Polysémie de la notion d’efficacité thérapeutique Rémy Boussageon Commençons par une petite vignette clinique. Une femme âgée de 65 ans consulte pour des douleurs des genoux. Elle semble très douloureuse et se plaint auprès de son médecin parce que le paracétamol (générique) qu’il lui a prescrit « n’a rien fait ». Le médecin avait pourtant cru bien faire en changeant son Doliprane® pour du paracétamol. La patiente demande avec insistance qu’il lui prescrive à nouveau « son » Doliprane® « bien plus efficace que ce générique qui a un drôle de goût ». Le médecin, ne voulant pas la contrarier (ou peut être voulant « lui plaire »…) et voulant la soulager, lui prescrit ce qu’elle désire avec la sensation désagréable d’être obligé de tenir compte de ce qu’il nomme un « effet placebo ». Deux semaines plus tard, la patiente revient avec les mêmes douleurs. Le « Doliprane® n’a pas marché cette fois, je ne comprends pas » dit-elle. Il faut dire que le médecin ne l’avait pas prescrit avec enthousiasme. Pensant bien faire, il lui prescrit un médicament « plus puissant » : du Diantalvic®. Il le fait cette fois avec conviction et prévient la patiente qu’il ne s’agit pas d’un générique ! Mais peu de temps après, il lit un article médical qui relate un essai clinique randomisé affirmant que ce médicament n’a pas démontré rigoureusement sa supériorité au paracétamol contrairement à ce qu’on lui avait enseigné ! La patiente revenant vers lui après 15 jours lui avoue que ce médicament ne l’a pas soulagé non plus mais que finalement un traitement à base de plantes l’a améliorée…. Et bien, nous voici en plein cœur de notre sujet. Avec cette situation très courante en médecine : on voit apparaître d’emblée plusieurs efficacités. 1. L’efficacité telle que la juge le malade : la preuve par la parole. C’est le sens commun de l’efficacité thérapeutique qui repose sur le principe « après cela, donc à cause de cela » : je me sens mieux après avoir pris un médicament, c’est donc ce médicament qui m’a soulagé. L’individu fait l’expérience subjective qu’il se passe « quelque chose » après avoir pris le remède et en conclut à son efficacité. Nous sommes bien entendu dans la situation où le patient ressent un trouble, un symptôme. Cette première efficacité est irréductible car personne ne peut nier l’expérience de soulagement vécue par le patient. On croit le malade sur parole. Dans notre vignette clinique, il faut bien admettre que le générique n’a pas soulagé la patiente. Cependant, s’il est impossible de nier l’expérience du patient, son ressenti, il est possible de ne pas être d’accord sur l’explication de cette efficacité. Et c’est dans cette explication de l’efficacité qu’apparaît la ligne de démarcation, entre le caractère scientifique ou non de la médecine et de la thérapeutique. Isabelle Stengersi, et avant elle Georges Canguilhemii, ont bien montré que ce qui caractérise la médecine scientifique occidentale, c’est la conscience de ce fait : « la guérison ne prouve rien ». En particulier, elle ne prouve pas que c’est le remède qui a provoqué ce changement d’état. La guérison peut toujours être expliquée autrement que par les propriétés intrinsèques du remède. En effet, tout d’abord, certains troubles sont variables, il y a des améliorations spontanées. Le soulagement ne peut être dû qu’à une fluctuation de ce trouble. Mais il existe des troubles relativement constants, chroniques. Dans ce cas, l’amélioration spontanée est moins probable. On sait bien que d’un point de vue logique, le principe « après cela, donc à cause de cela » est valable si le trouble est parfaitement invariant. Mais même dans cette situation où l’état pourrait être parfaitement stable, il reste toujours une autre explication possible : le fameux « effet placebo »iii. Avec la reconnaissance de l’effet placebo pouvant expliquer un soulagement voire une guérison, la médecine scientifique ne peut plus se contenter d’explications physiologiques ou biochimiques pour justifier les thérapeutiques. Il faut désormais prouver l’efficacité spécifique des thérapeutiques en clinique (c’est-àdire à l’échelle humaine et non pas au niveau biochimique ou cellulaire). C’est dans cet esprit qu’est né l’essai clinique randomisé contre placebo dans les années 1950. 