Directions et rôles de la sémiotique en Amérique du sud : Premières

Signata
Annales des sémiotiques / Annals of Semiotics
3 | 2012
L’institution de la sémiotique : Recherche,
enseignement, professions
Directions etles de la sémiotique en Amérique
du sud : Premières réflexions
Diana Luz Pessoa de Barros
Édition électronique
URL : http://signata.revues.org/844
DOI : 10.4000/signata.844
ISSN : 2565-7097
Éditeur
Presses universitaires de Liège (PULg)
Édition imprimée
Date de publication : 31 décembre 2012
Pagination : 131-160
ISBN : 978-2-87562-010-1
ISSN : 2032-9806
Référence électronique
Diana Luz Pessoa de Barros, « Directions et rôles de la sémiotique en Amérique du sud : Premières
réflexions », Signata [En ligne], 3 | 2012, mis en ligne le 30 septembre 2016, consulté le 04 avril 2017.
URL : http://signata.revues.org/844 ; DOI : 10.4000/signata.844
Signata - PULg
VariationS géographiqueS
Directions et rôles de la sémiotique en Amérique du sud:
Premières réexions
Diana L P  B
Universidade de São Paulo
Universidade Presbiteriana Mackenzie
CNPq
Considérations initiales
Dans cet article, nous abordons le rôle de la sémiotique discursive française et les
directions qu’elle a prises en Amérique du Sud, mais principalement au Brésil
elle a eu et continue d’avoir des développements signicatifs. À cette n, nous
reprenons deux de nos études antérieures: « Rumos da semiótica (Directions de
la sémiotique) » (2007) et « O papel dos estudos do discurso (Le rôle des études du
discours) » (2009). Il s’agit donc d’idées à la fois nouvelles et anciennes que nous
reprenons, avec persévérance, en vue de donner un sens à ce que nous faisons et
à ce que nous croyons. La sémiotique discursive française cherche à construire les
sens des textes à partir des stratégies, des procédés discursifs qui produisent ces
sens et à partir des dialogues que les textes entretiennent avec d’autres textes.
Ainsi, nous reprenons d’abord la dénition de « direction » rumo ») dans
les dictionnaires et nous l’analysons sémiotiquement, an d’examiner par la
suite et d’une manière un tant soit peu circulaire, les orientations et les rôles de
la sémiotique au Brésil, aussi bien à l’égard des « directions » et « des rôles » de
la théorie et de la méthodologie, qu’à l’égard des objets et des buts de l’analyse.
Nous traiterons principalement de la sémiotique au Brésil, mais nous chercherons,
dans la mesure du possible, à établir des dialogues avec les études sémiotiques en
Amérique du Sud, en particulier au Venezuela, au Pérou, au Chili et en Argentine
où nous avons plus de contacts.
132 V 
Dans le dictionnaire brésilien Houaiss, un des sens de « direction » (« rumo »)
est celui de « parcours, d’orientation à suivre pour aller d’un endroit à un autre,
de chemin, d’un d’itinéraire, de route ». Divers éléments de la sémiotique peuvent
être observés:
dans la conception générale de la théorie, le terme « parcours », dans la dénition
de « direction », apparaît comme un parcours de genèse, d’engendrement de
la signication, c’est à dire qu’il apporte l’idée que la signication se construit
par étapes, mais surtout, dans le mouvement, la transformation, qu’il y a un
processus de la signication, plutôt qu’un système de signes comme dans la
sémiologie, et que la sémiotique est aussi un projet théorique en construction ;
d’un point de vue narratif, la conception de « direction » prévoit deux
notions de base: celle de transformation des états et celle d’intentionnalité,
de directivité ;
sur le plan discursif, il existe dans la dénition de « direction » une projection
de l’espace, explicitée comme un déplacement spatial et une programmation
spatiale (route, itinéraire), et aspectualisée, par l’extension, comme un espace
sans limites (parcours, itinéraire, chemin), et, par l’intension, comme un
parcours avec direction.
Les directions que la sémiotique discursive a prises en Amérique du Sud sont,
alors, examinées selon cette conception de « direction » rumo »): de mouvement,
de construction, de transformation, d’intentionnalité, de directivité.
