Les économies de la promesse anti-âge. Le cas - chu

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Sciences Sociales et Santé, Vol. 33, n° 2, juin 2015
Les économies de la promesse anti-âge.
Le cas de la DHEA
Sébastien Dalgalarrondo*, Boris Hauray**
Résumé. L’affirmation d’une promesse anti-âge constitue une étape
déterminante dans le processus contemporain de médicalisation du
vieillissement. Ce texte porte sur les conditions d’émergence de cette
nouvelle offre thérapeutique en France. En suivant le parcours scientifique, médiatique et commercial de la déhydroépiandrostérone (DHEA),
une hormone présentée au début des années 1990 comme une possible
« fontaine de jouvence », les auteurs montrent que le succès de ce médicament aux propriétés incertaines est le fruit d’une économie de la
promesse anti-âge dont ils explicitent les différentes dimensions.
doi: 10.1684/sss.2015.0201
Mots-clés : vieillissement, promesse, anti-âge, hormone, prise de risque,
médicalisation.
* Sébastien Dalgalarrondo, sociologue, Iris-CNRS UFR SMBH, 74, rue Marcel
Cachin, 93017 Bobigny Cedex, France ; [email protected]
** Boris Hauray, sociologue, Iris-INSERM, 190-198, avenue de France, 75244 Paris
Cedex 13, France ; [email protected]
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SÉBAStIEN DALgALARRoNDo, BoRIS HAURAy
Si l’espoir de stopper ou au moins de ralentir le vieillissement
semble avoir toujours existé (Haycock, 2008), l’idée selon laquelle vieillir
n’est plus une fatalité s’impose avec force depuis quelques années. Vieillir
ne va plus de soi et les promesses issues de la recherche biomédicale sur
les mécanismes du vieillissement, le développement et la démocratisation
de la médecine esthétique (Brooks, 2010 ; Kinnunen, 2010) ainsi que l’apparition récente d’une médecine anti-âge (Cardona, 2007 ; Mykytyn,
2010) sont autant d’éléments remarquables dans le processus contemporain de médicalisation du vieillissement (Conrad, 2007). Ce texte porte sur
une séquence importante dans l’émergence en France de cette promesse
anti-âge. En 1995, les médias français titrent sur l’existence d’une
hormone, la déhydroépiandrostérone (DHEA), dont la concentration dans
le sang baisse régulièrement avec l’âge. Ils s’enthousiasment pour une
idée défendue dans des travaux scientifiques américains : en compensant
cette baisse, il serait possible de lutter contre de multiples maux, dont la
détérioration des os, de la peau, des muscles et de la mémoire, l’obésité
tardive et même la survenue de certains cancers. La molécule est rapidement qualifiée par les journalistes de « pilule de jouvence » (1) et on
observe, au début des années 2000, un « engouement fou pour la DHEA »
(2). Mise en cause par les autorités sanitaires et scientifiques, la DHEA
quitte ensuite progressivement la scène médiatique sans, pour autant, que
sa consommation ne disparaisse.
L’étude de la science et des technologies (Science and technology
studies) est marquée par l’émergence d’un courant de recherche qui place
les discours sur le futur, les visions et autres anticipations, au centre de
leur analyse. Ce travail sur la DHEA s’inscrit pleinement dans la perspective de cette sociologie des « expectations » (Borup et al., 2006 ; Brown
et al., 2000) qui cherche à comprendre le rôle joué par ces problématisations stratégiques dans la création d’une réalité nouvelle, au sens où elles
peuvent modifier les préférences des acteurs, leurs actions et le cadrage de
leurs décisions. Il s’agit donc d’analyser comment la mobilisation du futur
par la production de visions (Rajan, 2006) de métaphores (Nerlich et
Halliday, 2007), la diffusion de concepts (Pickersgill, 2011 ; Rosengarten
et Michael, 2009), l’utilisation de discours hyperboliques ou hype (Brown,
2003 ; Kitzinger, 2008 ; Racine et al., 2006) participent à la structuration
(1) Les scientifiques à l’origine de ces travaux contribuèrent eux-mêmes à l’utilisation
de ce langage hyperbolique. Voir la publication, en septembre 1996, dans une revue
américaine de premier plan, d’un article du Pr Baulieu intitulé « DHEA: a fountain of
youth? » (Baulieu, 1996).
(2) Le Point, 6 juillet 2001.
LES ÉCoNoMIES DE LA PRoMESSE ANtI-ÂgE
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de programmes scientifiques (Hedgecoe, 2004 ; Kitzinger et Williams,
2005 ; Selin, 2007), à la formation de nouveaux marchés (Pollock et
Williams, 2010) et à l’inscription sociale de nouvelles technologies
(Akrich, 1992). La publication de l’ouvrage « Contested futures: a sociology of prospective techno-science » (Brown et al., 2000) atteste de la
volonté des chercheurs à l’initiative de cette perspective théorique de
rendre compte de la pluralité des intérêts engagés et de l’aspect agonistique de cette incursion dans l’avenir. Ainsi, l’analyse sociologique des
promesses offre l’opportunité d’interroger sous un nouvel angle les questions de l’innovation scientifique, de la diffusion de nouvelles technologies, des conditions de leur régulation et de leur appropriation (gaudillière
et Joly, 2006 ; Hauray, 2014).
En choisissant l’expression « promesse médicale » plutôt que celle,
plus classique, de « promesse thérapeutique » (Rubin, 2008), nous pointons la nécessité de porter le regard au-delà du pathologique et de la
maladie afin d’inclure la question de la médecine améliorative et des techniques d’« enhancement » (Conrad et Potter, 2004 ; Coveney et al., 2009)
qui mettent en jeu les frontières de la médecine. Cet article porte plus
spécifiquement sur les économies de la promesse DHEA (Joly, 2010).
Celles-ci sont, comme nous le verrons, des économies à la fois politiques
et morales (Fassin, 2009 ; Novas, 2006). Dans son travail sur les maladies
rares, Novas montre comment l’espoir et son pendant, le discours de la
promesse, peuvent modifier radicalement les rapports entre les acteurs et
favoriser de nouvelles formes de collaboration entre malades, industriels
et pouvoirs publics, une dynamique de l’espoir soutenue et renforcée par
la production d’agencements moraux originaux et la mise en circulation
au sein de l’espace public d’émotions, d’obligations, de normes et de
valeurs.
