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Revue des Questions Scientifiques, 2015, 186 (4) : 459-494
Quelques apports essentiels de l’optique
quantique à l’investigation de la nature
de la lumière
Yves Caudano
Centre de Recherche en Physique de la Matière et du Rayonnement (PMR)
Département de Physique, Université de Namur
Rue de Bruxelles 61, B-5000 Namur, Belgique
[email protected]
Résumé
Cet article met en avant quelques éléments clés qui ont approfondi notre
compréhension expérimentale et théorique des propriétés de la lumière
depuis la parution en 1937 du compte-rendu « Vues générales sur les théories
de la lumière » par Louis de Broglie dans la Revue des Questions Scientifiques [1], republié à l’occasion de ce numéro thématique. Près de quatrevingts ans plus tard, malgré l’accumulation considérable de nos connaissances
sur la lumière et la conception d’instruments optiques repoussant sans cesse
les limites de sa maîtrise technologique, la nature même de la lumière semble
encore nous échapper et demeure l’objet de controverses scientifiques. Les
questions sur la nature de la lumière intègrent et éclairent inéluctablement
le débat sur l’interprétation et la signification de la mécanique quantique.
Introduction
Qu’est-ce que la lumière ? Cette question, très naturelle étant donné le rôle
primordial que joue la vue dans nos vies, est trompeusement simple. Notre
perception directe de l’environnement habite essentiellement le monde de la
physique classique, auquel l’évolution biologique nous a spécifiquement adap-
460
revue des questions scientifiques
tés. La lumière n’est pas de ce monde-là cependant, même si on l’y aperçoit. Et
c’est là que réside toute la difficulté de saisir la nature de la lumière dès que
nous sommes confrontés aux observations de son comportement en laboratoire.
Certes, la modélisation théorique de la lumière est élégante et le formalisme,
bien qu’abstrait, se prête même à l’intuition. Cependant, l’interprétation des
observations dans la matrice classique de notre entendement semble encore
incapable d’échapper aux paradoxes. Pour appréhender ceux-ci, il convient de
présenter la nature d’objets modèles étudiés en physique classique, à savoir les
particules et les ondes, et d’expliquer la révision complète de ces concepts que
la physique quantique a imposée au XXe siècle.
Classiquement, les phénomènes de transport d’énergie et de quantité de
mouvement s’expliquent par le déplacement de particules ou la propagation
d’ondes. Les premières sont localisées en un point de l’espace et se conçoivent
telles des boules de billard, éventuellement infiniment petites, dont nous pouvons suivre la trajectoire et étudier toutes les propriétés simultanément. Les
secondes sont associées à des oscillations, telles les vagues à la surface de l’eau
ou les vibrations d’une corde, qui présentent une certaine extension spatiale et
temporelle, mais qui évoluent néanmoins localement de proche en proche.
Notons la distinction usuelle entre les ondes progressives, typiques des phénomènes de propagation ondulatoire libre, et les ondes stationnaires, qui oscillent
sans se déplacer, caractéristiques des ondes piégées dans une cavité.
Le critère d’identification d’un phénomène ondulatoire est l’observation
de la diffraction et d’interférences [2]. La diffraction d’une onde est sa déviation
à proximité d’obstacles, alors qu’à grande distance de ceux-ci la propagation
des fronts d’onde est rectiligne1. En particulier, si une onde plane se propageant
en ligne droite passe au travers d’une fente étroite, à sa sortie, les fronts d’onde
se courbent et l’onde poursuit sa propagation dans toutes les directions en
adoptant une forme circulaire. Les interférences se produisent lorsque plusieurs
ondes de même nature se rencontrent et se superposent. Les oscillations locales
peuvent alors se renforcer mutuellement, formant une interférence constructive,
ou, au contraire, se compenser, définissant une interférence destructive.
Les particules et les ondes sont des concepts féconds en physique classique.
Avantageusement, il en existe des exemples observables à l’œil nu, facilitant
1.
L’optique géométrique étudie la propagation rectiligne de la lumière, décrite par des
rayons.
quelques apports essentiels de l’optique quantique
461
notre représentation mentale des phénomènes qu’ils modélisent. Il est donc
naturel de poser la question de la nature de la lumière en ces termes : est-ce une
onde ou une particule ? Malgré l’ubiquité de ces modèles classiques, la réponse
à cette question ne fait pas l’objet d’un consensus à l’heure actuelle. A vrai dire,
la formulation même de la question est sujette à caution de par son exclusion
d’alternative. Avant d’aborder les causes de cette situation, il est important de
noter que, pour la physique classique de la fin du XiXe siècle, la réponse est sans
équivoque le modèle ondulatoire. En effet, Young avait observé la diffraction
et l’interférence de la lumière [3]. Par ailleurs, en formulant sa théorie de l’électromagnétisme, Maxwell avait montré que la lumière est une onde électromagnétique [4] : une oscillation transverse, c’est-à-dire perpendiculaire à la
direction de sa propagation, d’un champ électrique et d’un champ magnétique
[5].
Remarquablement, l’étude de la lumière est à l’origine des deux grandes
révolutions de la physique du XXe siècle : la théorie de la relativité et la physique
quantique2. La théorie de la relativité d’Einstein découle de l’observation expérimentale de la constance de la vitesse de la lumière pour tous les observateurs,
y compris ceux en mouvement relatif [6]. Elle prouve que les notions d’espace,
de temps et de simultanéité de différents observateurs leur sont relatives [7].
Les effets relativistes prennent de l’ampleur aux vitesses très élevées, approchant
la vitesse de la lumière (300 000 km/s), ce qui explique que nous ne les observons
pas directement dans la vie courante. La théorie de la relativité souligne aussi
que la masse est une forme d’énergie, ce qui permet leurs conversions respectives
(via la relation E = mc2, c étant la vitesse de la lumière dans le vide) [8]. La
physique quantique est née du succès de deux hypothèses impliquant une forme
de granularité des échanges d’énergie associés à la lumière, incompatible avec
la théorie ondulatoire classique et qui évoque des comportements habituellement associés aux particules classiques. D’une part, Planck parvient à reproduire
correctement les observations expérimentales de l’émission de la lumière par
un corps noir [9] (le soleil pour fixer les idées) en modélisant la lumière par des
ondes stationnaires dont l’énergie est quantifiée, c’est-à-dire qu’elle n’adopte
que des valeurs discrètes, multiples d’un nombre entier. Il relie les sauts d’énergie à la fréquence de l’onde à travers la relation E = hν, qui définit la constante
fondamentale de la physique quantique (h, la constante de Planck). D’autre
2.
Appelée « mécanique ondulatoire » dans l’article de Louis de Broglie ou mécanique quantique.
462
revue des questions scientifiques
part, Einstein explique les observations caractéristiques de l’effet photo-électrique (l’éjection d’électrons d’un métal due à l’absorption de la lumière) en
postulant que la lumière ne transfère son énergie à la matière que par paquets
d’énergie discrets [10], appelés quanta ou, désormais, photons. Ce rôle essentiel
de la lumière lors de la définition des deux constantes fondamentales c et h
suggère sa nature à la fois relativiste et quantique.
La physique quantique brouille la frontière classique entre les particules et
les ondes. Parallèlement à la révision du modèle ondulatoire de la lumière, elle
impose aussi de revoir notre conception des particules. C’est d’ailleurs Louis
de Broglie qui proposa d’associer une longueur d’onde aux particules massiques
de la physique classique [11]. L’expérience confirmera cette intuition exceptionnelle, notamment par l’observation de phénomènes de diffraction et d’interférence de corps massiques, comme les électrons et les atomes. Cette dualité
mêlant comportements ondulatoires et corpusculaires est l’une des difficultés
majeures de la compréhension des phénomènes quantiques si on poursuit leur
interprétation en termes d’ondes et de particules classiques. Dans son exposé
« Vues générales sur les théories de la lumière » daté de 1937, Louis de Broglie
explore les théories avancées historiquement pour comprendre la nature de la
lumière. Sa classification des phénomènes lumineux en cinq catégories3 pose
nettement le débat en termes de confrontation entre les conceptions ondulatoires et corpusculaires des phénomènes lumineux. Il évoque la synthèse qu’apporte de son point de vue la physique quantique sur cette dualité. En définitive,
il avance une hypothèse sur la nature de la lumière, qu’il suggère être une paire
de neutrinos, dont l’existence supposée n’avait pas encore été prouvée à l’époque.
L’analyse de l’auteur offre un aperçu riche d’enseignements sur sa pensée
à une époque encore proche des débuts de la physique quantique. On y découvre
des idées restées d’actualité, conjointement à d’autres non confirmées par l’expérience. Il ne fait aucun doute que son opinion exprimée alors sur la nature
de la lumière continuera d’évoluer puisque ses activités scientifiques se poursuivront pendant plusieurs décennies. Nous n’aborderons pas cette question
d’ordre historique. Dans la suite, nous présentons quelques expériences et
concepts théoriques liés à l’optique quantique, complémentaires à l’analyse de
3.
Les phénomènes neutres (explicables indifféremment par les modèles ondulatoire ou
corpusculaire), ondulatoires, ondulatoires vectoriels (c’est-à-dire impliquant la polarisation), électro-optiques (en lien avec la théorie de l’électromagnétisme) et corpusculaires
(quantiques).
quelques apports essentiels de l’optique quantique
463
Louis de Broglie. Ils mettent en évidence différentes approches des propriétés
de la lumière que nous pensons pertinentes dans le contexte du débat sur sa
nature. Comme point de départ, nous décrivons l’expérience ondulatoire des
deux fentes de Young dans le domaine quantique, choisie pour son illustration
effective des termes en lesquels Louis de Broglie pose le débat dans son article,
le point de vue de la dualité onde-corpuscule.
