La mise sous traitement après diagnostic de la tuberculose au

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Int J Tuberc Lung Dis 2000 ; 4(10) : 956-961
© 2000 IUATLD
La mise sous traitement après diagnostic de la tuberculose au
laboratoire a-t-elle lieu en temps utile et concerne-t-elle tous
les patients à Gaborone, Botswana ?
T.L. Creek,* S. Lockman,†‡ T.A. Kenyon,* M. Makhoa,§ N. Chimidza,§ T. Moeti,¶ B.B.
Sarpong,** N.J. Binkin,† J.W. Tappero †
†
*The BOTUSA Project, Gaborone, Botswana; Division of TB Elimination, National Centers for HIV/AIDS, STD
‡
and TB Prevention; Epidemic Intelligence Service, Epidemiology Program Office, Centers for Disease Control
§
¶
and Prevention, Atlanta, Georgia, USA; University of Botswana, Gaborone, Botswana; Epidemiology Unit,
Ministry of Health, Government of Botswana, Gaborone; ** Gaborone City Council, Gaborone, Botswana
________________________________________
___________________ _____
RESUME
CADRE : Gaborone, la capitale du Botswana.
OBJECTIF : Déterminer la durée séparant l'examen microscopique positif d'un frottis d'expectoration pour les
bacilles acido-résistants (AFB) et le début du traitement et identifier les facteurs de risque pour les délais.
SCHEMA : Etude rétrospective de cohorte des dossiers médicaux et des données de surveillance des patients
dont la bacilloscopie était positive et correspondait à des nouveaux cas de tuberculose (TB) entre janvier et mai
1997. Un délai dans le traitement a été défini comme correspondant à plus de 2 semaines entre la première
bacilloscopie positive et la mise en route du traitement de la TB.
RESULTATS : Sur 127 patients identifiés, 15 (11,8%) avaient un délai de traitement, 13 (10,2%) une mise au
point incomplète (étalement d'un seul frottis) et l'absence d'enregistrement pour le traitement de TB et six
(4,5%) avaient deux bacilloscopies positives ou davantage mais ne furent pas enregistrés pour le traitement de la
TB. Les facteurs de risque pour le délai de traitement ou l'absence d'enregistrement ont inclus le diagnostic des
patients dans un dispensaire par rapport à une clinique (RR 2,9 ; IC95% 1,2-3,6 ; P=0,02) ou le fait que le
diagnostic ait été porté dans une clinique importante par rapport à une petite clinique (RR 2,2 ; IC95% 1,2-5,3 ;
P=0,01).
CONCLUSION : Plus d'un quart des patients TB à bacilloscopie positive identifiés ont eu un traitement retardé
ou même aucune preuve de mise en route du traitement. Un suivi correct des résultats de l'examen des
expectorations au laboratoire et des registres des patients suspects de TB serait susceptible de réduire les délais
de traitement et les patients perdus de vue.
MOTS CLE : tuberculose ; traitement ; complétude ; en temps utile ; Botswana
L'EPIDEMIE du virus de l'immunodéficience
humaine (VIH) en Afrique sous-saharienne a été
suivie de près et parallèlement par une augmentation des cas de tuberculose (TB) dans les pays de
toute cette région.1 Les Programmes de lutte
antituberculeuse, y compris le Programme National
de Tuberculose du Botswana (PNTB) ont du faire
face au défi d'assurer les services de diagnostic et
de traitement pour un nombre croissant de cas. En
1986, le PNTB a commencé à appliquer le traitement directement observé et de courte durée
(DOTS) à tous les patients TB. Les taux d'adhésion
au traitement dépassent régulièrement 90%,2,3 et
par suite du DOTS et d'un contrôle strict de l'accès
aux antituberculeux, les niveaux de résistance aux
médicaments sont parmi les plus bas du monde.4,5
Malgré ces succès, le taux de morbidité tuberculeuse a plus que doublé au cours des 7 dernières
années, passant de 202/100.000 habitants en 1989
à 476/100.000 en 1997.3,6 Pendant cette même
période, les taux d'infection par le VIH parmi les
femmes enceintes de la capitale Gaborone ont augmenté également de manière dramatique, passant
de 14,9% en 1992 à 34,2% en 1997,7 ce qui crée
une situation dans laquelle le taux de morbidité
tuberculeuse est susceptible de continuer à
augmenter.