2.L’efficacité telle que la juge la médecine scientifique : la preuve par l’expérimentation a. La nécessité de l’essai clinique randomisé contre placebo Avec la reconnaissance de l’évolution spontanée de certains symptômes ou de certaines maladies et avec la reconnaissance de l’effet placebo, l’efficacité d’une thérapeutique ne peut être prouvée par l’expérience individuelle qu’en fait un malade ou un médecin. Or beaucoup de remèdes sont encore 1 prescrits et pris sur la seule expérience subjective de l’efficacité ou des croyances relatives aux explications de cette efficacité, qu’elles soient physicochimiques ou irrationnelles. Si l’on accepte la démarche scientifique dans le domaine de la thérapeutique qui est avant tout une recherche de la preuve d’efficacité en clinique, l’essai randomisé contre placebo s’impose comme le meilleur moyen d’y parvenir. En effet, le modèle physiopathologique de l’efficacité a montré clairement ses limites dans la capacité à prouver qu’une thérapeutique est efficace sur le plan clinique. Dernier exemple en date : deux études cliniques publiées tout récemment dans de grandes revues internationales montrent que traiter intensivement les personnes souffrant de diabète non insulino-dépendant ne diminue pas les complications liées à cette maladieiv, voire pire, augmente même parfois la mortalitév. Ceci s’oppose donc à toutes les recommandations médicales qui étaient surtout fondées jusqu’alors sur des études physiopathologiques où il ne s’agissait que de diminuer le taux de glycémie. A ce propos, il est troublant de voir encore l’efficacité de certaines thérapeutiques évaluée uniquement sur des critères physiologiques ou biochimiques alors que, répétons-le, l’efficacité est avant tout une notion clinique (c’est-à-dire à l’échelle humaine). Diminuer le taux de cholestérol ou la tension artérielle n’est pas un objectif médical mais un objectif de biochimiste ou de physiologiste. Selon l’historien des sciences Harry Marks, la médecine n’est pas scientifique parce qu’elle fonde son savoir sur les sciences physiques et biochimiques mais parce qu’elle recherche la preuve de l’efficacité des thérapeutiques par l’essai clinique randomisévi. Dès lors, comment prétendre se passer de l’essai clinique randomisé ? Est-ce que l’expérience des malades ou des médecins peut suffire à prouver l’efficacité des thérapeutiques à l’heure où bon nombre de théories biomédicales se voient réfuter par l’essai clinique randomisé ? Malgré l’indéniable apport des sciences pharmacologiques, biochimiques et physiologiques, la médecine a besoin de preuves de l’efficacité au niveau clinique pour prendre les meilleures décisions thérapeutiques. En dehors de cette situation, toute thérapeutique n’a qu’une efficacité hypothétique. On notera à ce sujet, puisque c’est le thème de notre colloque, que l’essai clinique randomisé, s’il prouve ou réfute l’efficacité des thérapeutiques, ne permet pas de l’expliquer, et encore moins de la comprendre. Il n’a qu’une visée pragmatique et décisionnelle, c’est-à-dire qu’il peut aider la prescription. Pour les médicaments par exemple, l’explication de l’efficacité est toujours de nature physicochimique (le modèle pharmacocinétique - pharmacodynamique). Et a contrario, de nombreux médicaments considérés comme efficaces sont utilisés en pratique et n’ont pas d’explication claire. Citons à titre d’exemple la metformine dans le diabète, mais aussi le lithium dans la maladie maniacodépressive ou encore le Tanganil® dans les vertiges…. Ainsi, l’efficacité thérapeutique telle que la juge la médecine est l’efficacité prouvée par l’essai clinique randomisé. Mais cette efficacité pose également de nombreux problèmes. b. Le problème de la comparabilité des sujets Etant donné la variabilité des maladies, on ne peut démontrer l’efficacité thérapeutique que sur des groupes de sujets, l’un recevant le remède, l’autre ne le recevant pas. L’essai clinique randomisé est donc un mélange de la méthode numérique de Pierre Charles Alexandre Louis et de l’expérience comparative de Claude Bernard, cette dernière permettant l’attribution causale si les groupes sont comparables. La question principale est donc la suivante : comment constituer des groupes de sujets comparables si on admet le caractère unique de chaque personne, autant sur le plan génétique que sur le plan historique ? Il nous semble que si l’on considère le paradigme considérant que chaque sujet est unique, aucune méthode d’évaluation ne sera parfaite. C’est d’ailleurs la raison évoquée par certains thérapeutes