UNIVERSITE LIBRE DE BRUXELLES Eléments de description de l

UNIVERSITE LIBRE DE BRUXELLES
Faculté de Philosophie et Lettres
Eléments de description de l’orungu
Langue bantu du Gabon (B11b)
Odette AMBOUROUE Thèse présentée en vue de l’obtention du
grade académique de
Docteur en Philosophie et Lettres; Orientation: Linguistique
Sous la co-direction de Mesdames
Betty VANHOUDT
Claire GREGOIRE
Année académique
2006-2007
1
INTRODUCTION
Les parlers du groupe myènè ont bénéficié d’un certain intérêt dans les études
linguistiques bantu. Toutefois, les acquis sont fragmentaires et portent sur des points
précis de la langue. Aussi avons-nous choisi de réaliser une étude globale de la langue,
du moins de sa variante orungu qui, jusqu’ici, n’a quasiment pas été décrite.
L’orungu, classé en B11b par Guthrie, est l’un des parlers utilisés par un groupe
socio-culturel qui se désigne sous le nom de Ngwè-myènè
1
ou sous celui de Myènè,
dénomination administrative qui est de plus en plus employé. Cet ensemble regroupe les
Mpongwè de l’estuaire du Gabon, les Nkomi, les Galwa, les Adyumba et les Enénga du
Bas-Ogooué. On a souvent, à tort, intégré le benga dans ce groupe, alors qu’il n’y a pas
d’intercompréhension entre cette langue et les parlers omnè. Les membres de cette
communauté essentiellement linguistique parlent l’
omy
3
n
(le myènè) dont les
variantes dialectales sont dans l’ordre :
/eowan/
,
/euwan/
,
/ealwan/
,
/eomyan/
,
/edyumbyan/
et
/eneyan/
. "Ce groupe couvre une forte unité
sociologique, tant et si bien qu’on a confondu le nom de la langue (mye ne : je dis) avec
le nom de l’ancêtre, assimilant a priori langue et race ou langue et ethnie"
2
.
La présente étude concerne donc l’omyènè-orungu, c'est-à-dire la variante en
usage dans la région de Port-Gentil, chef lieu de la province de l’Ogooué-Maritime, et
dans quelques villages au bord de l’Ogooué, principalement dans le village Abélogo1
d’où nous sommes native. On ne saurait faire l’étude d’une langue, sans faire référence
au peuple qui la parle. Ainsi, dans les lignes qui suivent, nous présenterons brièvement
le peuple
wmy
3
n.
Localisation et démographie
Les Ngwè-myènè, peuple côtier et lacustre occupent une large partie de la côte
ouest du Gabon allant de Libreville jusqu’au Vernan-Vaz, qui regroupe les provinces de
l’Estuaire, de l’Ogooué-Maritime et du Moyen-Ogooué. Installés à Libreville et à la
Pointe Denis, sur les rives droite et gauche de l’Estuaire, les Mpongwè constituent la
partie septentrionale du groupe. En longeant la côte vers le sud, on trouve
successivement les Orungu du Cap Lopez et les Nkomi du Fernan-Vaz. Au niveau du
1
« Mère des Myènè ».
2
AMBOUROUE-AVARO J., 1981, Un peuple gabonais à l’aube de la colonisation : le Bas-Ogowe au
XIXe siècle, Paris, Karthala, pp. 50-51.
2
delta de l’Ogooué, entre Omboué et Port-Gentil, en remontant le fleuve, on trouve les
Galwa dans la gion des lacs et à Lambaréné, les Adyumba au lac Azingo et les
Enénga au lac Zilè.
«Le pays des Orungu ou Eliwa-Bendje est un pays maritime. Il comprend l’île
Mandji proprement dite, mais aussi et surtout les pays de la baie de Nazareth
(Orembogange) avec ses nombreuses criques, la côte jusqu’à Osengatanga. La limite
théorique avec les terres des Mpongwè au nord est la rivière Awanyè et le lieudit
Lyanyè. On y trouve de vieux sites et d’anciens villages comme Apomandé, Mbilapè,
Abunawiri et Wézè dans les parages de l’Orembogange, Izambè ou Mpémbé,
Osengatanga sur la côte nord. Mais le "Cap Lopez " historique s’étend aussi en
profondeur sur la rive droit de l’Ogowe jusqu’à "Dambo"»
3
.
La population ngwè-myènè est estimée à 46743
4
habitants, répartie comme suit :
- 1000 à 2000 Adyumba
- 1000 à 5000 Enénga
- 2000 à 11000 Galwa
- 1000 à 4000 Mpongwè
- 10000 Orungu
- 20000 Nkomi
On constatera que ces chiffres sont vagues et approximatifs sauf pour les Orungu
et les Nkomi. De manière générale, l’orungu (comme la quasi-totalité des langues
gabonaises) se pratique dans le cadre familial ou dans les palabres coutumières. La
tentative d’introduction des langues nationales dans l’enseignement est, en effet, encore
au stade embryonnaire.
