Le peuple juif quinte

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Lectures bibliques: Genèse 17.1-8; Ezéchiel 11.14-20; Romains 11.17-24
Il y a quelque temps, Joël Reymond me posait cette question: «Est-il facile pour
un pasteur d’aborder la question du peuple d’Israël au cours d’une prédication?»
Pour ma part, j’aborde volontiers la question du peuple d’Israël, sous l’angle
rassembleur. Parler de ce peuple, c’est parler de mes racines. Cette année, grâce
à mon collègue Stefan, nous avons eu la possibilité de nous connecter avec nos
racines spirituelles. Par une série de conférences sur les fêtes du calendrier juif,
il nous a permis de mesurer la richesse de ce que nous apporte l’histoire de ce
peuple. Ses fêtes ont donné nos fêtes; ce peuple nous a donné notre Seigneur,
Jésus-Christ. Je me sens honoré d’avoir pour Dieu le Dieu d’Abraham, d’Isaac
et de Jacob. Ils sont mes pères spirituels, ma foi remonte jusqu’à eux.
En été 2008, le Conseil du dialogue interconfessionnel de notre Eglise a publié
un document. Ce document dit comment l’Eglise réformée vaudoise entend
entretenir une relation particulière avec la communauté israélite. Pour
commencer, nous reconnaissons que nos relations avec le judaïsme relève d’un
ordre particulier. Pour nous, le judaïsme n’est pas une religion parmi d’autres.
Puisque nous sommes issus de la même racine. Cf. Paul en Romains 11.17s:
«Israël est comme un olivier auquel Dieu a coupé quelques branches; à leur
place, il t’a greffé, toi qui n’es pas juif, comme une branche d’olivier sauvage:
tu profites maintenant aussi de la sève montant de la racine de l’olivier. C’est
pourquoi, tu n’as pas à mépriser les branches coupées. Comment pourrais–tu te
vanter? Ce n’est pas toi qui portes la racine, mais c’est la racine qui te porte.»
Nous sommes de la famille d’Israël. Nous avons un tronc commun et même
davantage: par son histoire, Israël est notre tronc, notre origine. Nous reposons
sur lui. Le peuple élu est un olivier, nous dit Paul. Il dit ensuite que nous, les
chrétiens, nous sommes des branches d’olivier sauvage. Ainsi donc, nous, juifs
et chrétiens, sommes de la même veine, de la même espèce, du même bois. Nous
sommes du même arbre, l’olivier. Nous partageons une identité commune.
Dans l’histoire de l’Eglise, il y a eu des temps où on a longtemps professé
qu’Israël avait été «déshérité» ou «remplacé» dans le plan de Dieu. Il y a eu des
époques où le peuple chrétien s’est considéré comme le «nouvel Israël», le
nouvel élu. On justifiait ce rejet en accusant les juifs d’avoir été les «meurtriers
du Christ.» Face à cet état d’esprit, notre Eglise affirme qu’Israël n’a pas été
déshérité ni remplacé par qui que ce soit. Dans le cœur du Dieu de la Bible,
Israël conserve sa place de peuple élu.
Nous croyons donc que le «peuple de Dieu» reste unique et singulier. Israël est
pour nous ce frère aîné de la parabole du fils cadet qui est parti. Ce frère aîné qui
ne veut pas entrer dans la fête. Mais ce frère pour lequel le père est sorti de la
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maison pour le presser d’entrer. Aujourd’hui encore, le Père appelle son peuple
à entrer dans l’alliance de la grâce. Son regard est encore tourné vers ce peuple
qui lui résiste. Et nous chrétiens, qui avons le privilège de connaître la grâce,
nous qui avons reçu l’alliance, nous qui sommes dans la maison de la fête,
n’oublions pas notre frère aîné qui a tellement de peine à entrer. Nous avons à
honorer une solidarité familiale. Vous le savez comme moi, dans une famille, on
n’oublie pas son frère, on n’oublie pas celui qui s’est éloigné. On ne rejette pas
son frère. Prions pour ce frère aîné, prions pour son illumination. Espérons pour
sa réconciliation avec le Père.
Dieu n’a pas révoqué son alliance avec Israël. Paul est très clair: «Je demande
donc: Dieu aurait–il rejeté son peuple? Certainement pas! Dieu n’a pas rejeté
son peuple, qu’il s’est choisi d’avance» (Romains 11.1s). En parlant des
alliances qui parcourent l’AT, on peut distinguer trois types d’alliance. Chacune
n’a pas le même statut. Primo, on connaît l’alliance faite à Noé. C’est une
alliance que Dieu conclut avec la création et l’humanité entière. C’est une
alliance de patience et de miséricorde. Par elle, l’Eternel renonce à sa colère.
