Création d'une mini-entreprise dans l'école Projet FAST 2014-2015 Pascal Martineau Auxiliaire de recherche, CRIRES / Équipe TACT (Université Laval) Pour plus d’informations : [email protected] Mise en contexte Depuis l'année scolaire 2011-2012, dans le cadre du projet FAST à l'école secondaire Vanier, les élèves de quatrième secondaire sont invités à vivre une expérience accompagnée en entreprise dans un milieu de travail relié au domaine élargi des sciences et des technologies. Cette année, pour trois de ces élèves (deux filles et un garçon), le stage se déroule à même l'école et consiste à créer une mini-entreprise dont la mission est de concevoir, produire et mettre en marché un produit technologique réalisé à l'aide d'une imprimante 3D. Guidé par l'étudiant-chercheur agissant à titre de compagnon de stage, le petit groupe parvient lors d'une première rencontre à la décision d'élaborer un « étui intelligent » pour téléphone mobile (d'où le nom retenu de « SmartCASE »), à la fois modulaire et résistant aux chocs. Ce projet, issu d'un amalgame de propositions en lien avec la téléphonie mobile (étui avec chargeur solaire intégré, haut-parleurs ou projecteur portatif, système de lentilles pour la caméra, etc.), a évolué vers l'idée centrale d'un étui résistant aux chocs et doté d'un système universel de rails permettant d'y attacher différents modules aux fonctions diverses. Après quelques recherches sur Internet, il semble que cette idée n'ait pas encore été exploitée jusqu'à maintenant parmi les cercles d'enthousiastes de l'impression 3D et de la culture maker : une opportunité unique d'inscrire le projet dans un contexte authentique s'offre donc à l'équipe. En effet, par-delà l'idée d'un « méta-produit » évolutif et personnalisable se dessine la possibilité d'établir une communauté virtuelle autour de celui-ci, par l'entremise d'un site web où pourraient être échangés, perfectionnés et vendus de tels modules compatibles à cette nouvelle plate-forme ouverte, le tout selon un modèle d'affaires reposant sur une licence libre (Creative Commons). Le présent document élabore quelques idées ayant fait surface lors d'un retour réflexif, mené avec les trois élèves à la fin de la dernière journée de stage, au sujet du déroulement de l'ensemble du projet, des apprentissages réalisés et de diverses considérations techniques reliées aux activités technoscientifiques vécues. Vue d'ensemble du projet Pour les élèves de la cohorte 2014-2015, les stages FAST se déroulent sur une période de quatre semaines au cours du mois de mars, à raison d'une journée complète par semaine (le mardi) plus une demi-journée de prise de contact au tout début (le premier lundi). Dans l’ensemble, la création d'une mini-entreprise dans l'école laisse place à la créativité des stagiaires et à leur initiative : non seulement décident-ils du produit qui sera développé, mais ils participent également à la planification des opérations de design, de production et de mise en marché. Les trois élèves mentionnent que le stage était « le fun », qu'il s’est déroulé dans une bonne ambiance (musique, entre autres) et que l'expérience était enrichissante. D'après ceux-ci, la qualité de la relation avec le compagnon joue pour beaucoup dans leur perception positive du stage. Enfin, selon les dires de leurs collègues au sujet des autres stages (accompagnement plus distant, davantage d'observation que de tâches concrètes, moins d'autonomie), ils affirment percevoir celui-ci comme étant le plus intéressant de tous les milieux offerts. Organisation de l'espace et du temps Le fait que le stage se déroule dans l’école est perçu comme un avantage par les élèves puisque ceux-ci sont déjà familiers avec les lieux et que cela implique moins de déplacement. Toutefois, ce contexte s'éloigne de l'intention originale du modèle « élèves dans l'entreprise » à la base projet FAST, c'est-àdire l'idée de vivre une expérience dans un milieu de travail authentique. Afin de mitiger cette situation, peut-être que ce type de stage pourrait avoir lieu dans un Fab lab à l'extérieur de l'école, si un tel partenariat pouvait en venir à exister dans les prochaines années. Avec l'accord des techniciens de laboratoire et de l'administration de l'école, le stage se déroule à même l’atelier de technologie, à l'exception de la première demi-journée (petit local de conférence) et de la première période de la deuxième journée (l'atelier étant utilisé par un groupe-classe). La disponibilité sur place de machines-outils, de tables munies de prises électriques et de matériel divers (tapis de coupe, sarraus, lunettes de sécurité, lavabo, savon, papier essuie-tout, etc.) élargit