Organisation sociale et politique
Structure familiale et clanique
Le mode de vie des anciens, leur organisation sociale et politique étaient
étroitement liés à leur niveau technique. Mais ces techniques, élaborées par les hommes
au moment de leur fixation, ont considérablement évolué jusqu’à disparaître
complètement aujourd’hui. Elles ont été plus ou moins remplacées par des techniques
importées. Pourtant le type d’organisation sociale et politique qui en dépendait n’a pas
encore tout à fait disparu. Ainsi, la société Ngwè-myènè (excepté les Mpongwè) est
3
AMBOUROUE-AVARO J., op cit p.104.
4
http.//www.ethnologue.com/
3
matrilinéaire, comme la quasi-totalité des sociétés gabonaises. Elle se rattache au type
de sociétés segmentaires les relations claniques, lignagères et parentales jouent un
rôle fondamental. On rencontre par ordre de complexité croissante :
- la famille nucléaire (
/nyomba/
qui vient
de +yomba
"(se) marier").
- la progéniture (
/o/
ou
/w/
) qui désigne l’ensemble des enfants
issus d’une même mère.
- le clan (
/mbuwe/
) qui est la pierre angulaire des systèmes fondés sur la
parenté. Il regroupe des individus se réclamant d’un ancêtre commun. Le
culte totémique ayant disparu, le clan se rattache plus fréquemment à un
ancêtre humain, souvent mythique. Ainsi de lignage, le groupe devient clan.
- le lignage (
/ozmb/
) est fini comme "le sous-groupe" matrilinéaire du
clan par Agondjo-Okawé. Il dépend du clan. Comme le clan, le lignage se
rattache à une femme-ancêtre dont on ne peut savoir de quelle femme elle
descend elle-même. «Sans personnalité juridique en raison de sa dynamique
propre et des tensions qui l’opposent ou pourraient l’opposer au clan, le
lignage est un clan en puissance. La prolifération des clans et leur
renouvellement ne sont que la consécration de l’indépendance plus ou moins
affirmée d’anciens lignages par scission »
5
. A l’origine, la société myènè
était donc matrilinéaire puisque le mot
/ozmb/
dérive de
/ezmb/
«sœur». Etymologiquement, la traduction de
/ozmb/
est donc
«matrilignage». Aussi la venue au monde d’un enfant de sexe féminin est-
elle saluée avec le plus grand enthousiasme, d’où l’expression :
/mbuwe n ezmb ee dyla/
« un clan (avec) une sœur ne peut
disparaître». Les pouvoirs sont concentrés dans le clan maternel et entre les
mains de l’oncle maternel qui est pratiquement le "père" de ses neveux et qui
possède sur eux des droits étendus. Corrélativement la transmission des biens
se fait d’un homme aux fils de ses sœurs, l’aîné ayant la plus grande part. Il
s’agit des biens personnels, car la propriété immobilière est clanique et
collective. Mais avec le changement des conditions d’existence, la société
orungu, comme les autres sociétés constituant le groupe myènè, a évolué
vers un système mixte voire patrilinéaire avec une affirmation de la
patrilocalité.
5
AGONDJO-OKAWE P., 1967, Structures parentales gabonaises et développement p. 58
4
Le mariage est exogamique : on se marie en dehors du clan
/mbuwe/
et du
lignage
/ozmb/
. Cependant cette règle présente des exceptions
6
. On distingue en
effet :
- le mariage intraclanique (
/oyombano w mbuwe mo/
«le mariage du
même clan») soit avec une autorisation, soit à titre pénal, pour régulariser un
inceste.
- le mariage intralignager dit «cloches du village» (
/aelee m kala/
),
la cloche étant le symbole de la puissance et de l’autorité. Un tel mariage
renforce le droit du clan sur les enfants car le père n’est pas un étranger.
C’est par conséquent un mariage politique.
Organisation politique
7
L’organisation politique était de nature patriarcale. Le pouvoir était détenu par
une minorité de vieux et le chef était assisté par l’assemblée des anciens. A l’époque
ces systèmes ont été créés, il était normal qu’il en fût ainsi car la connaissance reposait
sur l’expérience directe et l’âge était le critère de la connaissance. On parlera à juste
titre de gérontocratie. Ainsi donc la société traditionnelle myènè se caractérisait par
l’absence d’Etat et même, à la limite, d’organisation politique spécialisée, l’autorité
oscillant entre quatre formes emboîtées :
- la chefferie de village et de lignage, circonscrite à la case (
/nao/
) et dont
l’autorité représente une forme politique mineure, est assumée par l’aîné du
lignage, l’aîné de la famille paternelle étendue.
- la chefferie de clan est basée sur la propriété terrienne (
/nce/
). Le chef de
clan a pour mission l’organisation de l’espace et l’administration des choses.
- la chefferie d’ethnie (
/n/
) ou royaume est la forme supérieure du
pouvoir. Le royaume inclut l’ensemble des clans parmi lesquels on choisit le
chef (
/oa/
). Traditionnellement, le roi avait pour mission de veiller à la
cohésion interne des clans et à la protection de ceux-ci contre les agressions
externes.
6
AGONDJO-OKAWE P., Structures parentales gabonaises et développement, p.84
7
AMBOUROUE-AVARO J., op cit, p.67-70
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