses qualifications et de ses compétences22. Les modalités de soins consistent en prises en charge individuelle et groupale. Celles-ci sont plus complexes à développer et nécessitent une bonne coopération de l'administration péniten20 21 22 Niveau 2 : hospitalisation de jour L'hospitalisation en SMPR répond à cette qualification d'activité d'hospitalisation de jour. À terme, l'ensemble de la population pénale d'un secteur géographique donné doit pouvoir avoir accès à cette offre de soins et chaque région disposer d'au moins une unité sanitaire de niveau 2, que ce soit au sein de l'établissement siège du SMPR ou dans un autre établissement. L'hospitalisation de jour en psychiatrie suppose un accès facilité du patient aux différentes activités et consultations tout au long de la journée. Des cellules spécifiques sont dédiées à l'hébergement des patients pris en charge en hospitalisation de jour. Doubles dans la limite d'un tiers du nombre de places, elles sont gérées par l'administration pénitentiaire. Les admissions sont prononcées par le directeur de l'établissement de santé sur proposition médicale. La décision d'affectation au sein d'une cellule d'hébergement est prise par le directeur de l'établissement pénitentiaire sur demande exclusive du médecin responsable, qui décide de la date d'admission et de sortie. L'admission peut être prononcée pour toute personne détenue relevant de Michel L, Brahmy B. Guide de la pratique psychiatrique en milieu pénitentiaire.Paris : Heures de France ; 2005. Loi no 2011-803 du 5 juillet 2011 relative aux droits et à la protection des personnes faisant l'objet de soins psychiatriques et aux modalités de leur prise en charge. Recommandation No R(98)7 du Comité des ministres aux États membres relative aux aspects éthiques et organisationnels des soins de santé en milieu pénitentiaire. Conseil de l'Europe, comité des Ministres, 8 avril 1998. 30 0002017403.INDD 30 9/12/2013 12:09:58 AM Chapitre 4. Organisation des soins psychiatriques en milieu pénitentiaire Expertise en milieu pénitentiaire la zone géographique de son ressort. Le transfert est organisé par l'administration pénitentiaire dans les délais les plus brefs. Les structures d'hospitalisation de jour sont tenues d'organiser la continuité des soins en dehors de leurs heures d'ouverture y compris les dimanches et jours fériés23. Le soin prime de manière temporaire sur les autres aspects de la détention. Les personnels de surveillance tiennent compte de la spécificité des malades détenus pris en charge, respectant le caractère médical de ce lieu de soins. La collaboration entre personnels de surveillance et professionnels sanitaires est indispensable. Des formations d'adaptation à la fonction sont organisées localement. L'expertise médicale d'une personne détenue ne doit pas être réalisée au sein des structures de soins en milieu pénitentiaire et le médecin de l'unité sanitaire ou du SMPR étant médecin traitant ne peut pas être désigné comme expert. En raison du manque patent de psychiatres acceptant des missions d'expertise, les délais de leur réalisation peuvent être suffisamment longs pour conduire à la remise en cause de projets d'aménagement de peine. Niveau 3 : hospitalisations à temps complet avec et sans consentement en milieu hospitalier Coordination régionale La spécificité des SMPR repose sur sa double mission de coordination au niveau régional et de conseil technique auprès des dispositifs de soins en psychiatrie du secteur. Ils promeuvent toute réflexion, animent toute réunion permettant de confronter les expériences et participent à des actions de formation et de recherche24. Les hospitalisations à temps complet intègrent les hospitalisations au sein des unités hospitalières spécialement aménagées (UHSA), les hospitalisations régies par l'article D. 398 du Code de procédure pénale et les hospitalisations au sein des unités pour malades difficiles (UMD). La mise en œuvre d'une hospitalisation d'office en d'application