L’intérêt de ce cas tient à trois éléments principaux :
- la DHEA fut, au début des années 1990, l’une des molécules sur laquelle
les médecins engagés dans la voie de l’anti-âge se sont appuyés pour
démontrer le potentiel thérapeutique du rééquilibrage hormonal ;
- le public français fut pour la première fois massivement confronté à cette
promesse spécifique et à son discours sur le vieillissement lors de la
commercialisation controversée de cette hormone ;
- la mise sur le marché de ce traitement se situe à la période charnière de
l’émergence du réseau Internet et nous donne à voir les effets structurants de cette circulation transnationale des produits pharmaceutiques,
de l’information médicale et des promesses (Clarke et al., 2000).
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SÉBAStIEN DALgALARRoNDo, BoRIS HAURAy
L’analyse de l’économie de la promesse DHEA poursuivra deux
objectifs principaux :
- décrire le processus de médicalisation à l’œuvre en révélant le rapport
dynamique entre, d’une part, un discours hyperbolique et, d’autre part,
un travail de normalisation/familiarisation effectué par les promoteurs
de ce traitement ;
- rendre compte de cette expérimentation médicamenteuse à grande
échelle par l’analyse des conditions d’émergence d’un marché de la prise
de risque.
Sur le plan méthodologique, afin de nous donner les moyens de
reconstituer précisément l’histoire de l’introduction en France de la
DHEA et de rendre compte du débat public suscité par ce traitement, nous
nous sommes appuyés sur le corpus documentaire suivant : publications
scientifiques portant sur la DHEA de 1960 à 2012 (64 articles, source
Medline), articles de presse publiés dans les journaux et magazines français de 1994 à 2014 (290 items, Europress : requête « DHEA » dans
« Presse nationale »), archives audiovisuelles (tV hertzienne) disponibles
au sein de l’Inathèque (dépôt légal) de 1995 à nos jours (132 items). Un
corpus complété par l’analyse des ouvrages français de vulgarisation
consacrés à la DHEA (Baulieu et Fourest, 2013 ; De Jaeger, 2001 ; Dufour
et Pierre, 2001 ; Elia, 2002) ainsi que par le recueil et l’analyse classique
des documents d’archives disponibles : dépêches d’agence, communiqués
de presse, rapports et prises de positions des autorités publiques, comptes
rendus de conférence. Nous avons réalisé, en 2013, deux entretiens auprès
du Pr Baulieu, acteur clé de cette histoire et du Dr De Jaeger, leader d’opinion français dans le champ de la médecine anti-âge. Nous avons enfin
réalisé deux entretiens complémentaires, en 2014, auprès de l’ANSM
(Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé).
La première partie de ce texte vise à contextualiser le cas sous étude
en rendant compte de l’intensité contemporaine de la promesse anti-âge et
de son caractère polymorphe. La deuxième partie est consacrée à l’exposition de la trajectoire française de ce traitement. La dernière partie vise à
l’explicitation de l’économie politique et morale de la promesse DHEA
(3).
(3) Nous tenons à remercier les organisateurs du séminaire « Les nouvelles frontières
de la médecine » (triangle ENS de Lyon), t. Bujon, C. Dourlens, g. Le Naour, ainsi
que F. Dedieu et S. Parasie, responsables du séminaire du LISIS de nous avoir donné
l’opportunité de présenter et d’améliorer une première version de ce texte. Nous
remercions également les deux évaluateurs anonymes pour leurs précieux commentaires.
LES ÉCoNoMIES DE LA PRoMESSE ANtI-ÂgE
Intensité et polymorphisme de la promesse anti-âge 9
Il est possible de distinguer trois principaux vecteurs de diffusion et
de crédibilisation de la promesse anti-âge. Le plus manifeste est sans
doute le développement d’interventions et de produits censés gommer les
marques visibles du temps. Plusieurs des opérations phares de la chirurgie
esthétique sont promues comme des interventions « anti-âge ».
L’introduction, en 2002, sur le marché américain, de la toxine botulique
(Botox®) pour lutter contre les rides du visage (Mello, 2012) a ouvert un
marché florissant, celui de la médecine esthétique. Ce produit s’est imposé
comme l’intervention esthétique la plus populaire aux États-Unis avec
plus de 6 millions d’interventions en 2012 (4). La cosmétologie et ses
crèmes antirides innovantes, avec l’arrivée récente des cosmeceuticals (5),
sont aussi une source importante de production et de diffusion de la
promesse. L’omniprésence des messages publicitaires pour ces produits
contribue, au quotidien, à construire ce que Smirnova (2012), dans son
analyse du secteur, qualifie de « will to youth » en s’adressant à une très
large population « à risque » : la femme et l’homme vieillissant.
La biogérontologie (Bourg, 2012) et les sociétés de biotechnologies
qui lui sont liées sont une autre source de production et de diffusion de la
promesse anti-âge. Les travaux menés dans ce domaine ont longtemps
souffert du statut de « recherche défendue » (Lockett, 1983) mais, avec la
montée en puissance de la problématique du vieillissement des populations, ce champ de recherche a peu à peu émergé comme un domaine stratégique (Vincent, 2006). L’histoire récente des États-Unis permet
d’apprécier le degré de normalisation atteint par ce secteur. Mentionnons,
en premier lieu, le rachat en 2008 par gSK (6), pour un montant de
720 millions de dollars, de la société de biotechnologie la plus en vue sur
le marché du médicament anti-âge : Sitris Pharmaceuticals. Son projet
phare sera un échec, mais il sera vite effacé par la perspective historique
d’une convergence technologique (Roco et Bainbridge, 2003) dans ce
secteur, avec l’annonce, en 2013, par l’un des fondateurs de google, du
lancement de la California Life Company (CALICo). Ce centre de
recherche dédié exclusivement à la question de la longévité et du vieillissement a pour directeur général l’un des scientifiques-entrepreneurs les
plus en vue du monde de la biotechnologie, A. Levinson. Le partenariat
noué en 2014 avec le laboratoire pharmaceutique AbbVie (ex-Abbott)
(4) Chiffres diffusés par l’American Society of Plastic Surgeons.
(5) Néologisme apparu au début des années 2000 sur le marché américain.
(6) glaxoSmithKline, l’un des leaders de l’industrie pharmaceutique.
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SÉBAStIEN DALgALARRoNDo, BoRIS HAURAy
procure à CALICo l’expertise nécessaire au développement clinique,
mais aussi et surtout au lancement commercial d’un nouveau produit.
