
diagnostic plus précoce tout en considérant que l’utilité d’un dépistage en population générale est
injustifiée (11).
Les justifications d’un diagnostic précoce de cette maladie sont nombreuses
• Le diagnostic de la maladie à un stade prédémentiel où en général nous sommes confrontés
uniquement à un déficit mnésique, avec parfois des troubles des fonctions exécutives, est
possible grâce à l’utilisation d’outils psychométriques qui privilégient l’analyse qualitative, et
grâce au progrès de l’imagerie cérébrale,
• Connaître le diagnostic permettra au patient de prendre des décisions utiles pour gérer l’avenir
sachant que la maladie d’Alzheimer n’est pas d’emblée une démence (choix des soins, gestion du
patrimoine, rédiger un testament…). Comme le soulignent François Sellal et Elisabeth Kruczeck
dans un ouvrage consacré à cette maladie, la connaissance du diagnostic à ce stade est un droit
lui permettant de conserver son autonomie (10).
• Ce diagnostic au stade ambulatoire permet de mettre en route des actions de prévention vis à vis
de situations de crise, d’évènements médicaux déstabilisants, tel un état infectieux ou un
traumatisme orthopédique, ainsi que des troubles du comportement.
• Il s’agit de faire bénéficier d’une prise en charge médicamenteuse qui bien que reposant sur des
traitements symptomatiques, ont une efficacité reconnue sur certains troubles cognitifs et du
comportement, favorisent le maintien à domicile et améliorent la communication. On peut
penser, compte tenu du mode d’action des molécules actuellement sur le marché, qu’il est licite
de les donner précocement, lorsque la perte des récepteurs n’est pas majeure.
• Pour les proches, il est important de savoir qu’ils ont un interlocuteur malade, ce qui évitera une
mauvaise interprétation des signes de la maladie qui favoriserait des situations conflictuelles et
des réactions inappropriées. Il s’agit de prévenir des troubles du comportement, de déculpabiliser
l’entourage, d’adapter constamment l’environnement à une situation qui va évoluer. Cette
situation va soulever des questions dont les réponses ne sont pas toujours simples comme la
conduite automobile.
• L’établissement d’un diagnostic précoce est justifié aussi pour que les personnes atteintes et leur
entourage puissent bénéficier d’une prise en charge professionnelle et cohérente le plus
rapidement possible, mais qui ne se cantonne pas à une approche purement médicamenteuse dont
l’efficacité reste encore modeste. Un entourage bien conseillé dès le début influencera de
manière positive l’évolution de la maladie. Une aide cognitive permettra une meilleure gestion
des difficultés par des stratégies compensatoires et de maintenir l’activité des secteurs non
affectés.
• Enfin, nous sommes confrontés à une maladie qui a une origine multifactorielle avec des
paramètres non modifiables, comme les facteurs génétiques, mais avec aussi des facteurs
environnementaux et individuels, comme les facteurs de risque vasculaire, sur lesquels nous
pouvons agir.
Nous pourrions avancer aussi des arguments qui inciteraient à ne pas se précipiter dans
l’établissement du diagnostic précoce :
• Étiqueter une personne d’une affection au pronostic péjoratif revient à la stigmatiser, à lui faire
perdre son statut dans la famille et sur le plan social. Ceci peut entraîner des attitudes qui
favoriseraient une perte d’autonomie, des troubles du comportement et affectifs, une aggravation
des troubles cognitifs. Une étude effectuée par Agnès Michon de Genève portant sur le
témoignage de personnes atteintes de maladie d’Alzheimer met en avant que la démence
véhicule des représentations en termes de perte, à la fois d’un savoir, des facultés, de l’autonomie
avec pour conséquences une réduction des échanges et un retrait social (9). Les représentations
sur la maladie étaient élaborées autour du thème de la folie, avec tout ce que cela signifie en
termes de stigmatisation, de rejet et de dévalorisation. La maladie étant de plus en plus
médiatisée, le malade peut fort bien comprendre les implications sur son avenir et présenter par
là même un état anxieux ou dépressif avec une majoration des troubles cognitifs et l’apparition
de troubles du comportement. Ceci nous évoque le concept cher à Jean-Pierre Huber de « Self