Un élément central de la lutte antituberculeuse
Auteur pour correspondance : Jordan W Tappero, MD, MPH, Centers for Disease Control & Prevention, Mail Stop
(C09), 1600 Clifton Road, NE, Atlanta, GA 30333 USA. Tel: (+404) 639-4728. Fax: (+404) 639-3059. e-mail:
[email protected]
[Traduction de l'article "Completeness and timeliness of treatment initiation after laboratory diagnosis of
tuberculosis in Gaborone, Botswana" Int J Tuberc Lung Dis 2000 ; 4(10) : 956-961]
2
The International Journal of Tuberculosis and Lung Disease
dans les pays à haute prévalence comme le
Botswana est la rapidité du diagnostic et du
traitement de tous les nouveaux cas de TB,
particulièrement ceux atteints d'une maladie à
bacilloscopie des expectorations positive, qui sont
les plus susceptibles d'être contagieux. La bacilloscopie des frottis d'expectoration de tous les
patients suspects de TB est la méthode de
diagnostic de choix pour les pays en développement, et les patients qui ont au moins deux
frottis positifs pour une maladie grave, hautement
suspecte de TB devraient être mis rapidement sous
traitement antituberculeux. 9 Une étude de 1993,
portant sur les patients TB du district de Kweneng,
au Botswana, avait trouvé un délai moyen de 4
semaines entre le début d'une toux productive et la
demande d'examens des frottis d'expectorations
pour les bacilles acido-résistants (BAAR).10 Le
délai moyen entre le début d'une toux productive et
le début du traitement était de 6 semaines.
Toutefois, on n'avait pas étudié les raisons de ces
délais dans la mise en route du traitement antituberculeux. Vu qu'un retard dans le traitement peut
entraîner une prolongation de la transmission, une
adhésion aux pratiques recommandées est d'importance majeure si le pays veut tempérer l'influence
de la séroprévalence croissante pour le VIH sur les
taux annuels d'incidence de la TB.
Nous avons mené une étude rétrospective de
cohorte à Gabarone, la capitale (en 1997, 183.500
habitants, taux de morbidité tuberculeuse
480/100.000) afin d'étudier dans quelle mesure le
traitement est instauré en temps utile après une
bacilloscopie positive des expectorations et afin
d'identifier les facteurs de risque de ces retards.
METHODES
Le diagnostic ambulatoire de la TB à Gabarone est
assuré dans 13 dispensaires desservant des zones
de recrutement bien définies et dans deux
institutions plus importantes et de localisation
centrale qui desservent les patients de toute la ville.
Une de ces deux institutions plus importantes est
un dispensaire ouvert 24 heures par jour, 7 jours
par semaine, destinée aux patients qui ne peuvent
pas s'y rendre pendant les heures normales de
travail. La deuxième est le département des
patients externes de l'hôpital public de Gabarone
qui dessert les patients qui ont été référés des
dispensaires de Gabarone ou d'institutions de santé
de district venant de l'ensemble du pays. Tous les
échantillons d'expectoration de Gabarone sont
envoyés à un laboratoire de TB pour bacilloscopie
des frottis d'expectoration. Le traitement est mis en
route dans tous les services ambulatoires, sauf au
département hospitalier qui hospitalise les malades
TB ou les réfère à un dispensaire pour mise en
route du traitement. Les infirmières peuvent lancer
le traitement après réception des résultats positifs
de deux bacilloscopies d'expectoration ou davantage et les médecins peuvent mettre le traitement
en route en se basant sur les résultats des frottis
d'expectoration et/ou sur des critères cliniques et
radiologiques (c'est à dire que deux examens bacilloscopiques positifs ne sont pas exigés).11 Les
patients TB ne sont hospitalisés que si la clinique
l'impose ; le schéma de traitement est un schéma
totalement ambulatoire, directement observé
pendant 6 mois et contenant de la rifampicine tout
du long. Les directives nationales11 recommandent
que les patients commencent leur traitement immédiatement après le diagnostic de TB.
