1) les qualités premières : l’étendue, la figure, la solidité et le mouvement, avec les idées d’existence, de durée et de nombre, qui nous représentent les
choses telles qu’elles sont.
2) Quant aux couleurs, aux sons ou aux saveurs, ce sont des « qualités secondes » qui sont produites en nous par l’impression que font, sur nos sens,
divers mouvements de corps si petits que nous ne pouvons les apercevoir.
Doit-on pour autant, comme Descartes, prendre les qualités premières pour les éléments réels des choses, constituant la substance des choses ?
En fait il en va de même de toutes les idées aussi bien « d’étendue, de figure, de couleur, que de toutes les autres qualités sensibles, à quoi se réduit toute
notre connaissance des corps : D’un côté, il est impossible à l’esprit d’imaginer ces idées simples existant par elles-mêmes, sans une substance à laquelle
elles sont inhérentes ; mais, d’un autre côté, « nous sommes aussi éloignés d’avoir quelque idée de la substance des corps que si nous ne la connaissions
point du tout. » Nous n’avons, de cette substance, nulle idée : expliquer la cause de la liaison des idées simples, cela est au-dessus de notre entendement :
La substance, pour Locke, sans doute existe, mais nous ne savons ce qu’elle est, et la seule recherche possible pour nous est la recherche
expérimentale des qualités coexistantes.
La porte est ouverte par la réflexion empiriste de Locke à l’idéalisme de l’évêque Berkeley (1685-1753) : Si nous n’avons jamais affaire qu’à des
idées qui sont des perceptions, pourquoi, distinguant des qualités premières (grandeur, étendue etc.) et des qualités secondes ( telles les couleurs, les
saveurs etc.) voudrait-on que les premières nous renvoient à l’existence d’une réalité indépendante de nos sensations ? quelle différence y a-t-il entre le
blanc et la perception du blanc, sinon le nom qui est un signe que nous avons institué pour communiquer entre personnes auxquelles Dieu a donné la
faculté de voir un monde ? Pour un esprit doué de cette vision, être, ce n’est rien d’autre qu’être perçu.
Comment expliquer la connaissance sans référence à quelconque caractère représentatif de l’idée qui renverrait à l’existence d’une substance
indépendante de la connaissance, en évitant le piège de l’idéalisme de Berkeley, telle est la tâche qui s’impose à Hume, dans la seconde moitié du siècle.
La réflexion de Hume
Hume (1711-1776) publie en 1737 le Traité de la Nature humaine qu’il transforme en Essai neuf ans plus tard.
a) la distinction des impressions et des idées
Hume, restant dans la ligne de l’idéisme, fait une distinction entre les impressions et les idées , qui, selon lui, lève la difficulté : les impressions, ce sont les
originaux ou modèles, dont les idées sont les copies ; elles sont fortes et vives, tandis que les idées sont faibles ; dès lors, il est vrai que toute idée est
représentative, mais elle est représentative d’une impression, qui est de même nature qu’elle, supérieure seulement en intensité ; aucune idée n’est
valable, aucune idée n’a même d’existence, si on ne sait assigner le ou les impressions dont elle est la copie.
L’objet propre de la réflexion n’est pas l’étude de l’impression, étude qui, selon lui, ressortit à l’anatomie et à la physiologie et non à la philosophie : ce
sont uniquement les idées, ces copies des impressions, dont les relations diverses entre elles et avec les impressions, forment le tissu de l’esprit.
b) les lois de fonctionnement de l’esprit
Il s’agit donc de rechercher quelles sont les formes qui entrent naturellement et spontanément en jeu pour lier les idées entre elles. Or, l’expérience montre
que deux idées entrent en connexion soit à cause de leur ressemblance, soit parce que les impressions dont elles sont les copies ont été contiguës, soit enfin
parce que l’une représente une cause dont l’autre représente l’effet.
Ces lois ( de fonctionnement de l’esprit) sont, à nos idées, ce que la loi newtonienne d’attraction est aux corps : elles maintiennent l’ordre dans l’esprit,
comme la loi de l’attraction maintient l’ordre de l’univers, en formant toutes les idées complexes.
c) Le problème de la relation de causalité
Parmi ces connexions, seule pose problème celle que nous percevons comme une relation de cause à effet, qui semble supposer une liaison
nécessaire, indépendante de l’esprit.
A consulter et à retourner en tout sens l’idée de la chose qui est cause, nous n’y trouvons aucun efficace pour produire l’effet. S’il est vrai que nous
n’avons l’expérience d’aucune force ni d’aucune efficacité dans un fait, pourquoi et comment croyons-nous que ce fait sera suivi inévitablement d’un
autre que nous attendons avec la plus grande confiance ?