Cette société a, en effet, la particularité d’évoluer d’ores et déjà au cœur
du marché de l’anti-âge avec son gel à la testostérone : Androgel®. Ce
traitement connaît, depuis quelques années, un fort engouement aux ÉtatsUnis auprès d’hommes désireux de lutter contre la baisse naturelle du taux
de testostérone au cours du vieillissement (Watkins, 2013). La FDA
(Food and Drug Administration) estime qu’en 2014 un américain sur
vingt-cinq est sous traitement substitutif de testostérone (7).
Le troisième vecteur de diffusion de la promesse anti-âge est l’émergence, dans un premier temps aux États-Unis, d’une médecine anti-âge
qui se propose de ralentir, voire d’inverser, le processus biologique du
vieillissement. Cette nouvelle offre thérapeutique a pris, dès 1993, la
forme d’une société savante : The American Academy of Anti-Aging
Medicine (A4M). L’A4M, qui n’est pas reconnue par l’American Medical
Association (AMA), fut dès sa création l’objet de critiques très virulentes,
à la fois pour son manque de scientificité (olshansky et al., 2002), mais
aussi pour son mercantilisme (8). L’A4M revendique, en vingt ans, plus
de 22 000 adhérents répartis dans 105 pays. Si la médecine anti-âge attend
beaucoup des développements relevant de la médecine dite régénérative
(utilisation des cellules souches notamment), elle repose concrètement
aujourd’hui sur la promotion combinée d’un anti-aging lifestyle — activité physique, diététique — et de thérapies hormonales compensatrices.
La création de l’A4M est étroitement liée aux espoirs suscités par les
premiers essais sur l’homme de l’hormone de croissance comme traitement anti-âge au début des années 1990. Les dénonciations et alertes répétées contre ce positionnement hétérodoxe des membres de l’A4M pour
une thérapeutique encore expérimentale et potentiellement dangereuse
n’ont pas freiné l’usage anti-âge des hormones aux États-Unis (9) (FDA,
2012), un phénomène massif perçu par les autorités sanitaires et une partie
du corps médical comme un risque sanitaire majeur (Perls et al., 2005).
Au-delà des produits utilisés, de leur efficacité/dangerosité, l’originalité
de cette nouvelle offre médicale (Fishman et al., 2010) tient à la modification profonde de la relation thérapeutique qu’implique son caractère
préventif et holistique. Le corps vieillissant devient l’objet d’une
(7) New York Times, 17/09/2014 : « FDA. Panel Backs Limits on Testosterone Drugs ».
(8) New York Times, 15/04/2007 : « Aging: Disease or Business Opportunity? ».
(9) En 2007, la consommation« anti-âge » de DHEA aux États-Unis représente un
marché estimé à 50 millions de dollars. New York Times, 17/04/2005 : « How One Pill
Escaped the List of Controlled Steroids ».
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surveillance médicale et d’un management des risques constants adossé à
une reprogrammation experte de son style de vie et la mise en place de
dispositifs d’autocontrôle. La médecine anti-âge s’apparente ainsi à une
véritable technique de soi articulée à une éthique de la responsabilité. Bien
vieillir devient un devoir moral, une injonction à l’action, à l’investissement rationnel dans la préservation de son corps sous l’autorité scientifique de ces spécialistes du vieillissement réussi.
De la crème antirides à l’espoir de molécularisation (gaudillière,
2002) du remède contre le vieillissement, ce panorama rapide permet de
constater la vitalité de la promesse anti-âge et son polymorphisme. Le
halo informationnel qui se forme autour de ces multiples sources produit
le sentiment diffus d’un futur « déjà-là » qui ne serait retardé que par le
manque de moyens ou d’audace scientifique. La DHEA s’est inscrite au
croisement de ces trois principaux vecteurs de la promesse anti-âge.
Trajectoire française de la DHEA
Le 7 janvier 1995, l’hebdomadaire Le Point consacre un dossier
spécial à la DHEA et titre : « Les formidables promesses de la molécule
DHEA ». Une révolution thérapeutique est annoncée : il sera bientôt
possible de « vieillir jeune ». Un chercheur français très réputé vient de
découvrir « le médicament du bien-vieillir » : « Celui qui nous prépare
cette potion magique, ce n’est pas un de ces charlatans à la bouche
menteuse, mais un homme prudent, un vrai scientifique, à la fois médecin
et chimiste, l’un des plus grands chercheurs français, Étienne-Émile
Baulieu, directeur de l’unité 33 de l’INSERM, membre de l’Académie des
sciences, professeur depuis 1993 au Collège de France, prix Lasker (le
Nobel américain), spécialiste mondialement reconnu des hormones
stéroïdes, père du célèbre RU 486 et découvreur, voilà trente ans, de cette
molécule sur laquelle il travaille à nouveau aujourd’hui avec tant de
passion, le sulfate de DHEA » (Le Point, 7/01/1995).
La dernière phrase de ce dossier permet de mesurer tout l’engagement du Pr Baulieu dans ce projet lorsqu’il déclare : « je ne veux pas
crever sans savoir ce que vaut ma DHEA ! ». Le journal télévisé du soir
de tF1 en fait son ouverture : « Un sérieux espoir dans le domaine
médical, des gérontologues français s’apprêtent à tester une nouvelle
molécule qui permettrait de vieillir mieux » (10). C’est dans les années
(10) Jt de 20 h de TF1, 07/01/1995.
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1980 que le potentiel thérapeutique de la DHEA a progressivement
émergé suite à la publication de recherches épidémiologiques mettant en
évidence une possible corrélation entre le taux de DHEA et la mortalité/
morbidité (Barrett-Connor et al., 1986). De nombreux essais sur l’animal
ont également participé à matérialiser cet espoir en montrant la capacité
de cette hormone à agir sur les effets du vieillissement : perte de la densité
osseuse, diminution de la mémoire, baisse des défenses immunitaires ou
encore prise de poids. Mais l’article du Point s’appuie sur un élément
nouveau majeur : la publication, six mois plus tôt dans une revue américaine d’endocrinologie clinique prestigieuse (11), des résultats d’un essai
montrant pour la première fois l’effet positif (« amélioration du bien-être
physique et psychologique ») de l’administration de DHEA chez l’homme
(Morales et al., 1994). Le responsable de cet essai, celui que le Pr Baulieu
présente dans cet article du Point comme son « ami » et « le plus grand
endocrinologue » américain, est le Pr yen de l’université de San Diego.
La puissance statistique de cet essai contrôlé en double aveugle est très
modeste : le suivi n’est que de six mois et il ne porte que sur 13 hommes
et 17 femmes âgés de 40 à 70 ans. Le Pr Baulieu, en contact régulier avec
son homologue américain, considère ces travaux suffisamment encourageants pour décider, dès 1994, de tester la DHEA en France.