La cohorte de patients TB, dont au moins un
frottis positif à la bacilloscopie a été envoyé par
une institution de patients externes, a été constituée
dans le registre du laboratoire TB de Gabarone
pour la période du 6 janvier 1997 au 20 mai 1997.
Le registre de laboratoire comporte le nom, l'âge et
le sexe du patient, le dispensaire envoyant l'échantillon d'expectoration et les résultats de la bacilloscopie du frottis d'expectoration. La liste des
patients identifiés dans le registre du laboratoire a
été confrontée de manière croisée avec la base de
données du Registre National Electronique de TB
pour 1996 et 1997.12 Le Registre Electronique de
TB est un système de surveillance computérisé
basé sur le district pour tous les cas de TB
enregistrés dans le pays. Il est utilisé pour produire
les rapports annuels de déclaration et les analyses
de cohorte.12 Les données de surveillance obtenues
par le personnel de district dans les registres
cliniques de traitement dans 24 districts de santé du
Botswana sont introduites à intervalles réguliers
dans un ordinateur individuel (PC) au sein de
chaque district. Les données de district sont
envoyées sous forme de disquettes au PNTB tous
les 3 mois. Les données de surveillance incluent
les informations démographiques et les résultats
des bacilloscopies des frottis d'expectoration ainsi
que les dates d'enregistrement du traitement, début
et achèvement, l'adhésion du patient et le résultat
final du traitement. Des audits des registres
cliniques de traitement visant à s'assurer que les
déclarations sont complètes révèlent une sensibilité
du système de surveillance du Registre Electronique de TB approchant l'unité au cours d'une
année. La première étude du Registre Electronique
de TB a été pratiquée en octobre 1997, 5 mois
après le dernier diagnostic à bacilloscopie positive
identifié pendant la période d'étude; elle a été
répétée en octobre 1998 afin de s'assurer qu'aucun
patient n'avait été perdu par suite d'une introduction retardée dans la base de données. Les noms
des patients dont les dossiers n’avaient pas été re-
Mise sous traitement anti-tuberculeux après diagnostic au laboratoire en temps utile
184
165
Patients identifiés dans le registre du laboratoire
comme porteurs d'expectorations à bacilloscopie positive
Patients trouvés dans
le registre de traitement
16
3
+
Patients absents
Dans tout registre
Patients pour qui
la date du début
du traitement
fait défaut
Patients trouvés dans
le registre
23
+
Patients qui
n’étaient pas
de nouveaux
cas TB
3
142
34
57
Exclus
108
19
Connus comme
Ayant été traités
Non enregistrés
pour le traitement
127
Inclus dans l’analyse
Figure Diagramme des méthodes utilisées pour identifier les patients finalement inclus dans l'étude
trouvés ont été confrontés de manière croisée à
ceux des patients hospitalisés dans les salles
médicales de l'hôpital public et dans la salle de TB
à Gaborone ainsi qu'à ceux du registre national de
décès.