de l'article D. 398 du Code de procédure pénale peut conduire à de vives tensions26. La féminisation des équipes de soins ainsi que la crainte d'une confusion entre les missions de soins et de garde et l'éventuelle recherche en responsabilité en cas d'évasion,27 renforcés par leur constante augmentation, y participent, d'autant que les patients détenus sont souvent perçus comme dangereux ou perturbateurs, souffrant de troubles psychiatriques sévères ou à la recherche de bénéfices secondaires. Le recours très fréquent et souvent inadapté à la chambre d'isolement et à leur maintien durant la durée de l'hospitalisation souvent brève28 ne leur permet pas d'avoir accès à Mission concernant la prévention et l'éducation pour la santé La mission d'éducation pour la santé (EPS) est mise en œuvre dans la grande majorité des établissements. Si les DSS des unités sanitaires sont au centre du dispositif, il existe souvent un partenariat de terrain notamment entre professionnels de santé et professionnels pénitentiaires, facilitant l'élaboration de programmes et la mise en œuvre d'actions nombreuses et variées, dont les thèmes reflètent les problématiques de santé les plus fréquentes des personnes détenues25. 26 23 24 25 Article D6124-304 du Code de la santé publique. Juan F. Le dispositif de soins en santé mentale en milieu carcéral : évolution et actualités, Thèse pour le diplôme d'état de docteur en médecine, qualification : psychiatrie, Université d'Angers, Faculté de médecine, 2005. État des lieux et recommandations sur l'éducation pour la santé en milieu pénitentiaire. Enquête nationale auprès des professionnels de santé sur les conditions de réalisation de l'éducation pour la santé en milieu pénitentiaire. Institut national de prévention et d'éducation pour la santé (INPES), juin 2012. 27 28 Rapport Masse. Bilan et perspectives de la politique de santé mentale en France ; 1992. Kies L. La place du dispositif de santé mentale en prison, Prisons : entre oubli et réforme. Revue de Sociologie et d'Anthropologie 1998, 5 : 49–58. Granier Thémines J. Approche des rapports entre psychiatrie et justice. Illustration à partir de l'étude de 92 patients détenus sur Toulouse hospitalisés d'office entre 2000 et 2006 selon l'article D398 du Code de procédure pénale et/ou l'article 122-1 alinéa 1 du Code pénal. Thèse pour le diplôme d'état de docteur en médecine, Université Toulouse III-Paul-Sabatier, Facultés de médecine, 27 juin 2007. 31 0002017403.INDD 31 9/12/2013 12:09:58 AM Partie I. Psychiatrie légale l'éventail des soins hospitaliers, sans évoquer le respect de leur dignité29. L'hospitalisation au sein d'une UHSA est le principe général pour toute hospitalisation complète en psychiatrie d'une personne détenue30. L'UHSA est une unité hospitalière implantée au sein d'un établissement de santé, sécurisée par l'administration pénitentiaire. Elle accueille des personnes hébergées en établissement pénitentiaire, de façon continue discontinue, des deux sexes, y compris mineures, souffrant de troubles psychiatriques et nécessitant une hospitalisation à temps complet, avec ou sans consentement. La première tranche du programme de construction des UHSA comporte 440 places pour neuf unités31, la seconde 265 places pour huit autres dont les établissements de santé d'implantation ne sont pas encore fixés. Le débat technique et éthique autour des UHSA n'est pas épuisé32, dispositif de soins utile et pertinent dans le parcours de soins d'un patient ou maillon d'une filière de soins psychiatriques dédiée à la population sous mains de justice parallèle à l'organisation psychiatrique de droit commun. Le projet médical et à sa mise en œuvre président à sa réalisation architecturale et à son fonctionnement. L'équipe pluridisciplinaire propose des modalités de soins équivalentes aux autres unités d'hospitalisation de l'établissement de santé. L'administration pénitentiaire assure les transferts, le contrôle des entrées et des sorties et n'est