le champ des possibilités, tout en favorisant l'efficacité des activités de production et de gestion matérielle. Enfin, il est également important de pouvoir y laisser du matériel dans un endroit sécurisé, par exemple dans une armoire barrée. En ce qui concerne les aspects temporels du stage, la durée totale semble suffisante : en 4½ journées, l'équipe est parvenue à produire un prototype d'étui intelligent muni d'un premier module de lentille « macro » pour la caméra, à élaborer et tester un standard pour le système de rails, à expérimenter avec un composé de silicone de même qu'à mettre en ligne l'ébauche d'un site web pouvant héberger la communauté de développement ainsi que la boutique électronique. Il est à noter qu'aucune préparation préalable de la part de l'étudiant-chercheur n'avait eu lieu avant le début du stage en termes de matériel pédagogique (tutoriels de modélisation 3D, guides pour le développement web, etc.). Dans ce contexte d'accompagnement « juste à temps », bien que la fréquence d'une journée de stage par semaine convienne au bon déroulement des activités, celle-ci laisse peu de temps au compagnon pour la préparation et le développement de certains aspects plus complexes (commander du matériel manquant par Internet, imprimer et perfectionner les modèles 3D, etc.) et limite de surcroît le temps pouvant être accordé à chaque stagiaire. Bien entendu, la mise en place d'un répertoire partagé de ressources accumulées atténuerait ce problème si le projet en venait à se poursuivre d'une année à l'autre. Enfin, la structure du stage invite à une réflexion quant à la valeur pédagogique du travail sur un même projet pendant une journée complète (voire d'année en année), en le comparant au passage d’une matière à l’autre à chaque 75 minutes dans l’horaire habituel de l'école : en quoi cela pourrait-il affecter la capacité d'attention, l'engagement et la persévérance des élèves ? Organisation du travail Les différentes tâches du projet étant réparties individuellement aux stagiaires ou par sous-groupe (modélisation 3D, développement web, confection du composé de silicone), chacun n'a pas eu l'occasion de devenir « expert dans tout ». Bien que ceci permette une différenciation en fonction des intérêts et des forces de chacun (une occasion pour les stagiaires d'aller plus loin et d'expliquer aux autres ce qu'ils font), il convient quand même de prévoir un retour réflexif à la fin de chaque journée afin de dégager les thèmes d'apprentissage rencontrés et de partager l'expérience nouvellement acquise (obstacles, solutions, astuces). Le fruit de ces échanges pourrait alors servir à alimenter le répertoire partagé sur le site web à mesure que se construit la base de connaissances de la communauté. Dans la mesure où l'entreprise créée se veut réelle, la pérennité des activités de celle-ci d'une année à l'autre constitue un problème non résolu en lien avec l'organisation du travail, le défi étant d'assurer les opérations hors des périodes de stage (production et expédition des étuis et des modules vendus en ligne, mise à jour du site web, promotion du projet et du produit, etc.) : comment réconcilier l'autogestion d'une communauté virtuelle sur Internet avec la vocation pédagogique et scolaire du projet qui s'y rattache ? Considérations pédagogiques Climat d'apprentissage Dans un premier temps, il convient de noter que la structure non-dirigée du stage de création d'une mini-entreprise permet un apprentissage davantage exploratoire : le besoin d'apprendre survient naturellement à mesure que sont rencontrés des obstacles authentiques liés aux activités décidées par les élèves eux-mêmes. Dans un second temps, le cadre moins strict et l'absence d'évaluation sommative (la seule évaluation formelle étant une co-évaluation quotidienne portant sur la forme plutôt que sur le contenu) contribuent à mettre en place un climat rassurant propice à un apprentissage plus « libre », toutefois cela peut occasionner des moments d'égarement et nécessiter un meilleur encadrement. Apprentissages réalisés Les trois stagiaires verbalisent leur conviction d’avoir appris quelque chose au cours du stage. Tout d'abord, ils mentionnent des compétences de base liées aux TIC (gestion du courriel, des fichiers, d'un compte utilisateur, démarrer un système d'exploitation sur une clé USB) ainsi que d'autres plus poussées telles que la gestion d’un site web avec Drupal ou le développement des idées en 3D à l'aide de différents logiciels de modélisation (Blender, SketchUp, FreeCAD). D'autres apprentissages sont reliés plus directement aux sciences et à la technologie, notamment la confection du composé de silicone, dont