Le moment de mise en route du traitement TB a
Tableau 1 Caractéristiques des patients avec bacilloscopie positive des expectorations selon le statut de traitement, Gaborone,
Botswana, janvier-mai 1997
Caractéristiques
Type de dispensaire n (%)
Dispensaires externes de l’hôpital
(n=24)
Dispensaires non hospitaliers
(n=103)
Dispensaires non hospitalirs (par
volume d’activité)
<15 patients dans l’étude (n=50)
15 patients dans l’étude (n=53)
Age, médiane (ans)
Sexe masculine n(%)
Médiane des jours avant le
traitement (extrêmes)
Niveau de positivité du frottis
1+ (n=8)
2+ (n=25)
3+ (n=94)
Transfert pour traitement
(n=52)
Traitement
en temps
voulu
(n=93)
Délai de
traitement
(n=15)
Mise au point
incomplete,
pas de traitement
(n=13)
Mise au point
complete,
pas de traitement
(n=6)
Ensemble des
échecs du
programme
(n=34)
13 (54.2)
3 (12.5)
5 (20.8)
3 (12.5)
11 (45.8)
80 (77.7)
12 (11.7)
8 (7.8)
3 (2.9)
23 (22.3)
43 (86.0)
37 (69.8)
31
55 (72.1)
5 (-10-14)*
3 (6.0)
9 (17.0)
34
9 (11.8)
31 (19-215)
3 (6.0)
5 (9.4)
32
7 (9.2)
-
1 (2.0)
2 (3.8)
35
5 (6.6)
-
7 (14.0)
16 (30.0)
5 (62.5)
19 (76.0)
69 (73.4)
44 (84.6)
3 (12.0)
12 (12.8)
8 (15.3)
3 (37.5)
1 (4.0)
9 (9.6)
-
2 (8.0)
4 (4.3)
-
* (-10) représente un patient dont le traitement a commencé 10 jours avant le diagnostic de TB au laboratoire
21 (27.6)
-
3 (37.5)
6 (24.0)
25 (26.6)
-
4
The International Journal of Tuberculosis and Lung Disease
Tableau 2 Facteurs de risque pour le délai ou l'échec du traitement parmi les patients à bacilloscopie positive des
expectorations , en utilisant comme groupe de référence les patients qui ont commencé le traitement dans les 14 jours après
le premier frottis positif , Gaborone, Botswana, janvier-mai 1997
Caractéristiques
Age >30 ans
Sexe masculin
Diagnostiqués qu dispensaire
externe d’un hôpital (vs
dispensaire non hospitalière)
Diagnostiqués à un dispensaire
incluant
15 patients dans l’étude
(vs. <15 patients)
Positivité du frottis (3+ vs. <3+)
Transférés pour traitement
Traitement retardé
RR (95%CI) P*
Mise au point
incomplète,
pas de traitement
RR (95%CI)
P*
Mise au point
complète,
pas de traitement
RR (95%CI)
P*
Ensemble des
échecs du
programme
RR (95%CI)
P*
1.2 (0.5-3.1)
1 (0.4-2.7)
0.7
1.0
0.6 (0.2-1.7)
0.7 (0.3-1.7)
0.3
0.5†
1.4 (0.3-6.9)
3.4 (0.4-27.9)
0.7
0.4†
1 (0.6-1.8)
1.1 (.6-2.0)
1.0
0.8
1.4 (0.5-4.5)
0.7†
1.3 (0.6-3.1)
0.7†
4.3 (0.9-20.0)
0.08†
2.9 (1.2-3.6)
0.02
3.0 (0.9-9.9)
0.8 (0.2-2.5)
1.2 (0.5-3.2)
0.06
0.8†
0.7
0.9 (0.3-2.3)
1.2 (0.5-3.0)
1.0†
0.7†
3.3 (0.4-27.0)
1.4 (0.3-7.4)
0.4†
0.7†
2.5 (1.2-5.3)
1.0 (0.5-2.0)
0.01
0.9
* Test 2 de Maentel-Haenszel
†
Test exact bilatéral de Fisher
été calculé en jours à partir de la date de la
première bacilloscopie positive pour TB jusqu'à la
date de début du traitement. On a défini comme
« retard au de traitement » la mise en route d'un
traitement TB plus de 2 semaines après le premier
examen positif des expectorations. Les patients
dont les expectorations étaient positives pour
BAAR et qui n'ont pu être identifiés dans aucun
des registres ou bases de données ont été classés
comme n'ayant pas été enregistrés pour traitement
TB. Parmi les 13 dispensaires de notre étude, on a
défini comme « grands » dispensaires, celles du
quartile supérieur pour le nombre de patients TB
identifiés (n = 15). Quatre « grands » dispensaires
ont été identifiées dans le quartile supérieur; le
nombre médian de patients examinés était de 20.