Elle vaut jusqu’à la fin des temps.
Deuxio, il y a les alliances que Dieu a conclues avec les membres du peuple
d’Israël. A commencer par Abraham (Genèse 17): une alliance qui comprend
une nombreuse descendance et un pays. C’est même avec le peuple entier que
Dieu fait une alliance particulière, par Esaïe (59.21): «Voici l’engagement que je
prends envers ceux–là: Mon Esprit reposera sur vous, je vous confie mon
message dès maintenant et pour toujours. Je ne vous retirerai jamais cette
mission, ni à vous, ni à vos enfants, ni aux enfants de vos enfants. C’est moi qui
le déclare.» Israël est le signe de l’Eternel au milieu des nations, c’est sa
mission. Ces alliances avec les membres du peuple juif sont inconditionnelles.
Ce sont des alliances que Genèse 17 qualifie d’éternelles.
Tertio, nous avons l’alliance du Sinaï. Ce sont ces nombreux commandements
que Dieu a donnés à Moïse, que nous trouvons dans les livres de la Torah. C’est
le don de la loi, les lois des sacrifices, les lois de la purification, les lois
rattachées au tabernacle. Ce sont des prescriptions que le peuple est appelé à
observer. Avec la venue du Christ, le NT parle d’une nouvelle alliance: «Le
Christ est l’intermédiaire d’une nouvelle alliance» (Hébreux 9.15-23). Mais
cette alliance n’est nouvelle que par rapport à cette 3ème alliance de l’AT, celle
de la loi de Moïse. En revanche, l’alliance de Noé comme celle conclue avec le
peuple d’Israël restent d’actualité. Elles n’ont pas subi de modifications avec la
venue de Jésus. Le plan de Dieu pour Israël, son peuple, court toujours.
Pour être complet, on mentionnera encore ce qu’ont annoncé plusieurs prophètes
(Esaïe 2, Michée 4, Zacharie 14). Savoir que dans la suite des temps, nous
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assisterons à un pèlerinage des nations à la montagne de Zion, la colline du
temple, à Jérusalem: «Un jour, Zion dominera les montagnes, elle sera la plus
haute. Alors toutes les nations afflueront vers elle» (Esaïe 2.2). Dans cette vision
de l’histoire, les nations et Israël se retrouveront ensemble pour célébrer
l’Eternel. Dans ces «nations», on peut y reconnaître l’Eglise dans toutes les
nations. Le temps viendra où Israël reconnaîtra son Dieu. Et l’Eglise sera
associée à cette reconnaissance. Par conséquent, Israël et l’Eglise convergent
vers un même avenir. C’est la même promesse, la même espérance qui nous
unissent.
Forte de ces convictions, en regard de notre actualité géopolitique, notre Eglise
est claire dans sa considération du peuple juif. Elle croit que la fondation de
l’Etat d’Israël en 47 est un événement décisif pour l’identité juive. Elle croit
aussi que la ville de Jérusalem a une vocation particulière dans l’histoire de
toute l’humanité. Elle croit enfin qu’il y a un mystère de Dieu attaché au sort
d’Israël. Le projet de Dieu pour les nations et pour l’Eglise s’accomplira en
liaison avec la destinée d’Israël. Cf. Charles Westphal (pasteur de l’Eglise
Réformée de France, actif dans la résistance, apportant son aide aux juifs), en
1947: «Le mystère d’Israël est inséparable du mystère de l’Eglise, il est notre
mystère. Objets de la même révélation, de la même vocation, appelés au même
jugement, promis au même Royaume, nous ne serons pas sauvés, au dernier
jour, les uns sans les autres.»
Par conséquent, notre Eglise affirme que ce peuple occupe une place particulière
dans le cœur de Dieu. Dans ce sens, notre Eglise a pris quelques engagements.
Je vous en donne 5: Elle s’engage à approfondir sa relation avec la communauté
juive. Elle prie pour que s’accomplisse le projet de Dieu pour le peuple juif et
pour les nations. Elle combat l’antisémitisme au sein de l’Eglise comme dans le
monde. Elle refuse toute désinformation de tendance antisémite liée aux
événements politiques. Elle est attentive aux dates des fêtes juives et les évoque
(merci Stefan!).
Je vous laisse avec une autre déclaration de Ch. Westphal: «La question juive est
la question des questions. A la manière dont ils parlent des juifs, on peut juger
sûrement de la valeur spirituelle d’un homme, d’une Eglise, d’un peuple, d’une
civilisation.» Que Dieu nous donne d’aimer ce frère aîné comme Dieu l’aime.
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