pas présente au sein de l'unité de soins, sauf en cas 29 30 31 32 de demande de prêt de main-forte du personnel soignant. Les modalités générales de fonctionnement ont été définies conjointement par les trois ministères impliqués (respectivement en charge de la Santé, de la Justice et de l'Intérieur)33 et sont déclinées localement dans un règlement intérieur. L'hospitalisation de patients consentants n'est possible qu'en UHSA et représente entre la moitié et les deux tiers des admissions. Les hospitalisations sans consentement sont régies par la loi du 5 juillet 2011 et entrent dans le cadre de la mission de service public n° 11 de l'article L6112-1 du Code de la santé publique. Seules sont possibles les hospitalisations décidées par le représentant de l'État et la seule modalité possible de prise en charge est l'hospitalisation à temps complet. Dans l'attente de la finalisation des deux tranches du programme UHSA, les hospitalisations au titre de l'article D398 du CPP restent possibles au sein des établissements de santé autorisés en psychiatrie. Ces hospitalisations se déroulent sans gardes statiques ni surveillance de l'administration pénitentiaire ni des forces de l'ordre. L'admission dans une unité pour malades difficiles (UMD) concerne les patients présentant une dangerosité psychiatrique et s'effectue dans l'UMD34 la plus proche du lieu d'hospitalisation du patient, sous réserve des disponibilités. Quelques spécificités Quelques spécificités sont propres à l'intervention en milieu pénitentiaire : consultations postcarcérales, crises suicidaires, prise en charge des auteurs de violences sexuelles et partage d'informations Avis du 15 février 2011 du Contrôleur général des lieux de privation de liberté relatif à certaines modalités de l'hospitalisation d'office. Lambert C-E, Bied C, Meunier F, Becache E, Massoubre C. Les Unités hospitalières spécialement aménagées : perspectives et appréhensions face à une nouvelle institution psychiatrique dans le paysage pénitentiaire français, Psychiatrie et violence, Volume 11, numéro 1, 2011–2012. Les UHSA du Centre hospitalier Le Vinatier à Bron, du CH départemental Georges-Daumezon à Fleuryles-Aubrais, du Centre psychothérapique de Nancy à Laxou et du Centre hospitalier Gérard-Marchant à Toulouse sont ouvertes. L'ouverture des UHSA du CHRU de Lille, du CH Guillaume-Régnier à Rennes, du Groupe hospitalier Paul-Guiraud à Villejuif, du CH de Cadillac et de l'Assistance publique-Hôpitaux de Marseille est prévue à court ou moyen terme. Normes du CPT, Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (CPT), Strasbourg, décembre 2011. Consultations postcarcérales En avril 200935, 23 consultations postcarcérales étaient identifiées dont 11 rattachées à des 33 34 35 Circulaire interministérielle DGOS/R4/PMJ2/2011/105 du 18 mars 2011 relative à l'ouverture et au fonctionnement des unités hospitalières spécialement aménagées (UHSA). Albi, Bron, Cadillac, Châlons-en-Champagne, MonestierMerlines, Montfavet, Sarreguemines, Sotteville-lèsRouen, Plouguernével et Villejuif. Séminaire « Politique de santé des personnes détenues - Organisation de la santé mentale et de pénitentiaire », DHOS, 29 et 30 avril 2009. 32 0002017403.INDD 32 9/12/2013 12:09:58 AM Chapitre 4. Organisation des soins psychiatriques en milieu pénitentiaire SMPR. La mise en place de ces consultations postcarcérales s'appuie sur la difficulté à mettre en œuvre la continuité des soins en milieu libre et la perception d'une compétence particulière au carrefour de la criminologie et de la santé mentale. Ces consultations peuvent être vues comme un dispositif utile d'évaluation ou de relais vers les dispositifs de droit commun, ou comme un maillon d'une filière de soins psychiatriques dédiée à la population sous mains de justice, ou l'ayant été, parallèle à l'organisation sectorielle psychiatrique de droit commun. et d'éducation pour la santé. Le personnel du centre de soins d'accompagnement et de prévention en addictologie (CSAPA) référent assure la mise en relation du patient avec des partenaires extérieurs. Une dizaine d'établissements pénitentiaires de grande densité carcérale disposent d'un CSAPA en propre qui dépend de l'établissement de santé de rattachement. Le pilotage de la prise en charge des addictions est confié à un intervenant du DSS, mais peut l'être par convention à un professionnel du service assurant les soins psychiatriques.38 Les secteurs de psychiatrie générale et les secteurs de psychiatrie en milieu pénitentiaire sont paradoxalement aussi positionnés au premier plan39. Un protocole organisationnel local acte de la nomination de la personne coordinatrice, du CSAPA référent et de la place et du rôle des différents intervenants. Crise suicidaire : prévention, repérage et prise en charge « Pour avoir une atmosphère propice à la prévention, le stress et l'anxiété des personnes détenues sont à réduire au maximum en particulier grâce à de bonnes relations entre les détenus et le personnel pénitentiaire, à des conditions de vie décentes, à l'assurance de ne pas être brutalisé, au maintien des liens familiaux ainsi qu'à des activités constructives et valorisantes »36. L'évaluation du potentiel suicidaire peut être effectuée par les personnels sanitaires, pénitentiaire, autres… et intègre trois dimensions : le risque, l'urgence et la dangerosité.37 La coordination est essentielle. Un entretien avec un personnel de santé est proposé aux personnes repérées comme étant en crise suicidaire. La gestion des dispositifs de protection d'urgence et les cellules de protection d'urgence, qui ont pour objet l'urgence et la dangerosité, appartiennent à l'Administration pénitentiaire. Des formations sur la crise suicidaire à destination des professionnels de santé, du personnel de l'administration pénitentiaire et d'autres intervenants sont organisées. Prise en charge sanitaire des auteurs de violences sexuelles Le principe d'un dispositif spécifique relatif à la prise en charge sanitaire des auteurs de violences sexuelles a été instauré en 1998 avec la création du suivi sociojudiciaire et l'injonction de soins.40 Les lois relatives à la prévention de la récidive ou à la rétention de sûreté en ont élargi le champ d'application. La personne condamnée doit exécuter sa peine dans un établissement pénitentiaire lui permettant un suivi médical et psychologique adapté. Vingt-deux établissements pénitentiaires ont été désignés comme spécialisés dans l'accueil des auteurs de violences sexuelles, disposant de moyens sanitaires accrus permettant une offre de soins psychiatriques et psychologiques plus développée. Leur prise en charge dans les établissements pénitentiaires non spécialisés ne fait pas l'objet d'une organisation de soins spécifique. Des thérapies et des activités Conduites addictives La prise en charge globale intègre le repérage, le diagnostic, la définition d'un projet de soins adapté, la préparation à la sortie, la politique de réduction des risques et les actions de prévention 38 39 36 37 Rapport de mission du Professeur Terra, « Prévention du suicide des personnes détenues », décembre 2003 (p. 133). ANAES, Conférence de consensus « La crise suicidaire : reconnaître et prendre en charge », octobre 2000. 40 Instruction N°DGS/MC2/DGOS/R4/2010/390 du 17 novembre 2010 relative à l'organisation de la prise en charge des addictions en détention. Décret no 2010-1635 du 23 décembre 2010 portant application de la loi pénitentiaire et modifiant le Code de procédure pénale (troisième partie : Décrets). Loi no 98-468 du 17 juin 1998 relative à la prévention et à la répression des infractions sexuelles ainsi qu'à la protection des mineurs. 