Il faudra attendre 1998 pour que cet essai clinique intitulé DHEAge
voit le jour. Le Pr Baulieu, en véritable entrepreneur de la recherche
biomédicale, parviendra à convaincre un panel hétéroclite de financeurs
(12) et à obtenir le soutien d’institutions prestigieuses : l’Assistance
publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) qui assumera la promotion de l’essai
et la Fondation nationale de gérontologie (FNg) qui prendra en charge sa
coordination. La direction de cet essai est partagée entre le Pr Baulieu et
le Pr Forette, une gérontologue française de premier plan, alors directrice
de la FNg. Cet essai contrôlé en double aveugle contre placebo étudie,
chez 280 hommes et femmes de plus de 60 ans, l’effet de la prise de 50 mg
de DHEA pendant un an. À l’annonce de l’ouverture de l’essai, l’équipe
sera submergée par les sollicitations d’un public issu « pour la plupart des
affaires, de l’enseignement, de l’administration, des professions libé(11) L’une des deux revues historiques de l’Association américaine d’endocrinologie,
Journal of Clinical Endocrinology and Metabolism.
(12) La région Île-de-France, la Fondation pour la recherche médicale, le secrétariat
d’État à la Santé, le ministère de la Recherche, les sociétés AXA, L’oREAL, LVMH,
la Fondation Edmond de Rothschild, l’Association APRES et les laboratoires
Boehringer-Mannheim.
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rales », et qui formera ce que la responsable du recrutement qualifie de
« cohorte la plus huppée de France » (13).
Les résultats sont publiés en 2000 (Baulieu et al., 2000) dans une
revue américaine généraliste de premier plan. Ils sont globalement décevants : des effets positifs (amélioration de la densité osseuse, de la libido
et de la peau) n’ont pu être montrés que pour une sous-population de
l’essai, les femmes de plus de 70 ans. Pourtant, tout en faisant allusion à
certaines limites des résultats de l’étude DHEAge, la presse, aidée par un
Pr Baulieu enthousiaste, déploie majoritairement, dans les jours qui
suivent, la rhétorique de la grande découverte médicale. Les journaux télévisés mettent en scène des témoignages extrêmement positifs de participantes à l’essai pour illustrer l’annonce de ces résultats : « Hein, elle est
belle ma peau ! Depuis que j’ai commencé le protocole de DHEA, je n’ai
plus aucune crise d’asthme, je ne vais plus chez mon médecin. Si je ne
regardais pas ma date de naissance, je ferais abstraction de mon âge »
(14) ; « (…) depuis que j’en prends, je me sens bien et je me sens tonique
et avec l’envie de faire des choses et cela je trouve que c’est extraordinaire, parce qu’il y a quelques années, il fallait vraiment que je me pousse
à faire des choses » (15).
L’évocation régulière d’une « pénurie », combinée à l’annonce
publique de personnalités du monde du spectacle et des médias, comme
Johnny Hallyday (16) qui, en juin 2000, déclare « en prendre » depuis son
« retour de Californie », a pour effet de renforcer la désirabilité de ce traitement. À cette période, la DHEA n’est en effet accessible en France
qu’auprès d’un nombre très réduit et confidentiel de pharmaciens qui
acceptent de la délivrer sous la forme de préparations magistrales. Elle
reste donc réservée à des individus particulièrement bien informés ou
capables de se fournir à l’étranger, notamment aux États-Unis où cette
hormone est en vente libre comme complément alimentaire (Denham,
2011). Le réseau Internet alors naissant (17) offre une voie d’accès
supplémentaire pour les plus technophiles d’entre eux. L’ordre des méde(13) Le Monde, 17/03/2001 : « Les accros de la pilule de jouvence ».
(14) Jt de 20 h de TF1, 11/04/2000.
(15) Jt de 20 h de France 3, 11/04/2000.
(16) Dépêche AFP du 1 juin 2000 reprise par plusieurs journaux. D’autres personnalités évoqueront leur « cure de jouvence », comme le Baron guy de Rothschild, Claude
Sarraute ou encore Françoise giroux qui déclarera en prendre depuis 1996.
(17) C’est en février 1999 que le site drugstore.com, filiale d’Amazon.com, est par
exemple officiellement lancé.
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cins (18) et celui des pharmaciens (19) prennent position en avril 2001.
Leurs communiqués respectifs, largement repris par les médias, soulignent le manque de données probantes, les risques potentiels d’effets
secondaires et déconseillent finalement la consommation de cette
hormone. Dès le mois de mai 2001, l’entreprise Cooper, leader dans l’approvisionnement des officines françaises en matière première, annonce
qu’elle est en mesure de fournir toutes les pharmacies de France afin que
« des millions de gélules » puissent être produites par an (20). Les médias
décrivent une véritable « ruée » (21) : « Depuis le mois de juin, la DHEA
pullule en petites pilules sur les comptoirs des pharmacies, un véritable
succès pour ce produit miracle » (22). L’entreprise affirme avoir écoulé
en seulement un mois le stock de matière première prévu pour le semestre
(23). La création soudaine de ce marché de la DHEA pousse les autorités
sanitaires à réagir. Le 3 juillet 2001, l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps) (24), sur demande du ministre de la
Santé, organise une expertise collective des données disponibles. Le
Pr Baulieu est auditionné par ce groupe ad hoc formé de 18 scientifiques,
dont une statisticienne. Dans leur rapport, les experts pointent des risques
et affirment sans ambiguïté qu’il n’existe « aucune preuve formelle » d’efficacité de la DHEA dans le domaine du vieillissement : « Concernant le
critère principal de jugement (échelle de sensation de bien-être), aucun
effet positif n’a été mis en évidence ni dans la population globale ni dans
aucun des sous-groupes étudiés. Des effets positifs ont été mis en évidence
pour des critères secondaires, dans des sous-groupes particuliers, avec
des résultats parfois discordants (densité osseuse, peau, libido). On ne
peut éliminer que ces effets bénéfiques soient liés au hasard (…) » (25).
(18) Dépêche AFP, 10/04/2001 : Vieillissement : l’Ordre des médecins déconseille de
prescrire la DHEA.
(19) Dans un éditorial de la revue Les Nouvelles Pharmaceutiques publié en avril 2001
(n° 218, 1-2), le président de l’ordre des pharmaciens appelle sa profession à la
prudence. L’éditorial est titré : « Sachez résister ».
(20) Les Echos, 23/05/2001 : « L’“hormone de jeunesse” bientôt vendue en masse
dans les pharmacies françaises ».
