Simulation et développement professionnel continu dans les CESU Ch Ammirati, C Amsallem, Th Pelaccia, Th Sécheresse, C Bertrand Pour développer une stratégie pédagogique adaptée, l’enseignement des soins d’urgence doit appréhender l’ensemble des paramètres entrant en jeu dans un processus décisionnel réalisé dans l’incertitude: - Obligation de rapidité de « diagnostic » d’une situation d’urgence pour aboutir à une décision précoce : o nécessité d’une reconnaissance quasi immédiate de «signaux » discriminants d’une situation d’urgence (signes cliniques, contexte…) o traitement de l’information avec appel aux connaissances antérieures et à l’expérience - Nécessité d’une application immédiate de connaissances procédurales individuelles avec une optimisation du travail en équipe. - Prise en compte d’une charge émotive forte dans un contexte parfois hostile (accident de la route, climat, quantité de patients, témoins…) ou diminuant les possibilités de communications verbales (entourage, force de l’ordre présents…) [1] 1 – Les CESU et la simulation De tout temps, la simulation a été la technique « reine » des apprentissages en situation d’urgence pour reproduire des situations complexes sans danger pour le patient. Ce n’est pas un hasard si le mannequin Rescusi Anne, le premier du genre, a eu tant de succès auprès des sauveteurs et des soignants. Dans le rapport de JC Ganry et Ch Moll, il est d’ailleurs clairement reconnu que les CESU arrivent nettement en tête des réponses à la pratique de la simulation en France et que « ceci est dû à l’antériorité de formations procédurales en ce domaine » [2]. Ainsi, pour exemple, dès 1997, les CESU intervenaient dans la formation des étudiants en médecine dans près de la moitié des universités [3]. 2 – Quels sont les publics concernés par le développement professionnel continu dans les CESU? Dans le bilan annuel des formations réalisées par les CESU, en plus des attestations aux gestes et soins d’urgence, les CESU développent un panel de formations à destination des personnels de santé. L’urgence étant une discipline transversale, le public varie de médecins correspondants de SAMU aux IOA, de personnels de crèche aux médecins du travail, d’infirmiers d’urgence aux DESC de médecine d’urgence [4]. Les publics visés par le développement professionnel continu (DPC) peuvent être catégorisés de la façon suivante : - Personnel de santé - exerçant en médecine d’urgence (Urgences, SMUR, régulation) - n’exerçant pas en médecine d’urgence mais ayant fréquemment à gérer des situations d’urgence (anesthésie, réanimation, radiologie hospitalière, médecins correspondants de SAMU…) -n’exerçant pas en médecine d’urgence et ayant peu de situations d’urgence à gérer (services de soins, pratique libérale …) -Personnel non soignant ayant en charge une population particulière (maison de retraite, crèche, IME …). Nous nous attacherons plus particulièrement aux personnels de santé. Dans le cadre d’un DPC, Il convient donc de distinguer ce qui correspond à une amélioration de pratiques professionnelles d’un apprentissage de nouvelles pratiques en situation d’urgence 3 – Quelle simulation pour quelle formation au CESU en DPC ? Quel matériel ? La diversité des publics implique une véritable réflexion sur les stratégies d’enseignement à mettre en place. Les CESU ont fait l’acquisition de longue date de matériel de simulation et pour certains d’entre eux la question de l’acquisition de matériel haute fidélité se pose. Si l’utilisation de la simulation en tant que telle est évidente, le niveau de simulation doit être réfléchi en fonction des objectifs visés et des publics. Ainsi, l’utilisation systématique d’un mannequin haute fidélité n’est pas adaptée. En effet, pour les personnels travaillant dans un service d’urgence ou ayant à faire face à des urgences, les compétences visées peuvent être de prendre en charge une situation d’urgence : - en fonction de nouvelles recommandations (arrêt cardiaque, intubation difficile…) - dans un contexte particulier (pédiatrie, accouchement)… Dans ces cas, les objectifs d’apprentissage concernent les connaissances conditionnelles ainsi que les capacités de travail en équipe. Les mannequins haute-fidélité ont leur place. Si le public visé ne travaille pas dans un milieu hospitalier, les objectifs de formation, dans ces mêmes domaines (arrêt cardiaque, pédiatrie…) seront différents et l’utilisation de simulation avec des mannequins moyenne voire basse fidélité sera tout à fait pertinente. De plus, la résolution de cas cliniques sur papier peut parfaitement s’intégrer dans une séquence d’apprentissage sur l’acquisition d’algorithme décisionnel, précédant ou suivant une séance de simulation sur mannequin. L’utilisation de patients simulés et la simulation hybride, font partie des modalités d’enseignement « classiques » des CESU et sont particulièrement adaptés à l’urgence. Ainsi, la qualité de la simulation en DPC en urgence ne sera donc pas fonction du niveau du matériel utilisé mais bien de la définition adaptée des objectifs, de la conception du scénario, de la pertinence du briefing et de l’analyse de l’action. Ce n’est donc pas la pédagogie qui s’adapte à l’outil mais l’outil qui s’adapte à la stratégie pédagogique. Quelle méthode ? Depuis plusieurs années les techniques pédagogies actives basées sur la méthode de découverte et l’utilisation des connaissances antérieures sont préférées dans les CESU aux techniques plus démonstratives qui ont fait la preuve de leurs limites en urgence. De plus, l’utilisation des modes de questionnement proches de l’entretien d’explicitation lors de l’analyse de l’action est préférée par certains CESU au debriefing plus directif [5]. Des travaux actuellement en cours sur le raisonnement clinique et en projet sur l’autoanalyse permettront de développer la réflexion sur l’utilisation de la simulation dans notre discipline [6]. En conclusion, la simulation est une pratique pédagogique ancienne dans les CESU tant en formation initiale qu’en DPC ; Des travaux de recherche pédagogiques sont en cours et des études multicentriques doivent être développées. Enfin, une réflexion doit donc être menée au niveau des réseaux régionaux d’enseignement des soins d’urgence pour qu’une répartition pertinente des matériels coûteux soit définie afin de travailler en synergie plutôt qu’en concurrence. [1] Ch Ammirati, C Amsallem, M Gignon, C Bertrand, Th Pelleccia. Les techniques modernes en pédagogie appliquée aux gestes et soins d’urgence, SFMU 2011, 61 : 693-707 [2] JCl Granry, Ch Moll. Etat de l’art en matière de pratiques de simulation dans le domaine de la santé, dans le cadre du développement professionnel continu et de la prévention des risques associés aux soins. Rapport HAS. janvier 2012, p109. [3] C Amsallem. Enseignement de la médecine d’urgence en premier et deuxième cycle des études médicales : situation actuelle et propositions d’amélioration. Thèse médecine Amiens, décembre 1997 [4] Bilan des formations réalisées dans les CESU. http://www.sante.gouv.fr/bilan-des-formations-cesu.html [5] P Vermeersh. L’entretien d’explicitation. ESF éditions, 2010, 224p [6] Th Pelaccia , Tardif J, Triby E, Ammirati Ch, Bertrand C, Charlin B. Comment les médecins raisonnent-ils pour poser des diagnostics et prendre des décisions thérapeutiques ? Les enjeux en médecine d’urgence. Annales françaises de médecine d'urgence,2011 ;1.