Les neuf « petites » dispensaires restantes avaient
identifié moins de 15 patients pendant la période
d'étude. (valeur médiane quatre patients). On a
utilisé le test de Wilcoxon pour échantillons
indépendants et le test 2 de Mantel-Haenszel (ou
le test exact bilatéral de Fisher pour les analyses
portant sur de petits nombres d'observations) pour
comparer la distribution des variables respectivement continues et catégorielles. Les valeurs de P
sont considérées comme statistiquement significatives à un niveau alpha de 0,05.13 Les risques
relatifs sont calculés par la méthode de MantelHaenszel.
RESULTATS
On a identifié dans le registre des expectorations
du laboratoire TB un total de 186 patients dont la
bacilloscopie des expectorations était positive. Un
patient a été exclu car il avait un frottis positif et
cinq négatifs et le traitement avait été commencé
plusieurs mois plus tard, sans autres frottis positifs.
Des 184 patients restants, 165 (89,7%) ont été
trouvés dans un registre TB, alors que 19 (10,3%)
ne l'ont pas été (Figure). Des 165 patients trouvés
dans un registre, 23 (13,9%) ont été exclus car la
date de mise en route du traitement faisait défaut et
34 (20,1%) parce que les examens positifs de leurs
expectorations semblaient résulter d'un suivi de
routine plutôt que d'un test de diagnostic. Ces
patients avaient commencé leur traitement plus de
2 semaines avant la bacilloscopie positive (Valeur
médiane: 67 jours avant) au cours de l'étude, ce qui
suggérait que les frottis avaient été demandés pour
une évaluation de la réponse au traitement antituberculeux, comme recommandé par le PNTB.11
Finalement un total de 127 nouveaux patients TB
ont été inclus dans l'analyse.
Au total, 93 (73,2%) patients ont été mis sous
traitement antituberculeux au cours des 2 semaines
après leur premier frottis positif d'expectoration, 15
(11,8%) après un retard au traitement et 19
(14,9%) n'ont pas été enregistrés pour traitement
TB. Des 19 patients non enregistrés, 13 avaient une
mise au point incomplète pour TB (un frottis
seulement), trois étaient décédés sans avoir reçu de
traitement pour TB (deux décès dans la semaine de
l'examen positif d'expectoration et un décès 3 mois
après le résultat positif de l'expectoration).
Les caractéristiques des patients de l'étude sont
résumées au Tableau 1 et les facteurs de risque
pour le délai de traitement ou le non-enregistrement sont repris au Tableau 2. On n'a observé
aucune association entre d'une part l'âge, le sexe, le
degré de positivité du frottis ou le transfert du
patient vers un autre dispensaire pour traitement et
d'autre part le retard au traitement ou l'absence
d'enregistrement. Le facteur de risque prédominant
pour l'échec du programme fut le lieu du
diagnostic initial: les patients dont le frottis était
positif pour TB au département ambulatoire de
Mise sous traitement anti-tuberculeux après diagnostic au laboratoire en temps utile
l'hôpital étaient trois fois plus susceptibles de
n'avoir jamais été enregistrés pour traitement que
ceux qui avaient été diagnostiqués dans un
dispensaire non hospitalière (P = 0,02). Un autre
facteur significatif s'avère être l'importance de la
clientèle du dispensaire de diagnostic: les patients
mis au point dans de grands dispensaires non
hospitalières étaient plus susceptibles d'avoir un
retard au traitement ou d'être perdus pour le suivi
que ceux mis au point dans de petits dispensaires
(P = 0,01). Cinq des 14 dispensaires nonhospitaliers ont commencé le traitement pour
100% de leurs patients à frottis positifs dans les 14
jours de la bacilloscopie. Les durées plus longues
avant mise en route du traitement dans les
dispensaires plus importants et dans le département
externe de l'hôpital par comparaison avec les
cliniques plus petites ne sont pas explicables par
des différences dans l'âge, le sexe ou le degré de
positivité du frottis de leur clientèle.
