Perspectives Economiques – Décembre 2016
Philippe WAECHTER Directeur de la Recherche Economique
Compte Twitter: @phil_waechter ou http://twitter.com/phil_waechter
Blog: http://philippewaechter.nam.natixis.com
Quelles sont les questions? (1/4)
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La croissance globale va-t-elle accélérer en 2017?
En 2016, l'économie mondiale a été caractérisée par une dynamique modérée. La croissance mondiale a ralenti et
le commerce mondial suit une allure très faible (+0.8% (en volume) en septembre 2016 sur un an contre 7% en
moyenne sur les 20 ans avant la crise de 2007). La question posée pour 2017 est celle de la source d'impulsion qui
permettrait à l'économie globale de changer d'allure. La Chine et les Etats-Unis, même après Trump, n'auront
qu'une contribution modeste et insuffisante pour infléchir la croissance globale durablement.
Mais dans le détail quelle sera l'allure?
La dynamique de l'économie globale va être différenciée en 2017 en raison de la très probable politique de relance
qui sera menée aux USA. L'économie chinoise est stabilisée, les autorités ont fait le nécessaire pour cela, mais elle
est toujours en phase de transition vers une économie de services. L'Europe aura une allure hétérogène en raison
de la probable mise en œuvre du Brexit. Le Royaume Uni sera pénalisé alors que la zone Euro devrait maintenir
son rythme d'évolution. Du côté des émergents, l'Asie est la région ayant l'allure la plus positive.
Que pourrait-il se passer aux USA?
Le programme présenté par le président élu, et en accord avec le Congrès républicain, porte, dans un premier
temps, sur une baisse significative et durable des impôts. Cela va améliorer le revenu des ménages et les résultats
des entreprises, notamment les entreprises domestiques. Ce sera un facteur clé d'amélioration, au moins
temporaire, du profil de la croissance US. Les dépenses supplémentaires viendront dans un deuxième temps.
Cela sortira-t-il les Etats-Unis du risque de stagnation séculaire?
Depuis la reprise du 2ème trimestre 2009, la croissance américaine est beaucoup plus faible que par le passé.
D'ailleurs, 7 ans après le début du cycle l'inflation reste réduite car il n'y a pas de tensions sur l'appareil productif
ni sur le marché du travail. Cela reflète à la fois le net ralentissement de la productivité et une dynamique de
l'emploi qui n'est plus aussi robuste que par le passé. L'inflexion de la productivité traduit un investissement
insuffisant. Il faut donc créer les conditions d'une accumulation plus forte du capital. Il faudra que cela se réalise
pour que l'économie sorte de ce risque de stagnation séculaire. Le programme de dépenses en infrastructures (1
000 Mds USD sur 10 ans) pourrait y contribuer et être une incitation pour un investissement privé plus important.
Y-aura-t-il contagion vers le reste du monde?
Il y a toujours un délai entre l'amélioration conjoncturelle aux USA et sa diffusion dans le reste du monde. Si le
programme se limite à la baisse d'impôts, l'impact sera limité en ampleur et dans la durée et serait davantage
perceptible en 2018 qu'en 2017. Il faudrait des mesures supplémentaires aux USA pour qu'effectivement il y ait
contagion vers le reste du monde et un effet positif persistant.
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Comment la zone Euro évolue-t-elle?
La croissance s'est stabilisée dans la plupart des pays. Les risques de rupture à la baisse semblent limités. A court
terme, on note que les enquêtes du mois de novembre et surtout de Décembre donnent des signaux plus forts sur
l'activité notamment dans le secteur manufacturier. Cela pourrait se traduire par une accélération de la croissance
puisque les pays de la zone échangent beaucoup entre eux.
Ce sera le point à observer au premier trimestre: les enquêtes vont-elles continuer à donner des signaux positifs?
Ce sera peut être la bonne surprise du début 2017. Une telle configuration avait pu être observée à la fin des
années 80 et 90. Cela pourrait alors se traduire par une croissance tendant vers 2% en 2017. Ce n'est pas encore
dans le scénario, peut être au cours du premier trimestre 2017.
La BCE aura-t-elle un rôle important dans cette dynamique conjoncturelle?
Oui forcément. C'est ce qu'a affirmé Mario Draghi lors de la réunion du 8 décembre. Il ne veut en aucun cas
infléchir les anticipations des acteurs de l'économie. C'est pour cela que l'opération de quantitative easing a été
prolongée jusqu'en décembre 2017 et qu'il n'a pas été question d'arrêt de cette opération (tapering). La BCE a
simplement déplacé le curseur mais n'a pas changé de communication. Le QE sera prolongé si les anticipations
d'inflation de long terme ne convergent pas vers 2%.
Justement, qu'attendre sur l'inflation?
Depuis l'été, l'inflation remonte au sein des pays industrialisés. Cela traduit la stabilisation depuis le mois d'août
du prix du pétrole au niveau observé à la même période en 2015. Dès lors, la contribution de l'énergie au taux
d'inflation devient nulle (elle était négative et tirait l'inflation en territoire négatif) et ce taux d'inflation converge
vers le taux d'inflation sous-jacent. Celui pour la zone Euro est de l'ordre de 0.7-0.8%. A court terme (premier
trimestre 2017), cette contribution va devenir positive car le prix du pétrole sera beaucoup plus élevé qu'au
premier trimestre 2016 (moins de 30 dollars à l'époque). Cela devrait se traduire par une hausse temporaire de
l'inflation dans la zone 1.5-2% en zone Euro. Après, le taux d'inflation convergera vers le taux d'inflation sous-
jacent. Je ne crois pas à une hausse continue du prix du pétrole même après l'accord.