Notre réexion s’organise en trois parties: la première fait des observations
générales au sujet de l’accueil réservé à la théorie sémiotique du discours dans
certains pays d’Amérique du Sud, la seconde aborde le maintien des directions
dans la théorie et dans la méthodologie, ainsi que l’élargissement des ns et des
objets d’analyse dans ces centres de recherche en sémiotique, enn, la troisième
partie s’intéresse au rôle des études sémiotiques et aux dialogues que la sémiotique
entretient avec d’autres disciplines dans les pays susmentionnés et, en particulier,
au Brésil.
1. La sémiotique en Amérique du Sud
La sémiotique discursive a été introduite très tôt et avec enthousiasme en Amérique
du Sud. L’une des raisons, sans doute, était le grand développement, dans ces pays,
de la linguistique saussurienne, du structuralisme, dans plusieurs domaines, ainsi
que diverses études sémiologiques. Ces études ont été les fondatrices des études
de sémiotique discursive et, selon de nombreux chercheurs, elles ont formé une
première génération de sémioticiens « avant la lettre » en Amérique latine. Elles se
fondaient sur les travaux de Barthes, Kristeva, Todorov, Eco, Lévi-Strauss, Marin,
Durand, Metz, Ruwet, dans les publications de la revue Communications, entre
autres.
D       A   133
Les études sémiotiques en Amérique du Sud, ou du moins dans les pays
auxquels nous faisons référence, ont été généralement introduites dans les années
60 et 70 et donc au tout début de la sémiotique greimasienne, par des professeurs
et des chercheurs d’Amérique du Sud qui ont lu la Sémantique structurale et qui
ont découvert une nouvelle manière de traiter le langage, et qui ont aussi approché
personnellement Greimas (en faisant partie de ses élèves, régulièrement ou non, à
l’École des Hautes Études à Paris ou lors des visites de Greimas en Amérique du
Sud — pour le Brésil en 1973). Ces premiers enthousiastes de la théorie sémiotique
ont formé une école de sémiotique dans leurs pays respectifs, en Amérique
du Sud: ils ont oert des cours d’initiation ou des cours plus avancés dans les
universités ils enseignaient, ils ont écrit des livres de bases, ils ont développé
des aspects théoriques et méthodologiques, ils ont eectué de nombreuses
analyses très variées, ils ont traduit, en portugais ou en espagnol, les études des
sémioticiens français. Les premières générations de sémioticiens sud-américains,
formés directement par Greimas et qui ont participé au Groupe de Recherches
Sémio-linguistiques, ont joué un rôle considérable dans la l’implantation et le
développement de la sémiotique en Amérique du Sud. Il s’agissait de chercheurs
liés à la tradition universitaire, avec principalement deux types de formation: les
Lettres (linguistique, théorie littéraire) et Communication et Arts. Cependant,
dans les deux cas, la poétique et l’esthétique faisaient l’objet d’un très grand intérêt.
Aujourd’hui, plusieurs générations de sémioticiens coexistent dans ces deux
champs du savoir. Nous avons déjà les « petits-enfants » et les « arrières-petits-
enfants » intellectuels, docteurs en sémiotique. La formation institutionnelle en
sémiotique, avec la disciplinarisation universitaire, est l’une des caractéristiques
de son accueil et de son développement en Amérique du Sud et constitue, en fait,
ce qui lui a donné le plus de force et ce qui lui a permis de concilier l’innovation et
la tradition. Depuis les années 70, les disciplines sémiotiques sont proposées pour
tous les cursus, de la licence au doctorat. Dans un premier temps, sans aucun doute,
la sémiotique avait un caractère clandestin et « se dissimulait » sous les étiquettes
diverses des études linguistiques et littéraires traditionnelles, mais elle formait des
étudiants et des chercheurs.