Comme la mobilité est élevée à Gabarone et en
général dans la population botswanaise, le transfert
de patients TB est fréquent. De plus, bien que le
département externe de l'hôpital puisse diagnostiquer les patients, ils doivent être transférés vers un
autre dispensaire pour commencer le traitement.
Un total de 52 patients (40,9%) ont reçu un
traitement TB à un dispensaire autre que celle qui
avait envoyé l'échantillon original d'expectoration;
17 (32,7%) ont été enregistrés dans les districts en
dehors de Gabarone. Le transfert, y compris le
transfert en dehors du district, n'est pas un facteur
de risque pour le délai de mise en route du
traitement (Tableau 2): la durée médiane entre le
diagnostic et le début du traitement a été de 5 jours
pour ceux qui ont été transférés comme pour ceux
qui ne l'ont pas été.
DISCUSSION
Nous avons observé que 73,2% des patients
considérés comme ayant une bacilloscopie positive
par le Laboratoire National de Référence dans les
dispensaires externes de Gaborone avaient
commencé leur traitement TB dans les 2 semaines
du premier frottis positif d'expectoration. A
l'inverse, 26,8% soit furent traités plus de 2
semaines après leur premier frottis positif, soit ne
furent pas enregistrés pour le traitement TB, ce qui
implique que ce denier groupe n'a pas reçu de
traitement ou tout au moins n'a pas reçu de
traitement au Botswana. On estime qu'un patient
TB à bacilloscopie positive des expectorations et
non traité peut infecter entre 10 et 14 personnes par
année.14 Donc, le fait que plus d'un quart des
patients identifiés récemment comme ayant une
bacilloscopie positive à Gaborone ne soient pas
traités pendant une période de temps prolongée
5
représente une menace substantielle pour la santé
publique, particulièrement à l'ère du VIH.
Le dispensaire externe de l'hôpital est
responsable de 32,4% des patients qui ont été
perdus pour le suivi ou dont le traitement a
commencé avec retard, mais ne représentent que
18,9% de l'ensemble des patients identifiés pendant
la période d'étude. Les patients à bacilloscopie
positive, identifiés dans les départements externes
de l'hôpital étaient presque trois fois plus
susceptibles que les patients des dispensaires de la
collectivité de souffrir d'un retard significatif dans
le début du traitement ou de ne pas être enregistrés
pour le traitement TB (Tableau 1). Le taux global
d'échec pour le dispensaire externe de l'hôpital fut
de 45,8% (Tableau 2). Le dispensaire de l'hôpital
attire des patients accusant des symptômes aigus
de maladie mais n'assure généralement pas le suivi
des patients TB après diagnostic. Le grand nombre
de patients examinés chaque jour dans le
département externe, la longueur de l'intervalle
entre les visites au dispensaire et la distance que
beaucoup de ces patients doivent parcourir pour
leurs soins médicaux rendent problématique le
suivi des patients qui ne viennent pas chercher
leurs résultats. Les trois autres grands dispensaires
qui avaient identifié 41,7% des cas de l'étude ont
un taux d'échec de 30%. Les petits dispensaires ont
identifié 39,4% des patients et ont un taux d'échec
de 14% seulement, ce qui suggère que les patients
consultant dans les dispensaires plus grands et plus
fréquentés rencontrent des obstacles à l'évaluation
complète d'une suspicion de TB et à la mise en
route du traitement TB.
