GÉOMORPHOLOGIE
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PAYSAGES ET GÉOLOGIE EN FRANCE
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TDC NO 1054
Au fil du temps, l’érosion démolit les reliefs
qui nous entourent et en façonne
d’autres. Soleil, eau, vent, gel, variations
de température, réactions chimiques,
gravité, autant d’agents et de modes de
destruction des roches qui se liguent
pour engendrer une multitude de pay-
sages, en fonction de la nature des sols et de leurs
agencements structuraux.
Ce sont le soleil et la gravité qui commandent !
Par sa chaleur rayonnante, le soleil provoque l’éva-
poration et met en route le cycle de l’eau. L’eau qui
s’écoule à la surface des continents devient alors le
principal acteur de l’érosion et du transport des
matériaux. Le soleil est aussi à l’origine des varia-
tions de température, du gel et du dégel. En chauf-
fant différemment les masses d’air et d’eau, il
déclenche les variations météorologiques et fait
naître les vents. Quant à la gravité, c’est elle qui,
par l’attraction qu’exerce la Terre, provoque la
chute des corps ainsi que l’écoulement de l’eau.
L’érosion fait naître des « morceaux » de tailles
différentes : blocs, galets et cailloux, grains, parti-
cules, substances dissoutes, sels minéraux, ions ;
une question de grandeur mais aussi de nature
minéralogique et chimique. Ils sont ensuite trans-
portés vers des zones de plus basse altitude, puis
vers les mers et les océans, où ils sont à l’origine de
dépôts sédimentaires. On estime que l’érosion des
continents enlève environ 2 cm d’épaisseur tous les
mille ans sur l’ensemble des surfaces de plaine et
dix fois plus en montagne, ce qui représente plu-
sieurs milliards de tonnes de matériaux qui partent
chaque année vers les mers et les océans.
L’érosion agit de trois façons principales : l’alté-
ration, la dissolution et l’abrasion. L’altération
attaque les roches dans l’intimité de leurs miné-
raux et provoque leur transformation chimique.
On peut alors dire, mais de façon un peu abusive,
que certaines roches « pourrissent ». La dissolution,
quant à elle, libère certains éléments chimiques
sous forme d’ions dissous dans l’eau. Enfin, les phé-
nomènes physiques de désagrégation mécanique
et d’abrasion (ou ablation) cassent, usent, rabo-
tent, fragmentent, désolidarisent, éboulent, etc. En
fonction de leur nature, les minéraux et les roches
sont plus ou moins sensibles à l’un ou l’autre de ces
modes d’érosion qui, dans la réalité, sont tous
étroitement liés. L’eau, qui altère les minéraux, dis-
sout certains éléments chimiques qui les consti-
tuent, ce qui fragilise les roches et favorise leur
désagrégation physique et, de ce fait, le façonnage
des reliefs et des paysages.
Un redoutable agent
de destruction chimique
L’eau altère de nombreux minéraux, tandis
que d’autres résistent. L’altération correspond à
un ensemble de processus chimiques liés princi-
palement à la décomposition par l’eau (hydrolyse,
etc.) des minéraux de type silicates (feldspaths,
micas, amphiboles, pyroxènes, etc.) qui consti-
tuent l’essentiel des roches volcaniques, pluto-
niques et métamorphiques. Les minéraux perdent
leur cohérence et changent alors totalement de
nature, d’aspect et de propriétés. Ils se transfor-
ment en particules argileuses, fines et friables.
En revanche, d’autres minéraux, comme le quartz,
sont beaucoup plus résistants. En outre, l’altéra-
tion varie avec le climat : elle est plus importante
sous climat chaud et humide que sous climat
tempéré ou froid.
Des roches telles que le calcaire, le gypse ou
le sel gemme ne s’altèrent pas, mais se dissolvent
plus ou moins rapidement dans l’eau, sous forme
d’ions. En pays calcaire, les canyons encaissés et
les gorges profondes, les plateaux dénudés
parsemés de chicots rocheux ruiniformes, les
fissures des lapiez, les ouvertures béantes des
gouffres et des avens, portes d’accès à l’intimité
Le temps, ce grand sculpteur
Érosion, transport et sédimentation constituent un trio
indissociable qui modèle sans relâche les surfaces
continentales, déstructurant ici, accumulant là.
> PAR FRANÇOIS MICHEL, GÉOLOGUE CONSULTANT, COLLABORATEUR DU CENTRE TECHNIQUE DE MATÉRIAUX NATURELS
DE CONSTRUCTION (CTMNC) ET AUTEUR
g
Orgues de l’Ille-
sur-Têt, Pyrénées-
Orientales. Aiguilles
modelées par les eaux
de ruissellement dans
d’anciens niveaux
alluvionnaires.