122 au Japon, 109 en Allemagne et 104 en France, mais seulement 70 au Portugal, 67 en
Grèce et 31 en Turquie.
Comme les trois enquêtes les plus récentes de l'OCDE ont été effectuées en 1990, 1993 et
1996 selon une méthodologie uniforme, elles nous permettent de suivre l'évolution du PIB par
tête relatif dans les différents pays membres. On trouve ainsi que, toujours par rapport à une
moyenne de 100 pour l'ensemble de l'OCDE et dans chaque année, le PIB par tête de la Suisse
se montait à 139 en 1990 et toujours à 138 en 1993, mais pour tomber à 127 en 1996, comme
dit. Il y a donc bien eu recul ou stagnation relative de la Suisse alors que cela n'a pas été le
cas, ou beaucoup moins, pour d'autres pays développés comme les USA (146, 144, 142),
l'Allemagne (105, 109, 109), le Japon (117, 121, 122), l'Autriche (109, 112, 113), la Belgique
(109, 115, 113), le Danemark (112, 117, 118) ou les Pays-Bas (105, 104, 107).
Pourquoi ce recul marqué de la Suisse ? Répondre à cette question demanderait un autre
article. En attendant, on observera que même si la Suisse restait en 1996 un des pays avec le
PIB réel par habitant le plus élevé, cela est dû non pas, ou pas entièrement, à une plus grande
efficience économique, mais en bonne partie au fait qu'il y a beaucoup de monde qui travaille
en Suisse (la population active y est relativement importante par rapport à la population non
active) et que celles et ceux qui travaillent triment dur (le nombre d'heures de travail par
année et par actif y est relativement élevé).
Bref, non seulement la richesse relative de la Suisse est en recul par rapport aux autres pays,
mais ce qui en reste est dû en bonne partie au fait qu'on y travaille beaucoup. L'ennui,
cependant, est que la Suisse continue d'avoir la réputation, en dehors des frontières comme à
l'intérieur, d'être un pays "fabuleusement riche", ce qui a toutes sortes de conséquences
fâcheuses.
A l'extérieur, on l'a vu dans le cas de l'accord global des banques avec divers plaignants aux
USA, la réputation de richesse de la Suisse ayant certainement joué un rôle dans cette sinistre
affaire. Ou encore, on l'a vu dans le cas des accords bilatéraux avec l'UE, lesquels consistent
en particulier en cela que ce seront les contribuables suisses qui devront financer des
infrastructures ferroviaires qui bénéficieront avant tout aux Allemands et aux Italiens. A
l'intérieur, on le voit à la facilité avec laquelle les autorités fédérales engagent certaines
dépenses qui auraient été inconcevables il y a quelques années. Ainsi, pour prendre un petit
exemple, lorsque le Conseil fédéral demanda vers 1955 à Carl Ludwig de rédiger son rapport
sur la politique envers les réfugiés pendant la guerre, l'auteur dut s'acquitter de sa tâche tout
seul et à moindres frais alors que la Commission Bergier s'est vue doter d'un budget de pas
moins de 24 millions - et allez donc!
On doit s'inquiéter de cette dissonance croissante entre, d'une part, la réputation de richesse
de la Suisse et, d'autre part, son recul en ligue internationale ainsi que le fait que sa prospérité
est en grande partie le résultat de beaucoup de travail. Un jour, le peuple des actifs pourrait
bien se lasser d'être mis à contribution toujours plus lourdement sous le prétexte que le pays
est si riche - n'est-ce pas ? - et qu'il peut donc se le permettre. Ce jour-là, la prétendue poule
aux oeufs d'or deviendra stérile.
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