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Les études sémiotiques en Amérique du Sud, ou du moins dans les pays
auxquels nous faisons référence, ont été généralement introduites dans les années
60 et 70 et donc au tout début de la sémiotique greimasienne, par des professeurs
et des chercheurs d’Amérique du Sud qui ont lu la Sémantique structurale et qui
ont découvert une nouvelle manière de traiter le langage, et qui ont aussi approché
personnellement Greimas (en faisant partie de ses élèves, régulièrement ou non, à
l’École des Hautes Études à Paris ou lors des visites de Greimas en Amérique du
Sud — pour le Brésil en 1973). Ces premiers enthousiastes de la théorie sémiotique
ont formé une école de sémiotique dans leurs pays respectifs, en Amérique
du Sud: ils ont oert des cours d’initiation ou des cours plus avancés dans les
universités où ils enseignaient, ils ont écrit des livres de bases, ils ont développé
des aspects théoriques et méthodologiques, ils ont eectué de nombreuses
analyses très variées, ils ont traduit, en portugais ou en espagnol, les études des
sémioticiens français. Les premières générations de sémioticiens sud-américains,
formés directement par Greimas et qui ont participé au Groupe de Recherches
Sémio-linguistiques, ont joué un rôle considérable dans la l’implantation et le
développement de la sémiotique en Amérique du Sud. Il s’agissait de chercheurs
liés à la tradition universitaire, avec principalement deux types de formation: les
Lettres (linguistique, théorie littéraire) et Communication et Arts. Cependant,
dans les deux cas, la poétique et l’esthétique faisaient l’objet d’un très grand intérêt.
Aujourd’hui, plusieurs générations de sémioticiens coexistent dans ces deux
champs du savoir. Nous avons déjà les « petits-enfants » et les « arrières-petits-
enfants » intellectuels, docteurs en sémiotique. La formation institutionnelle en
sémiotique, avec la disciplinarisation universitaire, est l’une des caractéristiques
de son accueil et de son développement en Amérique du Sud et constitue, en fait,
ce qui lui a donné le plus de force et ce qui lui a permis de concilier l’innovation et
la tradition. Depuis les années 70, les disciplines sémiotiques sont proposées pour
tous les cursus, de la licence au doctorat. Dans un premier temps, sans aucun doute,
la sémiotique avait un caractère clandestin et « se dissimulait » sous les étiquettes
diverses des études linguistiques et littéraires traditionnelles, mais elle formait des
étudiants et des chercheurs.
En outre, un des sujets de préoccupation des sémioticiens qui ont développé
leurs recherches en Amérique du Sud (et aussi dans d’autres pays d’Amérique
latine) consistait toujours à expliquer les processus de signication de l’homme
et de la société en Amérique du Sud, de construire leurs identités, de montrer
leurs traits universels et particuliers. Ainsi, dans tous les pays, des recherches en
ethno-sémiotique, en socio-sémiotique, en communication de masse, en politique
culturelle, en littérature orale ont été développées. D’où le maintien des directions,
que nous aborderons par la suite.
Au Pérou, les premières études sémiotiques sont menées principalement par
trois sémioticiens: Desiderio Blanco, Raúl Bueno et Enrique Ballón de l’Université
de San Marcos, de l’Université de Lima et aussi de l’Université Catholique. Au début