de médecines alternatives qui n’admettent pas que l’on puisse évaluer leur thérapeutique par l’essai clinique randomisé parce qu’il n’y a pas deux malades identiques. Pourtant, les méthodologistes de l’essai clinique auraient trouvé la solution : la randomisation (l’allocation aléatoire des traitements) qui répartirait en moyenne, de façon identique, tous les caractères communs. On notera à ce sujet que le statisticien Ronald Fisher qui a inventé la randomisation pour des études en agriculture, n’a pas élaboré ce procédé pour rendre les groupes comparablesvii. Pour lui, les terrains dans lesquels poussent les cultures ne sont jamais identiques ni comparables. La randomisation est une solution qui permet de s’affranchir du problème de la comparabilité et qui permet les tests d’hypothèses. c. Le problème de l’efficacité moyenne et probabiliste. Pour être prouvée, cette efficacité doit être mesurée. Elle est donc d’abord une notion quantitative. De plus, le traitement n’est jamais efficace à 100 %. C’est donc d’une efficacité moyenne et probabiliste qu’il s’agit. En témoigne la nécessité des études que l’on appelle des méta-analyses pour arriver au mieux à cerner cette efficacité. Démontrer qu’en moyenne, un médicament est plus efficace qu’un placebo est une première étape nécessaire. Néanmoins, une efficacité moyenne et probabiliste ne 2 permet pas de savoir à l’avance si un malade particulier bénéficiera vraiment de la thérapeutique. On sait en théorie qu’il existe des caractéristiques liées au patient qui interviennent dans l’efficacité. Toute la démarche du chercheur clinicien sera de mettre en évidence les déterminants individuels ou contextuels de cette efficacité. Actuellement, une voie d’individualisation se dessine avec l’essor de la pharmacogénétique. Sur le plan statistique, nous avons également deux pistes de progrès avec l’étude des interactions sujets-traitementsviii et avec l’étude du modèle d’effetix. Mais le chemin est encore long avant de pouvoir proposer des thérapeutiques individualiséesx. Cette efficacité moyenne est également problématique quand elle a une signification clinique faiblexi. Prenons l’exemple de l’efficacité des antidépresseurs. L’efficacité des médicaments est jugée sur des échelles quantitatives. Qu’observons-nous dans les essais cliniques ? Les scores déterminés par ces échelles (Comme l’HDRS –Hamilton – 17 items) diminuent de 2 points / 54 en moyenne dans les groupes traités par antidépresseurs par rapport au placeboxii. Certes, l’efficacité est démontrée mais l’intensité de cet effet moyen est bien faible. Que signifie-t-il en pratique ? De même, dans cette efficacité moyenne, certains malades ont pu être très améliorés et d’autres ont vu leur trouble s’aggraver. Cette efficacité moyenne est donc loin d’être satisfaisante pour soigner un individu donné. d. Le problème de l’effet spécifique Un autre aspect de l’efficacité telle que la juge la médecine, est celui de l’efficacité spécifique. A cause de l’existence (et sa reconnaissance) de l’effet placebo, il faut démontrer l’efficacité spécifique de la thérapeutique, explicable par ses propriétés intrinsèques (pour les médicaments, par ses propriétés pharmacodynamiques). En effet, l’efficacité thérapeutique démontrée dans l’essai clinique randomisé contre placebo est relative. Elle n’existe que par comparaison et comme supériorité au placebo. L’idée d’effet spécifique suppose que l’on puisse isoler ou purifier l’effet observé en deux parts bien distinctes : d’un côté, l’effet qui serait lié aux propriétés intrinsèques de la thérapeutique et de l’autre tous les autres effets regroupés par opposition dans les effets « non-spécifiques ». C’est la raison pour laquelle on conçoit l’efficacité globale d’une thérapeutique comme l’addition de ces parts distinctes. Mais peut-on réellement les séparer ? Peut-on vraiment les considérer comme indépendantes ? Est-ce que ces notions de part ont un sens au niveau individuel ? Cette idée de spécificité n’est-elle pas qu’une construction expérimentale ? En pratique, lorsque j’administre un remède à un patient, je ne peux jamais enlever l’effet placebo ! On doit la première critique de cette opération séparatrice ou de cette équation additive à François Dagognet dans « La Raison et Les Remèdes »xiii en 1964. Je cite (p36) : « L’équation soustractive qu’autorise l’usage du placebo pèche essentiellement par sa naïveté, par