la forte odeur vinaigrée constitue un bon exemple de problème authentique à surmonter. Enfin, tandis que la nature du projet suscite le développement de compétences entrepreneuriales qui en appellent à des apprentissages liés aux aspects légaux de la création d'une entreprise (enregistrement vs incorporation, organisme à but non lucratif, vente en ligne, taxes, brevets, droits d'auteur, marques déposées, etc.), le modèle d'affaires retenu offre quant à lui une opportunité de découvrir les licences libres, les communautés de développement collaboratif et, de manière plus générale, un modèle d'innovation ouverte de type Open Source. Liens possibles avec le programme de formation Bien que les apprentissages disciplinaires réalisés par les stagiaires ne soient pas formellement évalués, il convient de les rattacher au programme de formation afin de mettre en lumière la pertinence éducative de ce stage dans le cadre du projet FAST. Tout d'abord, en ce qui concerne « Application technologique et scientifique » (le parcours de formation offert par défaut à l'école secondaire Vanier), la conception et la fabrication d'un étui intelligent pour téléphone mobile et du module de lentille font appel à différentes techniques et mobilise plusieurs concepts prescrits par le programme, qui sont résumés ci-dessous : Techniques : Langage graphique (dessin vectoriel, représentations 3D) Fabrication (machines-outils, usinage, finition, vérification et contrôle) Sécurité (précautions à prendre avec le scellant au silicone, chaleur intense de l'imprimante 3D) Instruments de mesure (balance, pied à coulisse électronique) Univers technologique : Langage des lignes (projections, échelles, cotation fonctionnelle, tolérance, développements) Ingénierie mécanique (systèmes technologiques) Matériaux (contraintes, propriétés, matières plastiques et bioplastiques, traitements) Fabrication (ébauchage, traçage, mesures et contrôle) Univers matériel : Propriétés physiques caractéristiques (point de fusion, température de transition vitreuse) Transformations chimiques (acide + base sel) Ondes (déviation des ondes lumineuses, lentilles) Bien entendu, d'autres concepts prescrits pourraient être mobilisés par le développement de modules additionnels, par exemple l'ingénierie électrique et l'électro-magnétisme en lien avec l'élaboration d'un module de panneau solaire. Également, des liens peuvent être établis avec des matières autres que la science et la technologie, notamment avec les mathématiques (plan cartésien, géométrie, etc.), le français et l'anglais (contenu déposé sur le site web), les arts plastiques (gestes transformateurs, matériaux, outils, techniques de modelage, etc.) ou encore l'éthique (licences d'utilisation). En somme, ce type de projet ouvre la voie à une collaboration interdisciplinaire plus étroite avec les enseignants des différentes matières qui pourraient ainsi intégrer certaines parties du projet à leur planification de cours, dans la mesure où un rapprochement du stage et de la classe serait souhaitable. Considérations techniques Il convient de s'intéresser à certains aspects plus techniques du stage afin de bien comprendre les conditions facilitant sa réalisation concrète, les obstacles rencontrés ainsi que certaines pistes d'amélioration pouvant aider la poursuite d'un tel projet. Développement d'un site web Selon les deux élèves initiées au développement d'un site web à l'aide du système de gestion de contenu (CMS) Drupal, la terminologie employée est difficile à apprivoiser au début (types de contenu, taxonomie, modules, base de données, etc.) : l'élaboration d'un lexique, d'un guide ou de tutoriels pourrait donc favoriser l'autonomie des stagiaires à ce niveau. En effet, l'utilisation d'un CMS pour créer un site web est parfois plus complexe que le recours à des outils moins flexibles, tels que les blogues ou les wikis, mais permet d'appréhender des architectures informationnelles plus sophistiquées en faisant appel à une réflexion de plus haut niveau. D'ailleurs, le choix de cette plate-forme n'est pas trivial puisque Drupal, publié selon une licence publique générale GNU (GPL), repose sur un ensemble de principes (modularité, standards, collaboration, facilité d'utilisation) partagé par l'une des plus grandes communautés d'utilisateurs et de développeurs au monde, ce qui se traduit par un logiciel de grande qualité et disponible dans plusieurs langues. Ainsi, malgré l'inexpérience initiale des stagiaires en termes de développement web et le fait que l'entreprise soit créée à partir de rien, un prototype de site web a été produit et pourrait servir de base à de futures itérations du même