Quelques éléments clés pour appréhender
la nature de la lumière
Expérience quantique des deux fentes de Young
Dans l’expérience classique des deux fentes de Young, de la lumière monochromatique – comme celle produite de nos jours par un laser – passe à travers
deux fentes puis est récoltée sur un écran4. On y observe des franges lumineuses
verticales alternant zones claires et sombres, typiques des phénomènes d’interférences constructives et destructives. Ce résultat démontre la nature ondulatoire de la lumière : les fentes provoquent sa diffraction ; la superposition sur
l’écran des ondes diffractées en provenance de chaque fente est la cause des
interférences. Les zones de renforcement ou de suppression de l’intensité lumineuse apparaissent suivant le déphasage existant entre les deux contributions,
qui dans le cas présent est lié au temps relatif mis par celles-ci pour parvenir
au point considéré de l’écran.
Dans sa version quantique, l’expérience s’effectue pour des intensités extrêmement faibles de la lumière. L’écran est donc remplacé par une caméra CCD
beaucoup plus sensible que l’œil. Le détecteur enregistre désormais des impacts
discrets qui se succèdent aléatoirement en différentes positions de l’écran5. En
accumulant un nombre suffisant de ces impacts, on constate que leur répartition sur l’écran forme une distribution régulière, malgré le caractère aléatoire
de leur apparition individuelle. Cette distribution donne exactement la forme
4.
5.
L’expérience originale de Young correspond en réalité à la situation d’une lumière rencontrant un obstacle, la tranche d’une carte d’épaisseur équivalente à un trentième de
pouce [3], comme le fait remarquer W. Scheider [79].
Une superbe illustration des observations de cette expérience [80] est disponible en ligne
sur le site de la Société Suisse de Physique [81]. Il est instructif de la comparer avec l’expérience de Tonomura [14], effectuée elle sur des électrons, dont les résultats sont repris sur
Wikipedia [82].
464
revue des questions scientifiques
des franges d’interférences observées aux intensités plus élevées. Les expériences
classique et quantique sont donc compatibles : les détecteurs moins sensibles
sont incapables de discerner les impacts individuels et ne fonctionnent que pour
des intensités lumineuses suffisantes pour permettre l’observation directe de la
forme finale de la distribution.
L’expérience des fentes de Young quantique est emblématique de la difficulté de concevoir la nature de la lumière en termes d’ondes ou de particules
classiques. En effet, la détection d’évènements discontinus et localisés évoque
un caractère corpusculaire, tandis que l’apparition progressive de franges d’interférence prouve simultanément un comportement ondulatoire. En toute rigueur, à ce stade de description, le photon n’est rien de plus qu’un évènement
discret de détection, inexplicable par la théorie ondulatoire classique. L’idée
supplémentaire de lui associer une particule localisée et une trajectoire n’est pas
nécessaire et rend l’explication des interférences difficile. Celles-ci indiquent
en effet que, d’une façon ou d’une autre, la lumière doit passer par les deux
fentes à la fois, une situation paradoxale dans une conception de la lumière
comme un flux de particules. Insistons bien sur le fait que les interférences se
produisent « photon par photon » [12] : chaque évènement discret de détection
est associé à un passage de la lumière par les deux fentes.
La puissance conceptuelle [13] de l’expérience des deux fentes de Young
est remarquable : sa pertinence emblématique en physique ondulatoire tant
classique que quantique souligne sa portée. Nous l’exploiterons encore, lorsque
nous analyserons les relations liant les phénomènes d’interférences quantiques
à la notion d’information. En particulier, nous verrons qu’il n’y a pas d’interférence lorsque l’expérience permet de déterminer la fente par laquelle est passée la lumière. On ne peut non plus passer sous silence le lien de cette expérience
avec les travaux de Louis de Broglie : la propagation d’électrons, d’atomes et
de molécules dans une version adaptée de l’expérience quantique produit exactement les mêmes observations que celles décrites précédemment pour la
lumière [14]. Ceci prouve les propriétés ondulatoires des particules de la physique classique. Seule la difficulté d’interprétation est échangée sur base de nos
préjugés classiques : si l’on conçoit aisément l’impact discret de l’électron, l’on
comprend plus difficilement comment sa trajectoire (en supposant que cette
notion ait encore un sens) est influencée par les deux fentes séparées spatialement pour produire l’interférence. Cette capacité de diffraction et d’interférences de la matière a été vérifiée pour des corps de plus en plus massifs ces
quelques apports essentiels de l’optique quantique
465
dernières années, avec des molécules comme des porphyrines et des dérivés du
C60 atteignant jusqu’à 6 nm de diamètre et comportant jusqu’à 430 atomes [15].
Une description unifiée de ces phénomènes ondulatoires et comportements
discrets observés tant pour la lumière que la matière résulte de la théorie quantique des champs.
Quantification du champ
Notre description de l’expérience des deux fentes en optique quantique,
s’est déroulée sans référence à la théorie de l’électromagnétisme. Dans son article, Louis de Broglie souligne que l’absence de lien entre la théorie de Maxwell
et la notion de photon est une faiblesse de la « mécanique ondulatoire » de
l’époque. Désormais, cette lacune est comblée grâce à la théorie quantique des
champs [16], en particulier sous la forme de l’électrodynamique quantique
(QED) [17]. La QED est la théorie quantique des champs, relativiste, de l’électromagnétisme. Elle prédit certaines observations physiques avec une précision
exceptionnelle.
Un champ décrit l’attribution d’une propriété à tout point de l’espace. Par
exemple, des cartes de la température, ou des cartes reprenant la force et la
direction des vents, représentent des champs. L’électromagnétisme classique
attribue une valeur au champ électromagnétique à tout point de l’espace. Celuici regroupe l’ensemble des propriétés requises pour la description des phénomènes électriques et magnétiques. Dans la théorie de Maxwell, les ondes
lumineuses classiques apparaissent comme des oscillations des propriétés du
champ électromagnétique, qui permettent le transport d’énergie et de quantité de mouvement. Le champ électromagnétique classique est associé à une
densité locale d’énergie, qui comprend des contributions d’origines électriques
et magnétiques. L’examen formel de l’expression de l’énergie électromagnétique
montre une équivalence mathématique avec l’énergie de l’oscillateur harmonique, un modèle récurrent de la physique, représentatif des oscillations idéales
d’un ressort. Comme la façon de procéder pour passer du modèle classique au
modèle quantique de l’oscillateur harmonique est bien connue, il est possible
de produire une théorie quantique du champ électromagnétique [17,18].
L’énergie d’un oscillateur harmonique classique peut prendre n’importe
quelle valeur suivant l’extension initiale plus ou moins importante du ressort.
En revanche, dans l’oscillateur harmonique quantique, l’énergie ne peut adop-
466
revue des questions scientifiques
ter que des valeurs discrètes [19]. Il existe un état de plus basse énergie, l’état
fondamental, au-dessus duquel les états d’énergies supérieures sont répartis
selon des échelons réguliers. Chaque saut correspond à une variation d’énergie
hν liée à la fréquence d’oscillation du ressort, ou de la lumière dans notre cas
précis. Au sens de la théorie quantique des champs, la lumière n’est pas une
particule ou une onde mais un champ quantique et les photons se conçoivent
comme les niveaux d’excitation énergétique discrets de ce champ. Créer et
annihiler un photon sont respectivement équivalents à accroître ou diminuer
le niveau d’excitation du champ d’un échelon [17,18,19].
L’explication dans ce formalisme de l’expérience des deux fentes est la
suivante. Le champ occupe tout l’espace et la lumière se propage effectivement
à travers les deux fentes selon les lois de la physique ondulatoire. L’interaction
du champ et de l’écran provoque l’annihilation d’un photon, définie par la
désexcitation globale du champ d’exactement un échelon énergétique. La
totalité de l’énergie perdue par le champ est transférée aléatoirement à un point
de l’écran, avec une probabilité proportionnelle à l’intensité du champ en ce
point. Dans cette vision, il n’y a pas de particule associée au photon en tant
que telle et on évite les paradoxes liés au passage d’une particule simultanément
à travers les deux fentes. Les difficultés conceptuelles subsistent cependant
puisque l’annihilation du photon est un effet fondamentalement non local, qui
agit instantanément sur la valeur du champ dans tout l’espace et qui transfère
subitement le quantum d’énergie dans une zone précise.