(21) Libération, 5/05/2001 : « Ruée vers la DHEA » ; Le Point, 20/04/2001 : « La ruée
vers la pilule de jeunesse ».
(22) Jt de 20 h de France 2, 10/07/2001.
(23) Dépêche AFP, 10/07/2001 : « La DHEA classée comme médicament : Cooper
inquiet pour ses ventes ».
(24) Aujourd’hui Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM).
(25) Rapport DHEA de l’Afssaps – groupe ad hoc du 3 juillet 2001, p. 6.
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Sur la base de cet avis, le ministre de la Santé affirme quelques jours plus
tard sa volonté d’inscrire la DHEA à la pharmacopée française. Cette
décision, qui ne sera effective qu’en janvier 2003 fait de la DHEA un
« médicament » sans indication. Une décision administrative rarissime qui
a pour bénéfice de normaliser les circuits de distribution et de sécuriser
ainsi sa dispensation sous la forme de préparations magistrales. Le soir de
l’annonce de cette décision, le directeur général de l’Afssaps est interrogé
dans le 20 heures de TF1. Il met en garde cette très large audience contre
les risques encourus, le journaliste de préciser : « selon les données
actuelles, la prise non surveillée de DHEA peut dans certains cas
augmenter les risques cardiovasculaires ou même favoriser le développement de certains cancers notamment chez des femmes ménopausées qui
suivent un traitement hormonal » (26). En 2002, la revue Prescrire (27)
adopte le ton de la dénonciation dans un long article de synthèse comportant 113 références bibliographiques et qualifie le phénomène DHEA de
« nouvelle esbroufe » : « l’engouement actuel pour la DHEA ne repose sur
aucune donnée solide. Il ne faut ni prescrire ni conseiller cette mystification multi-médiatisée » (Prescrire Rédaction, 2002).
À partir de 2003, la DHEA quitte progressivement le devant de la
scène médiatique. Mais son commerce est toutefois confirmé en février
2006 (28) lorsque l’Afssaps lance une mise en garde du grand public
contre les dangers de l’achat de médicaments sur Internet. Le communiqué s’appuie notamment sur l’exemple de la DHEA pour matérialiser ce
risque d’autoconsommation. Un mois plus tard se tient à Paris le
4e Congrès mondial de l’anti-âge, une occasion pour les promoteurs de la
DHEA de partager leurs résultats de recherche devant, selon les organisateurs, près de 2 700 médecins : « dermatologues, endocrinologues, médecins généralistes... Ils sont de plus en plus nombreux (…) Même des
scientifiques reconnus — comme le professeur Étienne-Émile Baulieu (...)
n’hésitent plus à montrer leur intérêt pour cette discipline » (29).
Une nouvelle étude publiée en 2006 dans le très prestigieux New
England Journal of Medicine conclut à l’inefficacité de la DHEA (Nair et
al., 2006). La DHEA fera l’objet, dans ce même numéro, d’un éditorial
dans lequel l’auteur pointe en conclusion la responsabilité de l’administra(26) Jt de 20 h de TF1, 10/07/2001.
(27) Revue critique du secteur du médicament, d’audience principalement nationale,
régulièrement citée dans la presse généraliste et constituant un lieu de contre-expertise.
(28) Libération, lundi 13 février 2006, p. 22.
(29) Aujourd'hui en France, 26/03/2006 : « Le boom de la médecine anti-âge ».
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SÉBAStIEN DALgALARRoNDo, BoRIS HAURAy
tion américaine qui, en laissant cette hormone circuler sur le marché peu
réglementé des compléments alimentaires, offre de fait l’opportunité
d’une exploitation commerciale de cette fausse promesse (Stewart, 2006).
L’aspect définitif de la réponse apportée par cette revue scientifique est
perceptible dans les titres proposés par les quotidiens français : « DHEA :
l’hormone de jouvence prend un coup de vieux » (30), « La DHEA n’empêche pas de vieillir » (31). La carrière anti-âge de la DHEA semble définitivement stoppée. La consommation de DHEA, pendant ces années
2000, est difficile à évaluer. Le Pr Baulieu avancera à de nombreuses
reprises des centaines de milliers de consommateurs français (autour de
400 000), évaluation contestée par l’Afssaps qui affirme, en 2002 (32),
que ceux-ci ne sont déjà plus que 40 000 avec, toujours selon cette institution, une baisse régulière des prescriptions. Cette tendance sera contredite par une nouvelle estimation réalisée en 2008 (33), toujours par
l’Afssaps et l’annonce de près de 130 000 consommateurs, chiffrages officiels qui ne tiennent pas compte des achats effectués sur Internet.
L’absence actuelle de suivi du dossier « DHEA » au sein de l’ANSM
indique par ailleurs que cette consommation d’hormone, dont on ignore
l’importance, s’est en quelque sorte normalisée. De leur côté, des promoteurs de l’usage de DHEA continuent de vanter ses incroyables vertus. on
peut ainsi toujours lire, en 2014, sur le site de l’Association française de
médecine morpho-esthétique et anti-âge (AFME) : « Elle (la DHEA)
stimule nos défenses immunitaires (…), réduit l’apparition des maladies
liées à l’âge, dont les cancers et les maladies coronariennes (…),
améliore l’état général des patients atteints de Alzheimer, lupus, HIV,
fatigue chronique. Elle atténue les symptômes de la ménopause et de la
dépression. Elle améliore la mémoire et facilite ainsi l’apprentissage.
Enfin, elle augmente l’espérance de vie » (34).
(30) Libération, 20/10/2006.
(31) Le Figaro, 19/10/2006.
(32) Le Monde, le 16/04/2002 : « La consommation de DHEA diminue en France
depuis 6 mois ».
(33) Ouest-France, 1/10/2010 : « Santé Méfiance avec la DHEA ». Cette estimation
est le produit d’une enquête plus vaste de l’Afssaps menée en 2007 sur les dangers des
préparations magistrales après la mort d’un client d’une pharmacie à qui son médecin
avait prescrit une préparation magistrale à base d’extraits thyroïdiens.
(34) tiré du site de l’AFME : http://www.afme.org/anti-age/DHEA_anti-age.htm.
