Création d'une mini-entreprise dans l'école
Projet FAST 2014-2015
Pascal Martineau Auxiliaire de recherche, CRIRES / Équipe TACT (Université Laval)
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Mise en contexte
Depuis l'année scolaire 2011-2012, dans le cadre du projet FAST à l'école secondaire Vanier, les élèves
de quatrième secondaire sont invités à vivre une expérience accompagnée en entreprise dans un milieu
de travail relié au domaine élargi des sciences et des technologies. Cette année, pour trois de ces élèves
(deux filles et un garçon), le stage se déroule à même l'école et consiste à créer une mini-entreprise
dont la mission est de concevoir, produire et mettre en marché un produit technologique réalisé à l'aide
d'une imprimante 3D. Guidé par l'étudiant-chercheur agissant à titre de compagnon de stage, le petit
groupe parvient lors d'une première rencontre à la décision d'élaborer un « étui intelligent » pour
téléphone mobile (d'où le nom retenu de « SmartCASE »), à la fois modulaire et résistant aux chocs. Ce
projet, issu d'un amalgame de propositions en lien avec la téléphonie mobile (étui avec chargeur solaire
intégré, haut-parleurs ou projecteur portatif, système de lentilles pour la caméra, etc.), a évolué vers
l'idée centrale d'un étui résistant aux chocs et doté d'un système universel de rails permettant d'y
attacher différents modules aux fonctions diverses. Après quelques recherches sur Internet, il semble
que cette idée n'ait pas encore été exploitée jusqu'à maintenant parmi les cercles d'enthousiastes de
l'impression 3D et de la culture maker : une opportunité unique d'inscrire le projet dans un contexte
authentique s'offre donc à l'équipe. En effet, par-delà l'idée d'un « méta-produit » évolutif et
personnalisable se dessine la possibilité d'établir une communauté virtuelle autour de celui-ci, par
l'entremise d'un site web pourraient être échangés, perfectionnés et vendus de tels modules
compatibles à cette nouvelle plate-forme ouverte, le tout selon un modèle d'affaires reposant sur une
licence libre (Creative Commons).
Le présent document élabore quelques idées ayant fait surface lors d'un retour réflexif, mené avec les
trois élèves à la fin de la dernière journée de stage, au sujet du déroulement de l'ensemble du projet, des
apprentissages réalisés et de diverses considérations techniques reliées aux activités techno-
scientifiques vécues.
Vue d'ensemble du projet
Pour les élèves de la cohorte 2014-2015, les stages FAST se déroulent sur une période de quatre
semaines au cours du mois de mars, à raison d'une journée complète par semaine (le mardi) plus une
demi-journée de prise de contact au tout début (le premier lundi). Dans l’ensemble, la création d'une
mini-entreprise dans l'école laisse place à la créativité des stagiaires et à leur initiative : non seulement
décident-ils du produit qui sera développé, mais ils participent également à la planification des
opérations de design, de production et de mise en marché. Les trois élèves mentionnent que le stage
était « le fun », qu'il s’est déroulé dans une bonne ambiance (musique, entre autres) et que l'expérience
était enrichissante. D'après ceux-ci, la qualité de la relation avec le compagnon joue pour beaucoup
dans leur perception positive du stage. Enfin, selon les dires de leurs collègues au sujet des autres
stages (accompagnement plus distant, davantage d'observation que de tâches concrètes, moins
d'autonomie), ils affirment percevoir celui-ci comme étant le plus intéressant de tous les milieux
offerts.
Organisation de l'espace et du temps
Le fait que le stage se déroule dans l’école est perçu comme un avantage par les élèves puisque ceux-ci
sont déjà familiers avec les lieux et que cela implique moins de déplacement. Toutefois, ce contexte
s'éloigne de l'intention originale du modèle « élèves dans l'entreprise » à la base projet FAST, c'est-à-
dire l'idée de vivre une expérience dans un milieu de travail authentique. Afin de mitiger cette situation,
peut-être que ce type de stage pourrait avoir lieu dans un Fab lab à l'extérieur de l'école, si un tel
partenariat pouvait en venir à exister dans les prochaines années.
Avec l'accord des techniciens de laboratoire et de l'administration de l'école, le stage se déroule à même
l’atelier de technologie, à l'exception de la première demi-journée (petit local de conférence) et de la
première période de la deuxième journée (l'atelier étant utilisé par un groupe-classe). La disponibilité
sur place de machines-outils, de tables munies de prises électriques et de matériel divers (tapis de
coupe, sarraus, lunettes de sécurité, lavabo, savon, papier essuie-tout, etc.) élargit le champ des
possibilités, tout en favorisant l'efficacité des activités de production et de gestion matérielle. Enfin, il
est également important de pouvoir y laisser du matériel dans un endroit sécurisé, par exemple dans
une armoire barrée.