son malheureux substantialisme… l’équation exprime, en tout cas, une innocence méthodologique, en même temps qu’une impossibilité matérielle ». Plus loin (p38) : « Il nous semble que le placebo, autrement dit l’effet psychique, ne se distingue pas du remède et demeure inclus en lui. Une substance qui guérit induit sa propre croyance en elle-même ». Notons que cette critique est également étayée en recherche clinique par des médecins. Par exemple, Jos Kleijnen écrit que : « La division du processus de guérison en trois facteurs (effet spécifique, effet « non-spécifique » et « évolution naturelle ») est artificielle ; en réalité, il est vraisemblable que ces facteurs interagissent entre eux… »xiv L’idée d’effet spécifique suppose que la différence entre le groupe traité par le médicament et le groupe traité par le placebo ne s’explique que par les propriétés intrinsèques (pharmacodynamiques) du remède. Cela est admis si la méthodologie de l’essai est respectée car elle est censée contrôler tous les biais qui pourraient expliquer autrement la différence observée entre les deux groupes. Mais comment est-ce que la procédure du double-aveugle peut être respectée si un médicament a des effets indésirables fréquents et facilement identifiables ? Comment être certain de la spécificité d’action du remède ? La notion de spécificité renvoie à l’explication causale de la différence observée entre les deux groupes par les propriétés intrinsèques du remède évalué. Or, on peut tout à fait expliquer cette différence par une différence d’effet placebo, l’un optimisé par le biais d’effets perceptibles, l’autre minimisé par l’absence de ces effets. De nombreuses études sur l’effet placebo et en particulier sur « l’attente » (« expectancy ») des patients vis-à-vis de la thérapeutique étayent cette hypothèsexv. Ainsi, l’essai clinique randomisé constitue bien une démarche positive visant à établir la preuve d’une efficacité et sa quantification. Mais il se heurte d’une part au problème de l’individu et d’autre part à celui de l’effet placebo. 3. L’efficacité des autres médecines ou l’efficacité du « non-efficace » Enfin, pour finir, il y a aussi, à côté des thérapeutiques considérées comme efficaces, toutes les autres thérapeutiques dont l’efficacité n’est pas prouvée au sein de l’essai clinique randomisé, ce que l’anthropologue Jean Benoist appelle l’efficacité du « non-efficace »xvi. En effet, ces thérapeutiques 3 ont bien une certaine efficacité, sinon elles auraient disparu d’elles-mêmes. Citons à propos de l’homéopathie par exemple, le ministre de Louis Philippe, Louis Guizot en 1835 : « Si l’homéopathie est une chimère ou un système sans valeur propre, elle tombera d’elle-même. Si elle est, au contraire, un progrès, elle se répandra malgré toutes nos mesures de préservation… »xvii. Il est probable qu’elles perdurent uniquement par l’expérience positive qu’en font les malades, évaluant leur efficacité par le soulagement apporté après avoir été traités. Une fois encore, c’est sur l’explication de cette efficacité que la médecine scientifique s’oppose aux autres médecines. Pour la médecine scientifique, cette efficacité est réduite à l’effet placebo. A cet égard, seule la médecine scientifique parle d’effet placebo. Les autres médecines (comme les malades d’ailleurs) ne font bien entendu jamais appel à cet effet placebo pour expliquer leurs succès. Mais comme le précise Philippe Pignarrexviii, interpréter cette efficacité par l’effet placebo ne nous renseigne pas sur comment obtenir cette efficacité. Ces médecines pourraient bien avoir inventé une technique d’optimisation de l’effet placebo qu’il n’est pas possible de reproduire en dehors du cadre de la théorie et du rituel de la thérapeutique « alternative ». Un exemple pour illustrer notre proposxix. L’acupuncture est largement utilisée pour soulager les patients qui présentent des douleurs chroniques. Un essai clinique randomisé publié en 2007 a évalué la vraie acupuncture (conforme à la tradition chinoise) versus une fausse acupuncture et versus des soins usuels chez des patients souffrant de lombalgies chroniques depuis plus de 8 ans. A 6 mois, près d’un patient sur deux était soulagé par la vraie comme la fausse acupuncture. Alors que seul un quart environ des patients traités par les soins usuels était amélioré. Ainsi, avec cette expérimentation, nous touchons le cœur de notre réflexion. Au niveau