Notons qu’il existe une difficulté intrinsèque à localiser le photon. Si le
formalisme quantique fournit des opérateurs liés au champ électromagnétique
qui permettent de créer et d’annihiler les photons, il n’existe pas d’opérateur
qui donne la position d’un photon, contrairement au cas de l’électron par
exemple. De même, il n’existe pas de fonction d’onde qui donne la probabilité
d’observer un photon en une position déterminée de l’espace, comme c’est
possible pour l’électron, même si des travaux œuvrent dans cette direction
[18,20,21,22,23]. C’est dû au caractère relativiste de la lumière, de par sa vitesse
de propagation c et sa masse nulle [24]. Accessoirement, notons aussi pour les
spécialistes que les états de Fock, qui décrivent les niveaux d’excitation de
l’oscillateur harmonique et donc les photons, sont des états fortement délocalisés.
quelques apports essentiels de l’optique quantique
467
Fluctuations du vide
Une prédiction surprenante de la physique quantique est que l’énergie de
l’état fondamental d’un oscillateur harmonique n’est pas nulle. Autrement dit,
contrairement à son homologue classique, l’oscillateur quantique n’est jamais
au repos complet : il existe toujours des oscillations résiduelles. L’état de moindre
énergie du champ électromagnétique est appelé l’état du vide. Il ne contient
aucun photon et aucune lumière ne peut y être détectée6. Dans cet état, il
subsiste cependant des fluctuations aléatoires du champ électromagnétique
autour de sa valeur moyenne nulle. Bien qu’elles ne soient pas observables directement, leurs effets, eux, se remarquent expérimentalement. En particulier, les
fluctuations quantiques doivent être prises en compte pour décrire correctement
les propriétés statistiques de la lumière en optique quantique [18,23], par
exemple lors de son émission dans les lasers ou lors de sa détection après un
instrument optique aussi simple qu’une séparatrice idéale7 (une lame non absorbante, semi-transparente, semi-réfléchissante).
Les fluctuations du vide sont nécessaires pour assurer la cohésion de la
théorie quantique. Elles imposent des limites à l’extraction d’information des
systèmes quantiques, en y introduisant du bruit. Elles assurent en particulier
la préservation des inégalités de Heisenberg dans l’état du vide. Ces inégalités
stipulent que certaines grandeurs physiques, comme la position et l’impulsion
d’un oscillateur, ne peuvent pas être déterminées simultanément avec précision.
Une valeur nulle statique du champ électromagnétique du vide violerait ces
inégalités car nous connaîtrions simultanément et exactement plusieurs propriétés incompatibles, de valeur nulle.
Lasers
L’invention du laser par Maiman en 1960 [25] est un développement technologique qui a révolutionné l’optique expérimentale et, par voie de conséquence, théorique. Pour notre propos, deux raisons distinguent le laser d’autres
innovations optiques. D’une part, son processus de fonctionnement nous ins6.
7.
Par un observateur inertiel du moins. En théorie quantique des champs, l’effet Unruh
prédit qu’un observateur uniformément accéléré détecte un rayonnement thermique de
corps noir [45].
Le bruit quantique de la fraction transmise d’un faisceau lumineux s’accroît car il se mêle
aux fluctuations du vide se réfléchissant sur l’autre face de la séparatrice (où n’arrive aucun
faisceau). Voir par exemple figure 1.
468
revue des questions scientifiques
truit directement sur la nature de la lumière et de ses interactions avec la matière. D’autre part, la maîtrise sans équivalent des qualités de la lumière produite
a ouvert la voie à l’investigation de nouvelles classes de phénomènes optiques,
en particulier dans les domaines des intensités lumineuses très élevées [25,26],
de la spectroscopie [27,28], de la dynamique des phénomènes ultra-courts [29],
de l’optique cohérente et de l’interférométrie [2,18], de même que des phénomènes de propagation lumineuse dans les matériaux, en particulier aux échelles
nanométriques [30,31,32]. Le laser a aussi sous-tendu les progrès de l’optique
quantique [22,33] et a par exemple mené à la conception de sources lumineuses
de très basse intensité, ne contenant qu’un seul ou deux photons [34]. Le laser
est fondamentalement un amplificateur de lumière8 : il convertit l’énergie injectée dans une cavité en lumière en exploitant le phénomène d’émission stimulée.
La lumière qu’il produit est typiquement directionnelle, intense, polarisée,
monochromatique et, avant tout, cohérente. La cohérence signifie que les ondes
du faisceau laser sont bien organisées, possèdent une relation de phase déterminée les unes par rapport aux autres. Cela distingue le laser des lampes habituelles, où l’émission lumineuse apparaît chaotique [18].
Pour comprendre l’interaction de la lumière et de la matière, il est utile
d’introduire préalablement la notion de mode du champ électromagnétique.
Un mode se définit ici sur base d’un ensemble de trois propriétés de la lumière :
sa fréquence, sa polarisation et sa direction de propagation. Les différents modes
du champ se conçoivent comme des capacités d’oscillations distinctes du champ
électromagnétique, indépendantes les unes des autres. Du point de vue quantique, chaque mode possède ses propres niveaux d’excitation. Autrement dit,
les photons du champ électromagnétique sont répartis entre ses différents
modes ; de plus, l’appartenance d’un photon à un mode définit sa fréquence,
sa polarisation et sa direction de propagation. L’état du vide correspond à la
situation où aucun des modes du champ n’est excité, l’absence totale de photon.
Trois processus régissent les échanges d’énergie entre la lumière et la matière, par exemple des atomes : l’absorption, l’émission stimulée et l’émission
spontanée [35]. Du point de vue quantique, l’absorption est l’annihilation d’un
photon du champ à cause de l’interaction entre l’atome et la lumière incidente.
L’énergie lumineuse est transférée à l’atome, qui se retrouve dans un état énergétique excité. Lors de l’émission stimulée, l’interaction d’une lumière incidente
avec un atome préalablement excité provoque sa désexcitation : l’atome tombe
8.
L’acronyme signifie « Light Amplification by Stimulated Emission of Radiation ».
quelques apports essentiels de l’optique quantique
469
dans un état moins énergétique et émet la différence d’énergie sous la forme
d’une onde lumineuse identique à l’onde incidente. Du point de vue quantique,
un photon est créé dans le mode particulier du champ qui a stimulé la désexcitation de l’atome. Les photons d’un même mode sont identiques, ce qui explique pourquoi la lumière émise de façon stimulée possède les mêmes
propriétés que la lumière incidente et justifie le haut degré de cohérence de la
lumière laser ainsi que l’amplification de l’intensité lumineuse. L’émission stimulée est possible parce que les photons sont des bosons : plusieurs photons
peuvent occuper le même état quantique, c’est-à-dire un même mode du champ.
L’émission spontanée se produit sans cause apparente, indépendamment de
toute lumière incidente : un atome préalablement excité se désexcite et émet la
différence d’énergie sous la forme d’une onde lumineuse se propageant dans
une direction quelconque. Il est possible de calculer exactement la probabilité
d’émission au cours du temps mais l’instant précis de l’émission s’effectue de
façon imprévisible dans une direction aléatoire. Du point de vue quantique,
un photon est créé dans un mode aléatoire du champ.
L’absorption et l’émission stimulée sont des processus complémentaires :
tous deux résultent de l’interaction directe entre le champ électromagnétique
et la matière, qui provoque des transferts de l’énergie de l’un à l’autre de façon
équivalente. Ces deux processus possèdent des correspondances en physique
classique, si l’on fait abstraction des échanges discrets d’énergie. Le phénomène
d’émission spontanée, qui semble se produire en l’absence de cause détectable,
paraît dès lors d’une autre nature. La théorie quantique des champs permet
cependant de proposer une vision unifiée des deux types d’émission. En effet,
l’émission spontanée peut être vue comme de l’émission stimulée sur les fluctuations quantiques du champ. Autrement dit, l’interaction de l’atome avec
l’énergie de point zéro d’un mode provoque conjointement la désexcitation de
l’atome et la création d’un photon dans le mode. L’émission spontanée introduit
donc du bruit et doit être prise en compte pour expliquer l’évolution de la
cohérence temporelle de la lumière laser [18] puisque la phase des ondes émises
spontanément est aléatoire. Les sources de lumières usuelles sont chaotiques
car elles exploitent l’émission spontanée. Vue sous cet angle, une ampoule est
une technologie quantique exploitant les fluctuations du vide.
L’état quantique de la lumière produit habituellement par un laser est un
état cohérent [18,23]. Pour comprendre la nature d’un état cohérent, il est utile
de se représenter l’oscillation d’un ressort idéal dans ce qu’on appelle l’espace
470
revue des questions scientifiques
de phase. L’évolution du mouvement d’oscillation au cours du temps y est
décrite par un point qui parcourt de façon régulière la circonférence d’un cercle.
Une oscillation complète du ressort correspond à un tour complet du point sur
le cercle. La position de ce point nous informe des valeurs précises de la position
et de l’impulsion du système, qui caractérisent l’extension du ressort et la vitesse
de son mouvement d’oscillation au moment considéré. Plus le ressort possède
d’énergie, plus grands sont le rayon du cercle et l’amplitude d’oscillation du
ressort ; un ressort au repos occupe un point statique au centre du graphe. Du
point de vue quantique, il n’est pas possible de déterminer simultanément la
position et l’impulsion du système avec précision. Cependant, pour décrire
l’oscillation du ressort quantique de la façon la plus classique possible, nous
pouvons imaginer qu’au lieu d’avoir un point qui se déplace le long de la circonférence du cercle, nous ayons une petite tache. Son effet est de rendre imprécise notre information sur la position et l’impulsion du système. Elle introduit
juste le flou nécessaire pour respecter les inégalités de Heisenberg mais confine
le plus précisément possible l’évolution du système quantique autour de la
trajectoire classique. C’est précisément la notion d’état cohérent. De ce point
de vue, la lumière laser est la lumière la plus classique possible. Une conséquence
surprenante des propriétés des états cohérents est que le nombre de photons
d’un faisceau laser est intrinsèquement indéterminé9. Les états possédant un
nombre déterminé de photons sont les états de Fock10, sur base desquels nous
avons justement défini la notion de photon. Il s’agit d’états stationnaires, qui
n’évoluent pas au cours du temps, et qui ne représentent donc pas du tout un
ressort classique oscillant : ils sont fortement quantiques et délocalisés. Le
champ électromagnétique de l’état cohérent se trouve dans une superposition
quantique d’états d’énergie discrète : ceci permet de modifier son énergie
moyenne de façon continue, tout comme un ressort classique est libre d’adopter n’importe quelle amplitude d’oscillation, malgré l’existence de niveaux
d’excitation discontinus sous-jacents. En dehors de l’étude des phénomènes
statistiques associés à la lumière laser, la notion de photon n’apparaît donc pas
la plus pertinente pour discuter de la physique du laser [24,36].