stage. Quant à l'hébergement du site web du projet, celui-ci se trouve à même l'espace web personnel de l'étudiantchercheur chez un fournisseur canadien (Funio). Confection d'un composé de silicone L'absorption des chocs constitue un autre problème authentique auquel les stagiaires sont confrontés dans le cadre du projet. Une recherche sur les différents matériaux pouvant être utilisés à cette fin révèle une piste prometteuse du côté des composés de silicone comme le Sugru, un produit populaire auprès des bricoleurs mais qui coûte relativement cher (environ 600 $/kg). En guise d'alternative, une recette moins dispendieuse (environ 30 $/kg) à base de scellant au silicone et de fécule de maïs est essayée et se révèle concluante quoique le temps de séchage (ou de réticulation, pour être précis) s'avère très court comparativement au Sugru (environ 5 minutes au lieu de 30). Ainsi, le processus de production de ce composé (mesure, mélange, modelage, finition) doit être optimisé afin d'assurer un résultat de qualité en un minimum de temps1. Tel que mentionné précédemment, la toxicité du scellant au silicone et la forte odeur vinaigrée qui l'accompagne représentent un inconvénient majeur, des précautions de protection respiratoire et d’aération étant à prévoir. 1 De manière complètement fortuite, l’expérience professionnelle antérieure de l'étudiant-chercheur à titre de pâtissiersculpteur sur pâte d’amandes a été d’une grande utilité pour savoir manier habilement une matière de cette consistance. En lien avec la production du composé de silicone, différentes astuces sont élaborées par l'équipe : Le mélange est plus facile à effectuer dans un contenant profond (verre de carton) avec une tige en bois (bâton de popsicle), la pâte devant être bien mélangée pour ne pas être trop collante ; Le modelage à la main (avec des gants) est facilité par l'ajout de fécule sur le plan de travail ; Un lavage avec une solution de bicarbonate de soude et de savon permet de masquer un peu l'odeur, mais l'ajout de bicarbonate de soude au mélange provoque une texture plutôt friable (acide + base sel) ; L'ajout de jus de citron au mélange semble faire diminuer l'odeur sans trop affecter la texture ; L'utilisation de quantités pré-mesurées et de moules serait nécessaire pour obtenir un résultat de qualité satisfaisante. D'autres tests avec ce matériau sont les bienvenus et offrent de nouvelles opportunités d’apprentissage dans la mesure où ceux-ci s’effectuent de manière rigoureuse, par exemple avec des essais mécaniques de traction ou encore des tests de résistance aux chocs. Conception assistée par ordinateur Pour le stagiaire initié à la conception assistée par ordinateur, bien que le fait de partir de zéro permette un apprentissage plus exhaustif, cela pose également un défi d'une complexité imposante. En effet, il s'agit non seulement d'apprendre à utiliser de nouveaux logiciels, mais aussi de créer le design initial de l'étui et surtout d'en inventer les différents standards (largeur et position des rails, épaisseur, etc.), tout en appréhendant les contraintes liées à l'impression 3D. Bref, comme il s'agit d'un processus d'ingénierie relativement complexe, la contribution du compagnon de stage s'avère alors plus importante au début pour résoudre certaines difficultés, voire effectuer une bonne partie du travail initial. Le stagiaire-concepteur se retrouve ainsi en situation de « participation périphérique légitime » au sein de l'équipe, ce qui exige de sa part un bon sens de l'initiative et une certaine confiance en soi. Parmi les trois logiciels essayés pour la modélisation 3D, deux retiennent notre attention (SketchUp et FreeCAD) tandis que le troisième (Blender) ne convient pas facilement à la tâche de conception assistée par ordinateur, bien qu'excellent pour la création artistique (par exemple, pour créer une animation 3D). Encore une fois, des tutoriels vidéos spécifiques à chacun de ces outils auraient été bénéfiques pour un apprentissage plus autonome. Dans tous les cas, l'utilisation d'une souris est essentielle pour opérer de manière efficace ce type de logiciels. Sketchup : Reconnu comme étant simple d'utilisation, ce logiciel (gratuit mais non libre) est généralement celui qui est utilisé dans le cadre du cours de science et technologie, notamment en troisième et quatrième secondaire à cette école. Toutefois, la version installée sur le poste informatique de l'atelier, étant désuète, ne permettait pas l’usage complet de toutes les fonctionnalités retrouvées dans les tutoriels sur Internet (par exemple, les opérations booléennes). De plus, une limite de résolution de 0,5 mm, absente dans les nouvelles