LES ÉCoNoMIES DE LA PRoMESSE ANtI-ÂgE
Les économies de la promesse
17
L’histoire française de la DHEA est marquée par un fait singulier :
en quelques mois, des dizaines de milliers d’individus se sont lancés dans
l’expérimentation d’un traitement antivieillissement, aux bénéfices et aux
risques incertains, au statut juridique flou, et ce, malgré une opposition
quasi unanime des scientifiques. Pour comprendre cette prise de risque
délibérée de la part des patients/consommateurs et d’une partie du corps
médical, nous analyserons dans un premier temps le discours des promoteurs de la DHEA : celui des Pr Baulieu et Forette. Il ne s’agit pas de
réduire cette adhésion populaire à une argumentation réussie, mais d’identifier le cadrage moral dont a bénéficié l’introduction de ce traitement en
France. Par ailleurs, cette consommation à risque n’aurait pas eu cette
ampleur sans la création parallèle d’un marché de la DHEA. Nous envisagerons dans un deuxième temps les conditions de constitution de ce
marché à risque, le rôle d’Internet et les effets de cette sollicitation
atypique du système de soin sur la décision politique.
Normaliser et responsabiliser
Le caractère innovant de la DHEA, qui vise l’optimisation du
processus de vieillissement, obligea les promoteurs français à s’engager
dans un travail d’euphémisation de cette dimension améliorative (35).
Ainsi, il ne sera pas question « d’améliorer », de créer des « surhommes
ou des superwomen » mais de « normaliser certains effets du vieillissement » (36). La prise de DHEA est régulièrement présentée par le
Pr Baulieu comme une pratique équivalente à la thérapeutique substitutive
de la ménopause : « cela veut dire qu’on ferait un pas vers une thérapeutique de compensation de l’âge. Regardez chez la femme à la ménopause,
on donne des hormones et c’est bienvenu pour éviter par exemple l’ostéoporose » (37). La diminution avec l’âge du taux de DHEA est conceptualisée sous la forme d’un « déficit », susceptible d’être compensé par un
dosage qualifié de « physiologique », au sens où la norme est donnée par
(35) Le 7 mars 2000, le ministère de la Jeunesse et des Sports classa la DHEA comme
substance dopante.
(36) Déclaration du Pr Baulieu dans Le Figaro, le 11/04/ 2000 : « Vieillissement. La
libido des femmes de plus de 70 ans, la peau et la densité osseuse sont améliorées. Les
vrais effets de la DHEA révélés. A-t-on trouvé la pilule de jouvence ? ».
(37) Propos du Pr Baulieu, Jt de 20 h de France 2, 07/01/2005.
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SÉBAStIEN DALgALARRoNDo, BoRIS HAURAy
un état antérieur, la biologie du corps jeune, et en opposition à une dose
« pharmacologique » qui fait référence à l’univers du dopage. Les promoteurs de la DHEA empruntent à leur tour le cheminement conceptuel de
leurs prédécesseurs gynécologues qui, dans les années 1930, ont transformé la ménopause en un « deficiency disease » (Bell, 1987), une
analogie régulièrement utilisée qui a pour effet de produire de la familiarité, d’inscrire la DHEA dans la longue histoire des traitements hormonaux (oudshoorn, 1994) et de créer ainsi les conditions de la confiance :
« Ce que nous avons fait, et ce que beaucoup de collègues décrivent avec
nous, ça n’est ni fantastique ni fantasmatique : (…) c’est notre travail (...)
cela existe véritablement et les résultats sont plus intéressant que nous ne
l’espérions » (38), une mise en confiance propice à l’expérimentation
(Möllering, 2001), qui permet aux consommateurs d’aller « au-delà des
faits » (Luhmann, 2006 : 28).
L’économie morale de la promesse DHEA participe également à la
légitimation de nouveaux horizons. La présentation du vieillissement de la
société française, comme une « révolution démographique négligée (…)
dans l’aveuglement le plus complet de tous les décideurs politiques,
industriels, universitaires » (Forette, 1997 : 15) nécessite d’explorer de
nouvelles pistes thérapeutiques, d’innover avec des hommes et des
femmes ambitieux : « La gériatrie doit devenir une spécialité attractive.
Comme les greffes, le sida ou le cancer, la gériatrie a besoin, explique
Françoise Forette, de Rambos » (39). Le rééquilibrage hormonal est
présenté comme une réponse émergente et très prometteuse — « Je suis
confiante, mélatonine, DHEA, hormone de croissance… L’administration
de ce type de substance dont le taux diminue avec l’âge permettra un jour
sans doute de lutter contre le vieillissement physiologique » (Forette,
1997 : 25) — et l’essai DHEAge comme un protocole scientifique rigoureux permettant d’obtenir des résultats « indiscutables et clairs » (40).
Dans ce discours du défi sociétal, le vieillissement est exclusivement envisagé comme une lente dérive vers la vulnérabilité, la maladie et la perte
d’autonomie : « Le vieillissement (…) transforme un sujet adulte en bonne
santé en un individu fragile (…) vulnérable à de nombreuses maladies »
(41). Cette invitation à l’action se mêle au discours classique de la santé
(38) Jt de 20 h de France 2, 07/01/2005.
(39) Le Progrès, Lyon, 8/05/1997 : « La longévité bouleverse la société ».
(40) Pr Baulieu dans Le Point, 14/04/2000 : « Contre le Vieillissement. Tout sur la
molécule qui fait des prodiges ».
(41) Libération, 14/05/2003 : « La révolution du vieillissement. Par Baulieu EtienneEmile ».
LES ÉCoNoMIES DE LA PRoMESSE ANtI-ÂgE
19
publique contemporaine sur la responsabilité individuelle (Lupton, 1995).
La lutte contre le vieillissement se transforme en une gestion de son
capital santé par la prévention d’un facteur de risque majeur : « La DHEA
(…) favorisera un meilleur fonctionnement physiologique (…) Chacun
devra alors élever son degré de conscience préventive pour utiliser tous
les moyens susceptibles d’éviter les maladies… » (Forette, 1997 : 59), un
appel à la responsabilité individuelle véhiculé par les consommateurs les
plus en vue médiatiquement : « avec le rallongement de la durée de vie, il
est temps de prendre les commandes du poste de pilotage si l’on ne veut
pas finir dans un hospice. C’est une responsabilité envers soi, sa famille,
mais aussi la société tout entière » (42). Enfin, ces discours trouvent dans
les théories gérontologiques du vieillissement réussi un cadrage normatif
porteur : « Un successful ageing doit être un objectif de toute la société,
évidemment pour des raisons éthiques, mais aussi pour obtenir de
meilleures conditions psychologiques, économiques et sociales » (43). Les
théories du « bien vieillir » posent comme un devoir pour la gérontologie
de rompre avec le registre du destin et d’accompagner chacun dans la
construction de son propre projet de vieillissement. Cette prise en charge
est décrite dans la littérature de référence comme une « optimisation sélective par compensation » (Baltes et Baltes, 1993), une conceptualisation
très proche de celle utilisée dans le domaine du rééquilibrage hormonal.