épistémologique, la théorie expliquant l’efficacité de l’acupuncture semble réfutée. Les « faux » points soulagent autant que les vrais ! Au niveau médical, les scientistes diront « l’acupuncture n’est pas efficace ». Les soignants diront « comment reproduire cette efficacité ? » puisque par rapport aux soins usuels, vraie et fausse acupuncture ont permis un soulagement chez plus de patients ! Le problème est que l’efficacité d’une thérapeutique a besoin d’un support théorique et technique, voire d’un rituel, pour se révéler ! Probablement, que les patients n’auraient pas été améliorés sans l’acupuncture, fusse t-elle dans les règles de l’art ou pas. Alors comment faire en pratique ? Dans une médecine étroitement scientifique, il ne faut prescrire que des thérapeutiques dont l’efficacité est prouvée par l’essai clinique randomisé. Dans une médecine soignante, le but est de soulager du mieux possible et donc d’optimiser au mieux cet effet placebo ! Que vaut-il mieux choisir xx ? Une thérapeutique dont l’efficacité spécifique est démontrée au sein de l’essai clinique randomisé mais dont l’intensité par rapport au placebo est faible ou bien une thérapeutique dont l’effet spécifique n’est pas démontré mais qui permet une amélioration clinique conséquente ? Dans notre exemple, est-ce que les thérapies validées (comme les médicaments antalgiques) feront aussi bien que la fausse acupuncture en terme de soulagement ? 4. Conclusion D’une part, force est de constater que le sens commun de l’efficacité résiste au temps. L’efficacité « perçue » par le malade, même si elle ne démontre pas que la thérapeutique administrée est réellement efficace, ne peut être négligée. Le patient sait « quelque chose » de ce qu’il ressent. D’autre part, l’essai clinique randomisé et les méta-analyses sont nécessaires pour prouver et mesurer l’efficacité des remèdes. Toutes les thérapeutiques ne se valent pas, et c’est parce qu’il faut décider et justifier les prescriptions thérapeutiques que le recours à ces outils expérimentaux s’impose. Si l’on n’accepte pas cette évaluation, sur quels arguments prouve t-on l’efficacité thérapeutique puisque la guérison ne suffit pas à le faire ? Néanmoins, il s’agit de connaître les limites de l’essai clinique, et elles sont nombreuses. Toutes les thérapeutiques ne peuvent être évaluées par cette expérimentation qui historiquement a été conçue essentiellement pour évaluer les médicaments. L’essai clinique randomisé ne permet pas de répondre à toutes les questions comme le rappellent à juste titre les propres fondateurs de l’Evidence-Based-Medicinexxi. L’essai clinique reste l’étalon or pour prouver l’efficacité des médicaments. Malheureusement, il est souvent devenu le « veau d’or » des médecins qui n’en voient pas les limitesxxii. Entre l’expérience subjective individuelle et l’essai clinique randomisé, il reste la médecine qui doit tenir compte de ces différentes notions d’efficacité thérapeutique. Son premier rôle est de prévenir, soigner, soulager et, si possible, guérir. Elle est avant tout pragmatique et individuelle. Mais il nous semble que ces différentes notions d’efficacité ne s’opposent qu’en apparence. Une vision polysémique plus approfondie les réconcilie. En effet, l’efficacité thérapeutique, pour la plupart des remèdes, n’existe pas en elle-même. Il n’y a pas d’ontologie de l’efficacité thérapeutique (« les remèdes sont efficaces indépendamment de celui qui les prescrit »xxiii ) contrairement à ce qui est admis implicitement par la médecine scientifique. Elle est toujours dépendante de celui qui la reçoit (de la nature et de la gravité de sa maladie, de son terrain génétique, mais aussi de sa personnalité et de ses attentes), de celui qui la prescrit et du contexte dans lequel elle est administrée. Elle est 4 dépendante de multiples facteurs en interaction, pharmacogénétique, autres traitements, alimentation, chronobiologie, et même effet placebo, qu’on ne peut isoler qu’artificiellement et expérimentalement. La médecine scientifique doit reconnaître l’individu et le colloque singulier si elle veut être entendue. Elle doit aussi chercher à optimiser ce fameux « effet placebo » et toutes les capacités de guérison. Il nous semble qu’elle est dans la bonne voie avec les recherches de plus en plus importantes sur l’individualisation thérapeutique et sur l’effet placebo. http://www.apres-tout.org/spip.php?article18 5