33 0002017403.INDD 33 9/12/2013 12:09:58 AM Partie I. Psychiatrie légale thérapeutiques de groupe, le cas échéant spécialisées, peuvent être proposées. Les auteurs de violence sexuelle représentent une population qui doit être prise en charge par le dispositif de soins psychiatriques de la même manière que tout patient tout en respectant les spécificités du cadre et des modalités de soins41. Les centres ressources pour les intervenants auprès des auteurs de violences sexuelles42 (CRIAVS) peuvent être sollicités par les équipes soignantes des établissements pénitentiaires. à certaines données après habilitation par le chef d'établissement.45 Dès lors qu'il existe un risque sérieux pour la sécurité des personnes au sein des établissements pénitentiaires, les personnels soignants y intervenant et ayant connaissance de ce risque sont tenus de le signaler dans les plus brefs délais au directeur de l'établissement en lui transmettant, dans le respect des dispositions relatives au secret médical, les informations utiles à la mise en œuvre de mesures de protection46. S'il est réitéré que le partage d'informations opérationnelles entre professionnels de santé et de l'administration pénitentiaire s'exerce dans le respect du droit au secret médical, les dispositifs de partage d'information organisés écornent in fine l'indépendance des médecins et le secret médical. Partage d'information La commission pluridisciplinaire unique (CPU)43 est un dispositif pénitentiaire présidé par le chef de l'établissement pénitentiaire. Elle a pour objet l'examen des parcours d'exécution de peine (PEP) des personnes condamnées. Sa consultation est facultative pour toute autre situation le justifiant. Les professionnels de santé représentants des unités sanitaires, désignés par l'établissement de santé de rattachement, y sont convoqués en fonction de l'ordre du jour dans le but d'une prise en charge plus adaptée des personnes détenues grâce à une meilleure articulation entre les professionnels, dans le respect du secret médical. Le cahier électronique de liaison (CEL) est mis en place par l'administration pénitentiaire. Les personnels hospitaliers ne doivent en aucune façon porter dans le CEL des éléments d'information couverts par le secret médical.44 Ils peuvent accéder 41 42 43 44 Conclusion Les besoins en santé mentale et en soins psychiatriques se sont fortement accrus au cours de ces dernières décennies. Depuis près de 40 ans, l'évolution de l'organisation des soins en milieu pénitentiaire a eu pour but de se rapprocher du droit commun. L'exercice de la psychiatrie en milieu pénitentiaire n'a pas tant pour objet de concourir au service public pénitentiaire que d'être durant le temps de son incarcération un des éléments du parcours de soins des patients, intégrant leur poursuite en milieu libre dans les dispositifs de droit commun et n'est possible que dans le respect de fondamentaux de la médecine. Le passage des soins « aux détenus » aux soins « à la population sous main de justice » est un changement de paradigme radical qui ouvre sur la construction d'une filière spécifique en rupture avec les fondements de la psychiatrie en milieu pénitentiaire. Guide de l'injonction de soins, ministère des Affaires sociales et de la Santé, 31 août 2009. Circulaire DHOS/F2/F3/F1DSS/A1/2008/264 du 8 août 2008. Décret no 2010-1635 du 23 décembre 2010 portant application de la loi pénitentiaire et modifiant le Code de procédure pénale. Circulaire interministérielle DGS/MC1/DGOS/R4/ DAP/DPJJ no 2012-94 du 21 juin 2012 relative aux recommandations nationales concernant la participation des professionnels de santé exerçant en milieu carcéral à la commission pluridisciplinaire unique (CPU) prévue par l'article D90 du Code de procédure pénale ou à la réunion de l'équipe pluridisciplinaire prévue par l'article D514 du même Code et au partage d'informations opérationnelles entre professionnels de santé et ceux de l'administration pénitentiaire et de la protection judiciaire de la jeunesse. 45 46 Décret no 2011-817 du 6 juillet 2011 portant création d'un traitement de données à caractère personnel relatif à la gestion informatisée des détenus en établissement (GIDE). Article L6141-5 du Code de la santé publique. 34 0002017403.INDD 34 9/12/2013 12:09:58 AM