L’invention du laser a engendré la découverte de quantités insoupçonnées
d’effets optiques, à un rythme jamais égalé auparavant. Parmi ceux-ci, nous
9.
La probabilité que le faisceau contienne un nombre donné de photons suit une distribution de Poisson. Les états cohérents sont les états propres de l’opérateur d’annihilation ;
l’annihilation d’un photon ne modifie donc pas l’état.
10. Les états propres du hamiltonien, l’opérateur représentant l’énergie.
quelques apports essentiels de l’optique quantique
471
abordons deux phénomènes optiques non linéaires, choisis pour leur pertinence
dans le débat sur la nature conceptuelle de la lumière, et du photon en particulier.
Optique non linéaire
L’optique non linéaire [25,37,38,39,40] s’intéresse aux interactions de la
lumière avec elle-même. C’est avant tout le domaine des très fortes intensités
lumineuses. A de rares exceptions près, les phénomènes optiques non linéaires
n’ont été observés qu’après l’invention du laser : la non-linéarité est généralement
très faible et sa détection exige des faisceaux intenses. La linéarité usuelle de
l’optique explique le succès de l’optique géométrique à envisager la lumière
comme des rayons indépendants, que l’on superpose ensuite pour étudier la
propagation du faisceau complet. C’est également la raison de l’efficacité des
techniques de décomposition de la lumière en modes du champ électromagnétique, telle la transformée de Fourier. En général, la lumière est transparente à
la lumière ; elle n’interagit pas avec elle-même. Dans un matériau non linéaire,
les équations de Maxwell perdent leur linéarité à cause de l’action de la lumière
sur la matière. La non-linéarité entraîne que le principe de superposition n’est
plus vérifié, ce qui signifie que les ondes lumineuses interagissent entre elles
durant leur propagation dans le matériau. Leurs interactions apparaissent grâce
à la médiation de la matière, ce qui suggère qu’elles ne sont pas le fruit d’une
qualité intrinsèque de la lumière. Il faut cependant garder à l’esprit que le vide
de la physique quantique inclut les champs associés à la matière : il n’est donc
pas inenvisageable que le vide lui-même puisse provoquer des phénomènes non
linéaires et l’interaction d’ondes lumineuses entre elles, même si les intensités
requises sont inaccessibles à l’heure actuelle [26].
Deux phénomènes optiques non linéaires fortement exploités sont la génération de second harmonique et la fluorescence paramétrique (SPDC, « Spontaneous Parametric Down-Conversion »). Dans la génération de second
harmonique, deux ondes lumineuses de fréquence ν interagissent et convertissent de façon cohérente une partie de leur énergie en une nouvelle onde de
fréquence 2v, cours d’un processus conservant l’énergie et l’impulsion. C’est
le phénomène non linéaire de doublage de fréquence. Du point de vue quantique, deux photons d’énergie hν sont annihilés, un dans chaque onde incidente,
conjointement à la création d’un photon d’énergie 2hν dans l’onde engendrée
472
revue des questions scientifiques
non linéairement. Le processus est d’autant plus efficace que l’intensité des
ondes initiales est importante car cela accroît leur probabilité d’interaction. La
fluorescence paramétrique opère inversement. Son explication est quantique
car elle est basée sur un phénomène d’émission spontanée d’une paire de photons. Un photon d’énergie 2hν d’une onde incidente de fréquence 2ν est annihilé conjointement à la création simultanée de deux photons d’énergie hν.
L’interaction non linéaire se produit ici entre l’onde initiale et une fluctuation
quantique des modes de fréquence ν. Les moments d’émission des paires sont
donc aléatoires et le rendement de conversion extrêmement faible.
La génération de second harmonique et la fluorescence paramétrique appartiennent à la classe générique des phénomènes de conversion de fréquence
des faisceaux lumineux, dont la découverte a suivi celle du laser. Outre leur
utilité technologique, notamment pour produire une lumière laser de fréquence
choisie de façon accordable [25] ou pour développer les télécommunications
optiques [41,42], ils nous offrent des enseignements riches sur le plan conceptuel. Ils montrent que la fréquence d’une onde lumineuse n’est pas immuable.
Vus sous l’angle quantique, ils posent les limites d’une conception de la lumière,
ou du photon en l’occurrence, sous la forme d’une particule indissociable.
Ainsi, les quanta d’excitation du champ électromagnétiques peuvent se transformer au cours du temps. Dans le cadre formel de la théorie quantique, cela
signifie qu’en présence d’un matériau non linéaire, les états de Fock associés
aux différents modes du champ électromagnétique se couplent et ne constituent
donc plus des états stationnaires. L’énergie est conservée dans ces processus
mais pas le nombre et le type des photons.
Preuve expérimentale de l’existence du photon
La fluorescence paramétrique [18,22,23] est un processus extrêmement
utile de l’optique non linéaire pour produire des paires de photons intriqués
– nous y reviendrons ultérieurement – et créer des sources idéales de lumière
quantique, ne contenant qu’un seul photon ! En exploitant la géométrie conique
d’émission des paires de photons, le concepteur de la source peut en effet sélectionner deux directions particulières telles que la présence d’un photon sur
l’une implique la présence d’un photon sur l’autre. Selon la formulation désormais consacrée par l’usage, une direction mène au dispositif expérimental
d’Alice, dans ce cas-ci un simple détecteur de photons, tandis que l’autre mène
quelques apports essentiels de l’optique quantique
473
à l’expérimentateur Bob. Si le détecteur d’Alice capte un photon, cela signifie
automatiquement que l’autre photon de la paire est arrivé symétriquement chez
Bob. Alice prévient immédiatement Bob, qui peut utiliser son photon pour une
expérience quantique. En pratique, le processus est instantané : on mesure en
fait la coïncidence de deux évènements de détection simultanés, l’un dans le
dispositif expérimental d’Alice, l’autre dans celui de Bob. A l’échelle de
l’expérience conjointe d’Alice et Bob, l’existence d’une coïncidence signifie la
détection d’une paire de photons mais, du point de vue de Bob, il a effectué
une expérience portant sur un seul photon dans son dispositif propre.
Existe-t-il une preuve expérimentale simple et convaincante de l’existence
des photons ? La détection d’évènements discrets sur un détecteur lors de l’absorption de la lumière ne prouve pas en elle-même l’existence d’excitations
discrètes du champ électromagnétique. En effet, la détection discontinue pourrait résulter du comportement quantique des atomes du détecteur, tandis que
la lumière conserverait son caractère ondulatoire continu classique. C’est le
modèle semi-classique de l’interaction lumière-matière. Le même reproche peut
être formulé à l’encontre de l’effet photo-électrique, dont il existe aussi un
modèle semi-classique développé par Lamb et Scully [43]. Il prédit adéquatement les observations typiques de l’éjection des électrons lors de l’effet photoélectrique. Ce modèle est imparfait (l’énergie totale du système n’est pas
conservée à cause du traitement classique de la lumière [44]) mais il montre
que l’effet photo-électrique demande une discussion approfondie.
La figure 1 illustre une expérience prouvant très simplement que la lumière
est discrète [18,23,45,46]. Grâce à une source de très faible intensité lumineuse
basée sur la fluorescence paramétrique, Bob envoie la lumière qu’il reçoit sur
une séparatrice idéale. Quand une onde lumineuse classique rencontre cette
séparatrice, exactement la moitié de son intensité est transmise tandis que l’autre
moitié est réfléchie. Bob place un détecteur très sensible à chaque sortie de la
séparatrice pour mesurer l’intensité transmise et l’intensité réfléchie. Si la lumière se subdivise lorsqu’elle passe la séparatrice, Bob observera que ses deux
détecteurs s’allument simultanément. Si la lumière est insécable et est donc,
soit complètement transmise, soit complètement réfléchie, Bob n’observera
jamais qu’un seul détecteur s’allumer à la fois. Dans le premier cas, la réponse
de ses détecteurs sera corrélée tandis que, dans le second, elle sera anti-corrélée.
Effectuée en laboratoire, l’expérience montre que la réponse est anti-corrélée,
les deux détecteurs de Bob ne s’allument jamais en même temps. Il possède
474
revue des questions scientifiques
donc bien une source de photons. Ils ne se subdivisent pas lorsqu’ils rencontrent
une séparatrice mais ont chacun une probabilité ½ d’être complètement transmis ou réfléchis lors de la détection. Ce résultat suggère un caractère particulaire
de la lumière si on l’interprète en termes purement classiques11.
Figure 1 : Démonstration expérimentale de l’existence du photon (chez Bob) au moyen
d’une séparatrice (BS) et d’une source de photons produite par fluorescence paramétrique
(SPDC). Les pointillés entrants représentent l’entrée inusitée de la séparatrice, qui
introduit du bruit à cause des fluctuations quantiques.