Que va faire la Fed?
Depuis plusieurs mois, la Fed cherche à retrouver des marges de manœuvre dans la gestion de sa politique
monétaire. C'était déjà une raison de la hausse de son taux de référence en décembre 2015, c'est aussi la raison
de la hausse de décembre 2016. La demande interne privée va être dopée par la baisse d'impôts aux USA.
L'équilibre des politiques économiques ne sera plus systématiquement biaisé vers la politique monétaire. Dès lors,
la Fed pourrait remonter son taux de référence afin de regagner des marges de manœuvre.
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Les taux américains seront-ils plus élevés sur toutes les maturités?
Oui certainement. Cela reflètera la normalisation de l'équilibre des politiques économiques. La zone Euro n'est pas
encore dans cette situation car la politique budgétaire est encore neutre.
Cette hausse s'inscrira-t-elle dans la durée?
Oui si la croissance américaine s'inscrit dans la durée. C'est pour cela qu'il faudra être très attentif aux mesures
qui seront prises aux USA. Si l'effet budgétaire ne s'inscrit pas dans la durée, l'économie américaine restera dans
le cadre de la stagnation séculaire et les taux d'intérêt retrouveront une allure pas très éloignée de celle observée
en 2016.
Et la BCE?
La BCE comme je l'indiquais veut maintenir un cadre de taux très bas et s'en donnera les moyens. Cela veut dire
que le spread de taux avec les USA va s'élargir et que l'ajustement passera par un euro plus faible (assez vite en
dessous de la parité). En fait on aura durablement un dollar plus fort et pas simplement face à l'euro.
Cela veut dire qu'il y aura divergence des politiques monétaires?
Oui. C'est aussi ce point qui va être intéressant.
Quels sont les risques en zone Euro?
Les risques politiques pourraient contrebalancer les améliorations observées sur la plan économique. Il y a des
élections en France et aux Pays-Bas au printemps et en Allemagne à l'automne. Il ne faudrait pas que la situation
se polarise de façon excessive notamment après l'attentat de Berlin et l'élection de Donald Trump.
Quel est le risque associé à la Chine?
Le risque majeur est celui d'un endettement qui s'est accru à un rythme débridé depuis 2009. Cette dette est
portée essentiellement par les entreprises. Le niveau de l'endettement des acteurs non financiers est désormais
équivalent à celui constaté aux USA mais sans une structure institutionnelle aussi robuste qu'aux USA. L'économie
bascule vers les services et de nombreuses entreprises industrielles vont fermer. C'est à ce point que les dettes
vont peser et pénaliser le secteur bancaire.
Y a t un risque fort sur l'immobilier chinois?
Oui, les risques sont toujours importants. Une bonne partie de la dynamique chinoise est portée par l'immobilier
qui oriente l'activité mais qui aussi est une source de collatéral pour les emprunts. C'est pour cela que la situation
est toujours risquée en Chine.
Quelles sont les questions? (4/4)
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La dette publique globale est elle préoccupante?
Non mais elle reflète l'incapacité des économies à retrouver une croissance forte et durable. L'objet de la dette
publique est de pouvoir reporter le poids de l'ajustement macroéconomique dans le temps. C'est ce qui est en
train d'être fait.
Je suis beaucoup plus inquiet par le niveau toujours élevé de la dette des ménages en zone Euro ou encore par la
hausse de la dette des entreprises aux USA. Ces phénomènes sont beaucoup plus graves que la dette publique car
ils contraignent les comportements, réduisant la possibilité de retrouver une croissance plus forte.
Mais il faut que la croissance s'accélère pour que la dette publique puisse quand même se réduire?
C'est l'enjeu de la dynamique de l'innovation. Celle-ci crée des gains de productivité à l'échelle microéconomique
mais pas encore à l'échelle macroéconomique. La vision optimiste qui est la mienne est qu'à un horizon pas trop
éloigné, l'accumulation d'innovations et la maturité du cycle d'innovation vont se traduire par des gains de
productivité qui caleront l'économie sur une trajectoire plus élevé. L'enjeu portera alors sur l'éducation pour
pouvoir accompagner et amplifier cette dynamique nouvelle.
Durant la campagne électorale américaine il était question de barrières douanières plus élevés avec la
Chine et le Mexique et la dénonciation d'engagements commerciaux américains? Qu'en est-il? Cela
pèsera-t-il sur 2017?
Effectivement il y a eu de nombreuses menaces sur le commerce mondial durant la campagne de la part du
président élu. Cela reste une source de préoccupation même si l'équilibre a un peu changé en raison de la
réactivité des chinois qui ne veulent pas se laisser faire.
Le risque des mesures qui étaient annoncées sur le commerce mondial, était un choc fort et durable sur les
échanges avec un impact persistant sur l'ensemble des économies. C'est la raison pour laquelle l'ensemble des
instituts de prévisions craignait leur mise en œuvre. Cela aurait pu se traduire par une récession globale y compris
aux USA.
Le président élu a indiqué vouloir sortir de l'accord commercial avec l'Asie hors Chine (accord dits TPP). C'est
probablement un signal vers les électeurs alors que l'accord n'était pas encore signés par tous les pays. C'est
certainement une erreur des USA car les pays asiatiques ont tous la Chine comme principal partenaire commercial.
Barack Obama souhaitait cet accord pour maintenir forte la présence américaine dans la région. La sortie du TPP
offre une opportunité à la Chine.
A court terme, la préoccupation sur cette dimension internationale parait être plus politique qu'économique et ne
pas forcément aller vers plus de stabilité. C'est au moins aussi préoccupant.
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