versions, s'avère insuffisante pour modéliser certains détails fonctionnels de l'étui modulaire (la résolution imprimée étant de l'ordre de 0,1 mm). SketchUp 2015 constitue donc un choix éclairé en tant que logiciel de modélisation 3D dans un contexte pédagogique, mais pas nécessairement la meilleure option pour la conception assistée par ordinateur et l'impression 3D. FreeCAD : D'après le site web du logiciel : « FreeCAD est un modeleur 3D à conception paramétrique. La conception paramétrique permet d'éditer facilement votre design en remontant dans l'historique du modèle afin d'en changer les paramètres. FreeCAD est libre (licence LGPL) et complètement modulaire, permettant ainsi une personnalisation poussée. » Tandis que SketchUp permet d'arriver facilement à un résultat en sacrifiant l'historicité des opérations géométriques au profit d'un outil plus simple, la conception paramétrique offerte par FreeCAD permet une meilleure rétroaction sur le design et les dimensions d'une pièce, peu importe sa complexité. D'une part, ceci s'avère utile dans le processus d'ingénierie lors des itérations « design / impression 3D » (surtout si le design doit être adaptatif, comme c'est le cas pour un étui modulaire devant être reproduit pour différents modèles de téléphone) et, d'autre part, mobilise davantage les facultés méta-cognitives des élèves (planification des étapes de modélisation, abstraction des opérations géométriques, etc.). De plus, en ce qui concerne l'exportation des modèles pour les imprimer en 3D, FreeCAD supporte nativement le format de fichier STL requis tandis que SketchUp nécessite l'ajout d'une extension. Enfin, ces deux logiciels peuvent être utilisés de façon complémentaire, par exemple en esquissant le design dans SketchUp, puis en modélisant les pièces à imprimer à l'aide de FreeCAD si les modèles méritent d'être améliorés, personnalisés ou optimisés. Impression 3D L'imprimante 3D utilisée pour le projet, assemblée à partir d'un kit Printrbot Simple Metal, appartient personnellement à l'étudiant-chercheur. Par souci d'efficacité, d'économie de plastique et de sécurité (la tête d'impression atteignant les 210ºC), ce dernier en a exclusivement assuré l'opération tout au long du stage, c'est-à-dire que les stagiaires n'ont pas eu l'occasion de manipuler directement l'imprimante de manière autonome. Bien qu'apprendre à utiliser et régler (voire assembler) l'imprimante 3D et son logiciel de contrôle (Repetier-Host) aurait constitué une opportunité intéressante pour les élèves, il s'agit d'un processus complexe qui requerrait un temps considérable dont nous ne disposions pas dans le contexte de création de la mini-entreprise. Sur le plan technique, l’absence d'une plate-forme chauffante provoque des problèmes d'adhésion et de déformation des pièces lorsque celles-ci refroidissent trop vite, tout en limitant le choix des types de plastique pouvant être utilisés (bio-plastiques seulement, pas d'ABS ou de nylon). En tant que tel, le processus d’impression est très long (environ 2h45 pour l'étui de base) et parfois imprévisible, ce qui se prête mal à un horaire divisé en périodes de 75 minutes dans la mesure où l'opération doit être surveillée de près. Néanmoins, le potentiel pédagogique de l'impression 3D est manifeste, surtout en lien avec le parcours « Application technologique et scientifique » de quatrième secondaire. Infrastructures informatiques Les technologies de l'information et de la communication (TIC) jouent un rôle central dans le déroulement des activités du stage : coordination de l'équipe, recherche d'information sur Internet, développement du site web, modélisation 3D, etc. En plus du poste informatique de l'atelier et de l'ordinateur personnel de l'étudiant-chercheur, l'école prête à chacun des trois élèves un ordinateur portable de la flotte utilisée pour le projet CybernéTIC de troisième secondaire. Différents problèmes liés à ceux-ci méritent d'être examinés afin de bien comprendre, dans le contexte du stage, certains enjeux techno-pédagogiques et administratifs entourant le modèle actuel de gestion informatique de cette école, c'est-à-dire celui d'une gestion centralisée par la commission scolaire et reposant sur des logiciels propriétaires. Tout d'abord, ces appareils sont munis du système d'exploitation Windows 7 et d'un ensemble de logiciels décidé en début d'année pour répondre à la plupart des besoins vécus en classe (suite bureautique, éditeur d'image, navigateur web, etc.), la possibilité d'en ajouter nécessitant un accès administrateur détenu par le technicien informatique. Employé par la commission scolaire, ce dernier n'est présent qu'une journée