L'information concernant les demandes de
frottis d'expectoration pour des cas suspects de TB
ainsi que les résultats obtenus ne sont actuellement
enregistrés que sur les fiches individuelles de
dispensaire qui sont conservées par les patients
eux-mêmes et mises à jour par le praticien à
chaque consultation. Les feuillets de laboratoire
qui accompagnent les échantillons d'expectoration
et qui pourraient servir de mécanisme pour faciliter
les contacts ultérieurs avec le patient ne
comportent souvent que des adresses incomplètes
ou absentes, ce qui rend impossible le suivi du
patient. Le suivi s'avère meilleur dans les petits
dispensaires où le personnel est plus susceptible de
se remémorer les patients et a des relations
régulières avec eux. Le suivi dans ces dispensaires
peut être moins difficile parce que les patients ont
tendance à résider aux environs du dispensaire et
peuvent être connus du personnel du dispensaire,
ce qui élimine la dépendance à l'égard de
documents « papier » pour rappeler au personnel
quels sont les patients qui doivent être contactés et
pour lui indiquer où on peut les retrouver.
6
The International Journal of Tuberculosis and Lung Disease
Néanmoins, le système actuel de recherche des
patients doit être amélioré même dans les petits
dispensaires de voisinage.
Un grand nombre des problèmes actuels
concernant les délais de démarrage du traitement et
les pertes de suivi pourraient être résolus si le
registre des suspects de TB et des envois d'expectorations, qui fait partie du Programme National
TB, était disponible dans tous les dispensaires et
était tenu en ordre avec diligence. Le manuel du
PNTB considère que ce registre, conçu pour
contenir l'information sur tous les patients suspects
de TB, sur les dates auxquelles les échantillons
d'expectoration ont été envoyés au laboratoire, sur
les résultats des examens de frottis d'expectoration
et sur les dispositions des patients, devrait être tenu
dans toutes les institutions de soins de santé.11
Nous avons remarqué que tous les dispensaires,
soit n'avaient pas un registre des suspects de TB,
soit ne l'utilisaient pas régulièrement. L'utilisation
habituelle de ce registre au niveau des dispensaires
comme outil pour la recherche des patients,
combinée avec une recherche active par la collectivité des patients qui ne reviennent pas rapidement
pour les résultats de leurs frottis et la mise en route
de leur traitement pourrait être une étape
importante vers la diminution des retards ou des
pertes de vue observés dans notre étude. Une
informatisation des résultats des frottis d'expectoration au laboratoire pourrait encore faciliter ce
processus en permettant au superviseur d'obtenir
facilement les listes de tous les patients à
bacilloscopie positive dans leur dispensaire ou leur
district et de vérifier s'ils ont été effectivement mis
sous traitement.
Les directives du PNTB mentionnent que les
patients dont deux frottis sont positifs ou dont la
suspicion clinique de TB est très importante
devraient bénéficier d'un traitement et que trois
frottis devraient être pratiqués chez les patients
suspects de TB. Chez 13 (68,4%) des 19 patients,
classés comme perdus de vue dans notre étude, on
n'avait pris note dans le laboratoire que d'un seul
frottis positif. Chez quatre de ces patients, un
frottis négatif a été enregistré et neuf d'entre eux
n'avaient aucun frottis négatif. Les éléments pour
identifier un cas de TB étaient incomplets chez ces
patients, mais chez neuf d'entre eux la
bacilloscopie était positive à 3+. Nous suspectons
que ces patients ne sont pas revenus pour soumettre les échantillons d'expectoration complémentaires pour un diagnostic de TB, mais auraient été
diagnostiqués comme TB s’ils étaient revenus.
La mobilité de la population est élevée à
Gaborone, dont la plupart des résidents conservent
des liens avec les villages et les propriétés
terriennes de famille dans l'ensemble du pays.15 Il
y a peu de doutes qu'en présence d'une maladie
grave, certaines personnes vont quitter la ville et
rejoindre leur famille pour les soins. Néanmoins,
17 seulement des 127 patients ont été repérés dans
la base de données de la Surveillance Electronique
Nationale comme enregistrés pour traitement dans
un autre district.
