l'entendement vient à s'en former des idées. Ce sont-là, à mon avis, les seuls Principes d'où
toutes nos idées tirent leur origine; à savoir les choses extérieures et matérielles qui sont les
objets de la Sensation, et les Opérations de notre Esprit, qui sont les objets de la Réflexion. »
Locke, Essai concernant l'entendement humain, 1690.
2.2 Un empirisme antimétaphysique
“...the science of man is the only solid foundation for the other sciences...”
« Il est évident que toutes les sciences, d'une façon plus ou moins importante, ont une relation
à la nature humaine, et que, si loin que l'une d'entre elles peut sembler s'en écarter, elle y
revient toujours d'une façon ou d'une autre. Même les mathématiques, même la philosophie
naturelle et la religion naturelle dépendent dans une certaine mesure de la science de
l'HOMME, car elles tombent sous la connaissance des hommes et sont jugées par leurs
pouvoirs et leurs facultés. Il est impossible de dire quels changements et quelles améliorations
nous pourrions faire dans ces sciences si nous connaissions entièrement l'étendue et la force
de l'entendement humain [...] »
Perceptions : « Les perceptions qui entrent avec le plus de force et de violence, nous
pouvons les nommer impressions ; et sous ce terme, je comprends toutes nos
sensations, passions et émotions, telles qu’elles font leur première apparition dans
l’âme. »
Idées : « Par idées, j’entends les images affaiblies des impressions dans la pensée et le
raisonnement. Telles sont, par exemple, toutes les perceptions excitées par le présent
discours, à l’exception seulement de celles qui proviennent de la vue et du toucher, et
à l’exception du plaisir immédiat ou du désagrément qu’il peut occasionner. »
« Chacun, de lui-même, percevra facilement la différence entre sentir et penser. »
Hume, Enquête sur l'entendement humain (Paris, Flammarion, 1983, note 1, p. 68)
« Que signifie inné ? Si inné équivaut à naturel, alors il faut accorder que toutes les
perceptions et toutes les idées de l'esprit sont innées ou naturelles en quelques sens que nous
prenions ce dernier mot, que ce soit en l'opposant à peu commun, à artificiel ou à miraculeux.
Si, par inné, on signifie contemporain de notre naissance, la discussion semble frivole ; cela
ne vaut pas la peine de rechercher à quel moment commence la pensée, avant, après, ou à
notre naissance. En outre, le mot idée est couramment pris par Locke et par les autres dans un
sens très imprécis, semble-t-il : il représente toutes nos perceptions, nos sensations et nos
passions aussi bien que nos pensées. Or, si l'on accepte ce sens, je désirerais savoir ce qu'on
peut vouloir dire quand on affirme que l'amour de soi, ou le ressentiment des injustices subies,
ou la passion entre les sexes ne sont pas innés. Mais, si l'on admet ces termes impressions et
idées, au sens exposé ci-dessus et que l'on entende par inné ce qui est primitif, ce qui n'est
copié d'aucune perception antérieure, alors nous pouvons affirmer que toutes nos impressions
sont innées et que nos idées ne le sont pas. Pour être franc, je dois avouer que, à mon avis,
Locke fut, sur cette question, la dupe des gens de l'École qui, employant des termes sans les
définir, étirèrent leurs controverses et les allongèrent fastidieusement sans jamais toucher le
point en discussion. Une ambiguïté semblable et de semblables ambages courent, semble-t-il,
à travers les raisonnements de ce philosophe sur ce sujet aussi bien que sur la plupart des
autres questions. »