En outre, un des sujets de préoccupation des sémioticiens qui ont développé
leurs recherches en Amérique du Sud (et aussi dans d’autres pays d’Amérique
latine) consistait toujours à expliquer les processus de signication de l’homme
et de la société en Amérique du Sud, de construire leurs identités, de montrer
leurs traits universels et particuliers. Ainsi, dans tous les pays, des recherches en
ethno-sémiotique, en socio-sémiotique, en communication de masse, en politique
culturelle, en littérature orale ont été développées. D’où le maintien des directions,
que nous aborderons par la suite.
Au Pérou, les premières études sémiotiques sont menées principalement par
trois sémioticiens: Desiderio Blanco, Raúl Bueno et Enrique Ballón de l’Université
de San Marcos, de l’Université de Lima et aussi de l’Université Catholique. Au début
134 V 
des années 80, Desiderio Blanco et Rául Bueno (1980) ont déjà publié en espagnol
une méthodologie de l’analyse sémiotique avec les principes fondamentaux de la
théorie. Au Brésil les premiers livres en portugais exposant la théorie sont apparus
à la n des années 80. Desiderio Blanco a non seulement introduit la sémiotique
dans son pays, mais a aussi divulgué la théorie avec rigueur et ecacité didactique,
en procédant régulièrement à des mises à jour et en formant une génération de
sémioticiens péruviens, en particulier dans les domaines de la communication, avec
des études sur le cinéma et l’esthétique. Rául Bueno et Eduardo Ballón ont surtout
introduit les études sémiotiques dans les domaines des Lettres et de la Linguistique.
Au Pérou, la sémiotique discursive a connu un fort développement et a toujours été
liée aux deux champs du savoir: la communication sociale et les études linguistiques
et littéraires. Les sémioticiens péruviens, comme dans d’autres pays d’Amérique
du Sud, ont développé des travaux théoriques et méthodologiques en participant à
des recherches sur des thèmes communs de la sémiotique générale qui se sont aussi
développés dans d’autres régions du monde. Néanmoins, ils ont aussi examiné les
objets particuliers de la culture au Pérou et ont produit de nouvelles connaissances
sur la société péruvienne. Ainsi, la sémiotique au Pérou se caractérise également
par ses études sur la littérature orale andine et sur la culture populaire péruvienne
en général, par ses recherches en ethno-littérature et en communication de masse,
par l’examen des contacts et des conits entre les langues parlées au Pérou, par les
études sur la littérature péruvienne, surtout à partir de ses bases dans la littérature
orale, et par ses études sur la littérature latino-américaine. Enrique Ballón (2002)
insiste, à juste titre, sur le fait qu’un bon nombre des particularités de la sémiotique
au Pérou sont dues à la situation « multinationale, multilingue et multiculturelle
de la société péruvienne ».
Parmi les sémioticiens péruviens les plus importants, dans le cadre de la
sémiotique discursive, on peut également citer des chercheurs de diérentes géné-
rations comme Óscar Quezada, G.Dañino, Raúl Bendezú, Santiago López, Hermis
Campodónico, Ricardo L.Costa et bien d’autres.
Au Venezuela 1, la sémiotique a aussi été lancée dans les années 60 et 70, si nous
laissons de côté la première génération des précurseurs qui ont suscité l’intérêt
pour les études sémiotiques dans des diérents domaines du savoir. Les premiers
travaux, tout comme dans les autres pays d’Amérique du Sud, se sont intéressés à
l’analyse des textes verbaux et en particulier à la sémiotique littéraire, avec l’examen
des écrivains vénézuéliens. La sémiotique discursive elle-même a commencé avec
le retour des chercheurs qui se sont formés en Europe, comme Teresa Espar,
Iván Ávila, Liddis Palomares, José Enrique Finol et Dobrila Djukich de Neri. Ces
chercheurs ont développé au Venezuela l’enseignement et la recherche sémiotiques
et ont institutionnalisé la sémiotique discursive. Teresa Espar a créé un master
(1985) et un doctorat en sémiotique, ainsi qu’un groupe de recherche (Groupe de
1. Nous remercions vivement nos amis les professeurs Alexandra Alvarez Murro et ValmoreAgelvis
des renseigenements qu’ils nous ont donnés sur la sémiotique au Venezuela.
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