L’efficacité de cette économie morale est en partie attestée par
l’absence de débat éthique durant l’épisode médiatique de la DHEA. La
question des fins poursuivies n’est jamais apparue comme un objet
controversé. Ce jeu de la familiarité, qui privilégie une vision incrémentale de l’innovation à un discours de la rupture permet de faire évoluer à
bas bruit les frontières de la médecine.
Un marché de la prise de risque
Le phénomène DHEA a reposé sur la constitution d’un marché de la
prise de risque. Ce marché supposait des consommateurs prêts à
combattre leur vieillissement par une thérapie aux propriétés mal connues,
des pharmaciens et des médecins disposés à accompagner leurs patients
dans cette expérimentation sauvage et, enfin, des autorités publiques
soucieuses de réguler sans pouvoir véritablement interdire. L’intensité de
(42) Propos de Maryse Wolinski, journaliste et écrivain. Aujourd'hui en France, le
26/03/2006 : « Mes artères ont dix ans de moins que moi ».
(43) Libération, 14/05/ 2003 : « La révolution du vieillissement », E.E. Baulieu.
20
SÉBAStIEN DALgALARRoNDo, BoRIS HAURAy
la demande fut un élément clé dans la constitution de ce marché, comme
l’atteste une étude (44) menée en 2002 auprès de 400 médecins généralistes (Rojnic et al., 2004) qui montre qu’une très grande majorité de ceuxci (89 %) déclarent avoir été confrontés au « phénomène DHEA », plus de
la moitié (56%) déclarent en avoir prescrit et dans plus de 90 % des cas,
cette prescription est le résultat d’une « demande pressante des patients ».
Pour légitimer leur positionnement atypique, les professionnels de santé
évoquèrent régulièrement les dangers d’une autoconsommation via
Internet. Une pharmacienne de l’Essonne déclarait ainsi en 2001 : « De
toute façon, les gens vont se la procurer ailleurs, sur l’internet ou à
l’étranger » (45). L’existence d’un marché parallèle de DHEA sur
Internet décrit par les médias et les administrations comme un « trafic »
—« même si on peut en commander facilement via internet, où le trafic est
intense, on n’est pas à l’abri d’un mauvais dosage ou d’une escroquerie »
(46) — apparaît comme un élément central dans la constitution de ce
marché de la prise de risque. Dès octobre 1996, les autorités françaises
s’inquiètent de l’inadaptation de la législation française face à la vente
croissante de médicaments et de « substances interdites en France » (47)
sur le réseau. La DHEA et la mélatonine sont données en exemple. Le
compromis réglementaire qui transforma, en juillet 2001, la DHEA en un
médicament sans indication est donc pour une grande part dicté par les
contraintes nouvelles que faisait peser le réseau internet sur le marché
pharmaceutique hexagonal. Le ministre de la Santé B. Kouchner justifiait
sa décision atypique par la nécessité d’une « pédagogie du risque » en
rupture avec l’histoire de la régulation de ce marché (Hauray, 2006) : « Je
n’allais pas interdire cette substance alors que nous ne disposons pas à
l’heure actuelle de preuve formelle des risques qu’elle ferait courir. Nous
avons déjà assez d’interdits dans notre société et je préfère développer
une pédagogie du risque. Plutôt que d’interdire le rêve, j’ai choisi de le
sécuriser » (48). En faisant le choix de « sécuriser » une pratique à risque,
le ministre répond par l’élaboration de ce que Foucault qualifie de dispo(44) Étude intitulée : « Impact du “phénomène DHEA” en médecine générale »,
menée en juin/juillet 2002, portant sur 400 généralistes des Alpes-Maritimes.
(45) Libération, 05/05/2001 : « Les marchands de jeunesse. Ni interdite ni autorisée,
la DHEA, hormone de jeunesse, est vendue en France depuis un mois. Une demande
qui flambe et un trafic qui s’épanouit ».
(46) Jt de 20 h de TF1, 24/02/2001, voix off du reportage.
(47) Le Monde, 4/10/1996.
(48) Le Monde, 12/07/ 2001 : « Le gouvernement souhaite contrôler l’usage de la
DHEA ».
LES ÉCoNoMIES DE LA PRoMESSE ANtI-ÂgE
21
sitif de sécurité. La particularité de cette modalité de gestion du risque
tient à ce que le comportement approprié est ici le produit d’un « jeu à
l’intérieur de normalités différentielles », une normalisation — par opposition au processus de normation — qui laissait aux acteurs de ce marché
à risque le soin de décider de l’avenir commercial et thérapeutique de la
molécule. La consommation importante et ancienne de cette hormone aux
États-Unis fournissait l’équivalent d’un test d’innocuité à grande échelle.
Le Pr Baulieu déclarait dès 1999 : « Des millions d’Américains en prennent et ils ne sont pas morts » (49) .
Revenons pour finir sur l’originalité de cette consommation médicamenteuse. Le comportement de ces milliers d’individus engagés dans
cette expérimentation sauvage relève de la prise de risque délibérée. La
littérature sociologique qui traite de ce comportement atypique a en
commun de souligner sa dimension politique. La prise de risque délibérée
(Lupton, 1999) correspondrait à une remise en cause de la normalité, un
jeu avec les frontières « edgework ». Ce comportement se distingue des
« conduites à risque » dès lors que cette expression de la santé publique
renvoie à une incapacité de l’individu à se conformer à une norme
(Peretti-Watel, 2003 ; Peretti-Watel et Moatti, 2009). La quête d’authenticité, de réalisation de soi et la volonté d’autonomie apparaissent comme
des éléments centraux dans ce jeu du risque (Lyng, 1990). Le comportement de ces milliers de consommateurs français nous semble relever de la
même dynamique et atteste a minima de l’intensité de cette volonté de
lutter contre le vieillissement. L’existence, à partir des années 2000, de
controverses très vives sur les risques liés au traitement hormonal substitutif de la ménopause en France (Löwy et gaudillière, 2006) — qui
connaît son acmé en 2002 avec la publication retentissante de l’étude WHI
et l’arrêt de traitement de plus d’un tiers des patientes françaises (thoërFabre et Levy, 2007) — est un élément supplémentaire à prendre en
compte pour apprécier le contexte de cette prise de risque. L’étude de
Rojnic et al. (2004) montre en effet que les femmes représentaient 80 %
des prescriptions : « avec un niveau socioculturel moyen à élevé (…) qui
n’acceptaient pas leur vieillissement ». Notons enfin que ces consommateurs profanes et isolés sont très différents des publics habituellement
associés à ce type de comportement dans le domaine de la médecine. Leur
consumérisme médical à risque ne peut être caractérisé, comme chez les
culturistes (Monaghan, 1999), les ravers expérimentant l’usage récréatif
de la kétamine (thoër et Aumond, 2011) ou les « pro-anorexiques » (Fox
(49) Sciences & Avenir, 1999, n° 625 : « Rester jeune jusqu’à 120 ans. DHEA, la
molécule de l’espoir ».