(voir image en couleurs page 414)
Corrélations de photons et interféromètres quantiques
L’étude précédente sonde le comportement d’un photon d’une paire produite par fluorescence paramétrique lorsqu’il rencontre une séparatrice. Une
expérience quantique frappante la prolonge élégamment : que se passe-t-il si la
paire de photons elle-même rencontre la séparatrice ? Dans l’interféromètre de
Hong-Ou-Mandel [47], les photons identiques d’une paire produite par fluorescence paramétrique sont envoyés de part et d’autre d’une séparatrice idéale,
de façon symétrique (voir figure 2). Un détecteur de photons est placé à chaque
sortie de la séparatrice. Sur base de l’expérience précédente, on sait que chaque
photon a, considéré isolément, une chance sur deux d’être transmis (T) ou
réfléchi (R). On s’attendrait donc à première vue que, pour la moitié des paires
de photons, les deux détecteurs s’allument à la fois, ce qui se produit quand les
photons sont tous les deux transmis (TT) ou tous les deux réfléchis (RR) par
la séparatrice. Expérimentalement, si l’interféromètre est idéalement réglé, les
deux détecteurs ne s’allument jamais simultanément ! Les photons arrivent
toujours ensemble, de façon aléatoire sur l’un ou l’autre détecteur.
11. Soulignons alors l’ironie d’utiliser des photons scindés par fluorescence paramétrique
pour tenter de démontrer l’insécabilité du photon.
quelques apports essentiels de l’optique quantique
475
Figure 2 : Interféromètre de Hong-Ou-Mandel [47]. Deux photons d’une paire produite
par fluorescence paramétrique (SPDC) sont envoyés par des miroirs (M) sur une
séparatrice (BS) et les corrélations (CCU) entre les sorties A et B sont mesurées.
(voir image en couleurs page 414)
Ce comportement purement quantique de la lumière s’explique par un
phénomène d’interférences à deux photons [23,34]. La détection des photons
à des détecteurs différents résulte de deux situations possibles : les photons sont
tous les deux transmis ou tous les deux réfléchis. Lorsque les détecteurs enregistrent simultanément un photon, les deux situations sont indiscernables : on
ne sait pas si les deux photons ont été transmis ou réfléchis. La mécanique
quantique nous impose alors les deux chemins possibles RR et TT de la paire
de photons soient pris simultanément en considération, ce qui provoque des
interférences. Dans ce cas précis, les interférences sont destructives12. Fondamentalement, les photons arrivent au même détecteur car ils sont des bosons.
Notons bien que le phénomène d’interférence concerne la paire de photons
prise dans sa globalité : en ce sens, tout comme dans l’expérience de Young, un
photon n’interfère qu’avec lui-même [12], dans l’interféromètre de Hong-OuMandel, une paire de photons n’interfère qu’avec elle-même [34].
L’aspect quantique des deux expériences précédentes résulte de la mesure
de corrélations de l’intensité de la lumière entre deux points de l’espace, qui
sonde la cohérence du second ordre de la lumière, tandis que dans les interféromètres classiques, comme les deux fentes de Young, on mesure en fait sa
cohérence du premier ordre [18]. Fondamentalement, ces mesures de corrélation
d’intensité sondent les propriétés de la lumière en deux points de l’espace en
même temps, il s’agit d’une mesure globale, délocalisée. L’élément central des
expériences précédentes est cependant une séparatrice unique, avec laquelle
interagissent un seul ou deux photons : le dispositif interférométrique reste
local ; les détecteurs sont placés en deux endroits différents mais, en un certain
12. La séparatrice produit un déphasage de 90° entre une l’onde transmise T et l’onde réfléchie
R. Avec deux photons, le déphasage entre les possibilités RR et TT est double et vaut
180°, ce qui provoque une opposition de phase et des interférences destructives.
476
revue des questions scientifiques
sens, on peut argumenter qu’ils ne font qu’acter ce qui s’est produit antérieurement, localement, dans la séparatrice. Nous décrivons maintenant un interféromètre où deux photons d’une paire sont envoyés dans des dispositifs
éloignés, ce qui permet de sonder la non-localité de leurs corrélations.
Dans l’interféromètre de Franson (figure 3) [48], les photons identiques
d’une paire produite par fluorescence paramétrique sont envoyés sur des séparatrices placées de façon symétrique à grande distance de la source [23,34]. Pour
chaque paire, Alice et Bob mesurent si leur photon est transmis (T) ou réfléchi
(R) par leur séparatrice, puis ils comparent leur résultat. Avant la séparatrice,
une ligne de délai semblable est placée sur le chemin de chaque photon, de telle
sorte qu’ils puissent aléatoirement emprunter avec la même probabilité un
chemin long ou un chemin court pour parvenir à la séparatrice. L’expérience
ne s’intéresse qu’aux paires dont les photons sont détectés au même moment
par Alice et Bob. Si les photons d’une paire n’empruntent pas le même trajet,
le photon ayant pris le chemin court est détecté avant l’autre et la mesure de
cette paire est rejetée. Deux possibilités résultent en la détection simultanée des
photons d’une paire : lorsqu’ils empruntent tous les deux le chemin court (CC)
ou tous les deux le chemin long (LL). Ces alternatives sont indiscernables et,
donc, interfèrent : il est impossible lors de la détection de déterminer si la paire
a emprunté le chemin court CC ou si elle a suivi le chemin long LL. L’indiscernabilité résulte du caractère spontané de la fluorescence paramétrique : le
moment de l’émission de la paire est aléatoire et fondamentalement indéterminé, de sorte que l’information sur la durée du trajet n’existe pas. Pour cette
raison, la paire se comporte effectivement comme si ses photons avaient suivi
à la fois les deux trajets courts (CC) et les deux trajets longs (LL). Pour un
réglage donné de l’interféromètre [23], les interférences provoquées par la superposition de ces deux chemins d’évolution de la paire entraînent que les photons
détectés en même temps par Alice et Bob sont soit tous les deux transmis (TT)
à la séparatrice finale, soit tous les deux réfléchis (RR). Chacun de leur côté,
Alice et Bob observent que leur photon est aléatoirement transmis ou réfléchi,
de façon imprévisible, à l’identique du comportement attendu pour un photon
rencontrant une séparatrice. Toutefois, lorsqu’ils comparent leurs mesures, ils
constatent qu’ils ont obtenus exactement la même séquence de résultats aléatoires [49] ! Le comportement aléatoire de leurs photons est corrélé à distance.
Les observations effectuées globalement sur la paire sont plus riches que celles
effectuées localement sur les deux photons la constituant.
quelques apports essentiels de l’optique quantique
477
Figure 3 : Interféromètre de Franson [48]. Deux photons créés par fluorescence
paramétrique (SPDC) arrivent sur des séparatrices (BS) dont on étudie les corrélations
(CCU) des sorties par réflexion (R) et par transmission (T) entre Alice (A) et Bob (B).
Deux lignes de délai sont formées par des miroirs (M) et séparatrices (BS). Chaque
photon peut prendre un chemin court (C) ou long (L). (voir image en couleurs page 415)
L’interprétation et la signification de ces corrélations à distance sont encore
vivement débattues mais sont absolument nécessaires pour comprendre la
nature de la lumière. Elles soulèvent la question de l’éventuelle non-localité de
la lumière et de la physique quantique en général. Par exemple, l’allongement
du délai long L dans un seul des deux bras de l’interféromètre de Franson affecte
les corrélations de l’ensemble du système. Avec un réglage approprié [23], Alice
et Bob observent que leurs photons prennent désormais des sorties systématiquement opposées des séparatrices finales (RT ou TR).
Lumière, information quantique, intrication et non-localité
Au cours des trente dernières années, s’est fortement développée une approche de la physique quantique vue sous l’angle des théories de l’information
[23,50,51,52], notamment en rapport avec la découverte de la cryptographie
quantique [53,54] et d’algorithmes quantiques [55], et avec la recherche sur les
fondements de la physique quantique [49,56,57,58]. En théorie de l’information
quantique, l’information est stockée dans des bits quantiques, appelés qubits,
et son traitement exploite la notion d’intrication quantique. Nous avons déjà
touché au concept d’information lorsque nous avons justifié l’émergence d’interférences sur base de l’indiscernabilité d’alternatives menant à une observation
478
revue des questions scientifiques
particulière, en lien avec le concept de superposition quantique – nous y reviendrons. Ces développements posent la question d’une conception de la lumière
en termes d’information. Non seulement elle constitue un vecteur d’information quantique mais sa vitesse de propagation dans le vide, la vitesse de la lumière c, est la vitesse limite de transport de l’information dans l’univers.
La polarisation du photon stocke une information équivalente à un bit
quantique. Tous les résultats possibles de la mesure de la polarisation d’un
photon sont représentés par les points de la surface d’une sphère, appelée sphère
de Bloch. Deux points opposés définissent une base de mesure de la polarisation. Ils constituent les deux seuls résultats possibles d’une mesure dans cette
base. La mesure de la polarisation d’un photon projette aléatoirement sa polarisation sur l’une des deux polarisations définissant la base, selon une loi de
probabilité dépendant de l’état initial du photon. En ce sens, la polarisation du
photon est un bit : elle ne peut prendre que deux valeurs – notées |0⟩ et |1⟩ –
quand on la mesure dans une base de référence. Contrairement au bit classique
de nos ordinateurs qui est confiné aux deux seules valeurs numériques 0 et 1,
le bit quantique du photon peut lui occuper l’espace d’états beaucoup plus large
qu’est la surface de la sphère de Bloch. Tout point de celle-ci se représente en
effet à partir d’une superposition adéquatement pondérée (par des nombres
complexes) des deux polarisations |0⟩ et |1⟩ de la base. En ce sens, le bit quantique peut sonder en même temps les états |0⟩ et |1⟩. À moins de correspondre
à l’une des polarisations définissant la base de mesure, l’état initial du photon
est modifié par la projection survenant lors d’une mesure. Une mesure quantique peut donc effacer, partiellement ou complètement, l’information stockée
dans la polarisation.
