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LA CONSTITUTION DE LA TUNISIE - Processus, principes et perspectives
Ce sont les démocrates membres de l’Assemblée et une grande partie de la société
civile tunisienne qui ont bataillé pour intégrer la référence à l’universalité dans la
Constitution. En eet, nous pouvons lire dans le préambule que le peuple exprime son
attachement « aux valeurs humaines et aux principes des droits de l’Homme universels
et nobles ».
L’universalité des valeurs, celle des droits de l’homme nous semble être prononcée
à demi-mots. D’ailleurs, la rédaction arabe du texte nous empêche de savoir si la
noblesse et l’universalité concerne seulement les droits de l’homme ou les droits de
l’homme et les valeurs universelles. Quoiqu’il en soit, il nous semble que l’expression
« noble » liées directement aux droits humains est totalement réductrice : elle laisse
entendre qu’il y aurait dans les droits humains des principes nobles et d’autres qui ne
le sont pas.
Plus encore, il nous semble que l’universalité est aussi prononcée timidement parce
qu’il n’est pas tout à fait question des « droits humains » mais des « principes de droits
humains ». Or, l’expression principes est tellement plus uctuante qu’elle n’implique
forcément pas tous les droits humains. D’ailleurs, il sut de revenir à la doctrine
pour comprendre que “les principes restent synonymes de règles juridiques abstraites,
fournissant les bases d’un régime juridique susceptible de s’appliquer à de multiples
situations concrètes, soit pour les réglementer de façon permanente, soit pour résoudre
les dicultés qu’elles font naître”12. Les principes des droits humains laisseront donc
une grande marge de manœuvre en matière d’interprétation mais par là même une
grande incertitude quant au respect eectif des droits humains par les pouvoirs infra-
constitutionnels.
L’ancrage dans l’universel est ainsi compromis par des expressions vagues dont le sens
sera probablement et dicilement déterminé par le juge constitutionnel.
L’ancrage dans l’universel est aussi compromis par un remarquable silence sur le droit
international des droits humains et notamment la déclaration universelle des droits
de l’homme. En eet, contrairement à certaines constitutions comparées, le pouvoir
constituant tunisien a refusé toute allusion à la Déclaration et au droit international en
général13. Pourtant, plusieurs experts ont bien attiré l’attention du constituant sur ce
que gagnerai un texte postrévolutionnaire en crédibilité en faisant référence au droit
international en général et aux textes des droits humains en particulier14. Finalement
et après d’âpres critiques venant des experts notamment, le pouvoir constituant a
consacré un article au droit international15. En eet, rappelons à ce propos que les
dans les premières versions de la Constitution, la supériorité des traités sur les lois
12 Virally (M.), “Le rôle des “principes” dans le développement du Droit international”, in. Le Droit international
en devenir, Essais écrits au l des ans, Paris, PUF, 1990, p. 197.
13 Voir par exemple le préambule de la Constitution marocaine de 2011 (§ 3 et dernier paragraphe).
14 Voir à ce propos la lecture de Slim Laghmani Salsabil Klibi et Salwa Hamrouni à propos du premier
brouillon de la Constitution, journée organisée par l’ATDC et l’ARTD, 15 janvier 2013 https://www.youtube.
com/watch?v=J30t4k-Lgg8
Voir également Salwa Hamrouni à propos du préambule et du chapitre premier entre la discussion et
l’adoption, journée organisée par l’ATDC, 9 janvier 2014, https://www.youtube.com/watch?v=diJKnh78hA4.
15 Rappelons à ce propos le rôle déterminant joué par l’Association tunisienne de droit constitutionnel qui
a suivi de très près les diérents projets de la Constitution en y consacrant à chaque fois une journée d’étude
assortie de propositions concrète. Rappelons également que l’ATDC n’a pourtant jamais été auditionnée par
ce même pouvoir constituant.