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SÉBAStIEN DALgALARRoNDo, BoRIS HAURAy
et al., 2005), par une connaissance experte et communautaire de la pharmacopée et de ses usages détournés (Lévy et al., 2008). Les malades du
sida (Barbot, 2002 ; Dalgalarrondo, 2004 ; Epstein, 2001), ou ceux
touchés par les maladies rares (Callon et Rabeharisoa, 1998 ;
Dalgalarrondo, 2007 ; Huyard, 2009) offrent également un modèle très
différent dans la mesure où, dans ces deux cas, la prise de risque est socialisée par des collectifs experts et où elle répond à une urgence vitale. Ce
consumérisme médical à risque, situé aux marges du réglementaire et des
connaissances scientifiques, représente un terrain de recherche encore peu
exploité. La structure atomisée de cette consommation en est sans doute
la raison. L’analyse de ces comportements et des promesses qui leur sont
liées permet pourtant d’identifier de nouvelles plaintes et de nouvelles
attentes sociales vis-à-vis de la médecine.
Conclusion
La sociologie des promesses médicales, par son attention spécifique
à la question des frontières et de leur évolution, permet d’aborder les
processus de médicalisation sous un angle renouvelé. Nous avons notamment tenté de montrer le jeu de complémentarité entre les discours hyperboliques, la DHEA comme fontaine de jouvence, capable de générer une
demande forte et le travail parallèle de normalisation/familiarisation mené
par les promoteurs de ces promesses afin de faciliter l’expérimentation par
les patients. La consommation massive de DHEA à cette période, contre
l’avis consensuel des expertises officielles (Afssaps) et critiques (revue
Prescrire) atteste la puissance de cette configuration où « hypes » et
« hopes » fonctionnent en synergie et rendent possible un incrémentalisme
technologique (Shim et al., 2006) qui, à bas bruit et à distance des grands
débats bioéthiques, fait évoluer concrètement le domaine légitime de la
médecine. L’analyse de la trajectoire de la DHEA comme traitement anti-âge
permet de mesurer l’intensité de la quête de rajeunissement dans la population française et, notamment, chez les femmes. La normalisation réussie
de ce traitement préventif à visée améliorative, la décision politique visant
à sécuriser ce marché de la prise de risque sont autant d’éléments qui
attestent d’une modification profonde de l’appréhension du vieillissement
dans nos sociétés (50). Envisagé comme un processus biologique suscep(50) Pour un panorama des enjeux actuels du vieillissement, voir Caradec (2012) et
Hummel et al. (2014).
LES ÉCoNoMIES DE LA PRoMESSE ANtI-ÂgE
23
tible d’être optimisé, le vieillissement ne relève plus seulement du registre
du destin (Elliott, 2003), de la fatalité familiale ou génétique, mais aussi
de celui de l’action préventive. L’étude du cadrage moral de cette
commercialisation révèle une individualisation des risques liés au vieillissement (Déchamp-Le Roux, 2012) couplée à une morale de la responsabilité. Le patient/consommateur est renvoyé à son idiosyncrasie, aux
questions posées par ce diagnostic de déficit hormonal « inéluctable » et
à la gestion rationnelle de son capital santé, une problématisation du
vieillissement qui, parce qu’elle est déconnectée de la question structurante des déterminants sociaux des inégalités devant la santé, mérite toute
l’attention des sociologues.
Enfin ce cas, qui se situe sur le plan historique à l’orée de l’ère
Internet montre comment ce nouveau média, devenu un élément central de
la dimension transnationale de nos sociétés, favorise les échanges entre les
différentes cultures thérapeutiques (Daemmrich, 2004). L’existence d’un
marché gris de DHEA sur Internet, en plus de révéler le rapport spécifique
qu’entretiennent les Américains aux hormones, renvoyait les consommateurs français à la possibilité concrète d’une autoconsommation expérimentale. La promesse pouvait immédiatement être transformée en
pratique. Le réseau Internet participe ainsi à révéler la dimension socioculturelle du médicament, à la fois support d’investissements idéels
(Desclaux et Lévy, 2003 ; Fassin, 2007) — la consommation de DHEA
traduit un rapport spécifique à la nature et à sa perfectibilité —, mais aussi
véhicule « discret » de rôles, de rapports de pouvoir et d’inégalités — le
rééquilibrage comme pratique distinctive (Bourdieu, 1979). Ce nouveau
mode de circulation et d’appropriation des produits pharmaceutiques
(Akrich et Méadel, 2002 ; Hardey, 2004 ; thoër et Lévy, 2012)
correspond à une configuration nouvelle de ce marché où l’enjeu n’est
plus seulement constitué par le risque médicamenteux, mais aussi par la
prise de risque délibérée de consommateurs profanes et de membres du
corps médical engagés dans la dynamique d’une promesse médicale.
Liens d’intérêts : les auteurs déclarent ne pas avoir de lien d’intérêt en
rapport avec cet article.
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SÉBAStIEN DALgALARRoNDo, BoRIS HAURAy
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ABSTRACT
The economies of anti-aging promises. The DHEA case
the development of an anti-aging promise is a milestone in the contemporary medicalization process of aging. this text focuses on the conditions of emergence of this new therapeutic option in France, following the
scientific and commercial trajectory of DHEA, which was presented in
the 90s as a “fountain-of-youth” hormone. It shows that the consumption
of this product with uncertain properties is the result of an anti-aging
promise economy and analyzes its different dimensions.
RESUMEN
Las economías de la promesa anti-envejecimiento.
El caso de la DHEA
El desarrollo de una promesa anti-envejecimiento es un hito en el proceso
de medicalización contemporánea de envejecimiento. Este texto trata de
las condiciones de surgimiento de esta nueva opción terapéutica en
Francia, analizando la trayectoria científica y comercial de la DHEA, una
hormona que se describió como « fuente de juventud » en los años 90.
Muestra que el consumo de esta medicamento es el resultado de una
economía de la promesa anti-envejecimiento y examina sus dimensiones. 
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