En ce qui concerne les aspects temporels du stage, la durée totale semble suffisante : en journées,
l'équipe est parvenue à produire un prototype d'étui intelligent muni d'un premier module de lentille
« macro » pour la caméra, à élaborer et tester un standard pour le système de rails, à expérimenter avec
un composé de silicone de même qu'à mettre en ligne l'ébauche d'un site web pouvant héberger la
communauté de développement ainsi que la boutique électronique. Il est à noter qu'aucune préparation
préalable de la part de l'étudiant-chercheur n'avait eu lieu avant le début du stage en termes de matériel
pédagogique (tutoriels de modélisation 3D, guides pour le développement web, etc.). Dans ce contexte
d'accompagnement « juste à temps », bien que la fréquence d'une journée de stage par semaine
convienne au bon déroulement des activités, celle-ci laisse peu de temps au compagnon pour la
préparation et le développement de certains aspects plus complexes (commander du matériel manquant
par Internet, imprimer et perfectionner les modèles 3D, etc.) et limite de surcroît le temps pouvant être
accordé à chaque stagiaire. Bien entendu, la mise en place d'un répertoire partagé de ressources
accumulées atténuerait ce problème si le projet en venait à se poursuivre d'une année à l'autre. Enfin, la
structure du stage invite à une réflexion quant à la valeur pédagogique du travail sur un même projet
pendant une journée complète (voire d'année en année), en le comparant au passage d’une matière à
l’autre à chaque 75 minutes dans l’horaire habituel de l'école : en quoi cela pourrait-il affecter la
capacité d'attention, l'engagement et la persévérance des élèves ?
Organisation du travail
Les différentes tâches du projet étant réparties individuellement aux stagiaires ou par sous-groupe
(modélisation 3D, développement web, confection du composé de silicone), chacun n'a pas eu
l'occasion de devenir « expert dans tout ». Bien que ceci permette une différenciation en fonction des
intérêts et des forces de chacun (une occasion pour les stagiaires d'aller plus loin et d'expliquer aux
autres ce qu'ils font), il convient quand même de prévoir un retour réflexif à la fin de chaque journée
afin de dégager les thèmes d'apprentissage rencontrés et de partager l'expérience nouvellement acquise
(obstacles, solutions, astuces). Le fruit de ces échanges pourrait alors servir à alimenter le répertoire
partagé sur le site web à mesure que se construit la base de connaissances de la communauté.
Dans la mesure l'entreprise créée se veut réelle, la pérennité des activités de celle-ci d'une année à
l'autre constitue un problème non résolu en lien avec l'organisation du travail, le défi étant d'assurer les
opérations hors des périodes de stage (production et expédition des étuis et des modules vendus en
ligne, mise à jour du site web, promotion du projet et du produit, etc.) : comment réconcilier l'auto-
gestion d'une communauté virtuelle sur Internet avec la vocation pédagogique et scolaire du projet qui
s'y rattache ?
Considérations pédagogiques
Climat d'apprentissage
Dans un premier temps, il convient de noter que la structure non-dirigée du stage de création d'une
mini-entreprise permet un apprentissage davantage exploratoire : le besoin d'apprendre survient
naturellement à mesure que sont rencontrés des obstacles authentiques liés aux activités décidées par
les élèves eux-mêmes. Dans un second temps, le cadre moins strict et l'absence d'évaluation sommative
(la seule évaluation formelle étant une co-évaluation quotidienne portant sur la forme plutôt que sur le
contenu) contribuent à mettre en place un climat rassurant propice à un apprentissage plus « libre »,
toutefois cela peut occasionner des moments d'égarement et nécessiter un meilleur encadrement.
Apprentissages réalisés
Les trois stagiaires verbalisent leur conviction d’avoir appris quelque chose au cours du stage. Tout
d'abord, ils mentionnent des compétences de base liées aux TIC (gestion du courriel, des fichiers, d'un
compte utilisateur, démarrer un système d'exploitation sur une clé USB) ainsi que d'autres plus
poussées telles que la gestion d’un site web avec Drupal ou le développement des idées en 3D à l'aide
de différents logiciels de modélisation (Blender, SketchUp, FreeCAD). D'autres apprentissages sont
reliés plus directement aux sciences et à la technologie, notamment la confection du composé de
silicone, dont la forte odeur vinaigrée constitue un bon exemple de problème authentique à surmonter.
Enfin, tandis que la nature du projet suscite le développement de compétences entrepreneuriales qui en
appellent à des apprentissages liés aux aspects légaux de la création d'une entreprise (enregistrement vs
incorporation, organisme à but non lucratif, vente en ligne, taxes, brevets, droits d'auteur, marques
déposées, etc.), le modèle d'affaires retenu offre quant à lui une opportunité de découvrir les licences
libres, les communautés de développement collaboratif et, de manière plus générale, un modèle
d'innovation ouverte de type Open Source.