Les bases usuelles correspondent à trois axes perpendiculaires de la sphère
de Bloch13 : la base des polarisations linéaires horizontale |H ⟩ et verticale |V ⟩
13. La sphère de Bloch représente aussi les résultats d’une mesure du spin ±½ de l’électron.
Les directions, correspondent alors aux directions de l’espace dans lesquelles sont effectuées les mesures du spin. Dans le cas de la lumière, cette correspondance directe avec la
géométrie de l’espace physique n’existe pas ; en particulier, les directions de la sphère de
Bloch n’ont aucun rapport avec une direction d’oscillation du champ électrique de l’onde.
Une source de confusion fréquente est d’ailleurs que deux polarisations orthogonales sont
représentées par des points opposés sur la surface de la sphère, placés sur un même axe.
Cette différence entre le photon et l’électron est d’origine relativiste, en lien avec la masse
nulle et le caractère de boson du photon, ce qui lui confère une hélicité ±1, alors que
l’électron est un fermion, de spin ±½ [16].
quelques apports essentiels de l’optique quantique
479
(axe Z), celle des polarisations linéaires diagonale à 45° |D ⟩ et anti-diagonale |A ⟩
(axe X) et celle des polarisations circulaires gauche |L ⟩ et droite |R ⟩(axe Y ).
Pour caractériser la polarisation d’une source lumineuse, il est nécessaire d’effectuer des mesures selon ces trois bases. La description générale de la polarisation inclut les points intérieurs de la sphère de Bloch : ils représentent les états
partiellement polarisés et le centre donne la lumière non polarisée. La surface
de la sphère de Bloch correspond à des états d’information maximale, tandis
que la lumière non polarisée ne stocke aucune information. Comme la lumière
interagit peu avec son environnement, l’information stockée ne se dégrade pas
ou lentement et les superpositions quantiques se préservent : sur le plan expérimental, on évite la décohérence du système quantique [59], associée à la fuite
d’information dans l’environnement suite aux interactions avec celui-ci. En
particulier, la fluorescence paramétrique permet de créer une paire de qubits
intriqués, dont l’intrication se préserve en pratique sur de grandes distances
dans l’air ou dans les fibres optiques des réseaux de télécommunications (atteignant quelques centaines de km [60]). La lumière permet d’effectuer (plus)
facilement des expériences quantiques à des échelles macroscopiques.
L’intrication est une qualité aujourd’hui reconnue essentielle des systèmes
quantiques. Les propriétés d’un système intriqué doivent se décrire à l’échelle
du système global et non à partir de ses constituants. Dans un système intriqué,
il est possible d’assigner une propriété à l’échelle du système sans définir les
propriétés de ses constituants. Ainsi, l’espace de tous les états possibles de deux
qubits intriqués est beaucoup plus large que la totalité des combinaisons des
états permis des qubits individuels. Par exemple, les photons d’une paire produite par fluorescence paramétrique peuvent être intriqués en polarisation dans
l’état |HV ⟩ – |VH ⟩. L’état |HV ⟩ représente une paire où le premier photon est
polarisé horizontalement et le second est polarisé verticalement. Cet état de la
paire est descriptible en fonction de ses constituants, c’est-à-dire des polarisations de chaque photon individuel. De façon similaire, l’état |VH ⟩ correspond
à une paire où les polarisations sont échangées : le premier photon est polarisé
verticalement et le second horizontalement. En revanche, l’état |HV ⟩ – |VH ⟩
est une superposition quantique des deux possibilités précédentes, impossible
à décrire en fonction des états de photons indépendants. Cette superposition
signifie que les deux photons de la paire sont de polarisations orthogonales, et
480
revue des questions scientifiques
ce quelle que soit la base de mesure14 ! Lorsqu’on mesure la polarisation d’un
des photons, la probabilité d’obtenir l’une des deux polarisations de la base est
identiquement ½ pour toute base : c’est le comportement d’une lumière non
polarisée. Toutefois, dès que la polarisation de ce photon est mesurée, automatiquement, la polarisation de l’autre est la polarisation orthogonale. L’intrication
correspond à une forme de délocalisation de l’information. Elle est par exemple
responsable des corrélations observées dans les interféromètres de Hong-OuMandel et de Franson (où l’information n’était pas encodée dans la polarisation
des paires de photons mais dans les trajets suivis).
L’intrication et les corrélations à distance qui lui sont associées posent la
question de la non-localité en physique quantique [23,52,56,57,58,60,61]. Effet,
si Alice mesure la polarisation de son photon d’une paire intriquée, elle est
incapable de prédire son résultat. Toutefois, dès que sa mesure est faite, la
polarisation du photon de Bob, initialement imprévisible aussi, est automatiquement projetée sur la polarisation orthogonale à la polarisation d’Alice, quelle
que soit la distance les séparant. Einstein qualifiait cela d’action fantomatique
à distance. La mesure des corrélations de polarisation à distance sur des photons
intriqués a permis de démontrer la violation des inégalités de Bell [57,62]. Ce
résultat, de portée philosophique remarquable, exclut les théories à variables
cachées locales. Nous ne débattrons pas de sa signification car cela nous emmènerait trop loin mais l’idée générale est que les corrélations quantiques à distance
impliquent une forme de non-localité de la physique quantique ou/et l’absence
avant la mesure d’une forme d’information supplémentaire non décrite par la
théorie qui serait associée aux constituants individuels du système intriqué et
permettrait d’en expliquer les corrélations. Pour établir ce résultat, il fallait
fortement éloigner les constituants du système intriqué, afin de pouvoir empêcher en pratique toute communication entre eux, à une vitesse égale ou inférieure
à la vitesse de la lumière. Sur le plan technologique, seule la lumière permettait
de préserver l’intrication aux échelles macroscopiques pour y parvenir, d’où
son rôle essentiel dans cet expérience, qui se doit d’être mentionnée dans le
cadre d’une réflexion sur la nature de la lumière.
Notons enfin que les corrélations provoquées par l’intrication, bien qu’elles
exposent une forme de non-localité en contradiction avec l’esprit de la théorie
14. Cet état est identique à l’état singulet d’une paire d’électrons, pour lequel le spin total
est nul [23]. Dans cet état, les électrons sont toujours de spins opposés, quelle que soit la
direction de l’espace dans laquelle le spin est mesuré.
quelques apports essentiels de l’optique quantique
481
de la relativité restreinte, ne permettent pas de communiquer à une vitesse plus
rapide que celle de la lumière. C’est dû au caractère aléatoire des résultats
observés sur les photons individuels [49] : Alice et Bob ne constatent les
corrélations qu’une fois qu’ils comparent leurs résultats, lors d’un échange
d’information classique. Une autre façon de l’expliquer est que les résultats de
Bob ne dépendent pas de la configuration de l’expérience choisie par Alice ; ils
dépendent de son résultat, qu’elle ne contrôle pas, puisqu’il est aléatoire en
physique quantique. L’illustration parfaite de ce processus est donnée par l’expérience de téléportation de la polarisation du photon [49,58,63]. Alice et Bob
partagent une paire de photons intriqués. Alice a aussi un photon de polarisation inconnue dont elle veut transmettre l’état à Bob. Elle effectue alors une
mesure conjointe sur le photon de sa paire et le photon de polarisation inconnue, qui donne quatre résultats possibles et projette instantanément le photon
de Bob. L’état du photon de Bob dépend alors du photon inconnu mais n’est
pas encore l’état souhaité. Bob ne sait comment transformer son photon pour
obtenir l’état inconnu qu’une fois qu’Alice lui a communiqué le résultat de sa
mesure (2 bits), ce qu’il fait alors. L’état de la polarisation du photon téléporté
reste inconnu dans toute l’opération ! Rappelons qu’Alice ne pouvait pas mesurer directement la polarisation du photon pour la communiquer ensuite à Bob :
il n’est pas possible de déterminer une polarisation inconnue en une seule
mesure or celle-ci détruit l’état initial. Précisons aussi que le photon inconnu
d’Alice est détruit par le processus. Il est en effet impossible de cloner un état
quantique inconnu [64] (on déterminerait alors toutes les propriétés d’un système avec la précision souhaitée via la mesure de ses différents clones, ce qui
violerait les inégalités de Heisenberg). Remarquons à ce titre que l’émission
stimulée ne permet pas de cloner parfaitement un photon car il est impossible
d’empêcher l’émission spontanée, qui introduit du bruit. L’émission stimulée
est toutefois un processus de clonage quantique optimal, le plus proche permis
du clonage parfait [49,58].
Nature de la lumière, interférences et information
Dans cette dernière partie de notre article, nous revisitons l’expérience des
deux fentes de Young (au moyen d’un modèle simplifié), que nous examinons
sous l’angle de l’information. Il s’agit de la gomme quantique à choix retardé
[65,66] dans un interféromètre de Mach-Zehnder, dont l’interprétation appa-
482
revue des questions scientifiques
raît des plus paradoxales quand on se risque à l’étudier en les termes de la
dualité onde-particule du débat sur la nature de la lumière.