Il est possible que certains des patients qui n'ont
pas été enregistrés pour traitement peuvent avoir
été enregistrés sous un autre nom que celui noté au
laboratoire ou encore avoir quitté le pays pour le
traitement ou recouru à un praticien privé pour le
traitement de leur TB après son diagnostic. Le
traitement de TB est gratuit au Botswana et n'est
administré que dans les dispensaires publiques, qui
tous enregistrent leurs patients dans le registre
national de TB. A peu d'exceptions près, les
médecins privés du Botswana n'ont pas accès aux
médicaments antituberculeux. Dès lors, il est peu
vraisemblable qu'un patient diagnostiqué dans un
dispensaire publique s'adresse à l'un des rares
médecins privés assurant un traitement coûteux
pour leur TB.
Le Programme National TB du Botswana, qui a
mis en route la stratégie DOTS au milieu des
années 1980, sert à beaucoup d'égards de
programme-modèle en Afrique sub-saharienne.
Toutefois, comme tous les programmes de la
région, il a été témoin d'un accroissement terrible
de l'incidence annuelle de la TB en rapport avec
l'épidémie de VIH. Une amélioration des
traitements précoces des nouveaux cas pourrait
aider à atténuer les taux croissants de morbidité
tuberculeuse. On a identifié à Gaborone deux types
de dispensaires qui contribuent substantiellement
au fardeau des tuberculoses non traitées ou des
retards de traitement dans la ville. Une utilisation
sérieuse du Registre des Suspects de TB
recommandée par le PNTB ainsi que l'enregistrement consciencieux des adresses de patients sur
tous les documents concernant les frottis
d'expectoration sont des techniques qui permettraient à tous les dispensaires d'améliorer leurs taux
de mise en route rapide du traitement. Une
amélioration de la tenue du registre ne sera
toutefois utile que dans la mesure où celui-ci sera
revu régulièrement par une personne chargée de
rechercher tous les résultats de laboratoire, de
localiser ensuite les patients à bacilloscopie
positive et de s'assurer qu'ils reçoivent le
traitement. Cette tâche ne doit pas être effectuée
par un médecin, une infirmière ou un coordinateur
TB, mais pourrait être attribuée à un membre du
personnel clinique moins bien entraîné et dont
l'engagement serait moins coûteux. Le fait de ne se
fier qu'aux patients pour revenir au dispensaire afin
d'y apporter les trois échantillons d'expectoration,
Mise sous traitement anti-tuberculeux après diagnostic au laboratoire en temps utile
pour revenir plus tard y chercher les résultats de
leurs frottis et pour se présenter en temps utile pour
traitement n'a pas suffi chez plus d'un quart des
patients de cette étude.
Un traitement rapide de tous les cas de TB à
bacilloscopie positive des expectorations s'est
avéré parmi toutes les interventions de santé
publique une des interventions les plus efficaces
par rapport à son coût.14 La mise au point d'un
programme complet de lutte antituberculeuse est
dès lors un investissement qui vaut la peine, même
pour les pays à faibles ressources. Au Botswana,
les composantes essentielles d'une lutte antituberculeuse couronnée de succès sont déjà en
place. La plupart des dispensaires publiques de
Gaborone sont apparus dans cette étude comme
réussissant à traiter rapidement tous les
tuberculeux identifiés comme patients à bacilloscopie positive. Le défaut de traitement rapide des
patients y est dû à une utilisation inadéquate d'un
système déjà en place, ce qui compromet sans
nécessité les soins aux patients TB et menace la
santé publique. Un respect plus strict des directives
actuelles du PNTB, spécialement dans les grands
dispensaires, pourrait aider à résoudre le problème
des tuberculoses non traitées à Gaborone.
Remerciements
Nous aimerions remercier Sue Gerber, Conseiller en Santé
Publique au CDC, Ms Tapela, Coordinateur TB du District de
Gaborone ainsi que le personnel de l'Equipe de Santé du
District de Gaborone et le personnel de nursing des
dispensaires de Gaborone qui nous ont aidé à recueillir
l'information nécessaire à ce travail. Nous voudrions
également reconnaître les mérites de Robert Muzila, chef du
projet BOTUSA, qui a fouillé le registre de décès de l'Office
National des Statistiques pour les patients manquants
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