par semaine à cette école, l'accès à son carnet de mots de passe ayant toutefois été attribué à (au moins) un des enseignants. Ceci invite déjà à une réflexion au sujet du partage des responsabilités : comment assurer un maximum de sécurité, de stabilité et de robustesse sans limiter l'autonomie des utilisateurs (enseignants comme élèves) ? Par ailleurs, le recours à un compte utilisateur unique (donc spécifique à chaque poste) partagé par tous les élèves et l'absence d'un système infonuagique pour la synchronisation des fichiers font obstacle à une saine gestion d'un parc informatique destiné à une clientèle étudiante. Par exemple, l'élève qui oublie de déconnecter tous ses comptes en ligne à la fin d'une période d'utilisation expose le contrôle de son identité numérique à l'élève suivant qui utilisera le même appareil, un facteur de risque flagrant pour la cyber-intimidation. De même, les documents créés par les élèves étant stockés sur le disque dur d'un appareil en particulier (bien que ces derniers puissent sauvegarder leurs travaux sur clé USB ou en ligne), un oubli pourrait quand même avoir des répercussions fâcheuses dans ce type de situations, sans parler des problèmes organisationnels et du questionnement éthique que celles-ci engendrent. De plus, la lourdeur du système d'exploitation et des logiciels installés (notamment d'un anti-virus) sur ces ordinateurs de performance modeste font de leur utilisation plus poussée un exercice de patience tellement le temps de réponse est lent. Ainsi, à titre d'expérience et afin de pouvoir installer les logiciels de notre choix (sans affecter du tout la configuration déjà en place), nous avons réussi à utiliser le système d'exploitation Linux sur l'un des postes à l'aide d'un environnement de démarrage sur clé USB, ce qui revient essentiellement à une autogestion logicielle complète. Cette expérience nous a non seulement permis d'installer et d'utiliser FreeCAD, mais a également démontré le niveau de performance supérieur d'un système d'exploitation dépourvu de tout handicap logiciel (et ce, malgré l'exécution à partir d'une clé USB), Linux étant généralement plus rapide et ne nécessitant pas d'antivirus. Seul l'accès au réseau Wi-Fi aurait requis une configuration additionnelle, mais l'utilisation d'un fil réseau nous a permis d'accéder facilement à Internet avec une bande passante plus large. En somme, ce projet invite à une réflexion au sujet de la gestion des différents parcs informatiques au sein d'une école secondaire à la lumière d'une expérience pédagogique vécue en lien avec l'impression 3D. Bien que le modèle dominant convienne jusqu'à maintenant aux besoins du personnel enseignant et de l'administration (quels qu'en soient les coûts en termes de licences logicielles), il nous apparaît que les besoins des élèves sont beaucoup plus complexes et variés : l'utilisation pédagogique des TIC s'inscrivant dans un éventail plus large que la simple bureautique. Ainsi, la flexibilité, la performance, la sécurité et la gratuité des logiciels libres (en l'occurrence, le système d'exploitation Linux) constituent une piste intéressante, voire inévitable, pour assurer l'autonomie numérique nécessaire à l'existence de la classe du 21e siècle. Conclusion Comme pour toute utilisation pédagogique des TIC digne de ce nom, la réalisation d'un projet impliquant l'impression 3D dans une école nécessite, en plus d'infrastructures informatiques adéquates, un certain niveau de compétence et de débrouillardise de la part des éducateurs impliqués (conception assistée par ordinateur, familiarité avec les processus d'impression 3D). En effet, cette technologie en étant encore à ses débuts pour le grand public, concevoir et imprimer un objet relève toujours plus de l'art que d'une science exacte, mais celle-ci comprend tout de même un attrait pédagogique important pour l'apprentissage des disciplines STEAM (science, technologie, ingénierie, arts et mathématiques). Également, nous tenons à rappeler que pour atteindre une envergure intéressante, ce type de projet nécessite une organisation du temps libérée des contraintes habituelles de l'horaire divisé en périodes de 75 minutes afin d'accommoder l'impression surveillée de pièces complexes. Finalement, la création de la mini-entreprise SmartCASE, ce virage inattendu dans la trajectoire du projet FAST à l'école secondaire Vanier, démontre l'expérimentation d'un autre modèle d'alternance se trouvant à la frontière des mondes de l'entrepreneuriat, de l'école et de l'économie collaborative : une opportunité intéressante pour une école se disant à saveur techno-scientifique, mais aussi pour le monde de la recherche.