Un interféromètre de Mach-Zehnder (figure 4) combine deux séparatrices
idéales [2]. L’onde lumineuse incidente rencontre la première séparatrice et se
répartit en deux moitiés d’égale intensité à sa sortie. La branche de l’onde réfléchie est notée R, celle de l’onde transmise T. L’onde de chaque branche est
ensuite envoyée sur les deux entrées de la seconde séparatrice, où elles se mélangent. Les deux sorties de l’interféromètre correspondent aux sorties de la
seconde séparatrice. La sortie parallèle au faisceau incident mène au détecteur
d’Alice, tandis que celle perpendiculaire mène au détecteur de Bob, qui sont
placés tous les deux très loin de l’interféromètre lui-même.
Si l’interféromètre est réglé de façon parfaitement symétrique, Alice détecte
toute l’intensité tandis qu’aucune lumière ne parvient à Bob. On constate l’existence d’interférences, qui sont constructives chez Alice et destructives chez
Bob. La lumière peut parvenir chez Bob de deux façons : soit elle s’est réfléchie
sur les deux séparatrices, soit elle a été transmise deux fois. Dès lors que la
lumière a quitté l’interféromètre, ces deux situations sont indiscernables, l’information sur le chemin suivi n’existe pas. Par conséquent, le système est effectivement dans une superposition quantique des deux situations, qui, le cas
présent, interfèrent de façon destructive15. Deux chemins possibles conduisent
également la lumière à Alice. Ils correspondent à de la lumière réfléchie et
transmise exactement une fois, seul l’ordre change16. A la sortie de l’interféromètre, les deux situations sont indiscernables, l’information sur le chemin
suivi dans l’interféromètre n’existe pas : la superposition quantique provoque
des interférences, qui sont constructives. Toute la lumière, tous les photons
parviennent chez Alice.
15. Le déphasage de 90° entre R et T se produit deux fois, ce qui donne 180° au total et crée
une opposition de phase entre les deux ondes (comparer avec 13).
16. Aucun déphasage n’est donc créé entre les deux ondes, expliquant l’interférence constructive.
quelques apports essentiels de l’optique quantique
483
Figure 4 : Interféromètre de Mach-Zehnder et gomme quantique. L’ interféromètre est
formé de deux séparatrices (BS) et deux miroirs (M). Il a deux branches (R et T). S’ il
est bien réglé, les deux ondes interfèrent de façon constructive au port de sortie d’Alice
(A) et de façon destructive au port de sortie de Bob (B). Les cubes sont les polariseurs
linéaires à 45° (D), horizontal (H) et vertical (V) à placer lors de l’expérience de gomme
quantique. L’encart décrit le système de détection employé pour une mesure de
polarisation. La rotation des lames demi-onde (l½ ) et quart d’onde (l¼ ) sélectionne la
base de mesure. La séparatrice polarisante (PBS) répartit les photons entre ses ports de
sortie (R’ et T’), suivant leur polarisation mesurée. (voir image en couleurs page 415)
L’explication ondulatoire classique est sans surprise mais si on considère
que le photon est une particule localisée, on est forcé d’admettre qu’il semble
être passé par les deux chemins à la fois pour justifier les interférences. C’est
d’autant plus étonnant que si l’on place plutôt les détecteurs à la sortie de la
première séparatrice, on reproduit l’expérience de la preuve de l’existence du
photon, où le photon n’est jamais détecté que derrière une seule des deux sorties
de la séparatrice, de façon aléatoire. Dans l’acception où la lumière est un
champ, le champ occupe tout l’espace mais son énergie se localise lors d’une
détection. Cela explique l’interférence au prix d’une forme de non-localité au
moment de la destruction du photon par sa détection. L’aspect délocalisé du
photon dans tout l’espace apparaît même quand on semble pouvoir lui attribuer
une trajectoire, comme le met en évidence l’expérience de pensée suivante.
Imaginons qu’Eve bloque malicieusement une branche de l’interféromètre peu
avant la séparatrice de sortie. Dans ce cas, les photons qui parviennent à la
seconde séparatrice sont nécessairement passés par la branche libre. Il n’existe
qu’un seul chemin pour parvenir à Alice ou à Bob et aucune interférence n’est
possible : les photons se répartissent équitablement, avec la même probabilité,
484
revue des questions scientifiques
entre les sorties de l’interféromètre. Dès qu’il observe des photons, Bob comprend qu’Eve a bloqué une branche de l’interféromètre. Bien qu’il ignore encore
laquelle, cette information existe et lui est potentiellement accessible (en observant l’interféromètre par exemple) : les interférences disparaissent. Les photons
qui parviennent à Bob lui communiquent l’information qu’une branche est
bloquée. Cependant ces photons sont nécessairement passés par l’autre branche,
celle qui est ouverte ! Ce principe est à la base des mesures dites sans interaction
d’Elitzur-Vaidman [67].
Est-il possible de déterminer le chemin suivi par les photons dans l’interféromètre lors de l’interférence ? De façon astucieuse, en accord avec Alice et
Bob, Eve polarise à 45° les photons entrant dans l’interféromètre puis place un
polariseur horizontal dans la branche R et un polariseur vertical dans la branche
T (figure 4). Un photon polarisé à 45° possède une probabilité équivalente, ½,
de passer à travers ces polariseurs. Par conséquent, le flux des photons est réduit
de moitié dans chaque branche mais, surtout, les photons restants sont désormais polarisés orthogonalement entre les deux branches. Eve a encodé l’information du chemin suivi avec la polarisation, les alternatives étant |RH ⟩ et |TV ⟩
et . L’idée d’Eve est qu’il suffira désormais à Alice de mesurer la polarisation
des photons qui lui parviennent pour déterminer leur chemin dans l’interféromètre. Malheureusement, cette idée ne fonctionne pas en raison même du
succès de son objectif : en intriquant les informations de polarisation et de
branche parcourue, l’information sur le chemin suivi existe encore à la sortie
de l’interféromètre. Expérimentalement, les interférences disparaissent et Alice
et Bob reçoivent chacun la moitié des photons. Il n’est pas nécessaire qu’ils
connaissent le chemin suivi par chacun de leurs photons. Il est suffisant que
cette information soit potentiellement accessible, par une simple mesure de
polarisation des photons dans la base horizontale-verticale. Notons que le phénomène possède une explication classique simple : deux ondes lumineuses de
polarisations orthogonales ne peuvent interférer.
Une question intéressante se pose alors : puisque l’existence d’une information empêche l’interférence, que se passe-il si cette information est effacée ?
C’est l’idée au cœur de ce que l’on appelle désormais la gomme quantique. En
pratique, Alice et Bob placent des polariseurs à 45° juste devant leurs détecteurs,
loin de l’interféromètre. Comme les photons polarisés horizontalement ou verticalement ont la même probabilité ½ de passer un polariseur à 45°, après ces
polariseurs, il est effectivement devenu impossible de déterminer si la lumière
quelques apports essentiels de l’optique quantique
485
est passée dans la branche T ou dans la branche R de l’interféromètre. Alice
perd la moitié de ses photons et Bob n’en détecte plus un seul : les interférences
réapparaissent ! Classiquement, l’explication est sans complication : les polariseurs de sortie réduisent l’intensité de moitié et polarisent à 45° les ondes polarisées horizontalement et verticalement qui proviennent des branches R et T
de l’interféromètre ; leur polarisation étant désormais identique, elles peuvent
donc de nouveau interférer. Comme précédemment l’interférence est destructive chez Bob et constructive chez Alice. En revanche, si on aborde l’interprétation en considérant le photon comme une particule localisable, les paradoxes
abondent. Comment expliquer que, en fonction du placement ou non d’un
polariseur loin de la sortie de l’interféromètre, on en déduise des assertions
contradictoires sur le chemin suivi par le photon ? Quand le polariseur est placé,
on interprète que les photons sont passés par les deux branches, puisqu’il y a
interférence. Quand le polariseur est enlevé, on conclut qu’ils sont passés par
un chemin déterminé, puisqu’il n’y a pas d’interférence. De plus, Alice et Bob
peuvent en principe réaliser leur expérience tellement loin de l’interféromètre
que la détection s’opère bien après que toute la lumière ait quitté l’interféromètre : c’est ce qu’on appelle la gomme quantique à choix retardé [65].