Liens possibles avec le programme de formation
Bien que les apprentissages disciplinaires réalisés par les stagiaires ne soient pas formellement évalués,
il convient de les rattacher au programme de formation afin de mettre en lumière la pertinence
éducative de ce stage dans le cadre du projet FAST. Tout d'abord, en ce qui concerne « Application
technologique et scientifique » (le parcours de formation offert par défaut à l'école secondaire Vanier),
la conception et la fabrication d'un étui intelligent pour téléphone mobile et du module de lentille font
appel à différentes techniques et mobilise plusieurs concepts prescrits par le programme, qui sont
résumés ci-dessous :
Techniques :
Langage graphique (dessin vectoriel, représentations 3D)
Fabrication (machines-outils, usinage, finition, vérification et contrôle)
Sécurité (précautions à prendre avec le scellant au silicone, chaleur intense de l'imprimante 3D)
Instruments de mesure (balance, pied à coulisse électronique)
Univers technologique :
Langage des lignes (projections, échelles, cotation fonctionnelle, tolérance, développements)
Ingénierie mécanique (systèmes technologiques)
Matériaux (contraintes, propriétés, matières plastiques et bioplastiques, traitements)
Fabrication (ébauchage, traçage, mesures et contrôle)
Univers matériel :
Propriétés physiques caractéristiques (point de fusion, température de transition vitreuse)
Transformations chimiques (acide + base sel)
Ondes (déviation des ondes lumineuses, lentilles)
Bien entendu, d'autres concepts prescrits pourraient être mobilisés par le développement de modules
additionnels, par exemple l'ingénierie électrique et l'électro-magnétisme en lien avec l'élaboration d'un
module de panneau solaire.
Également, des liens peuvent être établis avec des matières autres que la science et la technologie,
notamment avec les mathématiques (plan cartésien, géométrie, etc.), le français et l'anglais (contenu
déposé sur le site web), les arts plastiques (gestes transformateurs, matériaux, outils, techniques de
modelage, etc.) ou encore l'éthique (licences d'utilisation). En somme, ce type de projet ouvre la voie à
une collaboration interdisciplinaire plus étroite avec les enseignants des différentes matières qui
pourraient ainsi intégrer certaines parties du projet à leur planification de cours, dans la mesure un
rapprochement du stage et de la classe serait souhaitable.
Considérations techniques
Il convient de s'intéresser à certains aspects plus techniques du stage afin de bien comprendre les
conditions facilitant sa réalisation concrète, les obstacles rencontrés ainsi que certaines pistes
d'amélioration pouvant aider la poursuite d'un tel projet.
Développement d'un site web
Selon les deux élèves initiées au développement d'un site web à l'aide du système de gestion de contenu
(CMS) Drupal, la terminologie emploe est difficile à apprivoiser au début (types de contenu,
taxonomie, modules, base de données, etc.) : l'élaboration d'un lexique, d'un guide ou de tutoriels
pourrait donc favoriser l'autonomie des stagiaires à ce niveau. En effet, l'utilisation d'un CMS pour
créer un site web est parfois plus complexe que le recours à des outils moins flexibles, tels que les
blogues ou les wikis, mais permet d'appréhender des architectures informationnelles plus sophistiquées
en faisant appel à une réflexion de plus haut niveau. D'ailleurs, le choix de cette plate-forme n'est pas
trivial puisque Drupal, publié selon une licence publique générale GNU (GPL), repose sur un ensemble
de principes (modularité, standards, collaboration, facilité d'utilisation) partagé par l'une des plus
grandes communautés d'utilisateurs et de développeurs au monde, ce qui se traduit par un logiciel de
grande qualité et disponible dans plusieurs langues. Ainsi, malgré l'inexpérience initiale des stagiaires
en termes de développement web et le fait que l'entreprise soit créée à partir de rien, un prototype de
site web a été produit et pourrait servir de base à de futures itérations du même stage. Quant à
l'hébergement du site web du projet, celui-ci se trouve à même l'espace web personnel de l'étudiant-
chercheur chez un fournisseur canadien (Funio).
Confection d'un composé de silicone
L'absorption des chocs constitue un autre problème authentique auquel les stagiaires sont confrontés
dans le cadre du projet. Une recherche sur les différents matériaux pouvant être utilisés à cette fin
révèle une piste prometteuse du côté des composés de silicone comme le Sugru, un produit populaire
auprès des bricoleurs mais qui coûte relativement cher (environ 600 $/kg). En guise d'alternative, une
recette moins dispendieuse (environ 30 $/kg) à base de scellant au silicone et de fécule de maïs est
essayée et se révèle concluante quoique le temps de séchage (ou de réticulation, pour être précis)
s'avère très court comparativement au Sugru (environ 5 minutes au lieu de 30). Ainsi, le processus de
production de ce compo(mesure, mélange, modelage, finition) doit être optimisé afin d'assurer un
résultat de qualité en un minimum de temps
1
. Tel que mentionné précédemment, la toxicité du scellant
au silicone et la forte odeur vinaigrée qui l'accompagne représentent un inconvénient majeur, des
précautions de protection respiratoire et d’aération étant à prévoir.
1
De manière complètement fortuite, l’expérience professionnelle antérieure de l'étudiant-chercheur à titre de pâtissier-
sculpteur sur pâte d’amandes a été d’une grande utilité pour savoir manier habilement une matière de cette consistance.
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