Une légère adaptation de la dernière expérience illumine élégamment les
aspects paradoxaux que son interprétation soulève lorsqu’on y recherche une
indication de la nature de la lumière et du photon, indépendante du regard de
l’expérimentateur. Alice et Bob effectuent désormais une mesure de polarisation
dans une base de leur choix sur les photons qui leur parviennent. En pratique,
ils ont remplacé leur polariseur par une séparatrice polarisante précédée de
lames optiques (voir encart figure 4) permettant de sélectionner la base de
mesure de la polarisation et ils ont chacun placé deux détecteurs, situés aux
deux sorties de leur séparatrice polarisante. Pour rappel, l’information sur le
chemin parcouru par les photons a été encodée dans leur polarisation par Eve,
de telle sorte qu’Alice et Bob reçoivent actuellement chacun la moitié des photons en provenance de l’interféromètre. Il n’y a effectivement pas d’interférence
dans cette situation puisque l’information sur le chemin parcouru existe. Alice
et Bob choisissent, pour démarrer, de mesurer la polarisation de leurs photons
dans la base horizontale-verticale. Ils récupèrent effectivement l’information
sur le chemin parcouru, de telle sorte qu’ils identifient que tous les photons
polarisés horizontalement à la sortie de leur séparatrice polarisante sont passés
par la branche R, tandis que ceux de polarisation verticale sont passés par la
486
revue des questions scientifiques
branche T. L’interféromètre étant bien équilibré, ils en ont autant d’une polarisation que de l’autre. Ensuite, ils décident de mesurer la polarisation dans la
base diagonale-anti-diagonale. Ce faisant, ils appliquent une gomme quantique
et, en pratique, observent tous les deux des interférences. Tous les photons
d’Alice ressortent polarisés de façon diagonale (à 45°) et elle n’en observe aucun
à la sortie anti-diagonale. Bob, lui, constate que tous ses photons se retrouvent
à la sortie anti-diagonale et qu’aucun ne sort de la sortie diagonale (à 45°). Ils
en déduisent donc que leurs photons sont passés par les deux branches de
l’interféromètre. En choisissant une base intermédiaire entre les deux bases
précédentes, Alice et Bob obtiennent une information partielle et une visibilité intermédiaire du phénomène d’interférence. Dans cette expérience où tous
les photons provenant de l’interféromètre sont mesurés, l’expérimentateur trie
les photons qui lui parviennent suivant une règle de son choix (la base de polarisation). En fonction de la règle de tri qu’il sélectionne, son interprétation de
ce qui s’est passé préalablement dans l’interféromètre varie radicalement, d’une
localisation parfaite de la branche à une délocalisation complète ! Par exemple,
s’ils prennent des bases différentes, Alice peut déduire que tous ses photons
sont passés par une seule branche, tandis que, dans le même temps, Bob conclut
que les siens, au contraire, sont tous passés par les deux branches.
Notons que dans l’expérience de la gomme quantique, l’onde de sortie
acquiert une phase supplémentaire à celle directement due à son déplacement
dans l’espace physique. Il s’agit d’une phase géométrique, liée à l’évolution de
sa polarisation dans l’espace abstrait de la sphère de Bloch. Elle est donnée par
des angles solides définis à partir des polarisations adoptées durant la traversée
du dispositif optique [68]. De ce point de vue, l’onde est effectivement passée
par les deux branches lorsque la gomme quantique est appliquée, puisque sa
phase dépend des orientions des polariseurs dans les deux branches. Les phases
géométriques sont à l’origine d’effets quantiques très intéressants [61] et cette
notion a été introduite pour la première fois par Pancharatnam [69] dans les
années cinquante en étudiant la polarisation de la lumière ! Elle a ensuite été
redécouverte indépendamment par Berry dans les années quatre-vingt dans un
autre contexte [70]. La phase géométrique apparaît également lors de mesures
de corrélations à distance de photons intriqués impliquant une gomme quantique [71].
quelques apports essentiels de l’optique quantique
487
Conclusion
Dans cet article, nous avons décrit quelques découvertes et expériences des
quatre-vingt dernières années, qui permettent d’explorer les propriétés et comportements de la lumière, afin de tenter de découvrir sa nature. L’intensité de
la lumière est quantifiée et les photons apparaissent comme les excitations
discrètes du champ électromagnétique quantifié, dont l’origine s’explique par
des arguments de symétrie naturelle dans le cadre des théories de jauge. La
lumière n’a pas de masse et se déplace à la vitesse de… la lumière. Pour cette
raison, elle doit se considérer dans le cadre de la théorie de la relativité et le
photon n’est pas localisable au moyen d’une fonction d’onde comme peut l’être
un électron par exemple. La lumière présente tous les comportements quantiques paradoxaux quand on tente de comprendre ses comportements dans les
instruments optiques en termes de particules ou d’ondes classiques. La lumière
émise par un laser est dans un état cohérent, qui correspond à une superposition
quantique d’états propres de l’énergie : l’énergie et le nombre de photons y sont
donc intrinsèquement indéfinis ; cette source est aussi le plus proche de l’onde
classique. Toute l’énergie du photon est transférée à un seul détecteur derrière
une séparatrice, même s’il apparaît que le champ sonde toutes les branches dans
les interféromètres combinant plusieurs de ces séparatrices. En revanche, l’optique non linéaire convertit spontanément certains photons incidents en paires
de photons dans le processus de fluorescence paramétrique. L’intrication présente dans ces paires, qui assigne une propriété globale au système sans définir
celles de ses constituants, amène certains physiciens à les considérer comme un
seul objet délocalisé : le biphoton [34]. Les expériences de corrélations interférométriques indiquent en effet qu’une paire de photons interfère avec elle-même,
tout comme le photon interfère avec lui-même. Les corrélations à distance
observées de leurs propriétés violent les inégalités de Bell et soulèvent la question
de la non-localité des théories physiques, comme le font aussi des expériences
telles que la téléportation de la polarisation du photon. La lumière se considère
aussi comme un bit quantique représenté sur une sphère, transportant de l’information sous la forme de sa polarisation. Les corrélations à distance de la
polarisation des photons d’une paire ne permettent toutefois pas le transfert
d’information à une vitesse supérieure à celle de la lumière, en raison du caractère aléatoire des résultats de mesures quantiques. Suite à une faible interaction
avec son environnement, la lumière permet d’observer des effets quantiques
substantiels aux échelles macroscopiques en évitant de nombreux problèmes
488
revue des questions scientifiques
pratiques liés aux phénomènes de décohérence. Elle permet de réaliser des
expériences conceptuellement quantiques chez soi [66] et des expériences fondamentales de physique à destination des étudiants [46]. Des montages optiques
somme toute relativement simples à concevoir permettent l’investigation de
questions aux implications importantes pour notre compréhension de la nature
de la lumière et de la physique quantique. Il nous apparaît de façon synthétique
qu’appréhender la nature de la lumière et aborder les fondements et la signification de la théorie quantique constituent les facettes intriquées d’une question
conjointe.
La lumière est-elle une onde, une particule [72] ; alternativement, un
champ [73,74] ? Sa polarisation est-elle une sphère de Bloch ? L’attribution d’une
nature à la lumière dépendra encore de nos jours du point de vue que chacun
porte sur l’interprétation de la mécanique quantique. L’interprétation de l’interaction de la lumière avec un interféromètre comme sa propagation dans une
seule ou plusieurs branches peut être choisie par l’expérimentateur, rien qu’en
fonction des paramètres qu’il sélectionne pour la détection des photons. Dans
l’esprit des superpositions observées en physique dans les phénomènes quantiques, on pourrait dès lors être tenté de répondre que la lumière est en même
temps onde et particule, quoi que cela puisse signifier. Alternativement, on peut
raisonnablement avancer qu’elle n’est ni une particule classique, ni une onde
classique ; la physique quantique exclut ces possibilités. Si la proposition de
Louis de Broglie d’associer les quanta de lumière à des paires de neutrinos n’a
pas été fructueuse, je ne peux m’empêcher de terminer cet article par la description d’une dernière expérience qui trouve un écho dans l’interprétation de
« de Broglie – Bohm » de la physique quantique, dite de l’onde pilote [75]. Dans
cette interprétation, l’onde et la particule coexistent. L’onde se propage dans
tout l’espace, diffracte et interfère. Ce faisant, elle guide la particule localisée,
au gré de sa propagation. Seule la particule est observable mais son comportement est influencé par l’onde pilote.
Ces dernières années ont vu le développement de techniques de mesure
visant à rendre négligeable la perturbation de l’état quantique mesuré. Il s’agit
des mesures faibles [61,76]. Bien que l’information extraite d’une seule mesure
soit dès lors négligeable elle aussi, en répétant la mesure sur un grand nombre
de systèmes identiques, on retire au final des informations précises, que l’on
espère représentatives du système non perturbé. Une caractéristique essentielle
de ces méthodes est que la mesure est conditionnée à la sélection d’un sous-
quelques apports essentiels de l’optique quantique
489
ensemble des résultats possibles de l’expérience, correspondant à l’imposition
de conditions initiales mais aussi finales à l’évolution du système mesuré. Une
expérience particulièrement intrigante réalisée au moyen de la mesure faible
est la détermination de la trajectoire moyenne de photons isolés avant leur
arrivée sur un écran lors d’une expérience semblable à celle des deux fentes de
Young [77] (figure 5). Assez remarquablement, les trajectoires observées pour
la lumière dans cette expérience sont celles des particules prédites par l’interprétation de « de Broglie – Bohm » de la mécanique quantique. Notons que ce
résultat ne nous impose pas d’adopter le point de vue de cette interprétation et
en est indépendant [77]. Précisons aussi que l’interprétation générale des résultats des mesures faibles demeure sujette à controverses. Il n’en reste pas moins
que, dans cette configuration d’expérience, Alice et Bob interprètent désormais
qu’ils ont conjointement observé les interférences de la lumière et localisé son
trajet, de façon moyenne en tout cas.
Nous laisserons le mot de la fin à Roy Glauber, prix Nobel de physique en
2005, pour son développement de la théorie de la cohérence en optique, qui
permet de décrire les corrélations de photons et qui a mené à la description des
états cohérents du laser : « I don’t know anything about photons, but I know
one when I see one. » [78].
Figure 5 : Trajectoires moyennes de photons isolés dans un interféromètre
quantique déterminées au moyen de mesures faibles. From S. Kocsis et al.,
Science, vol. 332, pp. 1170-1173, 2011 [77]. Reprinted with permission from
AAAS.
490
revue des questions scientifiques
Remerciements
L’auteur est chercheur qualifié du Fonds de la Recherche Scientifique
F.R.S.-FNRS. Il remercie particulièrement M. Cormann, B. Hespel et P.A.
Thiry pour leurs encouragements pour entreprendre des recherches fondamentales en optique quantique.
quelques apports essentiels de l’optique quantique
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